Abraham Ségal, des films en quête

Dans le cadre du Mois du film documentaire, la BnF a donné carte blanche au documentariste Abraham Ségal. Des projectionsrencontres sont organisées autour de trois de ses films : La Parole ou la Mort (2009), Camus, de l’absurde à la révolte (2014) et De page en page (1999). L’occasion pour le cinéaste, qui a donné les droits de diffusion de ses films dans Gallica, de revenir sur sa filmographie et sur ses choix d’écriture.
 

Michel Warschawski devant le Mur de séparation dans La Parole ou la Mort, film d’Abraham Ségal - 2006 - Abraham Ségal


Chroniques : La Parole ou la Mort sera projeté à la BnF le 15 novembre prochain : dans quel contexte avez-vous tourné ce film ?

Abraham Ségal : À la différence des cinéastes qui poursuivent une seule et unique voie, j’ai toujours cherché à creuser plusieurs sujets. La Parole ou la Mort porte sur les relations complexes entre politique et religion. Il montre les dangers du fondamentalisme, tout en proposant des antidotes pour combattre ces forces obscures. Ces remèdes trouvent leurs sources dans la pensée des Lumières ou la philosophie de Spinoza. Mais aussi dans la musique interprétée par le West-Eastern Divan Orchestra, fondé par Daniel Barenboim et Edward Saïd, qui réunit de jeunes musiciens venus d’Israël et de pays arabes, dont la Palestine.

Vous parlez souvent de vos films comme d›« enquêtes » : qu’est-ce que cela recouvre pour vous ?

L’enquête est un dispositif fictionnel qui consiste à confier à un personnage la tâche de faire le lien entre les témoignages, les questionnements et plus largement les thèmes abordés dans le film. Ce procédé permet non seulement d’interpeller directement les spectateurs mais également de les inviter à s’interroger et à développer leur propre pensée. C’est pourquoi l’enquêteur ou l’enquêtrice doit s’impliquer dans la quête menée, être vraiment concerné par les questions que soulève le film. Dans La Parole ou la Mort, l’écrivain et éditeur Frédéric Boyer, qui a dirigé la nouvelle traduction de la Bible, dite « La Bible des écrivains », mène l’enquête en alternance avec Maya Siblini, qui était grand reporter à RFI, notamment au Proche-Orient. Dans Le Mystère Paul, j’ai choisi un acteur, Didier Sandre, non seulement parce que c’est un bon comédien, mais parce qu’il était intimement concerné par le personnage de Paul de Tarse. En effet, son père était pasteur et il avait lui-même mené des études de théologie protestante avant de choisir le théâtre puis le cinéma.

Les deux autres films que vous avez choisi de projeter, Camus, de l’absurde à la révolte et De page en page, sont assez différents…

En effet, ces films ont tous deux trait à l’écriture, aux écritures. J’ai abordé cette thématique à plusieurs reprises dans mon travail de cinéaste. Camus, de l’absurde à la révolte confronte la pensée philosophique de l’écrivain à des problématiques de son temps et du nôtre. Je trouvais essentiel qu’interviennent dans le film des personnalités dont les pensées font écho à celle de Camus, notamment Boualem Sansal, Robert Badinter et Edgar Morin. Quant à De page en page, il a été réalisé à l’occasion de l’exposition L’Aventure des écritures. La page, qui s’est tenue à la Bibliothèque nationale de France en 1999. On y voit, montés en parallèle, des manuscrits précieux de plusieurs époques et la fabrication de la Une du journal Le Monde.

Propos recueillis par Alban Ferreira

Article paru dans Chroniques n° 104, septembre-décembre 2025