Chaque année, 1 400 bibliothécaires du réseau CBPT – par leur participation experte et enthousiaste – permettent de mettre en lumière un roman non encore primé, non médiatisé, mais dont les qualités d’écriture et l’originalité du thème laissent présager pour son auteur un parcours prometteur, comme ce fut le cas pour nombre d’auteurs récompensés par ce prix depuis son origine en 1980.
Cette année, une fois encore, c’est un premier roman qui a été choisi, en lice face à trois autres romans aux qualités déjà reconnues :
La Poète aux Mains noires
d’Ingrid GLOWACKI
aux éditions L’Arpenteur
Nous avons eu le plaisir de recevoir la lauréate lors de l’Assemblée Générale de l’UNCBPT du 15 mai 2025.
Ingrid Glowacki a rencontré son héroïne, dans le Berry, au cours de la visite du musée qui lui est consacré dans le petit village de La Borne.
Marie Talbot, née Jeanne Brûlé, est une céramiste qui a vécu de 1814 à 1874, dont on ne sait quasiment rien, mais qui a laissé une œuvre originale, riche et très personnelle.
Alors, on a eu envie de demander à l’auteure : comment construit-on un roman sur la vie d’une femme du XIXe siècle sans éléments biographiques ?
Ingrid G. : Mon expérience de notaire m’a donné les clés pour enquêter et faire des recherches dans les rares documents auxquels nous avons pu avoir accès : actes de ventes, de mariage… et pour le reste, j’ai imaginé à partir des poteries créées par Marie Talbot.
Prix CBPT : Effectivement, chaque œuvre d’art semble générer un épisode de la vie de cet artiste ; sans être vérifié, tout est plausible.
Ingrid G. : Oui, et cela reste une fiction ; comme la rencontre avec George Sand. J’ai pensé que cette rencontre était possible : l’époque, la région, le caractère des deux femmes, leur envie de s’émanciper. Elles auraient pu se rencontrer et s’apprécier.
Prix CBPT : Car comme George Sand, Marie est artiste et femme, et elle cherche sa place en tant que femme, mais vous n’en faites pas une féministe.
Ingrid G. : Pas du tout, ce n’est pas un roman de revendication. Marie avait envie de créer, et de vivre de ses créations, et elle s’est battue pour cela, aidée par son père qui a reconnu son talent très tôt ; et c’est sa force : son envie de créer et l’amour de son métier, car je l’imagine aussi chef d’entreprise. Mais à l’époque, être reconnue en tant que femme indépendante et créatrice, ce n’est pas facile, beaucoup moins pour Marie que pour George Sand, et c’est ce qui attire dans ce personnage.
Prix CBPT : Personnage de roman, Marie Talbot a néanmoins réellement existé, ses poteries signées de son nom, visibles au musée de la Borne, en sont la preuve ; votre roman lui apporte une reconnaissante et une identité nouvelle, « La poète aux mains noires » ?
Ingrid G. : Ce titre m’est apparu comme évident, car elle était artiste, ou poète, et ses mains étaient noires de cette glaise à laquelle elle s’est très tôt attachée. Et qui l’a fait vivre, malgré les vicissitudes de son siècle.


« (Mon père) avait lu la terre dans mes mains d’enfant et m’avait reconnue. L’essentiel était que j’allais satisfaire mon désir le plus profond.«

