À la Glacière

Découvrez grâce à la RATP et Gallica l'histoire des stations du métro parisien. Quatrième épisode de saison, à la station Glacière. 




Glacière est une station de la ligne 6 du métro de Paris, située dans le Nord-Ouest du 13e arrondissement, non loin de la rue de la Santé qui fait la jonction entre le 14e et le 13e. Elle est desservie pour la première fois par le chemin de fer métropolitain municipal de Paris au printemps 1906, avec la mise en service du tronçon entre Passy et Place d'Italie de la ligne 2 Sud. 

Détail de plan de métro parisien montrant une ligne rouge reliant plusieurs stations. Les tracés connectent notamment "Pl. St-Jacques", "R. de la Glacière" avec des cercles rouges marquant les stations. Les noms des voies et places figurent en caractères noirs sur fond beige. Le réseau de rues environnant apparaît en traits fins. La signalétique rouge identifie cette portion du transport urbain souterrain avec ses points d'arrêt et correspondances dans ce secteur parisien.

Plan de Paris [...], gravé chez L. Wurher, Juin 1907


La section Saint-Jacques, Glacière et Corvisart de la ligne 2 Sud (de la place Denfert-Rochereau à la place d’Italie) est une longue ligne droite suivant le tracé rectiligne de deux courts boulevards de la rive gauche : Saint-Jacques et Auguste-Blanqui. Ils figurent parmi les boulevards dits « du Midi » créés au XVIIIe siècle, et dont l’urbanisation ne commence réellement qu'à la fin du XIXe siècle. Avant sa destruction en 1860, le mur des Fermiers généraux les scindait même en deux parties, dont seule celle au nord du mur appartenait à Paris. La partie sud du boulevard Auguste-Blanqui, dont la dénomination date de 1905, est alors le boulevard de la Glacière, qui est perpendiculairement croisé par une rue portant le même nom. Tous ces éléments toponymiques sont repérables ci-dessous sur le détail de ce plan de Paris fortifié et de ses communes environnantes, édité par Andriveau-Goujon en 1844. 
 

Détail de plan urbain montrant un quartier avec réseau de rues et îlots bâtis. Les voies apparaissent délimitées en traits fins formant le maillage urbain. De nombreux toponymes identifient les rues en caractères noirs, notamment "LA GLACIERE", "Mont Souris", "Hospi Ste Anne". Les îlots construits sont figurés par des hachures. Les espaces libres apparaissent en aplats beiges.
Plan de Paris fortifié et de ses communes environnantes, édité par Andriveau-Goujon en 1844



La station prend logiquement le nom de Glacière, tiré du toponyme d'un hameau qui appartenait justement à une commune environnante de Paris, Gentilly. Le hameau de la Glacière, et son chemin correspondant aujourd'hui à la « rue de le Glacière », existent alors depuis le XVIIe siècle et sont reconnaissables sur les premiers plans de la capitale connus. La Bièvre, rivière qui part de Guyancourt et va alors jusqu'à la Seine, y passe et alimente des petites étendues d'eau qui gèlent l'hiver. La glace est récupérée puis entreposée dans des édifices adaptés, des glacières, pour être ensuite vendue et consommée en toute saison. Avec l'extension de Paris en 1860 jusqu'à l'enceinte de Thiers, cette partie de Gentilly est rattachée à Paris.

 

Coupe géologique transversale montrant les strates traversées par une infrastructure souterraine. Le profil révèle différentes formations géologiques identifiées par des annotations en haut du document. Les couches sédimentaires apparaissent figurées par des hachures et motifs variés selon leur nature. Une structure souterraine serpente à travers les terrains. Les stations ou points remarquables sont indiqués le long du tracé. Le fond présente un quadrillage structurant cette représentation technique.

Le chemin de fer métropolitain municipal de Paris. Ligne circulaire n° 2 (rive gauche) [...], par Jules Hervieu, 1908


Au début du XXe siècle, les travaux nécessaires pour le passage du métro doivent ainsi composer avec la nature des sols de l'ancien hameau, qui n'aura pas seulement influé sur le nom des rues et de la station. Comme la ligne doit en effet traverser la dépression de la Bièvre large de 866 mètres, parfaitement visible ci-dessus sur cette coupe du tracé -dont une autre version est disponible dans le Génie civil- la solution aérienne s'impose. La rivière qui courait encore à Paris vient d'être progressivement recouverte et il faut donc construire cette portion de ligne en viaduc aérien, une opération facilitée par l'espace laissée par la destruction du mur des Fermiers généraux. De la station Glacière à la place d’Enfer sont ainsi érigés 1400 mètres de viaduc métallique. Celui-ci est préassemblé au sol par groupe de trois poutres qui sont ensuite levées et positionnées grâce à deux ponts roulants. Une technique répandue depuis le milieu du XIXe siècle, puisque ces engins de levage sont alors utilisés dans les industries de la métallurgie et dans les chantiers navals.

Photographie en noir et blanc montrant la construction du viaduc du boulevard d'Italie près de la rue Vergniaud. La structure métallique du viaduc en cours de montage s'élève au-dessus de la chaussée pavée. Des échafaudages et structures de soutènement entourent l'ouvrage. Quelques silhouettes humaines animent la scène de chantier. Les arbres d'alignement bordent l'avenue. La légende précise "VIADUC EN COURS DE MONTAGE" sous cette image documentaire des travaux d'infrastructure.

Chemin de fer métropolitain municipal de Paris. Tome 1, Ligne circulaire sud 1902-1905 / Union photographique française

 

La station aérienne une fois construite est donc originellement desservie par la ligne 2 sud à partir de 1906. Cependant, un an plus tard, cette dernière est absorbée par la ligne 5 reliant la place de l'Étoile à la station Lancry (actuellement Jacques-Bonsergent). 

Détail de plan de métro parisien montrant plusieurs lignes et stations dans le secteur sud. Les tracés des lignes apparaissent en violet reliant les stations "ST. JACQUES", "GLACIÈRE", "CORVISART". Des cercles violets marquent les emplacements des stations sur le réseau. Les noms figurent en caractères noirs sur fond beige. Le réseau de rues environnant est représenté en traits fins. Les lignes de transport souterrain se croisent aux points de correspondance.

Un partie de la ligne 5 en 1914, sur le Nouveau Plan du Métropolitain [...], par Blondel La Rougery

En 1931, ce tronçon de la ligne 5 entre Étoile et Place d'Italie est ensuite intégré temporairement à la ligne 6, laquelle relie désormais Étoile à Nation (une première section de la ligne 6 avait été mise en service de la Place d’Italie à Nation en 1909), afin de mieux desservir l'Exposition coloniale qui a lieu à la porte Dorée de mai à novembre de cette année-là. Puis la ligne 2 absorbée, et la station Glacière, rejoignent définitivement la ligne 6 en 1942.


La Glacière c'est aussi 

Le lieu de vie et de mort du protagoniste d’une chanson réaliste d’Aristide Bruant, issue du recueil de « Chansons et monologues » Dans la rue, publié en 1899.

Quelques années avant la construction de la station, les alentours de la Bièvre n’y sont pas présentés comme pleinement fréquentables puisque le chansonnier et « poète des bas-fonds » Bruant narre le destin tragique de ce caïd borgne du 13e arrondissement, ses activités laborieuses comme crapuleuses, et les nombreux « gnons » et « marrons » encaissés tout au long de sa vie (à la plage 4 du microsillon ci-dessous)

Aristide Bruant dans son cabaret, Pathé Marconi (Paris), BnF, Département SVM, C-21516 


Celle-ci, commencée par des galipettes dans le lit de la Bièvre, s’achève « cafetière retournée » sur les pavés de la rue de la glacière.

Page de livre présentant une chanson avec illustration. Le texte en vers évoque "la Glacière" avec des rimes en "-ière". Deux strophes de quatre vers chacune occupent la partie supérieure. Une gravure en noir et blanc figure en bas montrant un paysage nocturne avec étendue d'eau et silhouettes au bord. Les hachures créent les effets d'ombre et de lumière. Le numéro de page "113" et l'en-tête "Dans la Rue" apparaissent en haut du document imprimé.


 

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