« J’ai le sentiment qu’on me vole mon histoire » : Juan Carlos d’Espagne, confessions d’un roi en exil
Révélations sur la sexualité du duc, ses magouilles et sa cupidité... Dans un livre cinglant, un historien anglais détaille les pires turpitudes du duc d'York. L'auteur s'appuie sur quatre ans d'enquête et quelque trois cents témoignages pour livrer un conte de faits sordides. De quoi craindre un avenir sombre pour la monarchie.
Stupre, argent et corruption. Les frasques du cadet d'Elizabeth II sentaient déjà fort le soufre. Les révélations de la biographie à charge « Entitled : The Rise and Fall of the House of York » (« Prétention : l'ascension et la chute de la maison d'York ») ont transformé la trajectoire erratique du duc et de la duchesse d'York en épée de Damoclès pour la Couronne britannique. Signé par l'historien Andrew Lownie, l'ouvrage est un réquisitoire cinglant, étayé par de nombreux témoignages, qui met au jour le fonctionnement pervers et la cupidité sans fond du frère de Charles III. Et qui brosse le portrait d'un prince arrogant et grossier, manipulé par ses « amis ». Parmi lesquels, évidemment, le businessman Jeffrey Epstein et sa complice Ghislaine Maxwell, la fille du magnat de la presse Robert Maxwell, qui, ensemble, avaient mis en place un vaste trafic de mineures.
Le lien entre Andrew et le financier américain est au coeur de cet ouvrage, qui revient en détail sur la chronologie de cette relation toxique, née à la fin des années 1990... grâce à Fergie ! Amie de Maxwell, c'est elle qui lui aurait présenté celui qui n'était déjà plus son mari. Très vite, le prince rencontre Epstein. Vingt ans d'orgies et de voyages entre l'Angleterre, New York, Palm Beach en Floride, et Little Saint James, l'île du prédateur sexuel milliardaire dans les Caraïbes.
Parmi les nombreuses victimes que Jeffrey Epstein aurait « offertes » au prince, figure Virginia Giuffre, une Américaine âgée alors de 17 ans, recrutée par Ghislaine Maxwell au spa du club de Trump à Mar-a-Lago. Comme sur catalogue, Andrew aurait choisi Virginia à partir de photos envoyées par mail. Après une première soirée à Londres en mars 2001, Virginia a assuré avoir eu deux autres relations sexuelles forcées avec le duc d'York le mois suivant, dans l'appartement d'Epstein à New York et dans les Caraïbes. Accusations que le prince a toujours niées. Pourtant, la biographie détaillée d'Andrew Lownie, qui croise dates, registres de vols et témoignages, met à mal sa défense.
« Quand les filles quittaient la chambre d'Andrew, je leur donnais une enveloppe que M. Epstein avait laissée contenant entre 1 000 et 25 000 dollars, selon la situation et la fille », rapporte à l'auteur une des femmes de ménage. Sarah Ferguson apparaît elle aussi comme passagère du « Lolita Express », le jet privé qu'Epstein utilisait pour ses déplacements avec ses amis VIP et les jeunes femmes transformées en esclaves sexuelles. À défaut de prendre part aux bacchanales, elle aurait en revanche, selon les informations récoltées par Lownie, activement participé aux contreparties attendues par le duo infernal : un accès au carnet d'adresses et aux privilèges princiers. Et surtout l'apport d'investisseurs pour ses affaires. « Un idiot utile », c'est ainsi que, selon Andrew Lownie, le gestionnaire de fortune considérait celui qu'il décrivait dans une interview de 2007 comme son « ami le plus proche au monde, accro au sexe » comme lui.
Andrew aurait eu « une première expérience précoce à 8 ans », confie l'un de ses proches, qui assure tenir la confidence du prince en personne. « Cela pourrait être la racine de ses problèmes. Je pense qu'il a été victime d'abus sexuels très jeune », explique-t-il sans que cette dernière thèse soit, dans le livre, accréditée par un autre témoin. Il affirme aussi que le prince a perdu sa virginité à 11 ans. Le père d'un ami aurait engagé deux prostituées pour dépuceler les deux copains, dans un hôtel du West End. L'une des raisons, aurait aussi avoué le prince, de son « obsession de la pénétration ».
Pour attirer ses proies ou s'assurer des conquêtes en l'absence d'Epstein, Andrew comptait sur l'attraction de sa filiation royale... ou le dévouement d'assistants transformés en rabatteurs. Au final, aussi bien pendant son mariage « libre » avec Fergie qu'après l'officialisation de leur divorce, en 1996, « Randy Andy » (« Andy le chaud lapin ») aurait couché, selon le décompte de Lownie, avec plus de mille femmes. Playmates, stars du porno, actrices, mannequins, athlètes, politiciennes, serveuses... Le fils d'Elizabeth II raflait tout. Prédateur... et parfois gigolo. Certaines femmes d'affaires britanniques fortunées auraient ainsi monnayé ses services. « Pour elles, c'était une question de prestige. Comme conduire une Rolls-Royce ou vivre dans un château », assure une ancienne employée du prince.
Pour l'éloigner de cette vie débridée, et l'occuper plus sérieusement, le Palais lui confie en 2001 le rôle de représentant spécial du Royaume-Uni pour le commerce international et l'investissement. Mais ce qui devait redorer le blason du duc d'York l'a terni un peu plus. Durant les dix années que durera son mandat, le prince Andrew, que sa mère appelait autrefois « Baby Grumpling » (« Bébé grognon »), a gagné le surnom de « Son Altesse le bouffon ». Aussi imprévisible qu'ingérable. « Un membre du personnel a été muté parce qu'il n'aimait pas le grain de beauté sur son visage. Un autre parce qu'il portait une cravate en Nylon... » détaille Andrew Lownie. Non seulement le duc d'York n'écoute pas ses conseillers, se fichant royalement de saccager les relations internationales, mais il exige de loger dans des hôtels 5 étoiles et de ne se déplacer qu'en jet privé. Ses innombrables voyages lui ont valu un autre surnom, « Air Miles Andy », et ont coûté une fortune au contribuable.
Plus grave encore pour l'historien, pendant cette mission officielle, le prince aurait avant tout servi ses intérêts personnels pour s'enrichir grâce à des accords souterrains passés avec, là encore, de sombres personnages : le trafiquant d'armes libyen Tarek Kaituni, le président autoritaire Ilham Aliyev en Azerbaïdjan, Noursoultan Nazarbaïev, autre autocrate, au Kazakhstan... Le Britannique se veut également proche de membres de la famille royale d'Abu Dhabi. Du côté de la Chine, son étroite collaboration avec l'homme d'affaires Yang Tengbo a été révélée en décembre dernier, au moment de l'interdiction d'entrée au Royaume-Uni de celui-ci, soupçonné d'espionnage pour le Parti communiste.
À jouer les intermédiaires avec des investisseurs étrangers peu recommandables, Andrew aurait empoché de nombreuses commissions, avec le concours de Sarah Ferguson. Un ex de leur fille Beatrice confie : « Elle vit pour son titre. » Perdre la confiance d'Andrew, et par là même son statut, la priverait de ses uniques ressources, elle qui a transformé « Duchess » en marque de bougies, de draps, de biscuits et de livres. Les transactions crapuleuses d'Andrew menées loin du ministère des Affaires étrangères, de Buckingham ou même de Downing Street pourraient « mettre en péril l'avenir des Winsdor », estime Andrew Lownie, qui nous explique avoir été choqué par une découverte en particulier : « Une commission de 5 millions de dollars versée à Andrew par le président du Kazakhstan. L'information a été rapportée à la reine ou à son secrétaire particulier par un agent des renseignements. Et elle n'a rien fait. »
Elizabeth II n'aurait pas seulement été la complice passive de la prétendue corruption de son fils chouchou. Elle l'a activement protégé. Quand celui-ci s'est retrouvé mêlé à l'affaire Epstein, « Mummy » a envoyé ses meilleurs avocats. Quand il a fallu négocier avec Virginia Giuffre pour éviter un embarrassant procès en 2022, elle a sorti le carnet de chèques. Il a fallu aussi faire régulièrement pression sur la presse pour limiter les articles à charge. « Andrew est peu intelligent et s'il était le favori de la reine, c'est parce qu'il était son enfant le plus vulnérable », estime la journaliste Catherine Mayer. En 2019 pourtant, la souveraine a dû capituler. Elle lui a retiré ses titres militaires et ses fonctions royales après sa désastreuse interview télévisée sur la BBC, durant laquelle il a tenté de se défendre des accusations de Virginia Giuffre.
Retiré de la vie publique, détesté de ses concitoyens et boudé par le reste de la famille royale, le prince de 65 ans mène malgré tout une vie plutôt confortable au Royal Lodge, où il cohabite avec Fergie, qui représente aussi pour lui une figure maternelle. « Il regarde la télévision, se promène, fait de l'équitation, joue au golf, il chasse, voit des amis... Personne ne le sait mais il a même eu une petite amie qui a vécu là-bas avec lui pendant des années », explique Andrew Lownie. Parce qu'il continuerait ses affaires « discrètement » avec des personnages troubles, les finances seraient au beau fixe, tant et si bien que Charles III ne peut expulser son frère du Royal Lodge comme il le souhaiterait, puisqu'il respecte les termes de son bail.
Pourtant, malgré le suicide de sa principale accusatrice, Virginia Giuffre, en avril, tout pourrait basculer d'un jour à l'autre tant ses secrets sont mal gardés : dans les dossiers pour l'heure classés du FBI sur le défunt Epstein, dans la tête de Ghislaine Maxwell, emprisonnée au Texas, ou dans les archives de médias britanniques encore soucieux de préserver leur relation avec la famille royale. Pour combien de temps ? D'autant que, selon Lownie, Epstein aurait « vendu les secrets les plus intimes du prince à plusieurs agences de renseignement étrangères notoires, comme le Mossad, ou celle de l'Arabie saoudite ». La menace peut venir de toute part... L'auteur travaille d'ailleurs déjà sur une réédition de sa biographie pour y ajouter de nouveaux témoignages reçus ces derniers jours. Andrew, prince du déshonneur, est la plus dangereuse des bombes à retardement, celle qui pourrait dynamiter l'une des plus anciennes monarchies d'Europe.