« Elle en souffre, physiquement. Pour cela, je leur en veux. Le reste… » : Nicolas et Carla Sarkozy, l’épreuve
À la BNF, une exposition rappelle comment les peintres de ce mouvement se sont emparés de la gravure pour produire un art populaire.
Entre 1890 et 1900, les nabis, parmi lesquels figurent Pierre Bonnard, Édouard Vuillard, Maurice Denis et Félix Vallotton, défendent une version moderne de l'art, en réaction à la peinture académique. Ces très jeunes gens, dont certains se sont rencontrés au lycée Condorcet à Paris, admirent la peinture de Paul Gauguin et les estampes japonaises. Leurs compositions se caractérisent par l'usage de l'aplat, de motifs décoratifs et de tons rompus. À partir d'oeuvres rarement montrées ensemble et issues pour la plupart des collections de la BNF, l'exposition révèle un pan mal connu de leurs productions : la gravure.
Cet art revêt pour leurs auteurs une dimension particulièrement intime. Qu'ils pratiquent la gravure sur bois de fil ou la lithographie en couleurs, ils expérimentent avec audace. Il y a chez ces « peintres graveurs » une ambition d'utopie - nabi signifie « prophète » en hébreu. Par ces oeuvres accessibles, en général éditées à 100 exemplaires au prix de 100 francs, ils aspirent à développer les « rapports de l'art avec la vie », comme l'écrit Pierre Bonnard : « À cette époque j'avais personnellement l'idée d'une production populaire et d'application usuelle : gravure, éventails, meubles, paravents. » Ces objets offrent également pour leurs acheteurs une forme de proximité avec l'art dans leurs intérieurs - précisément ces appartements que l'on voit dans les images, aux murs ornés de papiers peints et aux banquettes couvertes de tissus à fleurs.
Limpide d'un point de vue formel et technique, l'exposition permet de suivre les étapes d'élaboration de ces images et le rôle des lithographes, en particulier Auguste Clot. La part belle est faite aux diffuseurs : André Marty, éditeur de l'important ensemble de gravures nabies « L'estampe originale », ou Ambroise Vollard, qui a publié plusieurs suites comme « Quelques aspects de la vie de Paris », de Pierre Bonnard, ou « Paysages intérieurs », d'Édouard Vuillard, parmi les plus remarquables.
Les images sont aussi présentes dans des livres, en dialogue avec des écrivains, par exemple « Parallèlement », de Paul Verlaine, illustré par Pierre Bonnard. Certaines apparaissent dans des périodiques, comme « La revue blanche » des frères Natanson, qui éditent également des albums - tel le très piquant « Intimités », de Félix Vallotton, satire en noir et blanc des hypocrisies de la vie bourgeoise. Elles servent pour des partitions, des programmes et des affiches de spectacles à Paris au théâtre Libre, au théâtre de l'oeuvre ou au théâtre des Pantins. À côté de motifs de papier peint, un paravent de Pierre Bonnard conclut l'exposition, la « Promenade des nourrices », composition savante dans laquelle l'espace se dessine par le vide. À l'heure où l'on recherche les architectures légères, et où la dématérialisation généralisée stimule le goût des objets simples et précieux, ces gravures et paravents revêtent une étonnante contemporanéité.