Mieux traiter la douleur du cancer en ciblant l’interface tumeur-système nerveux
La découverte de mécanismes spécifiques de la douleur induits par l’interaction des tumeurs et du système nerveux ouvre des pistes thérapeutiques ciblées.
Ce texte est une traduction de l’article How cancer hijacks neurons to grow and spread, publié par Nature le 31 janvier 2024.
Qu’il se développe à l’intérieur ou à l’extérieur du cerveau, le cancer est profondément lié au système nerveux, qu’il détourne à son avantage. Une découverte qui ouvre un nouvel espoir thérapeutique : couper cette communication.
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Des éclairs vert citron clignotaient de façon chaotique sur l’écran de l’ordinateur. Le spectacle stupéfia Humsa Venkatesh, neuroscientifique spécialisée dans le cancer. C’était la fin de l’année 2017 et elle observait une tempête d’activité électrique dans des cellules issues d’une tumeur cérébrale humaine nommée « gliome ».
Humsa Venkatesh s’attendait à un léger dialogue de fond, à l’image de celui qui se produit entre des cellules saines. Mais les conversations étaient continues et rapides. « Je voyais ces cellules tumorales s’illuminer, rapporte la chercheuse, qui était alors en postdoctorat à la faculté de médecine de l’université Stanford, en Californie. Il n’y avait aucun doute, elles étaient électriquement actives. »
Immédiatement, elle se mit à réfléchir aux implications de cette découverte. Les scientifiques n’avaient tout simplement pas envisagé que les cellules cancéreuses – même celles présentes dans le cerveau – puissent communiquer entre elles à ce point. Et si cette communication électrique constante aidait la tumeur à survivre, voire à se développer ? « Nous travaillions sur le cancer, pas sur les neurones, ni sur aucun autre type cellulaire. » Voir les cellules bouillonner d’une telle activité était « époustouflant », déclare Humsa Venkatesh, qui travaille aujourd’hui à la Harvard Medical School, à Boston, dans le Massachusetts.
Ses travaux sont présentés dans un article paru en 2019 dans la revue Nature, en même temps qu’un autre article qui aboutissait à la même conclusion : les gliomes sont électriquement actifs. Ces tumeurs sont même capables de se connecter aux circuits neuronaux et de recevoir des stimulations directement des neurones, ce qui favorise leur croissance.
Ces découvertes ont joué un rôle essentiel en neurosciences du cancer, un domaine émergent dans lequel les chercheurs analysent les nombreuses façons dont le cancer coopte le système nerveux à son profit, même hors du cerveau. De la même manière que les tumeurs se nourrissent et se développent en recrutant des vaisseaux sanguins, le cancer s’appuie sur le système nerveux à toutes les étapes de son développement, de son déclenchement à sa propagation.
Autrefois négligée, cette dimension de l’environnement tumoral dévoile peu à peu les liens entre oncologie et neuroscience. Les scientifiques commencent à comprendre quels sont les neurones et les voies de signalisation impliqués, même si s’ajoutent à cette complexité de nouvelles interactions avec le système immunitaire. À mesure qu’ils approfondissent la relation entre cancer et système nerveux apparaissent des thérapies qui ciblent les connexions mises au jour. Certaines détournent même des médicaments existants.
« Notre objectif est d’aider les patients, explique Erica Sloan, biologiste spécialiste du cancer à l’université Monash, à Melbourne, en Australie. Oui, il y a le plaisir intellectuel de comprendre ce qui se passe d’un point de vue biologique. Mais le but principal est de traduire ces connaissances en traitements. »
C’est il y a près de deux cents ans que des scientifiques ont repéré pour la première fois des liaisons entre cellules cancéreuses et neurones. Au milieu du XIXe siècle, l’anatomopathologiste français Jean Cruveilhier décrivit un cas où un cancer du sein avait envahi le nerf crânien responsable des mouvements du visage et de ses sensations. Il s’agissait de la première description d’une « invasion périneurale », dans laquelle des cellules cancéreuses infiltrent les nerfs et les entourent, puis se propagent. Ce phénomène est le signe d’une tumeur agressive et est associé à un mauvais pronostic vital.
Pendant longtemps, les scientifiques et les professionnels de santé virent les nerfs comme des voies passives qui véhiculaient les cellules cancéreuses et la douleur associée. Beaucoup considéraient le système nerveux comme « la victime – la structure que le cancer détruit ou endommage », souligne Michelle Monje, neuro-oncologue à la faculté de médecine de l’université Stanford, où elle était la référente scientifique de Humsa Venkatesh.
Mais à la fin des années 1990, le pathologiste urologue Gustavo Ayala, qui travaille aujourd’hui dans le Centre des sciences de la santé de l’université du Texas à Houston, se mit à étudier cette interaction de plus près. Il plaça des nerfs de souris dans des boîtes parsemées de cellules issues d’un cancer humain de la prostate. En vingt-quatre heures, les nerfs commencèrent à développer de petites branches – des « neurites » – vers les cellules malades. Une fois le contact établi, le cancer se déplaça le long des nerfs jusqu’aux corps cellulaires neuronaux.
Les nerfs n’étaient pas de simples spectateurs : ils cherchaient activement à établir un lien avec le cancer. « J’ai pensé que c’était réel et j’ai décidé d’en faire mon métier », raconte Gustavo Ayala. Il fut vite surnommé le « gars des nerfs ». « Les gens ne se moquaient pas vraiment de moi, mais ils ne partageaient pas mon intérêt pour ce domaine », commente-t-il.
En 2008, il signala un autre phénomène étrange. Les tumeurs cancéreuses de la prostate prélevées sur des personnes ayant subi une intervention chirurgicale contenaient davantage de fibres nerveuses – ou « axones » – que des échantillons provenant de prostates saines.
Ce résultat, cependant, n’étonna pas tout le monde. Certains scientifiques commençaient à considérer les tumeurs comme des organes à part entière, parce qu’elles contiennent différents types cellulaires, une structure de support, des vaisseaux sanguins et d’autres éléments qui les distinguent de simples amas de cellules cancéreuses. Mais « il manquait une pièce dans le paysage : les nerfs », explique Claire Magnon, biologiste spécialiste du cancer à l’Inserm, à Paris.
Cette intuition conduisit à un article pionnier en 2013. Avec ses collègues, Claire Magnon prouva que des fibres nerveuses infiltraient les tumeurs de la prostate chez la souris. De plus, lorsque l’on coupait ces connexions avec le système nerveux, les tumeurs arrêtaient de se développer. En quelques années, une avalanche de recherches démontrèrent que la même chose se produisait dans d’autres cancers, notamment de l’estomac, du pancréas et de la peau. Certains des nerfs sectionnés étaient par ailleurs connus pour véhiculer la douleur associée au cancer, et des chercheurs avaient déjà observé que bloquer ces voies neuronales apportait un certain soulagement aux personnes atteintes d’un cancer du pancréas.
« Les planètes étaient alignées », observe Brian Davis, neuroscientifique à l’université de Pittsburgh, en Pennsylvanie. Tous ces résultats convergents montraient « que cette composante du microenvironnement tumoral, largement ignorée jusqu’alors, jouait un rôle ».
Mais l’origine des nerfs qui infiltraient les tumeurs déconcertait les chercheurs. Des travaux menés les années suivantes suggérèrent que les cellules de la tumeur étaient capables de se transformer en neurones, ou du moins d’acquérir des caractéristiques semblables à celles des neurones. Cependant, en 2019, Claire Magnon et ses collègues firent état d’une autre origine. Chez des souris, l’équipe avait constaté que des cellules appelées « progéniteurs neuronaux » se déplaçaient dans le sang jusqu’aux tumeurs de la prostate, où elles s’installaient et se transformaient en neurones : d’une manière ou d’une autre, les tumeurs influençaient la région cérébrale qui contient ces cellules – la « zone sous-ventriculaire ». Chez la souris, les progéniteurs neuronaux sont connus pour aider à soigner certaines pathologies cérébrales, comme les accidents vasculaires cérébraux. Des travaux postulent que la même région cérébrale produirait des neurones chez l’humain adulte.
L’année suivante, une autre équipe a découvert que le cancer est capable de forcer les neurones à changer d’identité. Les chercheurs étudiaient un cancer oral chez la souris. Ils ont constaté qu’un groupe de nerfs qui relaient les sensations au cerveau, nommés « neurones sensoriels », avaient acquis les caractéristiques d’un autre type de neurones généralement rares dans la cavité buccale : des neurones sympathiques, responsables de la réponse au stress dite « de combat-fuite ».
« Ils portent désormais deux casquettes », constate Moran Amit, neuroscientifique spécialiste du cancer au centre de cancer MD Anderson, de l’université du Texas à Houston, qui a codirigé l’étude. Cette transformation est susceptible de favoriser la croissance tumorale, car il a été montré par ailleurs que les nerfs sympathiques sont utiles à certains cancers.
Mais les relations entre les types de nerfs et leurs effets sur les tumeurs sont complexes. Dans le pancréas, par exemple, il existe un rapport de force entre deux populations qui ont des effets opposés sur les tumeurs. D’un côté, les nerfs sympathiques participent à un cercle vicieux qui favorise la croissance du cancer. Ils émettent des signaux qui incitent les cellules malades à sécréter une protéine, NGF (pour nerve growth factor, facteur de croissance nerveuse), laquelle attire davantage de fibres nerveuses. De l’autre, les nerfs parasympathiques, qui régulent les fonctions de repos et de digestion, envoient des messages chimiques qui enrayent la progression de la maladie.
Or, dans le cas du cancer de l’estomac, les signaux parasympathiques, à l’inverse, favorisent la croissance tumorale. Et dans le cas du cancer de la prostate, ce sont les deux populations qui avantagent les tumeurs : les nerfs sympathiques contribuent aux premiers stades du développement du cancer et les nerfs parasympathiques favorisent sa propagation.
« Chaque cancer semble interagir avec le système nerveux de façon un peu différente », observe le gastroentérologue Timothy Wang, de l’université Columbia, à New York. Si tel est le cas, il pourrait être nécessaire de choisir des cibles thérapeutiques spécifiques des différents types de cancer et de la façon dont ils se connectent au système nerveux ou l’utilisent.
Sur ce modèle tridimensionnel d’une tumeur du pancréas, on distingue des cellules cancéreuses (en vert) qui interagissent avec des neurones (en magenta). Des biologistes développent de tels modèles pour comprendre comment le système nerveux influe sur la formation de la tumeur et son développement.
© Jennifer Su, Peter Wang, Nicole Lester, William L. Hwang, avec l’aimable autorisation de l’institut Koch, au MIT, et du Massachusetts General HospitalLes neurones ont des effets directs, mais aussi indirects sur les cancers, par exemple en freinant le système immunitaire afin qu’il ne puisse pas lutter aussi efficacement contre les tumeurs. Une découverte publiée en 2022 laisse entrevoir un tel mécanisme : une substance appelée CGRP (pour calcitonin gene-related peptide, ou peptide apparenté au gène de la calcitonine), que les nerfs sensoriels libèrent, a la faculté de freiner l’activité de certaines cellules immunitaires et ainsi de perturber leur préparation à lutter contre le cancer.
Les neurones ont la capacité de supprimer l’activité de cellules immunitaires pour se protéger en cas d’inflammation trop importante. Ainsi, explique Jami Saloman, neuroscientifique spécialiste du cancer à l’université de Pittsburgh, non seulement les nerfs fournissent au cancer une voie et une structure pour se propager, mais ils semblent aussi constituer un refuge sûr.
Une tumeur serait ainsi susceptible de « se nicher parmi les nerfs », précise Brian Davis, où elle serait protégée à la fois du système immunitaire et des médicaments, ces derniers ayant du mal à pénétrer dans les faisceaux de nerfs. « Les cellules cancéreuses seraient capables de rester là en attendant que la tempête de défenses biologiques et de chimiothérapie passe, estime-t-il. Et de réapparaître ensuite. »
Certains cancers parmi les plus agressifs touchent le cerveau. Comme l’ont découvert Humsa Venkatesh et d’autres chercheurs, les cellules cancéreuses y forment même des synapses directes avec des neurones, dont les signaux les aident à se développer. Un article publié parallèlement aux deux articles de 2019 sur le cancer du cerveau a par ailleurs montré que des métastases du cancer du sein dans le cerveau formaient aussi des connexions semblables à des synapses. Enfin, des recherches antérieures ont établi un lien entre métastases dans le cerveau et troubles cognitifs.
Mais il existe d’autres voies encore par lesquelles les cancers cérébraux semblent agir comme le feraient des neurones. En novembre dernier, le laboratoire de Michelle Monje a rapporté que des gliomes renforçaient leur emprise neuronale en utilisant une méthode classique de signalisation cérébrale. Lorsque les cellules tumorales étaient exposées à une protéine qui favorise la croissance des neurones, BDNF (brain-derived neurotrophic factor, ou facteur neurotrophique dérivé du cerveau), elles réagissaient en produisant davantage de récepteurs capables de recevoir des signaux provenant des neurones.
« Les neurones sains exploitent exactement le même mécanisme pour l’apprentissage et la mémoire, souligne Michelle Monje. Le cancer n’invente rien, il ne fait que détourner des processus déjà existants. »
En outre, comme dans les réseaux de neurones, certaines cellules du gliome produisent leurs propres ondes rythmiques d’activité électrique. « Elles ressemblent tout simplement à de petits cœurs qui battent », détaille Frank Winkler, neuro-oncologue au Centre allemand de recherche sur le cancer à Heidelberg, dont le laboratoire a mené ces travaux.
Ces impulsions électriques se propagent dans les cellules cancéreuses grâce à un réseau de ponts minces et filandreux appelés « microtubes tumoraux », que le groupe de Frank Winkler a commencé à étudier il y a plusieurs années. Cette activité chorégraphie la prolifération et la survie des cellules cancéreuses, tout comme les neurones dits « pacemakers » orchestrent l’activité lors de la formation des circuits neuronaux. « Une fois de plus, le cancer détourne un important mécanisme du développement neuronal », ajoute le neuro-oncologue.
Les cancers du cerveau sont aussi susceptibles d’avoir des effets sur des réseaux entiers. Une étude publiée en mai 2023 a montré que des gliomes étaient capables de remodeler des circuits cérébraux fonctionnels entiers. Les chercheurs ont demandé à des personnes atteintes de tumeurs qui avaient infiltré des régions cérébrales impliquées dans la production de la parole de nommer des objets décrits oralement ou présentés en image. Des électrodes placées à la surface de leur cerveau ont révélé que cette tâche ne stimulait pas seulement les régions clés du langage. Toute la zone où la tumeur s’était propagée, y compris les aires qui ne sont pas habituellement engagées dans la production de la parole, présentait également un pic d’activité. Plus la tumeur était fonctionnellement connectée au reste du cerveau, moins les patients réussissaient l’exercice et plus leur espérance de vie était faible.
« La tumeur avait remodelé les circuits fonctionnels du langage pour se nourrir elle-même », constate Michelle Monje, coautrice de l’étude. Elle se souvient de l’horreur qu’elle a ressentie à la lecture des résultats. « J’ai la chair de poule quand je pense à la première fois que j’ai vu ces données. »
Ces premières découvertes ouvrent déjà la voie à des traitements potentiels contre le cancer. Elles permettent aussi de comprendre pourquoi les options existantes ont souvent des répercussions cérébrales.
Selon Humsa Venkatesh, de nombreuses personnes soumises à une chimiothérapie souffrent d’un déclin cognitif ou « brouillard cérébral », ainsi que d’une dégénérescence des fibres nerveuses dans d’autres parties du corps. Bien que la chimiothérapie soit un moyen efficace de lutter contre le cancer, si elle détruit des neurones ailleurs dans le corps, « ce n’est évidemment pas bon pour le patient », ajoute-t-elle. Une tactique pour éviter ces effets consisterait à cibler des parties spécifiques du système nerveux. Des thérapies existantes seraient utiles à cet égard : « Nous disposons de médicaments qui ciblent presque toutes les branches du système nerveux, explique Moran Amit. La plupart d’entre eux ont un profil de sécurité bien établi. »
Les bêtabloquants, par exemple, perturbent les signaux des nerfs sympathiques qui favorisent la progression du cancer dans le sein, le pancréas, la prostate et d’autres parties du corps. Depuis les années 1960, on utilise ces médicaments pour traiter les troubles cardiaques comme l’hypertension artérielle, ainsi que, parfois, l’anxiété. Erica Sloan souhaite réorienter ces médicaments vers la lutte contre le cancer depuis des années, mais elle s’est d’abord heurtée à des résistances. Les gens remarquaient souvent que « si les bêtabloquants avaient un effet sur le cancer, nous le saurions déjà », se souvient-elle.
Pour explorer ce lien, elle a dirigé un essai clinique de phase II, publié en 2020, qui testait le bêtabloquant propranolol chez des personnes atteintes d’un cancer du sein. La prise du médicament pendant une semaine a réduit le potentiel métastatique du cancer. Un autre essai de phase II, inspiré par des études d’observation qui ont établi un lien entre l’utilisation de bêtabloquants et l’amélioration de l’état de santé, a démontré que combiner la chimiothérapie et le propanolol chez des personnes traitées pour un cancer du sein n’était pas dangereux. Et en 2023, Erica Sloan a constaté que ce médicament augmentait l’efficacité d’une chimiothérapie couramment pratiquée.
D’autres chercheurs réaffectent des médicaments qui interrompent la communication neuronale, notamment des molécules développées pour traiter les crises d’épilepsie et la migraine. Ainsi, un essai clinique vise à bloquer les synapses formées entre les neurones et les cellules cancéreuses dans les gliomes à l’aide d’un médicament contre les crises d’épilepsie, qui calme les cellules hyperexcitables.
Un autre essai en cours de planification examinera si la prise d’un médicament contre la migraine serait aussi bénéfique à des personnes recevant une immunothérapie pour un cancer de la peau ou des voies aérodigestives supérieures (bouche, sinus, pharynx, larynx…). On pense que des concentrations élevées de CGRP, la molécule qui freine l’activité de certaines cellules immunitaires dans le cancer, déclenchent des migraines, et le médicament qui sera testé bloque donc les récepteurs du CGRP. Il empêcherait ainsi le CGRP d’agir et permettrait aux cellules immunitaires de revenir dans la course pour lutter contre le cancer.
Pour Humsa Venkatesh, il sera probablement nécessaire d’utiliser un cocktail de médicaments aux effets complémentaires pour contrôler la maladie. « Il n’y a pas vraiment de solution miracle », dit-elle. Le domaine ne fait que commencer à démêler la relation insidieuse entre cancer et système nerveux, et les questions abondent. « Cinquante vies ne seraient pas de trop pour les élucider toutes », déclare Frank Winkler.
Depuis une dizaine d’années, un nombre croissant d’études montrent que le cancer entretient des liens étroits avec le système nerveux.
Loin de n’être qu’un instrument passif de sa propagation, le système nerveux se révèle être un acteur clé du développement tumoral.
En communiquant avec lui, les cellules cancéreuses déclenchent des mécanismes neuronaux qui favorisent la croissance tumorale.
Des essais cliniques visent à bloquer cette communication pour freiner le développement tumoral.
K. R. Taylor et al., Glioma synapses recruit mechanisms of adaptive plasticity, Nature, 2023.
D. Hausmann et al., Autonomous rhythmic activity in glioma networks drives brain tumour growth, Nature, 2022.
S. Krishna et al., Glioblastoma remodelling of human neural circuits decreases survival, Nature, 2023.
A. Chang et al., Beta-blockade enhances anthracycline control of metastasis in triple-negative breast cancer, Sci. Transl. Med., 2023.
M. Balood et al., Nociceptor neurons affect cancer immunosurveillance, Nature, 2022.
M. B. Hopson et al., Phase II study of propranolol feasibility with neoadjuvant chemotherapy in patients with newly diagnosed breast cancer, Breast Cancer Res. Treat., 2021.
M. Amit et al., Loss of p53 drives neuron reprogramming in head and neck cancer, Nature, 2020.
J. G. Hiller et al., Preoperative β-blockade with propranolol reduces biomarkers of metastasis in breast cancer : A phase II randomized trial, Clin. Cancer Res., 2020.
H. S. Venkatesh et al., Electrical and synaptic integration of glioma into neural circuits, Nature, 2019.
V. Venkataramani et al., Glutamatergic synaptic input to glioma cells drives brain tumour progression, Nature, 2019.
P. Mauffrey et al., Progenitors from the central nervous system drive neurogenesis in cancer, Nature, 2019.
C. Magnon et al., Autonomic nerve development contributes to prostate cancer progression, Science, 2013.
G. E. Ayala et al., Cancer-related axonogenesis and neurogenesis in prostate cancer, Clin. Cancer Res., 2008.
G. E. Ayala et al., In vitro dorsal root ganglia and human prostate cell line interaction : Redefining perineural invasion in prostate cancer, Prostate, 2001.
La découverte de mécanismes spécifiques de la douleur induits par l’interaction des tumeurs et du système nerveux ouvre des pistes thérapeutiques ciblées.
Chez les pieuvres et les calmars, le système nerveux des bras est organisé en segments répétés. Cette organisation éclaire leur motricité fine et pourrait inspirer le développement de robots souples.
Il ne fait plus aucun doute que les tumeurs cancéreuses, qu’elles se développent dans le cerveau ou ailleurs dans l’organisme, entretiennent des liens complexes avec le système nerveux. Cette découverte a modifié en profondeur notre compréhension globale du cancer. L’éclairage de Claire Magnon, dont les travaux pionniers dans ce domaine ont lancé une nouvelle discipline : la neuroscience du cancer.
Dans les cellules tumorales, l’interaction de deux structures cellulaires, les cavéoles et les invadopodes, altère la matrice extracellulaire, ce qui favorise la libération et la dissémination des cellules cancéreuses.
Le noyau des cellules tumorales se rompt parfois lorsqu’elles se déforment en proliférant. L’échappement de l’ADN entraîne alors une cascade de réactions qui favorisent la dissémination de métastases.
En analysant les cellules tumorales qui circulent dans le sang d’un malade atteint de cancer, on peut mieux caractériser la maladie et évaluer sa progression. Et choisir le traitement le plus adapté.