« Réaliser une œuvre comme si c’était la dernière : c’est devenu une habitude, pour nous, artistes ukrainiens. » Visage pâle sous son bonnet, ongles vernis de noir, Nikita Kadan se dévoile d’une voix si basse qu’elle menace parfois de s’éteindre. On y entend la fatigue de trois années de guerre passées à Kiev, dans son atelier avec vue sur une ville de plus en plus souvent frappée par les bombes. Mais sa voix a beau n’être qu’un filet, elle retentit haut et fort : invité en Autriche, au Japon, en Pologne, le plasticien de 43 ans est devenu l’un des étendards de la résistance culturelle ukrainienne.
Figure de l’underground, il s’est fait quasi-ambassadeur, officieux, de sa nation assaillie. « Il y a une vraie contradiction entre le rôle de représentant, même informel, d’un pays et celui d’artiste, dont l’indépendance constitue l’essence même de sa pratique, reconnaît-il quand nous le rencontrons, mi-octobre, à la galerie Poggi, à Paris. Mais, quand l’Ukraine a été brutalement attaquée par la Russie, j’ai dû mettre de côté ces questions. »
Ces réflexions restent néanmoins au cœur des deux expositions que Jérôme Poggi lui consacre à partir de cette semaine, l’une sur le stand de la foire Art Basel Paris – qu’il partage avec la galerie Voloshyn, fondée à Kiev en 2016 –, l’autre dans son espace voisin du Centre Pompidou.
Il vous reste 76.63% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.