« J’envoyais des vidéos à mes amis en les suppliant de venir me chercher », ironise Stamina (le prénom a été modifié), 24 ans, en repensant à son arrivée sur « l’immense » campus de l’Edhec, en septembre 2021. Après deux ans de prépa à Paris, elle est admise dans l’une des écoles les mieux classées de France. Direction le campus à Lille. Mais dès les premiers jours, un décalage lui saute aux yeux. « On est tous français, mais on n’a pas vécu la même France », lâche-t-elle. Boursière échelon 5, Stamina a grandi dans une fratrie de quatre, élevée par une mère seule, arrivée de Côte d’Ivoire dans les années 1990. En France, sa mère travaille au Secours populaire avant de devenir auxiliaire de puériculture. « On a toujours vécu grâce aux aides de l’Etat », résume-t-elle.
« Ce qui m’a le plus choquée, c’est l’ostentation. Le fait de montrer sa richesse. Les Rolex au poignet, la façon de parler… Et puis, souvent, tu tapes le nom des parents sur Google et tu tombes sur une page Wikipédia : PDG, banquiers, patrons du CAC 40. C’est un autre monde », raconte-t-elle. C’est par le biais de la Junior entreprise, une association de consulting (conseil aux entreprises) que Stamina trouvera deux amis. « Comme c’était la seule asso où on pouvait être rémunérés, forcément, il y avait plein de gens comme moi : des boursiers, des enfants d’immigrés. » Tout devient plus simple, dit-elle. « C’était beaucoup plus facile de communiquer, c’était naturel, quoi. J’ai pris conscience du sentiment d’assimilation qui pesait sur nous. Plus tu réfléchis à comment tu t’exprimes, plus c’est fatigant. Là, avec eux, je réfléchissais beaucoup moins », se rappelle-t-elle.
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