« Les Preuves de mon innocence » (The Proof of My Innocence), de Jonathan Coe, traduit de l’anglais par Marguerite Capelle, Gallimard, « Du monde entier », 480 p., 24 €, numérique 15 €.
On connaît bien la méthode Coe. Depuis plus de trente ans, l’art du grand écrivain britannique consiste à marier subtilement l’intime et le politique pour faire du roman le miroir, à la fois moral et social, d’une époque donnée. Tour à tour, l’auteur s’est ainsi penché sur les années Thatcher, sur l’avidité des élites et la disparition du sens de la solidarité dans Testament à l’anglaise (Gallimard, 1995, Prix du meilleur livre étranger). Il a ausculté les seventies des punkettes et de la désindustrialisation sous les mandats d’Edward Heath et de James Callaghan (Bienvenue au club, Gallimard, 2002). Puis il a dépeint la fin des années 1990 avec le New Labour de Tony Blair et ce que les protagonistes du Cercle fermé (Gallimard, 2006) voyaient alors comme la trahison de leurs idéaux travaillistes.
On connaît bien la méthode Coe, et on la savoure toujours autant. Dans Les Preuves de mon innocence, le miroir reflète cette fois des événements très proches de nous. Nous sommes en 2022, lorsque la première ministre Liz Truss franchit furtivement la porte du 10 Downing Street, que Sa Majesté la reine Elizabeth II tire sa révérence et que la percée des ultraconservateurs devient très visible en Angleterre. Ici, ces true cons (true conservatives) sont souvent des anciens de Cambridge parfaitement installés dans le paysage public, et qui, à l’heure de la post-vérité, s’imposent dans les médias avec deux des thèmes qui leur sont chers, la « culture » et la « liberté d’expression ».
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