Papers by Christian Grosse
Selon un récit traditionnel, le XVI e siècle serait dominé par l'intolérance, la tolérance, comme... more Selon un récit traditionnel, le XVI e siècle serait dominé par l'intolérance, la tolérance, comme valeur positive, n'émergeant qu'à la fin du XVII e siècle, et davantage encore à l'époque des Lumières, avant de s'imposer plus largement aux XIX e et XX e siècles et de constituer l'un des fondements des sociétés occidentales modernes. Ce texte vise à mettre ce récit à l'épreuve de l'histoire de la coexistence confessionnelle dans le bailliage d'Orbe-Echallens. L'examen de ce contexte particulier oblige en effet à inverser dans une certaine mesure un certain nombre d'idées reçues.

Le réformateur Pierre Viret (1511-1571) est longtemps resté dans l'ombre des deux autres grandes ... more Le réformateur Pierre Viret (1511-1571) est longtemps resté dans l'ombre des deux autres grandes figures avec lesquelles il forme le Triumvir de la Réforme en Suisse romande, Guillaume Farel (1489-1565) et, surtout, Jean Calvin (1509-1564). Seul acteur indigène de la conversion de la Suisse romande aux idées protestantes, puisqu'il est né dans la ville d'Orbe (canton de Vaud actuel), il a d'abord été destiné à la prêtrise. Il s'engage à cette fin dans des études de théologie au Collège de Montaigu à Paris, qu'ont également fréquenté non seulement Calvin, mais aussi le futur fondateur de l'ordre jésuite, Ignace de Loyola. Soupçonné de partager les nouvelles idées religieuses et risquant par conséquent d'être visé par les persécutions qui se renforcent au tournant des années 1530, il retourne en Suisse avant d'être parvenu au terme de ses études. Comme cela sera le cas plus tard pour Calvin, sa rencontre avec Guillaume Farel en avril 1531 sera déterminante pour la suite de son parcours. C'est ce dernier qui le pousse en effet à surmonter sa timidité et sa modestie et à épouser, dès le mois de mai suivant, la carrière de prédicateur protestant, dans un contexte romand dominé par la ville de Berne, passée aux idées réformées en 1528. La doctrine développée à Zurich par Ulrich Zwingli (1484-1531) constitue alors la source principale des idées réformées qui circulent dans l'espace romand. Dès cette époque, Viret assume un rôle central pour la diffusion de ces idées à l'intérieur de cet espace. Il les propage dans un premier temps comme prédicateur itinérant et arpente à cet effet toute la Suisse romande. Mais il prend aussi assez rapidement la plume pour prolonger ce travail de persuasion par le biais de l'imprimé. On suspecte ainsi qu'il a participé à la publication de plusieurs textes polémiques anonymes rédigés par le « Groupe de Neuchâtel », constitué de prédicateurs réunis autour de l'imprimeur établi dans cette ville, Pierre de Vingle (1495-1536), d'où proviennent aussi les fameux « Placards » qui ont dénoncé en 1534 la messe comme un sacrifice sanglant et déclenché un nouveau renforcement de la répression contre les milieux proches du protestantisme en France. Après avoir contribué à défendre les doctrines réformées à Genève, à l'occasion d'une dispute publique, en 1535, il est nommé pasteur de Lausanne l'année suivante, à la faveur de la conquête bernoise du Pays de Vaud. Dès 1537, il est le premier pasteur de la ville, contribuant à ce titre à l'institution de l'Académie protestante de Lausanne et séjournant parfois à Genève où il contribue à la stabilisation de l'Église réformée sous la direction de Calvin. Il demeure en poste jusqu'à ce qu'un conflit avec les autorités bernoises au sujet de l'exercice de la discipline ecclésiastique le contraigne à quitter Lausanne. Il poursuit alors sa carrière pastorale, d'abord à Genève (1559-1561), puis jusqu'à la fin de sa vie en France et en Béarn, où il est un acteur de premier plan de la consolidation des Églises réformées, à l'époque où elles sortent de leur phase de clandestinité et se constituent en réseau ecclésiastique structuré, disposant d'une constitution (« discipline ») commune et revendiquant la reconnaissance royale. Si Viret a donc été une cheville ouvrière à des moments clé de l'histoire des Églises réformées francophones dans leur ensemble et s'il a mis au service de cette activité ses dons d'orateur reconnus par tous ceux qui ont eu l'occasion de l'entendre prêcher, il n'a jamais renoncé, tout au long d'une carrière très chargée, à faire entendre ses convictions au-delà des temples, en livrant aux presses une production écrite extrêmement abondante. Alors que Calvin est celui qui a constitué la théologie réformée en un corps de doctrine cohérent dans ses livres, en particulier avec son Institution de la religion chrétienne (1536, pour la première édition latine, 1541, pour la première traduction française), Viret apparaît comme celui qui a été le vulgarisateur par excellence d'une théologie en phase avec celle de Calvin, mais porteuse aussi de ses propres accents. Souvent directement nourrie par sa prédication, visant un public élargi au-delà de celui des théologiens confirmés et pour ces raisons rédigée majoritairement en français plutôt qu'en latin, sa production imprimée se place au deuxième rang, après celle de Calvin, du vivant de ce dernier, en terme de nombre d'éditions et de
Construction internationale de la Réforme et l'espace romand à l'époque de Martin Luther Type de ... more Construction internationale de la Réforme et l'espace romand à l'époque de Martin Luther Type de publication: Collectif Directeurs d'ouvrage: Solfaroli Camillocci (Daniela), Fornerod (Nicolas), Crousaz (Karine), Grosse (Christian) Résumé: Dans les premières années de diffusion de la Réforme, l'espace romand a représenté un laboratoire d'expériences originales et cruciales pour l'histoire religieuse européenne. À partir des marges géographiques et des zones de passages, ce collectif interroge les dynamiques complexes des confrontations religieuses. Nombre de pages: 376

Toutes les sociétés ont mis au point des « moyens d'orientation » (Norbert Elias) dans le temps d... more Toutes les sociétés ont mis au point des « moyens d'orientation » (Norbert Elias) dans le temps de différents ordres : avec les calendriers, les cadrans solaires ou encore les horloges, les rituels font partie de ces moyens. En tant qu'ensembles d'actions et de discours réglés, à la fois formalisés et situés dans le temps, les rituels assument cette fonction en introduisant une discontinuité dans le flot continu du temps social et en établissant une distinction entre ce dernier et le temps de la célébration. Ils constituent un dispositif culturel de maîtrise du temps, dans la mesure où ils lui confèrent une forme en plaquant sur le déroulement de la vie quotidienne un rythme qui joue fondamentalement du contraste entre le temps social et le temps du rituel. Celui-ci se distingue des activités ordinaires par le fait que les actions [395] et les discours dont il est formé lui appartiennent en propre et revêtent un caractère répétitif et immuable, qui contraste avec l'hétérogénéité de la vie quotidienne. Face à la diversité des manières de se situer dans le temps, de l'expérimenter, qui peut être aussi étendue que le nombre des individus qui composent une société, face à la relativité par conséquent extrême du temps vécu, les rituels imposent donc des modèles de scansion de la durée collectivement construits. Les rythmes qu'ils formalisent opèrent généralement une mise en relation du temps social avec des points de repère placés en dehors de lui et qui ont de la sorte pour effet de naturaliser et d'objectiver la structure temporelle qu'ils ordonnent : cette structure peut ainsi s'agencer par exemple en référence à la succession des saisons, des phases solaires ou lunaires, à des événements fondateurs constituant des points initiaux à la suite desquels s'enclenche une histoire qui peut être cyclique ou linéaire, ou encore à différentes étapes de la vie individuelle-sans que ces divers repères soient d'ailleurs exclusifs les uns des autres. Reconnaître les rituels comme des instruments collectifs de maîtrise du temps implique de ne pas les considérer isolément, mais de les envisager comme parties d'un système ou d'une « séquence », pour reprendre un terme employé par Arnold van Gennep, c'est-à-dire comme intégrés à des ensembles larges d'événements ritualisés qui formalisent une manière particulière d'aménager le déroulement du temps. La prise en compte de ces ensembles a conduit les anthropologues et les historiens qui se sont intéressés à cette question à distinguer et à classifier différents systèmes rituels selon le type de repères extérieurs en fonction desquels ils sont organisés. On a ainsi proposé une distinction entre les rituels biographiques et périodiques en différenciant ces derniers en « cérémonies cycliques, qui […] correspondent plus ou moins aux saisons ; cérémonies calendaires, qui se succèdent selon l'ordre du calendrier solaire et ne s'exécutent en règle générale qu'un seul jour par an ; cérémonies agraires, qui dépendent uniquement des travaux ruraux » (Van Gennep). D'autres ont proposé de faire la distinction entre rituels calendaires et rituels commémoratifs (Bell). Quelle que soit la catégorie à l'intérieur de laquelle ont les range et par conséquent le type de structure temporelle dont ils imprègnent le temps social, les rituels, en tant que succession d'actions et de discours ordonnée, épousent nécessairement eux-mêmes une structure temporelle. Cette structure a notamment été analysée par Arnold van Gennep dans le livre qu'il a consacré à l'une des catégories de rituels organisant le déroulement du tempsceux qui codifient le passage d'une étape de la vie à une autre et qu'il a appelés pour cette raison les rites de passage. Son analyse, qui mettait en évidence une morphologie commune à cette [396] catégorie de rituels qui fait se succéder une phase préliminaire, une phase liminaire et une phase de réintégration, a permis de penser la structure temporelle des rituels. Si les rites de passage permettent de faire passer un individu d'un stade de sa vie, correspondant à une identité ou à un statut particulier, à un autre, les rituels qui organisent le temps collectif fonctionnent également, de manière générale, selon un ordre ternaire, dans lequel une étape préparatoire précède le temps du rituel proprement dit, qui débouche lui-même sur une phase de retour dans

Remontant à une origine très ancienne, l'usage des cloches ne s'est répandu dans les sociétés chr... more Remontant à une origine très ancienne, l'usage des cloches ne s'est répandu dans les sociétés chrétiennes occidentales qu'aux V e et VI e siècles, à partir de la province de Campanie en Italie, d'abord dans les monastères, puis dans les paroisses. Avec leur diffusion se forme dès le Moyen Âge un paysage sonore extrêmement dense qui structure à la fois l'espace et le temps collectif et constitue, jusqu'au XIX e siècle, l'un des principaux instruments de communication publique. Si la puissance des cloches dessine un espace de souveraineté et si chaque paroisse finit par posséder sa propre tonalité, ce sont avant tout les rythmes de la vie collective qui sont organisés par les sonneries campanaires. Très variable d'une localité à l'autre, de telle sorte qu'il demeure difficile à reconstituer, le réseau sonore que tissent les cloches comprend en général des registres de sonorité religieuse et civile, auxquelles s'ajoutent celles qui scandent la vie professionnelle. Les cloches indiquent ainsi la succession des offices liturgiques quotidiens et reflètent même hors des édifices religieux certains des actes cultuels qui y sont accomplis. Ce temps ordinaire de la célébration religieuse connaît des rythmes variables. La structure des heures canoniales est certes relativement stable (matines ou vigiles, laudes, prime, tierce, sexte, none, vêpres complies), mais elle peut varier selon les saisons, ou correspondre, selon les époques, à des heures du jour et de la nuit différentes. A l'intérieur de cet ordre quotidien, des accentuations diverses peuvent également intervenir. L'angélus, qui fait l'objet d'une sonnerie spécifique, est ainsi d'abord une prière du soir, avant de devenir aussi une prière du matin et de midi. En France, Louis XI fait en 1472 de l'angélus de midi un moment particulièrement solennel d'oraison en faveur de la paix du royaume, impliquant la cessation de toute activité ; la pratique de l'angélus ne s'étend cependant que progressivement au cours de l'Ancien Régime avant de devenir au XIX e siècle, comme en témoigne le fameux tableau de Jean-François Millet (L'Angélus,1858), l'emblème même de la piété rurale. Les cloches marquent aussi les temps forts du calendrier liturgique, en [67] sonnant pour les fêtes qui rythment le sanctoral et le temporal ou en accompagnant les différentes étapes des processions qui parcourent les agglomérations à l'occasion de ces fêtes. Elles contribuent aussi à la célébration religieuse des événements politiques les plus importants en convoquant la population aux Te Deum ou aux jeûnes. Elles signalent encore les phases centrales du cycle de vie des fidèles puisqu'elles retentissent souvent pour les naissances et les mariages et que le glas annonce toujours leur décès, appelant du même coup chacun non seulement à prier pour l'âme du défunt, mais aussi à se préparer à sa propre mort. Au langage sonore déployé par l'Eglise se sont progressivement ajoutées des sonneries revêtues d'une signification civile. Les séances des instances officielles sont convoquées au son des cloches, les décisions de justice les plus graves, telles que les exécutions capitales, sont annoncées par la même voie ; le début de la journée, coïncidant souvent avec l'ouverture des portes de la ville, et la fin de la journée, avec la clôture des portes et le couvre-feu, sont communiquées par des cloches au son particulier, souvent désignées comme « Réveil-matin » et « Retraite », quand ce n'est pas l'appel aux services divins du matin et du soir qui servent à marquer en même temps le début et la fin de la journée. Toutes les cités se sont également dotées d'un « tocsin », qui alerte les citadins au sujet des dangers qui les menacent et les appelle à la mobilisation. La capacité de produire ce discours sonore civil constitue alors l'une des formes d'exercice de l'autorité et l'un des symboles de la souveraineté : dans ces conditions, la prise des villes entraîne souvent la confiscation ou la destruction de ses cloches. Les institutions, comme les écoles, et l'activité économique se calent toujours plus sur des rythmes indiqués par des sonneries : elles signalent par exemple les heures d'ouverture du marché ou les phases de la journée durant laquelle les artisans dont les activités sont particulièrement bruyantes peuvent exercer leur métier.

Le calendrier liturgique ordonne le temps en imposant une distinction entre, d'une part, des jour... more Le calendrier liturgique ordonne le temps en imposant une distinction entre, d'une part, des jours et des périodes fortement valorisés, et, d'autre part, des jours et des périodes ordinairesune distinction que l'on peut caractériser, sans en étendre cependant trop la portée, en référence aux catégories du « sacré » et du « profane ». À partir du XVI e siècle, et davantage encore après le XIX e siècle, on parle généralement d'« année liturgique » pour désigner l'ensemble des événements que comporte ce calendrier. Le coeur et l'origine du calendrier liturgique chrétien réside dans la complémentarité entre les cultes dominicaux et les fêtes de Pâques et de Pentecôte. Ce premier noyau du calendrier possède à l'origine une connotation fortement eschatologique : il inscrit les fidèles du Christ dans un temps linéaire, celui de l'histoire du « salut », tendu vers l'accomplissement de la rédemption. Au IV e siècle, cette dimension eschatologique s'affaiblit tandis que s'affirme la fonction commémorative et historique des célébrations du calendrier, qui ramènent les fidèles aux épisodes fondateurs de la vie du Christ, du point de vue de l'histoire du « salut ». C'est dans ce contexte que se forme le cycle qui célèbre la naissance de Jésus, au centre duquel se trouvent l'Avent, Noël et l'Epiphanie. À la même époque, les pratiques du Carême qui précèdent Pâques et qui sont à l'origine inspirées de la préparation des catéchumènes à leur première communion, sont également fixées. Dès le IV e siècle, un ensemble de célébrations qui renvoient, d'une part, à la naissance et, d'autre part, à la mort du Christ est ainsi fixé. Très tôt, c'est-à-dire dès le second siècle, se développe par ailleurs un autre ensemble, constitué par les fêtes des premiers martyrs, dont on célèbre le dies natalis, c'est-à-dire la date de décès qui correspond à leur naissance au ciel, auxquelles s'ajoutent progressivement les fêtes des saints. La formation de ce second ensemble s'inscrit dans une durée plus longue. On y repère en particulier l'institution, entre le IV e et le VII e siècle, d'un certain nombre de fêtes dédiées à la Vierge, ainsi que d'autres fêtes consacrées aux apôtres. Ce versant du calendrier connaît ainsi un développement continu, dans lequel on peut encore observer l'ajout au XI e siècle par l'ordre clunisien d'une commémoration de tous les défunts, [60] fixée au 2 novembre, au lendemain de la fête de tous les saints. Le calendrier liturgique chrétien apparaît ainsi comme divisé en deux parties. Le « temporal » ou « propre du temps », centré sur la vie du Christ, occupe la première partie de l'année, entre le mois de décembre et celui de juin. Il commence le premier dimanche suivant la Saint-André (30 novembre) avec les quatre semaines de l'Avent, qui préparent à la célébration de Noël, le 25 décembre. L'autre élément central du cycle de Noël, c'est la fête de l'Epiphanie, le 6 janvier, qui commémore la reconnaissance et l'adoration de Jésus par les mages. La célébration des mariages, interdite durant toute la période de l'Avent, est à nouveau autorisée à partir de cette date. Autour du noyau de ce cycle que représente, l'Avent, Noël et l'Epiphanie, se sont agrégées d'autres fêtes, en particulier celles des Saints Innocents (28 décembre) et de la Circoncision (1 er janvier), qui ont contribué à donner, à la fin du Moyen Âge, à ce cycle le caractère d'une fête célébrant les valeurs familiales. À la suite du cycle de Noël s'insère, du 20 janvier au 14 février, un temps plus bref, qui reste centré sur la vie du Christ, puisqu'y figure la fête de son baptême (13 janvier) et, surtout, la Chandeleur (2 février), qui célèbre sa présentation au temple, fête qui est associée, dès le XIV e siècle, à la purification de la Vierge (ses relevailles), mais qui marque aussi le début de la période du carnaval. Le cycle suivant est rattaché à Pâques. Il introduit dans l'année liturgique une variable mobile, puisque la fixation de ses dates dépend du calendrier lunaire et non du calendrier solaire. Pâques peut par conséquent intervenir entre le 22 mars et le 25 avril. De sa date, dont la détermination fait l'objet du comput ecclésiastique, dépend la période de l'année durant laquelle prend place tout le cycle pascal. Celui-ci débute par le neuvième dimanche avant Pâques (dimanche de la

Almamach D'origine incertaine, le terme d'almanach remonte probablement à l'arabe andalou où il p... more Almamach D'origine incertaine, le terme d'almanach remonte probablement à l'arabe andalou où il pourrait avoir caractérisé des tableaux astrologiques ou des instruments pour calculer le temps, et renvoyer par là au calendrier. Il se répand à partir du latin médiéval dans les langues vernaculaires à la fin du Moyen Âge. Depuis la deuxième moitié du XV e siècle, il désigne une publication de large consommation, souvent pourvue d'illustrations, centrée sur le calendrier, mais intégrant ce dernier dans un ensemble plus large où figurent des prévisions météorologiques, des prescriptions morales ou religieuses, concernant notamment la préparation à la mort, ainsi que des recommandations au sujet des pratiques à accomplir en différentes saisons, en matière d'agriculture, de diététique et de médecine ou encore des récits d'événements insolites. Publié à Paris en 1491, le Compost et kalendrier des bergers, constitue un prototype du projet commercial de l'almanach, qui consiste à [11] compiler autour du calendrier un éventail de textes d'origine diverse qui ont en commun d'offrir à l'usager potentiel un ensemble d'instruments qui lui permettent de s'orienter dans le temps et d'ordonner ses activités en fonction de paramètres temporels. L'almanach constitue dès lors l'un des principaux supports de diffusion des calendriers et s'identifie longtemps à ce dernier. Les dictionnaires du XVII e et du XVIII e siècle, notamment celui de l'Académie française, le définissent d'ailleurs comme un calendrier. Il fournit en effet des indications sur les fêtes de l'année liturgique, les jours de marché et sur les différentes configurations célestes : positions du soleil, des étoiles, phases de la lune au cours de l'année, éclipses, équinoxes et signes du zodiaque. Le terme « compost », que l'on trouve dans l'intitulé de nombreux almanachs, vient du terme latin « computare » (compter, calculer) et renvoie au comput ecclésiastique : il rend compte du fait que l'almanach indique toutes les techniquesparfois complexes-qui permettent de déterminer les dates des fêtes liturgiques, dont une partie est mobile et dépend des cycles lunaires. Jusqu'au XVII e siècle, les « pronostications », fondées sur l'astrologie, constituent l'une des clés du succès des almanachs : les prédictions de certains astrologues célèbres, tels que le médecin du roi de France Charles IX, Nostradamus (1503-1566), y sont régulièrement reprises, souvent adaptées, quand de nouvelles prédictions ne sont pas placées simplement sous leur autorité. A partir de la seconde moitié du XVII e siècle, la part des pronostications, et en particulier des prédictions astrologiques recule, à la fois sous l'effet d'une censure qui encadre plus étroitement les discours à portée politique qui s'y glissent et du discrédit plus net que l'astrologie commence à subir : les biographies individuelles et l'évolution historique sont alors représentées comme dépendant davantage de la Providence divine que des constellations de planètes. A la même époque, le corpus des almanachs a tendance à se diversifier. Les informations que proposent leurs calendriers se spécialisent régionalement ou en fonction des milieux professionnels ou sociaux visés : caractéristique de cette évolution est l'Almanach royal, imprimé de 1700 à 1792, qui se présente à la fois comme un annuaire administratif et un moyen de propagande. L'organisation du temps que les calendriers des almanachs donnent à voir se simplifie également après la deuxième moitié du XVII e siècle : elle fait davantage coïncider la date et le jour de la semaine, offrant ainsi une représentation du temps plus abstraite et moins liée à la dimension cyclique du temps liturgique. Au XVIII e siècle, le lien entre almanach et calendrier devient cependant moins systématique, le premier accentuant son caractère littéraire en mettant en particulier à disposition des lecteurs des récits insolites ou historiques. [12] Du XV e au XIX e siècle, le succès des almanachs ne se dément pas. Après les premières éditions de dimensions importantes, destinées à un public restreint, l'almanach adopte une grande variété de formats, qu'il se présente sous la forme d'un placard dans lequel le calendrier occupe l'essentiel de l'espace, ou qu'il se décline en livrets de dimension plus réduite.

Employé encore dans sa version papier ou utilisé sur support numérique, l'agenda est aujourd'hui ... more Employé encore dans sa version papier ou utilisé sur support numérique, l'agenda est aujourd'hui un compagnon quotidien et indispensable pour la majorité des contemporains. C'est l'instrument qui leur permet d'organiser l'ensemble des activités qu'ils ont à accomplir dans la journée, de mesurer le temps qu'ils ont à disposition face aux échéances qui interviennent à court, moyen ou long terme, d'imposer une structure et un contrôle à l'écoulement du temps et de se projeter par conséquent rationnellement dans un avenir proche ou lointain. Il caractérise à ce titre le rapport moderne au temps. Le recours à cet auxiliaire de tous les jours est aujourd'hui d'une telle banalité, la représentation qu'il offre de la succession des heures, jours, semaines, mois et années a désormais un tel caractère d'évidence, que l'on s'imagine mal l'ensemble des conditions, des mutations ainsi que la lente évolution qui ont nécessaires pour le rendre possible. Si le Dictionnaire universel de Furetière donne en 1690 une des premières définitions de l'agenda comme « tablette ou mémoire où on écrit ce qu'on a à faire durant le jour, pour s'en souvenir en allant par la ville », il s'en faut de beaucoup pour que l'outil qu'il décrit ainsi ressemble à ce qui est entendu aujourd'hui par ce terme. La réunion de la mention des jours de la semaine, leur coïncidence avec des chiffres marquant la date, l'aménagement dans le calendrier d'espaces vides pour permettre d'y inscrire les activités à réaliser constituent autant d'éléments qui n'ont que très progressivement convergé de manière à former finalement un seul instrument. L'agenda est le résultat d'une série de petites innovations dispersées qui n'ont été intégrées que tardivement à l'intérieur d'une seule technique de maîtrise du temps. Au Moyen Âge et au début de l'époque moderne, plusieurs types de documents contenaient diverses formes de calendriers. C'était par exemple le cas des bréviaires, des missels, des livres d'heures qui proposaient une vision du temps fondée à la fois sur le retour cyclique des mêmes événements, des mêmes dévotions et sur la valorisation d'un certain nombre de temps forts à l'intérieur de ce cycle. De complexes méthodes de calculs y étaient proposées de manière à pouvoir déterminer les dates des fêtes mobilesde Pâques en particulier. Des Kalendriers des bergers ainsi que des pronostications astrologiques, souvent écrits par des rédacteurs spécialisés, circulaient également : ils offraient une conception du temps reposant davantage sur les saisons, les rythmes météorologiques, [8] les cycles lunaires et les signes du zodiac. Ils assimilaient cependant une fonction nouvelle de projection dans l'avenir. A partir du XV e siècle, une manière plus quantitative et abstraite d'envisager le temps s'introduit dans les calendriers, qui deviennent aussi plus accessibles parce qu'ils sont imprimés en format portatif ou sous la forme d'une affiche murale. Avec la multiplication des fêtes de saints, l'année liturgique a tendance à prendre un caractère plus uniforme. Au début du XVI e siècle, des livres d'heures voient apparaître la numérotation des jours qui facilite la référence à une date précise et la pratique ne tarde pas à s'élargir : les almanachs composés après 1550 prennent pour la plupart soin de numéroter chaque jour du mois. Diffusés plus largement grâce à l'imprimerie, trouvant le plus souvent place dans les almanachs, les calendriers accueillent aussi toujours plus à cette époque des éléments biographiques qui étaient auparavant couchés dans les livres de raison : ils deviennent ainsi peu à peu les réceptacles de l'activité individuelle. Il faut cependant attendre un siècle avant que les calendriers, qui commencent au milieu du XVII e siècle à se délester des prévisions astrologiques pour privilégier l'indication de l'heure du lever et du coucher du soleil, prennent également l'habitude de joindre à la mention de la date celle des jours de la semaine. Après le dernier tiers du XVII e siècle, on n'en trouve plus qui n'aient intégré cette innovation. Le calendrier, davantage lié à l'origine à un temps qui se répète, constitue désormais un dispositif périssable, qu'il faut racheter chaque année, parce que les informations qu'il contient deviennent caduques une fois l'année écoulée. Il se charge également de nouvelles informations pratiques, telles que les dates de foire ou des sessions

in Transitions funéraires en Occident. Une histoire des relations entre morts et vivants de l’Antiquité à nos jours, sous la direction de Guillaume Cuchet, Nicolas Laubry et Michel Lauwers, Rome, École française de Rome, pp. 371-388, 2023
This contribution aims to evaluate the radical nature of the break with the funeral culture inher... more This contribution aims to evaluate the radical nature of the break with the funeral culture inherited from the Middle Ages caused by the Zwinglian-Calvinist Reformation. The declericalization of funerals that it entails may appear radical, but it does not lead to the conclusion that it is a de-ritualization. If we look at the Reformed system of death as a whole, from agony to commemoration practices, it becomes clear that this current of Protestantism did indeed reconstitute forms of ritual supervision of death and that these forms evolved with the times. Considered over three centuries, this system is actually in continuity with the funerary transition of early Modernity.
Cette contribution se propose d'évaluer la radicalité de la rupture provoquée par la Réforme zwinglianocalviniste avec la culture funéraire héritée du Moyen Âge. La décléricalisation des funérailles qu'elle entraîne peut apparaître comme radicale, mais elle ne permet pas de conclure à une déritualisation. Si l'on observe le système réformé de la mort dans son ensemble, de l'agonie aux pratiques de commémoration, il devient évident que ce courant du protestantisme a bien reconstitué des formes d'encadrement rituel de la mort et que ces formes ont évolué avec leur temps. Envisagé sur trois siècles, ce système se situe en réalité en continuité avec la transition funéraire propre à la première modernité.

Revue d'histoire du protestantisme, 2023
SUMMARY. Even if it as possible to speak of “deritualization” in the context of Reformed funerary... more SUMMARY. Even if it as possible to speak of “deritualization” in the context of Reformed funerary customs, “declericalization” is actually the more apt term. Beginning in the sixteenth century, the absence of pastors at reformed funerals formed a strong confessional marker, giving visual representation to the rejection of ecclesiastical intervention in the spiritual destiny of the dead as a superstition. However, starting at the end of the eighteenth century and even more so in the nineteenth, Reformed funerary practices started to transform, particularly under pressure from rivalling Catholic rituals. However, another century was to pass before the Reformed liturgical forms began to codify funerary practices. This gradual development forms the topic of the present article, which distinguishes a first period marked more by debate from a second period during which specific innovations were introduced to practices before the liturgies gave them an official status. During this process, the Reformed churches appear to have been content to pay their last respects to at least a part of their funerary tradition.
RESMUE. Si l’on a pu parler, à propos des usages funéraires réformés, d’un processus de déritualisation, le terme de décléricalisation est en réalité plus pertinent. L’absence des pasteurs sur la scène funéraire réformée a constitué, à partir du XVIe siècle, un marqueur confessionnel fort : il signifiait visiblement le rejet de l’intervention ecclésiastique sur le destin spirituel des morts comme une superstition. Mais, à partir de la fin du XVIIIe siècle et davantage encore au siècle suivant, les pratiques funéraires réformées se transforment, notamment sous la pression de la rivalité avec les rituels catholiques. Il faudra cependant un siècle avant que les formulaires liturgiques réformés n’intègrent une codification des funérailles. C’est cette longue élaboration que ce texte étudie en distinguant une première période marquée davantage par des débats d’une seconde période durant laquelle des innovations ponctuelles s’introduisent dans la pratique avant d’être officialisées par les liturgies. Au terme du processus, les Églises réformées semblent avoir consenti à faire le deuil d’une partie au moins de leur particularisme funéraire.
ZUSAMMENFASSUNG. Wenn im Bezug auf die reformierte Bestattungs-Praxis von einem Prozess der Entritualisierung gesprochen werden kann, so ist der Begriff der Entklerikalisierung deutlich treffender. Die Abwesenheit von Pfarren bei Bestattungen in der reformierten Welt war ab dem 16. Jahrhundert ein starker konfessioneller Marker: Damit wurde die Ablehnung eines kirchlichen Handelns zugunsten der Verstorbenen als Aberglaube offengelegt. Ab dem Ende des 18. Jahrhunderts und noch stärker im folgenden Jahrhundert wurde die reformierte Bestattungspraxis umgestaltet, besonders unter dem Druck einer Rivalität mit den katholischen Riten. Es hat insgesamt ein Jahrhundert gedauert, bis eine Gottesdienstordnung zur Bestattung in die reformierten liturgischen Formulare aufgenommen wurde. Diese lange Erarbeitung, wird in diesem Beitrag untersucht, wobei ein erster durch Debatten geprägter Abschnitt von der zweiten Phase unterschieden wird, in der einzelne Innovationen in die Praxis hineinfinden, noch bevor sie offiziell in die Liturgien aufgenommen werden. Am Ende dieser Prozesses scheinen die Reformierten Kirchen mit dem Abschied von einem Teil ihrer Besonderheiten bei der Bestattungspraxis ihren Frieden gemacht zu haben.

Julien Léonard et Noémie Recous (dir.), Un parcours en protestantisme II. Compagnons de route, p. 205-225, 2023
A première vue, le rituel dont il est question dans cette contribution n’a pas de réelle existenc... more A première vue, le rituel dont il est question dans cette contribution n’a pas de réelle existence. Les chrétiens réformés ne croient pas que les églises soient sacrées en elles-mêmes ou que leur caractère puisse être modifié par des actes et des paroles rituellement codifiées. Ils rejettent l’idée que la présence du divin puisse être attachée à des espaces spécifiques et considèrent que c’est l’assemblée des fidèles – quel que soit le lieu où elle se réunit – qui institue l’espace d’une présence divine. Dans ces conditions, ils ne ressentent pas le besoin de formaliser l’acte d’inauguration d’un nouvel édifice cultuel. Si elle contient des formulaires pour toute une série de rites, la Forme des prières ecclésiastique, la liturgie rédigée par Calvin en 1542 et demeurée en usage sans modifications importantes dans les Églises réformées francophones du XVIe et du XVIIe siècle, n’en comprend aucun pour un tel acte. Cette absence s’explique en partie pour les raisons théologiques, mais aussi historiques : au XVIe siècle, les réformés se sont retrouvés rarement en situation d’entrer pour la première fois dans des temples qu’ils avaient eux-mêmes bâtis. La plupart du temps, ils se sont réapproprié des lieux de culte existants. On verra dans cette contribution qui se concentre sur la Suisse romande réformée et, principalement les cantons de Genève et Neuchâtel qui sont les mieux documentés, que les choses changent cependant au XVIIe siècle d’abord, avec la construction de nouveaux temples, puis surtout au siècle suivant avec la réforme liturgique qui s’engage à cette époque. Les pasteurs impliqués dans cette réforme expérimentent alors de nouvelles formes de ritualisation de la vie religieuse, qui passent notamment par la célébration de cérémonie de « dédicace » des lieux de culte récemment construits. Toute la difficulté, consistera, dans ces circonstances, à inventer des formes rituelles qui permettent de signifier la fonction particulière du temple sans entraîner l’idée de sa sacralité. L’objet de cette contribution consiste à reconstituer et à analyser les solutions liturgiques qui vont être mises au point pour inaugurer de nouveaux temples et signifier leur fonction spécifique, tout en se démarquant des formes catholiques de « consécration ». Elle mettra ainsi en lumière un « système rituel de la dédicace » réformée qui comprend aussi bien des éléments religieux que politiques et qui réinterprète la notion de sacralité.

Les fractures protestantes en Suisse romande au XIXe siècle
Cet ouvrage renouvelle nos connaissances historiques sur les causes et les effets de la formation... more Cet ouvrage renouvelle nos connaissances historiques sur les causes et les effets de la formation des Églises libres ou indépendantes de Genève (1817, 1831, 1849), Vaud (1847-1966) et Neuchâtel (1874-1943), en portant sur ce processus un regard interdisciplinaire. L’objectif est de fournir les bases d’une histoire à la fois religieuse, sociale et politique des protestantismes romands au XIXe siècle, en traitant conjointement les questions institutionnelles et les dimensions culturelles, artistiques et théologiques. Se saisir de cette manière des fractures religieuses du protestantisme romand dans le prolongement du mouvement du Réveil permet de comprendre, à partir d’un contexte encore mal étudié, ce que la modernité fait à la religion, avec l’introduction des libertés individuelles et de la démocratie par exemple, et, à l’inverse, ce que la religion fait à la modernité
Histoire religieuse" - "Religionsgeschichte" : de l'histoire "ecclésiastique" à l'histoire "culturelle
Bulletin de la Société d'histoire et d'archéologie de Genève, n° 45 (2016-2018)
Jean-François Gilmont et William Kemp (éds.) : Le livre évangélique en français avant Calvin. Etudes originales, publications d'inédits, catalogues d'éditions anciennes
Type de publication: Collectif Directeurs d'ouvrage: Krumenacker (Yves), Recous (Noémie) Résumé: ... more Type de publication: Collectif Directeurs d'ouvrage: Krumenacker (Yves), Recous (Noémie) Résumé: Ce livre pose la question de l'autorité religieuse et du lien entre Églises protestantes et États dans différents pays européens : à l'époque moderne, qui peut définir l'orthodoxie ou l'hétérodoxie, avec quels critères et dans quelle mesure ces décisions sont-elles suivies, ou non, par les États ? Nombre de pages: 357

Prohlašuji, že jsem bakalářskou práci na téma "Využití marketingové činností v českých firmách" v... more Prohlašuji, že jsem bakalářskou práci na téma "Využití marketingové činností v českých firmách" vypracovala samostatně na základě vlastních zjištění a za použití pramenů a literatury uvedených v seznamu použité literatury. Prohlašuji, že v souladu s § 47 zákona č. 111/1998 Sb. v platném znění souhlasím se zveřejněním své bakalářské práce, a to v nezkrácené podobě elektronickou cestou ve veřejně přístupné části databáze STAG provozované Jihočeskou univerzitou v Českých Budějovicích na jejích internetových stránkách, a to se zachováním mého autorského práva k odevzdanému textu této kvalifikační práce. Souhlasím dále s tím, aby toutéž elektronickou cestou byly v souladu s uvedeným ustanovením zákona č. 111/1998 Sb. zveřejněny posudky školitele a oponentů práce i záznam o průběhu a výsledku obhajoby kvalifikační práce. Rovněž souhlasím s porovnáním textu mé kvalifikační práce s databází kvalifikačních prací Theses.cz provozovanou Národním registrem vysokoškolských kvalifikačních prací a systémem na odhalování plagiátů.
The essay contributes to explaining the Reformed view of the relationship between place and sacra... more The essay contributes to explaining the Reformed view of the relationship between place and sacrality, by focusing on the Genevan Reformed context. Doctrinal sources and archival documents show to which extent the Reformed organisation of the churches echoed the liturgical requirements and attested the equality of the worshippers, while also reflecting their temporal, social and political, categories. Both the place of worship and the conduct of the divine services aimed at conveying a specific perception of the presence of the holy, not as a local, but as a spiritual and internal reality. The Reformed temple is thus proven to have been less a holy place than a privileged venue for sanctification

Rites funéraires (eTalks)
La mort est au centre de toutes les societes. Quelles que soient les procedures funeraires suivie... more La mort est au centre de toutes les societes. Quelles que soient les procedures funeraires suivies - de la cremation du cadavre a l'embaumement le plus sophistique -, la mort fait l'objet de traitements obeissant aux conceptions que les societes se font de la mort elle-meme, du devenir du defunt et des relations que les vivants entretiennent avec ce dernier. Si la mort donne lieu a des rites funeraires fort varies, ceux-ci partagent cependant des fonctions communes: prendre acte d'une rupture tout en la dissolvant dans le temps long d'une transition, creer un espace dans le temps ordinaire continu, recomposer du lien social la ou la mort a impose un vide.... Etudier les rites funeraires, c'est donc s'interesser aux reponses culturelles developpees par les etres humains face a la mort biologique, s'interroger sur les pratiques mises en place pour accompagner les defunts, mais aussi aborder la question du deuil et de la separation des vivants d'avec leu...
Uploads
Papers by Christian Grosse
Cette contribution se propose d'évaluer la radicalité de la rupture provoquée par la Réforme zwinglianocalviniste avec la culture funéraire héritée du Moyen Âge. La décléricalisation des funérailles qu'elle entraîne peut apparaître comme radicale, mais elle ne permet pas de conclure à une déritualisation. Si l'on observe le système réformé de la mort dans son ensemble, de l'agonie aux pratiques de commémoration, il devient évident que ce courant du protestantisme a bien reconstitué des formes d'encadrement rituel de la mort et que ces formes ont évolué avec leur temps. Envisagé sur trois siècles, ce système se situe en réalité en continuité avec la transition funéraire propre à la première modernité.
RESMUE. Si l’on a pu parler, à propos des usages funéraires réformés, d’un processus de déritualisation, le terme de décléricalisation est en réalité plus pertinent. L’absence des pasteurs sur la scène funéraire réformée a constitué, à partir du XVIe siècle, un marqueur confessionnel fort : il signifiait visiblement le rejet de l’intervention ecclésiastique sur le destin spirituel des morts comme une superstition. Mais, à partir de la fin du XVIIIe siècle et davantage encore au siècle suivant, les pratiques funéraires réformées se transforment, notamment sous la pression de la rivalité avec les rituels catholiques. Il faudra cependant un siècle avant que les formulaires liturgiques réformés n’intègrent une codification des funérailles. C’est cette longue élaboration que ce texte étudie en distinguant une première période marquée davantage par des débats d’une seconde période durant laquelle des innovations ponctuelles s’introduisent dans la pratique avant d’être officialisées par les liturgies. Au terme du processus, les Églises réformées semblent avoir consenti à faire le deuil d’une partie au moins de leur particularisme funéraire.
ZUSAMMENFASSUNG. Wenn im Bezug auf die reformierte Bestattungs-Praxis von einem Prozess der Entritualisierung gesprochen werden kann, so ist der Begriff der Entklerikalisierung deutlich treffender. Die Abwesenheit von Pfarren bei Bestattungen in der reformierten Welt war ab dem 16. Jahrhundert ein starker konfessioneller Marker: Damit wurde die Ablehnung eines kirchlichen Handelns zugunsten der Verstorbenen als Aberglaube offengelegt. Ab dem Ende des 18. Jahrhunderts und noch stärker im folgenden Jahrhundert wurde die reformierte Bestattungspraxis umgestaltet, besonders unter dem Druck einer Rivalität mit den katholischen Riten. Es hat insgesamt ein Jahrhundert gedauert, bis eine Gottesdienstordnung zur Bestattung in die reformierten liturgischen Formulare aufgenommen wurde. Diese lange Erarbeitung, wird in diesem Beitrag untersucht, wobei ein erster durch Debatten geprägter Abschnitt von der zweiten Phase unterschieden wird, in der einzelne Innovationen in die Praxis hineinfinden, noch bevor sie offiziell in die Liturgien aufgenommen werden. Am Ende dieser Prozesses scheinen die Reformierten Kirchen mit dem Abschied von einem Teil ihrer Besonderheiten bei der Bestattungspraxis ihren Frieden gemacht zu haben.