Cinq rue des Italiens. Le parcours ne pouvait commencer qu’au pied de cet immeuble haussmannien du 9e arrondissement de Paris situé à deux pas de l’Opéra Garnier. En 1944, lors de la fondation du journal par Hubert Beuve-Méry, il devient le tout premier siège du Monde et le reste pendant quarante-six ans. « À la fin des années 1980, il y avait des amoncellements de papier partout, des cartons et de la poussière. C’était un bâtiment assez sombre où régnait un grand désordre », se souvient Françoise Tovo, directrice déléguée au développement des services abonnés, face à des festivaliers captivés.
Samedi 21 septembre, une vingtaine de lecteurs et lectrices du Monde ont ainsi participé à une visite inédite et intimiste des cinq sièges historiques du quotidien à Paris. « Il y a toujours eu le journal à la maison. Sans le savoir, j’ai presque tissé un lien de familiarité avec ces anciens bureaux où il se fabriquait », témoigne Philippe Albert qui est venu accompagné de sa fille de 25 ans, tout autant passionnée par l’actualité.
La visite du 5 rue des Italiens s’achève et un autobus Renault des années 1930 permet au groupe de rejoindre la rive droite. La balade parisienne de trois heures est émaillée des anecdotes personnelles de Françoise Tovo et de Michel Guerrin, rédacteur en chef au Monde. À proximité de la tour Montparnasse, devant la façade incurvée de l’immeuble du 15 rue Falguière dans le 15e arrondissement, Michel Guerrin se souvient : « Nous avons vécu ici la mise en place de la nouvelle formule du journal papier en 1995. Chaque rubrique devait alors être structurée par une page d’ouverture ».
Estelle Ben Haim, lectrice et habitante du quartier, acquiesce. « Ce chapô condensé en deux phrases apparu à ce moment-là en haut des articles a révolutionné ma lecture de l’actualité. Cela n’existait pas avant », raconte-t-elle. Elle se souvient aussi des longs travaux menés dans la rue pour transformer cet ancien garage de 7 000m2 en un « bâtiment à l’architecture magnifique », fait de vitres transparentes. Un contraste pour les journalistes de la rue des Italiens habitués jusque-là à l’obscurité.
Rue Claude-Bernard
Faute d’espace suffisant, la rédaction déménage six ans plus tard au cœur du quartier latin, rue Claude-Bernard dans le 5e arrondissement. Dans ce troisième siège du Monde, les journalistes ont couvert les attentats du World Trade Center en 2001. Le service numérique de la rédaction se développe aussi à cette époque. De retour dans l’autobus, Françoise Tovo évoque les années 2000, marquées par un quatrième déménagement. « Nous sommes arrivés boulevard Auguste-Blanqui dans le 13e arrondissement pour les 60 ans du journal mais l’ambiance était morose, comme la fin d’une époque », relate-t-elle en montrant les bureaux accolés au métro aérien.
Dernier arrêt du parcours, la Gare d’Austerlitz, en bord de Seine, où l’ensemble des rédactions du groupe Le Monde s’est installé depuis 2020. À l’horizon, se détache la silhouette métallique de l’imposant bâtiment conçu par les architectes norvégiens Snohetta, avenue Mendès-France. « Nous avons été l’attraction de ce samedi à Paris avec ce bus qui n’est quand même pas banal ! C’était intéressant de découvrir l’évolution du journal en remontant ainsi dans le temps », témoigne Nadia Desrayaud, en remettant un pied à terre. Sous l’arche du nouveau Monde.