En 1925, le Sénat protège le fromage de Roquefort
Le Roquefort est un fromage à pâte persillée fabriqué avec du lait de brebis. Son origine remonte au XIe siècle. En 1925, les sénateurs adoptent une proposition de loi pour empêcher les contrefaçons fabriquées avec du lait de vache.
Au Moyen Âge, une charte accordée par le roi Charles VI octroie un statut légal au fromage de Roquefort. Ce dernier se présente déjà comme un fromage marbré, fabriqué avec du lait de brebis et affiné dans les caves naturelles des Causses. Avec le temps, le fromage de Roquefort est victime de sa réputation : de nombreuses contrefaçons commencent à circuler, fabriquées avec du lait de vache dont le prix de revient est deux fois moins cher.
Sur le plan gustatif, le faux Roquefort se révèle moins savoureux que le fromage à base de lait de brebis. Le Roquefort au lait de vache nuit ainsi à la réputation du Roquefort authentique en dégradant l’image de ce dernier dans l’esprit des consommateurs. Sur le plan commercial, le faux Roquefort prive les producteurs de lait de brebis d’une source de revenus importante, nuisant à une grande partie de la population des Causses qui vit principalement de cette activité.
Le fromage de Roquefort s’exporte bien : près de la moitié de la production nationale est vendue dans les pays du monde entier. Ce commerce fait entrer des devises étrangères sur le territoire français et participe à l’équilibre de la balance commerciale. Les contrefaçons provenant de l’étranger constituent un manque à gagner pour le budget de la France.
Le 24 mars 1925, pour remédier à l’ensemble des problèmes posés par le Roquefort au lait de vache, le sénateur de l’Aveyron, Joseph Monsservin, et plusieurs de ses collègues déposent une proposition de loi ayant pour but de garantir l’appellation d’origine du fromage de Roquefort.
L’exposé des motifs rappelle la méthode employée par les ouvrières pour la fabrication du Roquefort : le lait de brebis, transformé en caillé, est ensemencé de pain moisi puis moulé en pains de fromage de forme cylindrique. Ces derniers sont affinés dans des caves naturelles dont l’air froid et humide favorise le développement des moisissures.
Le texte énumère ensuite les dégâts collatéraux causés par le Roquefort au lait de vache et explique pourquoi il est impératif d’y remédier. En effet, dans les départements de l’Aveyron, du Tarn, de l’Hérault, de la Lozère, du Lot et de la Corse, la contrefaçon du Roquefort porte préjudice à plusieurs secteurs de l’économie, en plus de celui de l’élevage de brebis.
Tout d’abord, l’industrie du bois souffre des contrefaçons de fromages venant d’autres régions, car c’est autant d’emballages de Roquefort qui ne sont plus fabriquées dans les départements producteurs de lait de brebis.
Ensuite, les secteurs de la mégisserie, de la teinturerie et de la ganterie de Millau, pâtissent de la diminution du cheptel ovin dans les Causses puisque la matière première qu’ils transforment est la peau des jeunes agneaux.
Enfin, les fabriques de drap de Castres et de Mazamet (Tarn) souffrent de la réduction progressive de l’effectif des troupeaux car la matière première qu’elles travaillent – la laine – se raréfie.
Aussi, est-il primordial de protéger le fromage de Roquefort d’une concurrence déloyale, pour maintenir l’élevage ovin dans les départements qui le produisent et protéger par ricochet tous les secteurs de l’économie qui en dépendent.
La proposition de loi de Joseph Monsservin est renvoyée à la commission de l’agriculture qui confie la rédaction de son rapport à Fabien Duchein, sénateur de la Haute-Garonne. Celui-ci invite le Sénat à adopter le texte.
Le 9 juin 1925, la proposition de loi est examinée en séance publique et les sénateurs décident de la renvoyer à la commission. Le sénateur Duchein dépose un second rapport le 7 juillet et la proposition de loi est finalement adoptée le 11 juillet 1925.
Pour aller plus loin
Si vous souhaitez de plus amples informations sur les sénateurs à l’origine de cette loi, consultez les notices biographiques de Joseph Monsservin et Fabien Duchein.
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