L'ajonc

L’ajonc est un buisson armé de nombreuses épines acérées; pourtant, il mérite mieux que notre dédain. Il possède en effet de nombreux atouts qui ont de quoi piquer notre intérêt.

Plante buissonnante de la famille des Fabacées (anciennement Papilionacées ou légumineuses), voici l’ajonc (Ulex) ou plutôt devrions nous dire les ajoncs puisque ce terme vernaculaire regroupe pas moins de cinq espèces en France : (Ulex europæus, U. gallii, U. breoganii, U.minor et U. parviflorus) ainsi qu’un hybride naturel (Ulex europæus x gallii). 

Cet arbuste vivace et persistant possède de nombreux rameaux lui donnant un port très touffu. Ses branches portent quelques petites feuilles piquantes et mais aussi de très nombreuses épines qui peuvent mesurer jusqu’à 5 cm pour Ulex europæus. Il a si peu de feuilles que la photosynthèse est principalement effectuée par les épines. Les fleurs sont jaunes mais avec des variations de teintes selon les espèces.

 Siélain, R.., Atlas de poche des plantes des champs, des prairies et des bois, à l'usage des promeneurs et des excursionnistes, Paris, P. Klincksieck, 1896.

Cette plante se plaît dans des terrains acides comme les landes ou les marais. Elle est tellement présente en Bretagne qu’elle en est devenue la fleur symbole (« la fleur d’or des bretons »), Lann en breton. En effet, on y trouve pas moins de trois espèces d’ajoncs (Ulex europæus, U. gallii et U.minor) qui ont inspiré les artistes et les contes. Ces trois espèces fleurissant à différents moments de l’année peuvent faire penser qu’elle fleurit toute l’année. Ainsi, Ulex europæus fleurit d’octobre jusqu’au printemps, puis Ulex minor, de juillet à octobre puis Ulex gallii, d’août à décembre. 

Henri Rivière, [Les Meules d'ajoncs], estampe, 1908.

Ailleurs en France, on trouve les ajoncs là où il y a des landes. Plusieurs noms vernaculaires sont utilisés comme jaunet, jonc ou genêt épineux, vignon, lardier… Autre particularité: les ajoncs sont tous considérés comme espèces invasives sur l’île de la Réunion où leur introduction a trop bien réussie !

Les fleurs de l’ajonc sont hermaphrodites et se composent d’un pédoncule pubescent; le calice comporte lui-même deux sépales, bien visibles lorsque la fleur est encore en bouton. La corolle possède 5 pétales dont la disposition fait penser à un papillon jaune. Bien que pauvre en nectar, cette fleur est très mellifère et attire les pollinisateurs grâce au puissant parfum exotique de noix de coco. Après fécondation la fleur se transforme en gousse contenant de petites graines rondes très appréciées des fourmis qui contribueront à sa propagation. 

Jean Bourdichon, « Jonc marin », Horae ad usum Romanum, dites Grandes Heures d'Anne de Bretagne, 1503-1508.

Plante poussant sur des terres pauvres et hostiles, les habitants ont très tôt su en tirer parti. En effet, l’ajonc,  comme les Fabacées fixe l’azote dans le sol grâce à des bactéries contenues dans les nodules sur les racines. C’est pourquoi, l’ajonc était utilisé comme engrais pour améliorer la terre, soit en l’enfouissant directement, soit sous forme de cendres après avoir été brûlé.

Théodore Botrel, « Fumée d’ajonc »,  Les Belles chansons de France : revue familiale musicale et littéraire illustrée publiée avec la collaboration de tous les chansonniers, Paris, G. Oudet, février 1924

Plante très apprécié des terres ingrates et arides, l’ajonc est parfois appelé la « luzerne des terrains pauvres » ; séché,  il aurait même une capacité nutritive plus élevée que le foin grâce à forte teneur en protéines. D’ailleurs de nombreux auteurs du XIXe et début du XXe siècle (comme ici ) louent les vertus économiques de cette plante comme fourrage des animaux ou comme litière. Pour les bovins, il convenait de broyer la plante avec un appareil de ce type : 

MM. Wedlake et Louis-Philippe Porquet, Publicité parue dans Culture de l'ajonc ou genêt épineux : ses usages, son application à la nourriture des bestiaux, Paris,  P. Blandin, 1857

 

Henri-Louis Duhamel Du Monceau, « Ulex Europeus », Traité des arbres et arbustes que l'on cultive en France en pleine terre, Paris, chez Didot aîné, 1800-1805

L’ajonc est également très inflammable, et, étant très rameux, il produit un bois de chauffage bon marché, surtout dans des régions pauvres en arbres. Les artisans, comme les ferronniers ou les boulangers, appréciaient cette ressource peu chère afin de maintenir leur feu allumé, et les paysans pouvaient ainsi obtenir un revenu complémentaire.

Ainsi lors de vos prochaines balades, ne pestez plus contre l’ajonc qui pourrait accrocher vos vêtements. Rappelez-vous ces nombreux usages d’hier et le refuge qu’aujourd’hui procurent ces buissons piquants à de nombreux passereaux qui y font leur nid.

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