Année du 80e anniversaire du journal Le Monde, 2024 aura été historique pour notre collectif à bien des égards. D’abord par de nouveaux records du nombre de lectrices et de lecteurs abonnés à notre offre éditoriale, qui ont porté notre diffusion payée à des niveaux sans précédent.
Pour inscrire ces résultats dans le temps long de nos évolutions, depuis notre fondation en décembre 1944, nous avons présenté, lors de notre dernier conseil de surveillance, la courbe de cette diffusion payée en France et à l’étranger, telle qu’elle a été certifiée chaque mois par des organismes indépendants.
Cette moyenne annuelle, qui tient désormais compte de nos abonnés numériques, nous situe aujourd’hui à plus de 530 000 exemplaires par jour, nettement au-dessus du précédent pic de 440 000 atteint en 1978, lors des législatives qui ont précédé l’élection de François Mitterrand.
Sur le long terme, ce graphique illustre les trois points essentiels qui fondent la confiance et la fidélité de notre lectorat. L’indépendance d’un journalisme, porteur de valeurs mais non partisan, à l’égard de tous les pouvoirs, à commencer par ceux que détiennent les responsables politiques. La mobilisation particulière vouée à la couverture des grands événements tant internationaux que français, mais aussi la volonté de révéler nos propres informations par nos enquêtes ou nos reportages.
L’attention, qui s’est renforcée au fil des années, consacrée à nos lectrices et nos lecteurs, à leur vie, à leurs intérêts, à leurs usages, qui nous a non seulement conduits à étoffer sans cesse notre offre éditoriale, mais également à nous tourner très tôt vers les supports numériques qui portent aujourd’hui notre succès, en permettant de nous adresser, bien au-delà de nos frontières, à des publics plus variés, et rajeunis.
Ces trois facteurs ont joué à plein en 2024, nous permettant de faire face à une actualité intense, souvent violente, toujours incertaine, tout en continuant à innover et à étendre le champ de notre couverture éditoriale. Notre visibilité nous vaut son lot de critiques, mais elle bat surtout en brèche le discours défaitiste qui est opposé depuis des années à l’évolution de la presse écrite : celle-ci n’est pas vouée à décliner, bien au contraire, quand elle se donne l’ambition de renforcer ses réactions pour défendre un journalisme libre.
Récompenses individuelles et collectives
Cette réussite s’est traduite, en 2024, par plusieurs distinctions majeures décernées par notre profession. Le Monde a été particulièrement honoré de voir deux de ses journalistes récompensés par un prix Albert Londres : Lorraine de Foucher, pour ses reportages et enquêtes publiés sur l’affaire des viols de Mazan, sur les femmes migrantes victimes de viol, sur les victimes de l’industrie du porno, sur les jeunes filles exploitées sexuellement à Perpignan et sur les adolescents tueurs à gages ; Martin Untersinger, pour son livre Espionner, mentir, détruire, publié aux éditions Grasset.
Ces deux prix récompensent à la fois le talent de nos deux journalistes, leur capacité à investir de nouveaux champs de la réalité mais aussi le renouvellement de la rédaction du Monde, dont les effectifs auront quasiment doublé en moins de quinze ans.
Les récompenses ont été également collectives. Les performances de diffusion du Monde ont été primées par deux étoiles décernées par l’ACPM, l’organisme indépendant qui certifie les diffusions de la presse française. La première témoigne de la plus forte hausse de la diffusion payée en 2024 dans le secteur de la presse quotidienne, la seconde, à laquelle nous sommes tout particulièrement attachés, récompense la constance dans le succès, c’est-à-dire la progression des ventes depuis 2020 avec un gain de 141 444 exemplaires quotidiens sur la période.
Une autre publication du Groupe Le Monde a été récompensée de deux prix par l’ACPM. L’hebdomadaire Courrier international, dirigé par Claire Carrard et François-Xavier Devaux, a en effet obtenu à la fois une étoile pour la hausse la plus forte de sa diffusion payée dans le secteur de la presse magazine et une étoile pour la constance dans le succès sur la période 2020-2024. Porté par une progression régulière de sa diffusion payée, Courrier international figure aujourd’hui à la première place des magazines français pour son portefeuille d’abonnés numériques.
La deuxième place de ce classement est désormais occupée par un autre hebdomadaire du groupe, Télérama, qui a poursuivi en 2024 la refonte de sa formule éditoriale et investi sur une très large couverture de l’actualité des plateformes, notamment sur son site Internet et sur son application. La vigueur de ce virage numérique, sous la direction de Valérie Hurier et de Fleur Lavedan, promet à Télérama un avenir à la hauteur de la fidélité que lui vouent ses abonnés depuis des décennies.
Enfin, La Vie, troisième titre hebdomadaire de notre groupe, s’est notamment distingué à l’été 2024 avec la publication d’une enquête révélant les accusations de violences sexuelles visant l’abbé Pierre.
Volonté de diversification
Au cours des dernières années, notre groupe a progressivement diversifié ses activités en créant ou coorganisant des événements permettant de toucher un nouveau public, comme c’est le cas avec nos salons étudiants ou avec l’événement « Nos futurs », à Rennes. L’année 2024 aura aussi vu la naissance du festival Le Goût de M, qui en mars a rassemblé plus de 5 000 personnes autour de l’équipe de « M Le magazine du Monde ». Notre magazine fêtera en 2026 son 15e anniversaire et proposera à cette occasion une nouvelle édition de ce festival.
Cette volonté de diversification de notre production éditoriale sera également illustrée dans quelques mois par la publication d’un livre, puis d’une bande dessinée, et enfin par la diffusion d’un documentaire, en 2026, tous tirés de la série d’articles que Philippe Broussard, directeur adjoint de la rédaction du Monde, a consacrée au cours de l’été 2024 au « photographe inconnu de l’Occupation ». Cette série a remporté un immense succès auprès de nos lecteurs, qui justifie aujourd’hui, comme nous le ferons de plus en plus souvent, de la présenter sous d’autres formats, à de nouveaux publics.
Confrontée à un marché publicitaire tétanisé depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, la régie publicitaire du groupe, M Publicité, aura réussi à limiter la baisse de son activité à 3 % en s’appuyant sur la croissance de ses revenus numériques de 7 % et sur une augmentation de 27 % des opérations spéciales portées par les Jeux olympiques et par notre activité événementielle. Cette activité de régie, strictement encadrée par une charte distinguant clairement les formats publicitaires des contenus éditoriaux, apporte au groupe 20 % de ses revenus et contribue structurellement à notre modèle économique en proposant à nos lecteurs et à nos abonnés des formats publicitaires choisis dans le journal et sur le numérique. En dépit des parts de marché accaparées par les acteurs du numérique, ces revenus restent importants pour notre pérennité.
Autre fait marquant de cette année, en mars 2024, Le Monde annonçait la signature du premier accord entre un média français et OpenAI, l’éditeur de ChatGPT. Un an plus tard, Le Monde est encore le seul média français signataire d’un tel accord et figure parmi la quinzaine de groupes mondiaux avec lesquels OpenAI a choisi de conclure un partenariat pluriannuel. Celui-ci encadre l’utilisation de nos contenus par OpenAI et, cela faisant, veille au strict respect des droits de l’éditeur et des droits d’auteur. Conforme à la charte qui régit notre utilisation de l’IA, dont nous nous sommes dotés dès 2023, il nous assure un juste référencement de nos contenus dans cette application utilisée massivement par les jeunes générations, nous donne un accès direct à une technologie qui révolutionne les usages et, enfin, contractualise une juste rémunération pour l’entraînement de leur modèle et l’utilisation de nos contenus dans les réponses qui seront apportées aux utilisateurs.
Sur ce dernier point, nous nous sommes assurés que cette ligne de revenus soit assimilée aux droits voisins et donne donc droit à une redistribution aux journalistes comme le prévoit la loi. Courant 2024, nous avons conclu avec les organisations syndicales un accord fixant à 25 % le taux de redistribution, proportion désormais utilisée à notre suite par plusieurs autres groupes de presse, bien au-delà de ce que d’autres avaient tenté d’imposer. Tout récemment, un autre accord conclu, mi-mai, avec la société Perplexity est venu compléter notre dispositif dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA), dans le même esprit, et dans le respect des mêmes modalités.
Cette dynamique collective, la progression régulière de nos diffusions numériques et ces nouveaux partenariats dans le domaine de l’IA concourent à la progression du chiffre d’affaires du groupe et de notre résultat 2024. Les comptes du Groupe Le Monde, entérinés par le conseil de surveillance du 13 mai, affichent un chiffre d’affaires de 309,5 millions d’euros pour l’exercice 2024, un Ebitda (cash-flow opérationnel) de + 26,2 millions d’euros et un résultat net avant impôt de 10,6 millions d’euros.
Recapitalisé en 2010 grâce à l’investissement conjoint de Pierre Bergé, de Xavier Niel et de Matthieu Pigasse, le Groupe Le Monde affiche ainsi, depuis 2015, et sans discontinuer, un résultat opérationnel bénéficiaire et, depuis 2016, un résultat net systématiquement positif. Cette rentabilité est le socle de notre indépendance. Elle a permis un investissement soutenu et continu dans nos rédactions et en faveur de l’innovation.
Par ailleurs, en 2024, les contributions au bénéfice du groupe apportées par Le Monde (7,5 millions d’euros) et par notre pôle magazines (8,4 millions d’euros) se sont rapprochées, avec des seuils de rentabilité désormais comparables et un groupe mieux équilibré entre ses deux piliers. Il nous appartient, collectivement, de prolonger cette trajectoire pour renforcer les exigences de qualité, d’indépendance et d’innovation d’une offre éditoriale rigoureuse à la hauteur de la confiance que vous nous accordez.