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Pourquoi l'invasion du 8 ao�t 1914 ?
 


Parmi les th�orie les plus r�pandues sur cette premi�re invasion du Bl�montois du 8 au 15 ao�t 1914, on retrouve r�guli�rement l'all�gation d'une VI�me arm�e allemande, aux ordres du kronprinz Ruprecht de Bavi�re, qui op�re pour prot�ger Mulhouse, et qui, �� le 11 ao�t, atteint la ligne Blamont-Cirey et pousse une avant-garde jusqu'� Badonviller �.
Mais Bl�mont a en r�alit� �t� envahi d�s le 8 aout � 18 h par la m�me VI�me arm�e allemande. Et si c'est bien en fin de journ�e du 14 ao�t que les troupes allemandes se replient (en laissant une ligne de d�fense qui coutera de lourdes pertes au 95�me R.I. fran�ais), on peut douter de la th�orie d'un Ruprecht indisciplin�, qui �� cette fois, doit se r�signer. Le 15 � midi, il ordonne la retraite g�n�rale vers la Sarre. �.
Il faut rappeler aussi que c'est la ligne de d�fense � l'est de Sarrebourg (pr�par�e depuis des jours et sur laquelle Ruprecht attire l'arm�e fran�aise apr�s le franchissement de la fronti�re), qui brisera le 20 ao�t la contre-offensive fran�aise, et offrira l'opportunit� d'une marche victoire allemande vers Nancy, qui se heurtera � la d�fense du Grand-Couronn�.
Comme on le voit, l'explication n'est pas satisfaisante : invasion de Bl�mont le 8 ao�t, incendies de Parux et Nonhigny le 10, attaque sur Badonviller le 12 (sans pousser davantage la progression)... Une semaine perdue en op�rations de faibles envergures, pendant laquelle un corps d'arm�e d'occupation se perd � Bl�mont depuis le 8 aout en beuveries et exactions, alors m�me qu'on lit ci-dessous que �� le 3e corps de cavalerie, qui, dans la journ�e du 9 ao�t, a tent� de s'ouvrir un passage de vive force aux environs d'Avricourt, a d� faire demi-tour devant les canons du fort de Manonviller �. (information erron�e, puisqu'Avricourt a �t� occup� d�s le 8 ao�t d'autant plus facilement que les troupes fran�aises avaient ordre de se tenir �loign�es de 10 km de la fronti�re, et qu'en outre, la port�e de l'artillerie fran�aise de Manonviller ne peut atteindre Avricourt).


La revue de France. t. 3
Mai-Juin. 1922
Ed. Paris 1922

Le Commandement Allemand pendant les Op�rations d'Alsace-Lorraine en Ao�t-Septembre 1914

Un article paru, il y a quelques mois, dans une revue d'outre- Rhin (1), a expos�, dans leur ensemble, les op�rations qui, du c�t� allemand, se sont d�roul�es au d�but de la guerre en Alsace-Lorraine. Si, en ce qui concerne les batailles et les combats proprement dits, cet article ne relate rien de tr�s nouveau, il se d�gage, par contre, de sa lecture, des notions int�ressantes sur le r�le jou� alors par le commandement allemand, et en particulier par la direction supr�me. C'est ce r�le que nous nous proposons d'�tudier dans les pages qui suivent, en r�duisant dans la mesure du possible le r�cit des op�rations, qui sont aujourd'hui g�n�ralement connues du public fran�ais.
Dans les premiers jours d'ao�t 1914, la VIe arm�e allemande se concentre en Lorraine, la VIIe en Alsace.
La VIe arm�e, plac�e sous les ordres du kronprinz Ruprecht de Bavi�re, est en majeure partie constitu�e de corps bavarois : 1er, 2e, 3e corps d'arm�e actifs et 1er corps de r�serve, auxquels est adjoint le 21e corps d'arm�e prussien.
La VIIe arm�e, sous le commandement du g�n�ral Oberst von Heeringen, se compose des 14e et 15e corps actifs, du 14e corps de r�serve et d'un certain nombre de brigades mixtes de Landwehr.
Enfin le 3e corps de cavalerie (g�n�ral bavarois Chevalier von Frommel), qui comprend les 7e et 8e divisions de cavalerie prussiennes et la division de cavalerie bavaroise, est subordonn� � la VIe arm�e.

L'Instruction du D�ploiement strat�gique fixe la mission initiale de ces forces, qui, r�unies sous un commandement sup�rieur, auront pour t�che essentielle de prot�ger le flanc gauche du gros des arm�es allemandes s'avan�ant vers la France par le Luxembourg et la Belgique.
Deux hypoth�ses sont envisag�es :
1� L'arm�e fran�aise, restant tout d'abord sur la d�fensive, se tient pr�te � contre-attaquer quand la man�uvre allemande se sera dessin�e. Dans ce cas, pour retenir le plus de forces ennemies possible dans l'Est, emp�cher leur transport vers l'ouest et leur intervention contre la droite allemande charg�e de l'action d�cisive, le commandant sup�rieur d'Alsace-Lorraine pourra �tre amen� � attaquer en avan�ant contre la Meurthe et la Moselle en aval de Frouard.
2� Si, au contraire, les Fran�ais attaquent en forces sup�rieures entre Metz et les Vosges, le commandant d'Alsace- Lorraine devra agir de telle mani�re que le flanc gauche du gros de l'arm�e allemande ne soit � aucun moment menac�. Il renforcera au besoin les troupes de d�fense de la position de la Nied (2), et, s'il est oblig� de battre en retraite, fixera dans l'espace et dans le temps l'ampleur de son repli.

Le 10 ao�t, le kronprinz Ruprecht de Bavi�re est nomm� au commandement sup�rieur des forces allemandes d'Alsace-Lorraine.
Ce ne pouvait �tre pour lui une surprise : depuis longtemps l'Etat-Major bavarois connaissait le r�le qu'il serait appel� � jouer en Lorraine. Deux ans avant la guerre, le chef d'�tat-Major de l'arm�e bavaroise, qui allait �tre le chef d'Etat-Major de Ruprecht au d�but des hostilit�s, Krafft von Dellmensingen, avait m�me dirig� sur la fronti�re lorraine une man�uvre de cadres au cours de laquelle le cas d'une importante offensive fran�aise entre Metz et les Vosges avait �t� pr�cis�ment �tudi�.
Malgr� cela, on a l'impression que le haut commandement bavarois ait �t� quelque peu �tonn� en recevant l'Instruction du D�ploiement strat�gique, qu'il aurait jug� trop complexe la mission qui lui �tait assign�e par cette instruction et que, finalement, il se serait arr�t�, pour simplifier les choses, au parti d'attaquer en toutes circonstances.

Le 9 ao�t, jour o� il �tablit son quartier g�n�ral � Saint-Avold, le kronprinz Ruprecht apprend que de graves �v�nements se sont d�roul�s la veille � la VIIe arm�e : la ville de Mulhouse a �t� occup�e par les Fran�ais, et des combats s�rieux continuent de se d�rouler autour des cols des Vosges. Le g�n�ral von Heeringen a d�cid� de contre-attaquer sans retard avec toutes ses forces, et il sollicite le prince Ruprecht d'appuyer la droite de la VIIe arm�e en marchant contre le front Baccarat, Raon-l'�tape, o�, d'apr�s ses renseignements, des forces ennemies importantes sont rassembl�es.
D�f�rant � cette demande, Ruprecht prescrit � la 7e division de cavalerie, soutenue par de l'infanterie du 1er corps bavarois, de se porter sur Baccarat.
Aucune r�sistance s�rieuse ne s'oppose � la marche de ce d�tachement qui, le 11 ao�t, atteint la ligne Blamont-Cirey et pousse une avant-garde jusqu'� Badonviller. Les choses d'ailleurs en restent l�, car � ce moment la VIIe arm�e fait conna�tre qu'elle a r�occup� Mulhouse et rejet� les troupes fran�aises vers la fronti�re. Seuls les cols des Vosges restent pour la plupart entre les mains des Fran�ais, mais les Allemands en tiennent solidement les d�bouch�s vers la plaine d'Alsace.
A peu pr�s rassur� du c�t� de la VIIe arm�e, le prince Ruprecht se pr�occupe de conna�tre l'importance des troupes fran�aises r�unies en Lorraine, en face de sa VIe arm�e. L'aviation ne lui a fourni encore aucun renseignement de valeur, et le 3e corps de cavalerie, qui, dans la journ�e du 9 ao�t, a tent� de s'ouvrir un passage de vive force aux environs d'Avricourt, a d� faire demi-tour devant les canons du fort de Manonviller.
Un combat va soudain �clairer la situation. Le 11 ao�t, pour r�parer un �chec inflig� la veille � un de ses d�tachements, le commandant de la 42e division (21e corps) lance une attaque importante sur le village de La Garde. Il s'empare facilement de cette localit�, et, � la faveur de l'action, fait un certain nombre de prisonniers, dont l'interrogatoire et la fouille fournissent des renseignements pr�cieux, d'o� il r�sulte qu'une arm�e fran�aise forte de cinq corps d'arm�e environ est r�unie en Lorraine.
Une offensive ennemie peut donc �tre consid�r�e comme probable dans cette r�gion. Mais, nous l'avons dit, Ruprecht, de son c�t�, est bien r�solu � attaquer et, d�s lors, il n'a plus qu'une h�te, celle de pr�venir l'offensive adverse. Il d�cide aussit�t de ramener la VIIe arm�e entre Strasbourg et Sarrebourg, pour partir ensuite, toutes forces r�unies, contre l'arm�e fran�aise de Lorraine.
Toutefois, en rendant compte de ces dispositions au g�n�ral de Moltke, il lui demande de fixer la date � laquelle il conviendrait, en raison de la situation g�n�rale, de commencer les op�rations. La r�ponse du Grand Quartier G�n�ral ne le fait pas attendre et vient plonger Ruprecht dans la plus profonde stup�faction. Non seulement Moltke n'indique pas de date pour l'attaque projet�e, mais encore il informe le commandement sup�rieur d'Alsace-Lorraine que cette attaque serait inopportune.

Ruprecht s'incline, non sans regret et en se r�servant de reprendre plus tard son id�e. Dans ce but, il laisse la VIIe arm�e poursuivre sa concentration vers Strasbourg, Sarrebourg et se borne � ordonner � la VIe arm�e de rester d�fensivement sur la position qu'elle occupe et qui s'�tend de la c�te de Delme, par Ch�teau-Salins, Geistkirch et Bourdonnay, � Blamont et Cirey.
Le 14 au matin, il re�oit du Grand Quartier G�n�ral une instruction qui explique la d�cision prise la veille en haut lieu. D'apr�s les renseignements que poss�de la direction supr�me, les forces fran�aises concentr�es entre Pont-�-Mousson et Raon-l'�tape s'�l�veraient � douze corps d'arm�e et 5 divisions de cavalerie. En arri�re, vers Mirecourt, il y aurait trois corps d'arm�e, et, de plus, un groupe de divisions de r�serve serait en cours de transport vers Epinal et Toul.
Evidemment, les agents allemands ont vu double, mais, sur la foi de leurs renseignements, Moltke s'�meut : �� Que les VIe et VIIe arm�es, �crit-il, �vitent une attaque sup�rieure en nombre contre la Sarre. �
La Sarre ! 50 kilom�tres en arri�re du centre de la VIe arm�e. Ruprecht lui ne voit pas si loin. Pourtant les nouvelles re�ues � ce moment du front ne sont pas enti�rement favorables.
D�s le matin du 14, l'ennemi s'est port� en avant sur tout le front de Ch�teau-Salins � Schirmeck. Articul� en formations profondes, il n'avance, dit-on, qu'avec prudence, et c'est � peine, en effet, si le 3e corps bavarois et le 21e corps prussien signalent quelques engagements aux avant-postes. Le 1er corps bavarois, toutefois, a �t� assez s�rieusement accroch� � la gauche de l'arm�e et oblig� d'abandonner Blamont et Cirey.
La VIIe arm�e, de son c�t�, rend compte que, attaqu� de nouveau, Mulhouse vient d'�tre repris par les Fran�ais, que dans les Vosges les forces allemandes ont �vacu� le Donon et, que pour faire face � la situation, le g�n�ral von Heeringen a d� arr�ter entre Molsheim et Colmar la fin de ses transports vers le Nord.
De ces �v�nements que conclut Ruprecht ? En Lorraine, une attaque ennemie dont l'allure n'est pas encore tr�s mena�ante ; en Alsace, une situation plus s�rieuse, mais non encore compromise.
Rien ne justifierait � ses yeux une retraite imm�diate vers la Sarre. Toutefois, pour donner en partie satisfaction � la direction supr�me, comme aussi pour �tre pr�t � toute �ventualit�, il envoie l'ordre pr�paratoire suivant :
Au cas o� les forces allemandes d'Alsace-Lorraine seraient contraintes de se replier :
1� La VIe arm�e viendrait s'�tablir sur le front Busendorf (Bouzonville), Sarrelouis, Sarreguemines, Sarreunion, Pfalzbourg, Lutzelbourg, couverte par des arri�re-gardes qui tiendraient successivement :
a. La ligne Nied fran�aise, Rotte, Baronweiler, Rodalben, Bessingen, Sarrebourg, Lutzelbourg ;
b. La ligne Nied allemande, Lixingen, Hellimer, Insmingen, Sarreunion.
2� La VIIe arm�e s'�tablirait sur la ligne fortifi�e de la Bruche, d'o� elle interdirait � tout prix une perc�e ennemie soit vers Sarrebourg, Pfalzbourg, soit � l'ouest de Molsheim.

Donn� dans la journ�e du 14, cet ordre pr�paratoire ne pr�juge en rien du moment de l'ex�cution que le kronprinz Ruprecht se r�serve formellement de fixer.
Les d�buts de la journ�e du 15 ao�t confirment Ruprecht dans sa mani�re de voir. Devant la VIe arm�e, l'avance fran�aise continue d'�tre signal�e comme peu mordante, et la VIIe arm�e rend compte, d'autre part, que les renseignements qu'elle a envoy�s la veille ayant �t� tr�s exag�r�s, - Mulhouse en particulier n'a jamais �t� inqui�t� par les Fran�ais, - elle reprend ses transports de troupes vers le Nord.
Mais alors se produit une nouvelle intervention de la direction supr�me. Vers la fin de la matin�e, Moltke t�l�phone � Ruprecht que d�cid�ment des forces fran�aises consid�rables lui sont oppos�es sur le front d' Alsace-Lorraine : trois arm�es de quatre corps se trouvent entre Toul et Raon-l'Etape, chacune d'elles suivie d'une arm�e de r�serve forte de trois corps ; en outre, un groupe de quatre divisions de r�serve est dispos� en arri�re de chacune des ailes. Quelques instants apr�s arrive au Quartier G�n�ral de Saint-Avold une lettre personnelle du Quartier-Ma�tre G�n�ral Stein approuv�e par le g�n�ral de Moltke. Cette lettre confirme les renseignements envoy�s pr�c�demment par t�l�phone et invite le commandement sup�rieur d'Alsace-Lorraine � �tablir la VIe arm�e sur la Sarre, en amont de Sarrebruck, de telle mani�re qu'elle puisse �tre toujours en mesure de reprendre l'offensive. En terminant, Stein annonce l'arriv�e prochaine de trois divisions d'Ersatz � la VIe arm�e et de trois autres � la VIIe.
Ruprecht, cette fois, doit se r�signer. Le 15 � midi, il ordonne la retraite g�n�rale vers la Sarre. Le repli des corps d'arm�e commencera le lendemain et sera r�gl� de telle sorte qu'un demi-tour reste toujours possible en cas de changement d'attitude de l'adversaire. La retraite, couverte par la 8e division de cavalerie et la division de cavalerie bavaroise, devra �tre termin�e le 18 ao�t.
En ex�cution de ces ordres, le d�crochage s'op�re dans la nuit du 15 au 16 pour les avant-postes, dans celle du 16 au 17 pour le gros. Il se fait avec la plus grande facilit�, et cette facilit� m�me cause � Ruprecht de vifs regrets. Le 17 au matin, il se repent d'avoir c�d� trop vite aux prescriptions de la direction supr�me. L'ennemi, en d�finitive, n'est pas aussi fort qu'on le pense ; s'il avait vraiment la sup�riorit� num�rique que lui pr�te Moltke, son attitude serait diff�rente. En tout cas, c'est par la bataille seule qu'on pourrait prendre une notion exacte de ses forces, et non pas en reculant, comme le veut la direction supr�me. D�cid�ment, celle-ci raisonne en aveugle, et il faut passer outre � ses injonctions.
Appelant sur-le-champ son chef d'�tat-Major, le g�n�ral Krafft von Dellmensingen, il lui fait �crire au Quartier-Ma�tre G�n�ral Stein une lettre particuli�re pour l'informer que le commandement d'Alsace-Lorraine a d�cid� d'attaquer aussit�t que la VIIe arm�e sera en place, c'est-�-dire vraisemblablement le 18 ao�t.
Et cette fois il ne demande plus l'avis du Grand Quartier G�n�ral. Il le lui demande d'autant moins qu'un ordre de Moltke vient d'arriver indiquant que l'offensive du gros des forces allemandes vers la France commencerait le 18 ao�t et rappelant qu' �� aux VIe et VIIe arm�es et au 3e corps de cavalerie incombe la mission de prot�ger le flanc gauche de l'arm�e �. Comment pourrait-on mieux couvrir qu'en attaquant ?
La direction supr�me, apr�s avoir pris connaissance de la d�cision du kronprinz bavarois, renonce � contenir plus longtemps l'imp�tuosit� de son lieutenant ; elle tente seulement de la mod�rer. Dans la soir�e du 17, elle d�p�che � Saint-Avold le lieutenant-colonel von Dommes, aide de camp de l'Empereur, avec l'instruction suivante : �� Les VIe et VIIe arm�es ne doivent pas s'engager � l'aventure, mais agir avec s�ret�. Leur mission est de couvrir le flanc gauche de l'arm�e. L'offensive principale fran�aise n'aura pas lieu � travers la Lorraine. �
Conclusion pour le moins inattendue ! Vouloir temp�rer l'ardeur de Ruprecht, et, pour ce faire, lui annoncer qu'il ne sera pas attaqu�, prouve une logique assez peu d�velopp�e. Ruprecht lui-m�me a d� en sourire en envoyant ses ordres.
Aux termes de ceux-ci, toute l'arm�e doit s'arr�ter sur les positions qu'elle occupe le 17 ao�t au soir et qui sont sensiblement jalonn�es par la premi�re ligne pr�vue pour le repli des arri�re-gardes, savoir : la Nied fran�aise depuis Sanry, la Rotte jusqu'� Wallersberg, les hauteurs de Destry, Morhange, Bensdorf, Losdorf.
Partant de cette base, la VIe arm�e et la droite de la VIIe attaqueront l'ennemi de front, tandis que le centre de la VIIe arm�e et sa gauche tomberont dans le flanc ou sur les derri�res de l'adversaire.
Le 18, la VIe arm�e continuera donc l'organisation de sa position de r�sistance, en liaison avec la droite de la VIIe arm�e, qui, pour barrer la trou�e de Sarrebourg, se maintiendra sur le front Rieding-Saint-Louis. Le reste de la VIIe ann�e (centre et gauche) commencera son mouvement en avant, de mani�re � se saisir dans la journ�e des d�bouch�s ouest des Vosges, 15e corps, dans la r�gion de Dagsbourg, 14e corps de r�serve, dans celle de Blamont.
Ce m�me jour, le 20e corps fran�ais entre dans Ch�teau-Salins et pousse des avant-gardes au nord de la ville. Dans la r�gion de Dieuze, des engagements assez vifs ont lieu entre les �l�ments avanc�s du 21e corps prussien et les t�tes de colonnes du 15e corps ftan�ais ; plus � l'est, la 1re division de r�serve bavaroise se porte sur Mittersheim, pour barrer au 16e corps fran�ais la trou�e du canal des Houill�res ; enfin le 8e corps fran�ais occupe Sarrebourg.
Le 19, la VIe arm�e allemande est bien assise sur ses positions. Son front, quelque peu �tir�, puisque les corps d'arm�e qui l'occupent ont un d�ploiement de 12 � 15 kilom�tres, est n�anmoins continu et soud�. Des avant-gardes le couvrent � quelque distance vers le sud. En arri�re, les divisions d'Ersatz envoy�es par la direction supr�me d�barquent dans la vall�e de la Nied, � une �tape du champ de bataille.
Par contre, la VIIe arm�e est depuis quarante-huit heures aux prises avec de grandes difficult�s, dues � la fois � la nature du terrain et � la r�sistance adverse. Le 15e corps et le 14e corps de r�serve n'ont pas atteint les d�bouch�s des Vosges. Le 19 au soir, le premier a ses �l�ments avanc�s sur la ligne Hommert-Harberg ; l'autre, plus �loign� encore, n'a pas d�pass� le front Schirmeck, Steige, Ribauvill�.
Dans ces conditions, il est difficile de pr�voir le moment o� la VIIe arm�e pourra faire sentir son action � l'ouest des Vosges.
Continuer de l'attendre, c'est risquer d'imposer � la VIe arm�e une bataille d�fensive prolong�e, qu'elle a des chances de perdre si, par hasard, les renseignements de la direction supr�me touchant l'importance des forces ennemies en Lorraine se trouvent exacts.
Or il n'y a pas de doute que cette bataille soit imminente.
Dans la journ�e du 19, on en est venu sur tout le front � des contacts �troits. L'ennemi est � pr�sent � port�e d'assaut de la position de r�sistance allemande.
Une d�cision s'impose. Logique avec lui-m�me, Ruprecht n'attendra pas le choc de l'ennemi.
Le 19, � 19 h. 30, il donne l'ordre d'attaque pour le lendemain.
Le 20 ao�t � 5 heures, la VIe arm�e s'�lancera sur tout le front, aile droite (3e corps bavarois) en direction de Delme, aile gauche (1er corps de r�serve bavarois) en avant de Mittersheim. La r�serve g�n�rale de Metz couvrira le flanc droit de l'attaque en se portant sur Delme.
La VIIe arm�e attaquera �galement sur tout son front ; mais, laiss�e libre de d�terminer l'heure de son attaque �� en consid�ration du p�nible d�ploiement du 15e corps au sortir de la montagne �, elle la fixe � onze heures.
La bataille de Morhange est � la veille de se livrer. Les forces adverses qui vont en venir aux mains comptent � cette heure :
Fran�ais :
7 corps d'arm�e.
3 divisions de cavalerie.
5 divisions de r�serve.
1 brigade coloniale.
Allemands :
8 corps d'arm�e.
3 divisions de cavalerie.
3 divisions et demie d'Ersatz.
Au total, une sup�riorit� d'un corps d'arm�e du c�t� allemand.
On voit, par ces chiffres, combien la direction supr�me s'�tait lourdement tromp�e dans son �valuation des forces fran�aises de Lorraine.

II n'entre pas dans le cadre de cette �tude de faire un r�cit d�taill� de la bataille de Morhange.
Etudiant avant tout le r�le du commandement allemand, nous n'avons � retenir des �v�nements du champ de bataille que ce qui aide � comprendre les d�cisions prises par ce commandement.
On sait que, le 20 ao�t, aux premi�res lueurs du jour, une nombreuse artillerie allemande de tous calibres entre en action, qu'� la faveur d'un bombardement formidable et pr�cis l'infanterie de la VIe arm�e d�vale le long des pentes au sommet desquelles elle �tait �tablie, que sur presque tout son front d'attaque, - � sa gauche en particulier, - les corps fran�ais surpris et d�contenanc�s l�chent pied et qu'avant midi la IIe arm�e fran�aise bat en retraite.
Le soir venu, la VIe arm�e, qui, malgr� une t�che relative ment ais�e, a progress� avec une certaine prudence et n'a pas avanc� de plus d'une dizaine de kilom�tres en moyenne, a ses avant-gardes sur la ligne Hochwalsh, Sarrebourg, Freiburg, Dieuze, Durkastel, Gerbecourt, c�te de Delme, en liaison � droite avec la r�serve g�n�rale de Metz, qui a occup� Nomeny.
Quant � la VIIe arm�e, ses affaires ont march� beaucoup moins bien. Si, au d�but de l'apr�s-midi, la gauche de la Ire arm�e fran�aise s'est vue contrainte d'�vacuer Sarrebourg, elle a oppos� � toute avance ult�rieure des Allemands une r�sistance opini�tre se traduisant par des contre-attaques r�p�t�es et violentes. En vain, le 15e corps allemand s'est-il acharn� contre le d�bouch� des Vosges ; il a �t� implacablement contenu devant Alberschweiler, tandis que le 14e corps de r�serve combattait en vain pour la possession du Donon.
Aussi, le soir de Morhange, le kronprinz de Bavi�re a-t-il l'impression de n'avoir remport� dans la journ�e du 20 qu'un beau succ�s tactique, non pas une victoire d�cisive.
Il ordonne, en cons�quence, que l'attaque sera reprise le lendemain sur tout le front.
Mais alors une surprise se produit. Quand, le 21 au matin, la VIe arm�e allemande reprend son offensive, elle tombe dans le vide. Pendant la nuit toute la IIe arm�e fran�aise s'est repli�e sur la position de Nancy. Ne rencontrant aucun obstacle devant elle, la VIe arm�e pousse sa gauche jusqu'� la fronti�re fran�aise, pr�s d'Avricourt, tandis que sa droite vient s'appuyer � la for�t de Gremecey.
La VIIe arm�e, b�n�ficiant de son c�t� de l'avance de la VIIIe arm�e, peut atteindre le front Cirey-Schirmeck.
Au total, le centre et la gauche du dispositif allemand, en l'absence de toute r�sistance adverse, ont r�alis� dans la journ�e du 21 une avance importante, mais la droite, qui entre d�j� dans la zone d'action des d�fenses de Nancy, a peu progress�.
Ruprecht ne peut plus entrevoir de grands r�sultats de ce c�t�, pas plus qu'il ne peut esp�rer de progr�s d�cisifs dans la r�gion montagneuse vosgienne. Il n'y a de zone favorable � une exploitation que celle qui s'�tend entre le rebord occidental des Vosges et les c�tes de Moselle.
C'est donc l� qu'il va porter son effort.
Il ordonne en cons�quence aux 2e corps bavarois, 21e corps prussien et 1er corps bavarois de se porter rapidement vers le front Lun�ville-Baccarat, couverts du c�t� de Nancy par le 3e corps bavarois.
Le 22, en ex�cution de ces ordres, celui-ci s'�tablit face � Nancy, entre la Seille et la Sanon, tandis que le 2e corps bavarois et le 21e corps attaquent Lun�ville, qu'ils occupent dans la nuit.
Mais, � leur gauche, le 1er corps bavarois, qui devait se porter sur Baccarat, est immobilis� au d�bouch� d'Avricourt par les canons du fort de Manonviller et, pareillement, la droite de la VIIe arm�e, en face de �� la r�sistance de l'ennemi qui devient chaque jour plus opini�tre �, ne peut d�passer la ligne de la Vezouse vers Blamont et Cirey.
Ainsi la VIe arm�e est s�par�e en deux masses, dont l'une a atteint la r�gion de Lun�ville, l'autre celle de Blamont ; entre les deux, un trou d'une vingtaine de kilom�tres dont le centre est marqu� par le fort de Manonviller. La situation n'est plus aussi brillante que la veille.
Ruprecht, semble-t-il, s'en rend compte. La menace de Nancy, l'obstacle de Manonviller lui interdisent pour le moment de pousser beaucoup plus loin vers le sud. Il lui faut � tout le moins r�gler pr�alablement la question de Manonviller, et il en charge le 1er corps de r�serve bavarois. Puis, face � Nancy, il constitue, sous les ordres du commandant du 3e corps bavarois, un d�tachement d'arm�e, qui comprend le 3e corps bavarois, les trois divisions d'Ersatz (group�es en un corps d'Ersatz) et la division de cavalerie bavaroise, avec mission de couvrir le flanc droit du dispositif entre la Seille de Manhou� et le canal de la Marne-au-Rhin vers Maixe.
A l'abri de cette couverture, le 2e corps bavarois, le 21e corps et la 8e division de cavalerie viendront, dans la journ�e du 23, border la Meurthe de part et d'autre de Lun�ville, cependant que le 1er corps bavarois, contournant par l'est le fort de Manonviller et la droite de la VIIe arm�e, viseront la Meurthe de Baccarat � Raon-l'Etape.
C'est donc un objectif limit� : la Meurthe, que le Kronprinz de Bavi�re ambitionne d'atteindre dans la journ�e du 23. D�cision logique qui doit lui permettre de rallier � l'abri d'un obstacle naturel ses forces quelque peu disjointes dans les journ�es pr�c�dentes et de se constituer une nouvelle base solide, qu'il s'agisse de poursuivre ult�rieurement la man�uvre vers le sud-ouest en direction de Charmes, ou de se porter contre Nancy.
Mais, � ce moment, une nouvelle intervention de la direction supr�me vient faire chavirer sa sagesse.
Le 23, Moltke prescrit, en effet, � la VIe arm�e de pour suivre vigoureusement vers le sud, de mani�re � s�parer les forces fran�aises qui sont dans les Vosges de celles qui se trouvent vers Nancy.
Alors, emport� de nouveau par sa fougue, Ruprecht oublie tout ce que la prudence lui conseillait la veille. Sans souci du changement de direction qui lui est impos� par la direction supr�me et qui va augmenter encore la longueur de son flanc d�fensif en face de Nancy, il ordonne aussit�t aux 2e corps bavarois et 21e corps prussien de franchir la Meurthe le 24 ao�t et de se porter sur le front Loromontzey, Essey-la-C�te, Saint-Pierremont.
Le 24 ao�t, le 21e corps s'empare de Gerbeviller et atteint, dans l'ensemble, les objectifs qui lui �taient assign�s. Mais le 2e corps bavarois se heurte d�s la travers�e de la Meurthe, entre Blainville et Lun�ville, � une r�sistance assez s�rieuse et tombe en outre sous un violent feu d'�charpe de l'artillerie adverse. Retard� de ce chef, il ne peut d�passer, dans la journ�e du 24, la ligne M�honcourt, Einvaux, Morovillers, Vennezey.
Cela aurait d� ouvrir les yeux de Ruprecht et le ramener � la sagesse; mais il ne veut plus entendre personne, ni le commandant du 2e corps bavarois, qui lui signale l'extr�me danger auquel son flanc droit et ses derri�res sont expos�s, ni le commandant du 3e corps bavarois, qui lui rend compte que des colonnes ennemies, soutenues par une forte artillerie lourde, se dirigent de Nancy vers l'est. Ruprecht a appris que deux corps d'arm�e fran�ais se trouvent dans la r�gion de Rambervillers ; il n'a d'yeux que pour eux, il ne veut surtout pas les laisser �chapper, donc poursuite � fond. Et, pour mieux saisir sa proie, il n'h�site pas � changer de nouveau la direction de marche de sa droite, en l'orientant vers le sud-est.
Ordre au 21e corps de d�passer, le 25, Rambervillers ; au 2e corps bavarois de lancer une de ses divisions sur la direction de Moyemont, Padoux, Girecourt-sur-Durbion, son autre division couvrant face � Bayon.
Comme un fil t�nu le flanc d�fensif allemand s'allonge d�mesur�ment au pied du grand couronn� de Nancy et des hauteurs qui, au sud, s'�tendent le long de la rive droite de la Moselle. On court � la catastrophe ; ce qui devait arriver arriva.
Dans la journ�e m�me du 25, attaqu� dans son flanc droit par l'ennemi qui occupe les hauteurs entre Meurthe et Moselle, le 2e corps bavarois est culbut� et rejet� sur la Mortagne avec de lourdes pertes, cependant que le 21e corps, entra�n� par le repli de son voisin, fait face � l'orage sur le front Gerbeviller-Griviller. De leur c�t�, le 3e corps bavarois et le corps d'arm�e d'Ersatz, qui ne cessent depuis deux jours d'�tendre leur front pour prot�ger les communications du 2e corps bavarois, sont s�rieusement accroch�s sur les hauteurs qui s'�l�vent de part et d'autre du canal de la Marne-au-Rhin et oblig�s de c�der du terrain entre Lun�ville et Courbessaux.
En toute h�te, le kronprinz de Bavi�re ram�ne � Lun�ville une division du 14e corps et le 1er corps de r�serve laiss� devant Manonviller. La prise du fort reste confi�e � quelques �l�ments de Landwehr ou d'Ersatz.
Le 26, le 2e corps bavarois est rejet� de l'autre c�t� de la Mortagne, et ses �l�ments de queue viennent tomber sous le feu de Manonviller, qui tient toujours. La situation est nettement critique.
Seule, la capitulation du fort, qui survient le lendemain 27 ao�t, sauve le 2e corps bavarois d'une ruine presque certaine.
Gr�ce �galement aux forces que Ruprecht a ramen�es et qui contre-attaquent sans rel�che, le corps d'arm�e d'Ersatz et le 3e corps bavarois peuvent se r�tablir sur les hauteurs au nord de Lun�ville.
La VIIe arm�e, enfin, en poursuivant vigoureusement ses attaques sur la Meurthe en amont de Baccarat, soulageait le 21e corps prussien et le 2e corps bavarois, qui r�ussissaient � s'accrocher sur les collines d'entre Meurthe et Mortagne.
Ainsi se terminait une poursuite inconsid�r�e, �uvre de la direction supr�me. D�sormais tout espoir d'obtenir une d�cision sur le front de Lorraine devait �tre abandonn�, et tout ce qu'on pouvait ambitionner de ce c�t�, c'�tait, en quelque sorte, d'occuper l'ennemi pour l'emp�cher de retirer des forces.
Il semble bien que Ruprecht ait ainsi envisag� la situation ; mais � ce moment il re�oit de Moltke une nouvelle instruction dat�e du 27 ao�t qui, derechef, le fait changer d'avis. �� Le gros des forces allemandes, apr�s une s�rie de brillants succ�s, est en marche sur Paris. Les VIe et VIIe arm�es, en liaison avec la place de Metz, devront emp�cher une avance de l'ennemi en Lorraine et en Haute-Alsace. Au cas o� l'ennemi reculerait devant elles, la VIe arm�e et le 3e corps de cavalerie franchiront la Moselle entre Nancy et �pinal et se porteront en direction g�n�rale de Neufch�teau, tandis que la VIIe arm�e, couvrant leur mouvement, interdira � l'adversaire tout d�bouch� entre �pinal et la fronti�re Suisse. �
Ainsi le gros des forces allemandes est en marche sur Paris !
D�j� Ruprecht voit la victoire se lever � l'horizon. Il faut que les arm�es d'Alsace-Lorraine soient, elles aussi, � la cur�e. En avant donc !
Ordre est donn� :
Au 3e corps bavarois, au corps d'arm�e d'Ersatz et au 1er corps de r�serve bavarois, celui-ci renforc� d'une division de Landwher avec artillerie de si�ge et g�nie de place, - d'attaquer Nancy ; au reste de la VIe arm�e et � la VIIe, de percer entre Nancy et �pinal.
On devra �tre en mesure de d�clencher cette offensive le 2 septembre.
Mais les pr�paratifs en sont plus longs qu'on ne le pr�voyait, en particulier devant Nancy, o� l'installation des batteries de si�ge allemandes se trouve grandement g�n�e par le feu de l'artillerie fran�aise.
Le 2 septembre, ils ne sont pas encore achev�s, et il faut remettre les attaques � quelques jours plus tard.
Or, sur ces entrefaites, on apprend que les Fran�ais commencent � retirer des forces et que, dans la journ�e du 3 septembre, deux de leurs corps d'arm�e se sont embarqu�s dans la vall�e de la Moselle.
Il n'est plus possible � Ruprecht de diff�rer son offensive � moins de manquer � sa mission essentielle : retenir les forces ennemies qui lui sont oppos�es.
Dans la nuit du 4 au 5, il lance donc ses arm�es dans une formidable attaque : partout il �choue avec les plus lourdes pertes. En vain la direction supr�me presse-t-elle le kronprinz bavarois de se saisir au plus t�t de la Moselle entre Toul et Epinal, en vain celui-ci multiplie-t-il ses efforts nuit et jour. Il peut faire ployer le front fran�ais ; il ne parvient pas � le rompre.
Et, pendant ce temps, le gros des forces allemandes subit la d�faite de la Marne.
Le 8 septembre, tout espoir �tant perdu, la direction supr�me commence � transporter vers l'ouest l'�tat-Major de la VIIe arm�e, avec le 15e corps d'arm�e et le 1er corps bavarois.
Le r�le des arm�es allemandes d'Alsace-Lorraine est termin�. Quelques jours plus tard, pour se cr�er des disponibilit�s et poursuivre la nouvelle man�uvre d�bordante entreprise dans l'ouest, Moltke ordonnera � Ruprecht de raccourcir son front en se retirant jusqu'� la fronti�re lorraine et en abandonnant au besoin la Haute-Alsace.
Au milieu de septembre, les troupes du kronprinz bavarois se trouvent de nouveau sur le sol allemand, o� elles se retranchent. La guerre de mouvement ne devait plus ressusciter en Lorraine.

En revoyant cette Allemagne qu'il avait quitt�e quelques jours auparavant dans la certitude de la victoire allemande, Ruprecht, sans doute, a fait un retour sur les �v�nements qui avaient amen� un tout autre r�sultat.
Interrogeant sa conscience, pouvait-il affirmer qu'il avait rempli sa mission ? Oui, puisque, ayant eu pour t�che de couvrir le flanc des arm�es allemandes, il l'avait effectivement prot�g�, et que, devant retenir les forces fran�aises qui lui �taient oppos�es, il les avait constamment tenues en haleine pendant un mois.
Pouvait-il faire mieux ? Peut-�tre. Mais, pour cela, il lui e�t fallu se soumettre aux instructions que la direction supr�me lui adressait le 15 ao�t, lorsqu'elle lui enjoignait de replier ses forces sur la Sarre. Il lui e�t fallu cette discipline intellectuelle, ou cette discipline tout court, qui, au d�but de la derni�re guerre, fut rarement le fait des g�n�raux allemands.
L'esprit d'ind�pendance, pour ne pas dire d'indiscipline, qui caract�rise les Kluck et les Ruprecht, c'est bien celui qui animait d�j� les g�n�raux allemands de 1870, commandants de corps d'arm�e ou simples commandants d'avant-gardes, qui, imbus d'une doctrine d'offensive � outrance, engageaient de leur propre initiative des batailles d�cisives, sans se soucier des intentions ou des directives du commandement en chef. Que de fois celui-ci avait �t� pr�s de sa perte, � cause de l'�lan irraisonn� de certains subordonn�s !
Au lendemain de la guerre de 1870, l'Etat-Major allemand, loin de reconna�tre les erreurs commises � ce point de vue par les chefs en sous-ordre, semble avoir attribu� � la conduite de ceux-ci les victoires remport�es, oubliant ainsi ou ne se rendant pas compte que le succ�s de cette conduite n'avait �t� rendu possible que par la passivit� et l'ignorance de l'adversaire.
Une aussi grave erreur d'appr�ciation devait conduire fatalement � la d�faite les chefs allemands le jour o� ils se rencontreraient avec des g�n�raux ennemis unis et disciplin�s, ob�issant � une seule volont� lucide et agissante.
La direction supr�me de 1914, il faut aussi le reconna�tre, commande de haut, si tant est qu'elle commande, car, bornant son r�le � quelques directives d'ordre g�n�ral, elle semble �viter soigneusement d'en contr�ler et d'en exiger l'ex�cution.
�loign�e de l'action, elle est r�duite, au fur et � mesure que les �v�nements se pr�sentent, que les r�actions de l'en nemi se font sentir, � s'en remettre � la volont� de ses sous-ordres, au lieu de les diriger ; elle se contente le plus souvent d'ent�riner leurs d�cisions. Ainsi fait-elle pour Kluck lorsque, de son propre chef, il change brusquement sa direction de marche devant Paris. Ainsi fait-elle pour Ruprecht lorsque celui-ci, le 17 ao�t, lui d�clare tout net qu'il n'ex�cutera pas les ordres de retraite qu'il a re�us.
Pourtant, la direction supr�me avait encore, � ce moment-l�, le temps de modifier les d�cisions du commandement d'Alsace-Lorraine et, ce faisant, quelle belle man�uvre elle pouvait r�aliser ! Laisser les arm�es fran�aises s'engager dans l'intervalle de 100 kilom�tres qui s�pare les d�fenses de Metz de celles de Strasbourg, les forcer � s'�tirer � l'extr�me pour se couvrir du c�t� de ces places, les attirer dans le cul-de-sac que repr�sentaient les lignes organis�es de la Nied et de la Sarre, et enfin, par une double attaque de flanc d�bouchant de Metz et de Strasbourg, les y enfermer ; voil� qui e�t �t� une op�ration capitale et qui aurait largement rembours� les millions engloutis depuis des ann�es dans le b�ton des deux plus grandes places fortes du monde. Plus les effectifs de l'ennemi �taient consid�rables, et c'est bien ainsi que la direction supr�me les voyait, plus cette man�uvre �tait avantageuse et indiqu�e. Au lieu de cela, on se soucie peu que Ruprecht d�clenche une attaque frontale, en avant de la ligne Metz-Strasbourg, laissant � peu pr�s inutilis�es ces deux forteresses, compl�tement inutilis�es les positions de la Nied et de la Sarre, et permettant aux arm�es fran�aises de se d�gager avec la plus grande facilit�.
Mais la direction supr�me de 1914, si elle �tait � m�me de concevoir une telle man�uvre, n'�tait pas en �tat de la faire ex�cuter, de l'imposer au besoin. Elle n'a pas la confiance de ses subordonn�s, et cela diminue sa confiance en elle-m�me, tant il est vrai qu'un nom, si illustre f�t-il, ne suffit pas pour triompher des difficult�s et remporter des victoires.
En r�alit�, le Moltke de 1914 ne sait pas ce qu'il veut. D'un ordre de retraite donn� la veille et rest�, d'ailleurs, inex�cut�, il passe sans transition � un ordre de poursuite. Marchant � la remorque de ses lieutenants, il intervient forc�ment trop tard et mal � propos.
Quand, le 23 ao�t, il lance Ruprecht � la poursuite des Fran�ais, c'est � contre-temps, puisque l'ex�cution de ses ordres doit avoir pour cons�quence d'engouffrer une partie des forces de la VIe arm�e entre la r�gion fortifi�e de Nancy, Toul et la r�gion fortifi�e d'Epinal, tandis que le reste de ces forces n'assurera qu'une couverture illusoire du c�t� menac�. Ayant, le 20 ao�t, commis l'erreur de laisser Ruprecht interdire aux Fran�ais l'entr�e d'une nasse dans laquelle ils �taient pr�s de se jeter et de se perdre, il en commet une autre, quatre jours plus tard, en le pr�cipitant � son tour dans une situation dont il ne sortira qu'au prix des plus grandes difficult�s, et non sans pertes.
Pour n'avoir pas voulu, - avant d'entreprendre quoi que ce soit vers le sud, - r�gler au pr�alable la question de Nancy, pour n'avoir peut-�tre pas su le discerner, la direction supr�me mettait ses ann�es de Lorraine en f�cheuse posture et compromettait irr�m�diablement tout succ�s � venir sur ce th��tre d'op�rations.
Car Ruprecht pouvait-il vraiment esp�rer un succ�s lorsqu'il commen�ait, au d�but de septembre, l'attaque sur Nancy et la trou�e de Charmes ? Le moment �tait pass�. Depuis quinze jours que la bataille de Morhange avait eu lieu, les Fran�ais �taient solidement install�s sur les d�fenses autour de Nancy ; ils avaient eu le temps de se refaire, de se reconstituer, tandis que ses propres forces �taient r�duites � la moiti� de leur effectif normal.
En le poussant sur Nancy et sur Charmes avec des effectifs r�duits, avec des moyens insuffisants, la direction supr�me, agissant une fois de plus � contre-temps, lui assignait une mission impossible � remplir. Il fallait, ou bien qu'elle le renfor��t, ce qu'elle ne pouvait faire, contre toute logique, qu'au d�triment des arm�es � qui incombait l'effort principal, ou bien qu'elle lui prescriv�t de rester sur la d�fensive. Il y avait l� une d�cision � prendre sans retard. La masse des arm�es allemandes qui op�raient en France, et � qui revenait l'action d�cisive, avait �t� amput�e, � la fin d'ao�t, de quatre corps d'arm�e dirig�s sur la Russie. Elle n'avait plus alors les moyens suffisants pour s'assurer la victoire.
Si, � ce moment, la direction supr�me avait pris le parti de retirer des forces d'Alsace-Lorraine, elle aurait pu reconstituer ses arm�es de l'ouest dans leur composition initiale et leur redonner ainsi des chances de succ�s.
Le kronprinz bavarois, maintenu dans une attitude d�fensive, aurait eu encore des effectifs bien suffisants pour jouer son r�le, surtout avec l'appui de places fortes comme Metz et Strasbourg, et, ce faisant, on pouvait esp�rer une victoire d�cisive en France.
Au lieu de cela, la direction supr�me, fig�e dans une r�partition rigide de ses forces, attaque partout avec des moyens insuffisants et subit partout un �chec in�vitable.
Ce n'est que le 8 septembre, - nous l'avons vu, - qu'elle se d�cide � retirer des unit�s du front de Lorraine et � �tablir celui-ci sur la d�fensive. Il est trop tard. La bataille de la Marne est � ce moment perdue.
Quelle diff�rence dans la mani�re de Joffre ! A la fin d'ao�t, discernant que la partie d�cisive va se jouer en France, le g�n�ralissime fran�ais y ram�ne tout ce qu'il peut r�cup�rer de forces. A l'heure m�me o� la pouss�e allemande se pr�pare sur Nancy, il n'h�site pas � pr�lever deux corps d'arm�e sur ses arm�es de droite, auxquelles il ne laisse que les effectifs strictement n�cessaires pour assurer la d�fense du front dont elles ont la garde, et ces corps d'arm�e seront � temps � la bataille de la Marne.
Par ce simple fait, le commandement fran�ais donnait la preuve de sa clairvoyance, de sa souplesse et de son activit�. Par l� il donnait une preuve de plus de sa sup�riorit� incontestable sur le commandement allemand.

Commandant DE MIERRY.

(1) �� La campagne en Lorraine, 1914 �. par le colonel Chevalier VON RUITH, chef d'�tat-major de la 7e division (revue Wissen und Wehr, juillet-septembre 1921).

(2) Cette position partait du coude de la Nied (au sud-est de Metz), o� un point d'appui �tait organis� d�s le temps de paix, et elle devait �tre renforc�e, dans tout son cours, jusqu'au confluent avec la Sarre, par des travaux de fortification. Des brigades mixtes de Landwehr �talent affect�es � sa d�fense.

 

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