Annales de l'Est
1899
LES TRAVAUX PUBLICS ET LE
R�GIME DES CORV�ES EN LORRAINE AU XVIIIe SI�CLE
(Suite et fin (1).)
CHAPITRE V (suite).
Pendant que La Galaizi�re
�rigeait ainsi l'arbitraire en loi et accumulait abus sur abus,
quelle attitude avaient dans leurs provinces les autres
intendants ? Sans doute, suivant en cela les instructions
minist�rielles, tous ordonnaient des corv�es pour les ouvrages
des Ponts et Chauss�es. Mais ils s'effor�aient, d'ordinaire, de
rendre ce fardeau moins lourd et sa r�partition aussi �quitable
que possible.
Depuis 1742, nous les voyons successivement, dans plusieurs
G�n�ralit�s, r�gler par des ordonnances tous les d�tails de ces
travaux. Ils tiennent � fixer le nombre et la dur�e des journ�es
de corv�e, l'alternance du travail et du repos. C'est
l'intendant de Moulins, par exemple, qui s'occupe d'assurer dans
les environs des ateliers des logements sains pour les
corv�ables (2), C'est l'ing�nieur de Champagne qui, dans un long
m�moire, se fait l'�cho des travailleurs (3). C'est encore
l'intendant de Caen qui ne commande plus que les communaut�s
�loign�es de moins de deux lieues (4). Tous se montrent de plus
en plus soucieux d'all�ger les populations d'une charge qu'elles
jugent particuli�rement odieuse.
La chauss�e de Neuviller fut la grande faute du Chancelier.
Imp�rieux toujours, dur souvent, jusqu'alors La Galaizi�re p�re
�tait rest� int�gre. on se demande, apr�s avoir �tudi� d'un peu
pr�s ce froid caract�re, quelle orgueilleuse folie s'empara de
lui pendant trois ann�es. Vrai maitre des Duch�s, il semble
gris� par son pouvoir presque absolu. Les mal�dictions du pays
ne contribuent qu'� l'exciter. Quelles qu'aient �t� les qualit�s
administratives de l'Intendant, ce d�plorable moment d'erreur
les fera en grande partie m�conna�tre. L'histoire de La
Galaizi�re est rest�e ins�parable de celle des corv�es. Les
Lorrains ne pardonn�rent pas. Le Chancelier demeure pour la
Province celui que nos p�res fl�trirent d'un simple mot :
l'homme de Neuviller.
Les penseurs, les �crivains qui v�curent en Lorraine au temps
des corv�es n'en oubli�rent jamais le lamentable spectacle.
Saint-Lambert le d�crira dans son po�me des Saisons, esquiss�
d�j� � cette �poque. Du sein d'une existence toute de plaisirs
et de galanteries, le po�te n'avait pu rester sourd aux
g�missements de ses compatriotes, Le seul passage vraiment �mu
de son long pastiche, publi� en 1769, est consacr� � ce
souvenir. L'idylliste se fait alors presque justicier. J'ai vu,
s'�crie- t-il,
J'ai vu le magistrat qui r�git ma province (5),
L'esclave de la cour et l'ennemi du prince,
Commander la corv�e � de tristes cantons,
O� C�r�s et la faim commandaient les moissons.
On avait consum� les grains de l'autre ann�e;
Et je crois voir encor la veuve infortun�e,
Le d�bile orphelin, le vieillard �puis�,
Se tra�ner, en pleurant, au travail impos�.
Si quelques malheureux, languissants, hors d'haleine,
Cherchaient un gazon frais, le bord de la fontaine,
Le piqueur inhumain qui pr�side aux travaux,
Leur vendait � prix d'or un moment de repos (6)
...
Saint-Lambert nous montre alors, au milieu de l' ��atelier �,
une jeune �pouse qui, pench�e sur son nourrisson malade, est
bient�t oblig�e de s'arracher a ces tendres soins:
Elle entend du piqueur la voix triste et cruelle
Et retourne au travail o� ce tyran rappelle ....
Puis, pour insister davantage, pour bien nous montrer que ce ne
sont pas l� de vaines peintures sentimentales, que c'est
r�ellement lui qui, par la bouche de cette m�re, maudit le ��
travail funeste �, le po�te tient il accompagner ses vers d'un
commentaire significatif: �Je savais sans doute �, dit-il, ��que
la loi n'ordonnait pas aux femmes d'aller � la corv�e, mais je
savais aussi qu'on oblige quelquefois les paysans de construire
dans quinze jours un chemin qu'ils ne peuvent construire que
dans un mois, et alors les femmes travaillent avec eux. Je sais
encore qu'on commande souvent des corv�es dans un temps pr�s de
celui des moissons, on d'autres r�coltes. Ces abus ne sont pas
du l�gislateur mais de ceux qu'il emploie. � Que cette sombre
peinture du po�te est encore loin pourtant de la v�rit�! J'ouvre
les archives et je cherche an hasard parmi les victimes des
fatales corv�es: j'y vois que, pour la seule ann�e 1756, ��au
mois de mai, deux jeunes femmes � sont relev�es ���touff�es et
�cras�es dans la carri�re du Val du ban de Flavigny, arrachant
de la pierre pour les travaux du Roy � Pont-Saint-Vincent � ; et
que le 8 octobre suivant, c'est le tour de ��la nomm�e
Parmentier, �cras�e dans les travaux des fonds de Toul pour le
Roy (7) �.
Durival, composant sa Description de la lorraine, d�clare que ce
syst�me meurtrier des corv�es mettait le pauvre au-dessous de
l'animal domestique, ��Le ma�tre qui fait travailler son �ne et
son cheval les nourrit �, ajoute-t-il. Il r�prouve ��ce travail
de larmes qui est mal fait et co�te trois fois plus (8)�. Et le
m�me auteur, en 1783, se permettant une �vocation plus directe
de la conduite de son ancien chef, rappelle l'empereur
Valentinien qui ��fit trembler � leur tour ces administrateurs
qui abusent de l'autorit� que leur donnent leurs fonctions pour
se faire craindre du peuple et l'assujettir � des servitudes
on�reuses. Il leur d�fendit, sous peine de mort et de
confiscation de tous leurs biens, d'imposer aucune corv�e aux
habitants de la campagne, pour leur service particulier (9) �
CHAPITRE VI
Troisi�me p�riode (1759-1787). - L'�uvre r�paratrice de La
Galaizi�re fils. - Adoucissements dans le r�gime des corv�es. -
Travaux command�s aux Lorrains en terre �v�choise. - Lutte de
l'intendant avec ses chefs.
Dans la lutte ardente contre
les corv�es, entreprise par les philosophes et les �conomistes
de la France enti�re, aux approches de la R�volution, une voix
s'�l�ve, et non des moins �loquentes, que l'on h�site un instant
� reconna�tre. C'est celle d'un La Galaizi�re.
Le successeur du Chancelier � l'intendance de Lorraine, devenu
intendant d'Alsace, publia en 1785 deux M�moires sur les
Corv�es. Ce n'est pas sans quelque embarras que le fils vient
bl�mer une institution dont le p�re a fait un si �trange abus;
mais l'auteur ne se propose pas moins dans cette �uvre de
montrer tr�s nettement ��que la corv�e en nature est injuste �,
et que ��cette contribution est la plus f�cheuse peut-�tre de
celles qu'acquittent les sujets du Roi (10) �. Ce n'�tait point
l� langage de circonstance, dict� par le d�sir de se mettre �
l'unisson des id�es nouvelles. Le pass� de l'auteur de ces
M�moires atteste qu'il est sinc�re.
Bien avant qu'il les expos�t en belles phrases, La Galaizi�re
fils, en effet, avait eu � c�ur de mettre en pratique ces
principes, Son arriv�e � l'intendance de Lorraine avait inaugur�
pour le pays une p�riode nouvelle dans le r�gime des corv�es.
Son administration en cette mati�re semble avoir �t� avant tout
une �uvre de r�paration.
En d�cembre 1758, le fils du Chancelier quitte Montauban pour
Lun�ville. Il arrive au moment o� le d�sespoir des populations
est � son comble. Est-ce au- caract�re plus doux, aux id�es
naturellement plus humanitaires du second intendant qu'i] faut
attribuer le changement de syst�me dont la Province a de suite �
se f�liciter (11) ? Le fils fut-il plut�t effray� des exc�s
commis, voulut-il soustraire le nom de sa famille � la
r�probation qui le poursuivait d�j� dans la contr�e ? Quoi qu'il
en soit, de grandes modifications furent introduites dans
l'administration des Ponts .et Chauss�es. Les registres de 1759
nous fournissent des surprises successives. Sans doute, on
continue encore, cette ann�e-l�, sur la fameuse chauss�e de
Nancy � Charmes, les travaux qu'il est indispensable de
parfaire; mais, d�sormais, il y a un compte ouvert des
compensations � accorder aux particuliers. Non seulement les
expropriations, mais, tout dommage dans les r�coltes, toute
non-jouissance temporaire, f�t-ce d'une simple haie, sont
l'objet de larges indemnit�s. Les travaux les plus difficiles
vont �tre effectu�s partout � prix d'argent. Les ouvrages d'art
reviennent plus cher � l'administration, car on n'y emploie plus
qu'exceptionnellement les corv�ables. La mention: ��les
communaut�s n'ont travaill� au comblement des grands bois de
Haye qu'� la premi�re saison �, se lit maintenant, chaque ann�e,
avec satisfaction, sur les �tats de l'ing�nieur. A maintes
reprises, ce sont des salari�s que l'on occupe sur les routes, ��
M. l'Intendant n'ayant pas jug� � propos de distraire les
corv�ables de leurs travaux de la campagne �. Je vois que des
gens qu'il a �t� indispensable de commander pendant les temps
pr�cieux � l'agriculture ont �t� amplement r�compens�s. Luxe
inou�, presque incroyable, on va parfois chercher en voiture
certains travailleurs trop �loign�s des ateliers. En 1760,
l'administration consacre 2,210 # ��pour gratifications en forme
d'aum�ne aux personnes estropi�es en travaillant. � corv�e�.
Enfin, et surtout, les exactions des agents subalternes des
Ponts et Chauss�es sont de nouveau s�v�rement r�prim�es. En mai
1765, un conducteur du bailliage de Neufch�teau, ayant fait
appr�hender par un cavalier de la mar�chauss�e un corv�able
insoumis, fut condamn� par l'Intendant � deux mois de prison.
Dans plusieurs cas analogues, de grands placards, reproduisant
la sentence, apprirent � chaque communaut� de Lorraine et
Barrois que l'�re des abus �tait d�finitivement close (12).
Il y a plus. Le fils ne craignit pas d'entrer en lutte ouverte
avec ses chefs, afin de d�fendre les int�r�ts de ces m�mes
corv�ables, pers�cut�s nagu�re par le p�re. Ce c�t� est curieux
en ce qu'il nous permet de compl�ter le tableau que nous avons
esquiss� des infortunes des communaut�s lorraines sous
l'administration du Chancelier, et qu'il nous r�v�le un des
secrets motifs pour lesquels la France avait si volontairement
ferm� les yeux.
Le Gouvernement avait laiss� La Galaizi�re oublier toute
mod�ration; mais c'�tait sous la- condition qu'� son tour, le
Commissaire d�parti trouv�t bon que les populations de la
Province contribuassent � soulager, au besoin, les autres sujets
du roi. C'est ainsi que l'intendant de Metz avait pris
l'habitude de commander sans fa�on les habitants des Duch�s pour
des corv�es concernant uniquement sa G�n�ralit�. Le cardinal de
Fleury, chez qui nous avons d�j� remarqu� une certaine
bienveillance pour la Lorraine, avait reproch�, il est vrai, au
Chancelier qu'il tol�r�t de telles choses. ��Les aides que la
n�cessit� du service ma fait accorder pour les chemins dans les
Ev�ch�s qui servent � nos communications (sans quoi ils
n'auraient jamais �t� faits) �, avait r�pondu �vasivement :M. de
La Galaizi�re, ��ont donn� lieu � quelques murmures de la part
des peuples de cette province que l'on y a fait servir; mais ce
n'est pour ainsi dire qu'une charge momentan�e dont ils tireront
eux-m�mes des avantages consid�rables par le d�bit de leurs
denr�es (13) � Et derechef', r�guli�rement, les communaut�s
lorraines avaient �t� envoy�es aux ateliers des diff�rentes
enclaves, particuli�rement sur les routes de Nancy � Dieuze, de
Dieuze � Saint-Avold ou � Phalsbourg, de F�n�trange � Boucquenom.
Ces chauss�es, importantes pour le service de la Ferme g�n�rale
et le d�bit des sels � l'�tranger, �taient fort fatigu�es par la
gabelle; elles exigeaient de continuelles r�parations.
Mais voici qu'au printemps de 1759, sur la d�cision du nouvel
intendant, les corv�ables lorrains n'all�rent point travailler
dans les Ev�ch�s. Cette abstention surprit, On trouva le
fonctionnaire bien audacieux. Les plaintes affin�rent � la cour
de Lorraine et � Paris. Les fermiers g�n�raux dress�rent de
longs m�moires o� ils d�claraient la vente des sels devenue
impossible. Le duc de Deux-Ponts, Christian II, se plaignit de
ce que l'on n�glige�t ainsi la chauss�e de Dieuze � Saint-Avold.
L'�v�que de B�le l'imita. Le cardinal de Bernis fut charg� de
r�pondre au prince qu'il aurait satisfaction et qu'il pouvait
consid�rer les travaux comme termin�s, Choiseul, Trudaine
correspondirent avec le bureau de Lun�ville (14). Fort de son
droit, La Galaizi�re tint bon. Les fermiers g�n�raux de se
r�pandre en nouvelles dol�ances ; les ministres de r�it�rer
leurs demandes. Pour terminer le d�but, le Gouvernement proposa
un moyen terme ; la France voulait bien faire une concession aux
corv�ables lorrains : on ne leur demandait plus qu'un minimum ��
de 28,345 journ�es de main-d'�uvre pendant deux ans � ! Mais il
fallait que les communaut�s distantes de trois ou quatre lieues
des territoires �v�chois aidassent leurs voisines. Tr�s bless�
du retard, Christian de Deux-Ponts �crivit � M. de La Galaizi�re.
Il pensait qu'il allait enfin ob�ir aux ordres de ses chefs.
Devant une telle insistance, l'intendant de Lorraine r�solut de
s'exprimer franchement. A Trudaine, il d�clara qu'Il ne
souffrirait point que la Province f�t ��victime de sa bonne
volont� et de l'indolence des Ev�ch�s pour un travail qui lui
�tait �tranger ... Il n'est pas possible d'exiger d'autres
secours de la Lorraine d�j� trop charg�e par une multitude de
travaux extraordinaires et par tin entretien immense �. ��Toutes
les parties lorraines sont achev�es �, disait-il � propos de la
chauss�e de Dieuze � Phalsbourg ; ��celles des �v�ch�s restent �
faire. On a m�me eu la complaisance de se charger de 300 toises
dans un terrain mar�cageux; mais cette marque de z�le n'a pu
exciter celui des communaut�s �v�choises qui demeurent
constamment dans l'inaction sur un ouvrage qui les regarde
uniquement... Les Lorrains murmurent d'�tre employ�s sur une
province �trang�re, tandis que les sujets n'y font rien (15) �
Comme r�ponse aux m�moires des fermiers g�n�raux m�contents, le
Commissaire d�parti tra�ait, � la h�te, ces lignes qui sont
vraiment r�confortantes : ��La Lorraine est plus charg�e de
corv�es que toute autre province de France; elle ne peut donner
de secours aux �v�ch�s sans causer un murmure qui serait fond�;
elle travaille depuis trente-cinq � trente-six ans aux ponts et
chauss�es; elle commence � se f�liciter de se voir bient�t au
moment de finir cette grande entreprise, et d'�tre born�e au
seul entretien de ses ouvrages, qui sont immenses, Ne
semblerait-il pas que ce serait commettre envers elle une
injustice de l'assujettir � aller davantage � la d�charge des
Ev�ch�s, apr�s le secours consid�rable qu'elle leur a donn�
depuis le changement d'Etat ? on laisse � r�fl�chir ! � Et le
fils du Chancelier terminait ainsi: ��Apr�s tous ces secours
qu'on ne vienne donc plus � la charge, il semble que c'est assez
(16). � En vain La Galaizi�re suppliait-il en faveur des
Lorrains : on ne sut point comprendre � Paris ce grave langage.
Plusieurs habitants se sentant soutenus refusent d'aller op�rer
des rechargements sur le territoire �v�chois. L'ing�nieur en
chef explique que ces gens ��ont mieux aim� se cotiser pour
payer l'amende de 20 #, impos�e au syndic, plut�t que d'y aller
travailler �. Baligand, converti, excuse cette mutinerie; il
trouve inique que dans la g�n�ralit� de Metz les nombreux
villages des subd�l�gations de Sarrebourg et de Phalsbourg
restent oisifs pendant qu'on charge de leur travail les
corv�ables des Duch�s. ��Comment, s'�crie-t-il, les habitants
des communaut�s �v�choises iraient (comme ils ont d�j� fait)
narguer les Lorrains de travailler � leur d�charge tandis qu'ils
ne feraient rien (17) ! � Mais Choiseul, Trudaine, Bertin,
d'insister tour � tour. A Versailles on se montre tellement
effray� de la col�re du duc de Deux-Ponts, qu'il faut c�der. Et,
de nouveau, nous voyons, en 1762, les populations de la Lorraine
allemande astreintes � ex�cuter de nombreux et importants
travaux :
Nombre de mois :
Pour construire un grand pont sur la rivi�re d'Albe, pr�s de
Sarralbe 6
Achever la route de Boucquenom � F�n�trange, de F�n�trange �
Lixheim 4
Entretien de diff�rentes routes partant de Bitche 3
Continuer la chauss�e neuve de la route de Dieuze � Saint-Avold
4
Baisser la montagne pr�s de Sarreguemines (route de Nancy). 2
Nouveaux ouvrages pour les chauss�es des environs de
Saint-Avold, Boulay, Bouzonville, Sarrelouis 3
Pendant ce temps, les communaut�s des quatre autres d�partements
des Ponts et Chauss�es ne sont, au contraire, employ�es qu'� des
travaux peu consid�rables, comme ceux de l'entretien et du
rechargement (18).
Un autre incident survint bient�t. On construisait en 1763 la
chauss�e de Longwy � Arlon. Cette voie ne traversait la
subd�l�gation de Longwy (19) que sur un parcours d'une
demi-lieue; mais cette circonscription �tait si petite, les
travaux d'art n�cessaires si consid�rables, que l'on reconnut
qu'il faudrait huit ans pour terminer l'entreprise. on pensa
alors � la Lorraine, dont on avait si souvent abus�. Le marquis
de M�zi�res, lieutenant-g�n�ral et gouverneur de Longwy,
invoquant l'utilit� de cette route pour le commerce des vins de
Bourgogne, de Champagne et de Bar, ainsi que le d�bouch� facile
qu'elle devait ouvrir jusqu'� Li�ge, demanda � l'Intendant
l'aide des Duch�s, Confiant dans une r�ponse favorable, il
joignait m�me d�j� � sa requ�te un �tat des localit�s lorraines
dont il avait besoin. Il en fallait 21 du bailliage de Viller-la-Montagne,
3 du bailliage de Longuyon, La Galaizi�re fils refusa. Alors,
d�tail typique, le marquis pensa qu'il serait plus heureux avec
le p�re. ��Monseigneur �, lui �crivait-il, ��je r�clame votre
protection pour cette fronti�re aupr�s de Monsieur votre Fils:
soyez notre ange tut�laire et d�terminez-le � accorder le
secours des communaut�s que je lui demande... Vous avez,
Monseigneur, fait faire la partie qui se trouve sur la Lorraine
avec toute la c�l�rit� d'un v�ritable patriote... Vous nous
ferez accorder ce secours absolument n�cessaire pour l'avantage
de deux nations qui n'en font plus qu'une (20). � Le Chancelier
ne put convaincre l'Intendant (21). Une fois de plus, pourtant,
mais apr�s une r�sistance de deux ans, La Galaizi�re dut �
regret se soumettre. Il lui fallut envoyer � Longwy les
corv�ables des bailliages voisins, de m�me qu'il eut, sur
l'ordre du duc de Choiseul, � en faire partir d'autres pour le
Verdunois, o� ils trac�rent, de Jametz � Arrancy, une nouvelle
route destin�e � �viter une �tape aux troupes fran�aises.
La conduite du second intendant de Lorraine fut loin d'�tre
appr�ci�e � Versailles. Sa fermet� lui valut la m�fiance de ses
chefs. La Galaizi�re fils avait rendu la r�partition des corv�es
plus �quitable. Il avait d�cid� que si les communaut�s �taient
encore employ�es � la seconde saison, ce ne serait plus que pour
des travaux d'entretien, ��le rechargement de l'automne �tant
essentiel pour mettre les chauss�es en �tat de tenir contre les
mauvais temps de l'hiver �. Il avait apport� plusieurs
am�liorations incontestables dans l'administration des Ponts et
Chauss�es de sa G�n�ralit�. II n'obtint en retour que
d'incessants reproches.
Chose curieuse, pendant ses pires exactions le p�re n'avait
gu�re re�u qu'�loges et encouragements. On n'avait point voulu
entendre les dol�ances du pays. Maintenant on saisissait, pour
bl�mer le fils, la moindre occasion. Il n'osait faire effectuer
sur la route de Nancy � Charmes, d�sormais suivie par la poste,
les moindres ouvrages d'entretien, sans qu'aussit�t on ne cri�t
aux abus. Le Contr�leur g�n�ral se fait le consciencieux �cho
des plaintes les moins fond�es. Bertin adressait, par exemple, �
l'intendant, cette missive qui est en contradiction flagrante
avec la teneur de celles mentionn�es plus haut: ��Je ne puis
m'emp�cher, Monsieur, d'insister de nouveau sur ce qui concerne
les corv�es des chemins de votre d�partement, parce que de
nouvelles lettres que je re�ois de Lorraine, me pr�sentent
encore, comme les faits les plus certains, que l'on oblige les
communaut�s � venir de tr�s loin et � passer jusqu'� quinze
jours de suite sur les ouvrages ; que l'on ouvre encore de
nouvelles chauss�es, que l'on assure �tre tr�s inutiles, et
entre autres une qui conduit � un ch�teau qui nous appartient.
Je vous ai pr�venu des intentions du Roi sur l'objet des
corv�es. Sa Majest�, sensible � tout ce que les besoins de la
guerre obligent � demander � ses sujets, veut absolument qu'ils
soient m�nag�s pendant la guerre sur ce qui concerne les corv�es
des chemins, et que l'on s'en tienne exactement aux entretiens
des routes d�j� faites. Je vous crois trop sage pour donner lieu
aux plaintes qu'excite un chemin entrepris dans les
circonstances actuelles, auquel on pourrait penser que votre
utilit� personnelle aurait pu vous d�terminer (22) � Or nous
sommes en 1760, et les registres des Ponts et Chauss�es nous
montrent que, pr�cis�ment, pour la premi�re fois depuis quatre
ans, les corv�ables n'avaient point �t� employ�s cette ann�e-l�
aux environs de Neuviller. Vraiment, on avait mis du temps �
Paris pour apprendre la cr�ation de la fameuse chauss�e !
Les trop faciles r�criminations d'aujourd'hui sont non moins
significatives que le bienveillant silence de nagu�re. C'�tait �
qui critiquerait davantage le nouveau commissaire d�parti.
Quelques jours avant la mort de Stanislas, le 27 janvier 1766,
La Galaizi�re re�ut encore une lettre fort s�che de Trudaine qui
trouvait, disait-il, le temps enfin venu ��de commencer � mettre
de la r�gle dans cette mati�re �. Sans se d�courager, le fils du
Chancelier poursuivit son but. Une seule fois, il s'indigne et,
apr�s avoir r�sum� son syst�me, fier de ses r�formes
humanitaires, il se croit en droit de s'�crier: ��Voil� comme on
en use en Lorraine, premier mod�le de l'Europe (23) ! �
CHAPITRE VII.
Troisi�me p�riode (suite). - Tentatives de suppression des
corv�es. - La Galaizi�re fils fut un des plus z�l�s partisans de
cette r�forme. - Bon successeur. - L'abolition de la
contribution en nature fut trop tardive pour �tre favorablement
accueillie. - Les chauss�es de Lorraine � la veille de la
R�volution. - �valuation du travail impos� aux corv�ables.
A la disparition du roi de
Pologne, l'Intendant prit plus de soins encore pour m�nager les
corv�ables lorrains. Sans cesser d'�tre lourd, le fardeau
continua � �tre de beaucoup all�g�. La Galaizi�re fils fut m�me
un des premiers � demander instamment au pouvoir la suppression
de l'imp�t en nature et sen rachat en argent. Son nom doit �tre
associ� � celui de son coll�gue de Caen, Orceau de Fontette.
Comme l'intendant de Limoges, le futur ministre Turgot, il a
men� contre les corv�es une campagne pers�v�rante.
Trudaine lui �crivait, d�s le 5 mai 1769: ��Je vous prie de
donner vos ordres pour que ce travail et celui de l'entretien
des autres chemins de la Lorraine et du Barrois soient continu�s
par corv�es, le tout comme cela s'est pratiqu� jusqu'� pr�sent,
en attendant que le projet dont vous m'avez fait part puisse
�tre mis � ex�cution (24) � M. Bignon veut bien lui avouer, � la
m�me �poque, que l'ordonnance qu'il vient de faire rendre
relativement � l'entretien des chauss�es de son d�partement ��
est tr�s sage et bien r�dig�e, et qu'elle m�rite d'�tre
conserv�e � la biblioth�que du Roi (25) �. Mais c'est tout.
Quand l'Intendant s'attardait sur les bienfaits d'un changement,
vite on s'effor�ait de refroidir son z�le.
L'abb� Terray fut le premier � l'�couter. Il l'autorisa, en
1770, � permettre, dans des cas exceptionnels, le rachat des
corv�es par les communaut�s ou les particuliers. ��C'est pour
rendre aux paroisses la corv�e moins on�reuse �, lui disait le
Contr�leur g�n�ral, �: que Sa Majest� vous permet de vous pr�ter
aux moyens qu'elles trouveront les moins � charge de remplir
leurs t�ches ; mais en les laissant jouir de cette libert�, il
faut que le service de la corv�e ne soit pas d�natur�... Vous
devez partir de ce principe pour ne pas convertir de vous-m�me,
dans l'�tendue de votre G�n�ralit�, la corv�e en imposition, ce
qui serait absolument contraire aux principes de la corv�e et
aux intentions du Roi (26) �.
C'�tait une demi-victoire. La Galaizi�re la voulut compl�te.
Mais � d'autres instances, Trudaine de Montigny (27), quelques
mois plus tard, opposa un refus formel : ��J'ai re�u la lettre
que vous m'avez fait l'honneur de m'�crire le 15 du mois
dernier, � l'occasion de la suspension des corv�es dans la
Lorraine. La mis�re qui r�gne dans ce pays est une raison pour
suspendre les corv�es des nouveaux chemins, mais on ne doit pas,
dans aucune circonstance, dispenser de la corv�e pour les
chemins qui sont � l'entretien des communaut�s ; ce serait d'un
dangereux exemple. � L'Intendant des finances appuyait ses
recommandations sur ces sp�cieuses raisons : ��J'avoue que la
chert� du pain rend les journaliers plus mis�rables; mais les
fermiers et laboureurs sur lesquels tombe le principal ouvrage
de l'entretien des chemins n'en ont que plus d'aisance par le
prix auquel le bl� est mont� depuis plusieurs ann�es (28). �
Lorsque Turgot, enfin, devenu contr�leur g�n�ral (ao�t 1774),
r�solut de mettre en pratique les id�es qu'il avait depuis si
longtemps pr�conis�es, non seulement cette innovation n'excita
aucun enthousiasme en Lorraine, mais m�me elle n'y rencontra
qu'une tr�s faible approbation. Le rem�de, en effet, venait trop
tard (29). Les populations �puis�es, habitu�es par une longue
exp�rience � ne trouver dans chaque r�forme du Gouvernement
qu'un surcroit � leurs charges, manquant, du reste, d'argent,
pr�f�r�rent supporter ces corv�es telles qu'elles les avaient si
longtemps connues. De m�me, pr�c�demment, dans ses tentatives
personnelles, lorsque d�s 1770 il avait propos� le rachat en
argent, La Galaizi�re avait eu peu de succ�s. Les Lorrains ne le
comprirent gu�re mieux que l'avait fait le minist�re. Les
assembl�es, ainsi qu'il l'�crivit plus tard � Turgot, ��presque
toujours conduites par un esprit de cabale et de m�fiance pour
tout ce qui est pr�sent� par le Gouvernement �, ne profit�rent
pas pour le dixi�me de la facult� qui leur �tait offerte (30).
Apr�s la chute de l'ancien intendant de Limoges, les travaux des
corv�es purent donc �tre r�tablis sans murmure dans la Province
(31). En vain La Galaizi�re essayera-t-il alors de faire
conna�tre a ses administr�s, par la voie d'une large publicit�,
les pr�cieux avantages de l'option qu'il avait eu nagu�re tant
de peine � obtenir pour eux (32), Le r�sultat sera m�diocre.
L'ing�nieur en chef Lecreulx �crivait � l'Intendant que son
ordonnance de 1777, ��conforme � l'esprit de l'instruction et
avantageusement modifi�e pour le pays.�, lui avait paru r�ussir
dans tous les esprits. Mais, � la m�me �poque, sur 2,400
communaut�s, 240 seulement votaient pour la contribution en
argent et traitaient directement avec les entrepreneurs ; les
autres pr�f�raient toujours la corv�e en nature (33).
Le troisi�me et dernier intendant de Lorraine, M. de La Porte
(34), tint � compl�ter l'�uvre de La Galaizi�re fils. Il se
montra bien veillant et attentif. La plupart des intendants
r�partissaient alors les corv�es soit en raison des forces (bras
et b�tes) des communaut�s, soit en raison des facult�s,
c'est-�-dire au marc la livre de la Subvention. M. de La Porte
jugea cette m�thode peu �quitable. Tous les ans il faisait
partager l'entretien des routes entre communaut�s riveraines,
proportionnellement, tout � la fois, � l'importance de leur
population, au nombre de leurs laboureurs, manoeuvres et
bestiaux, � leur distance de la route et m�me des mat�riaux �
employer. Ce travail exigeait de longs et minutieux calculs,
mais il mit les corv�ables a l'abri de tout arbitraire.
L'intendant des Ponts et Chauss�es, Chaumont de La Milli�re,
passant en revue les diff�rents syst�mes pratiqu�s dans les
G�n�ralit�s, trouvait celui de Lorraine des plus compliqu�s,
mais donnant de fort bons r�sultats, gr�ce aux soins et �
l'intelligence de ceux qui en faisaient usage (35). Les
paroisses ayant vot� pour le rachat employaient alors (1782)
leurs fonds communs aux: travaux des chemins.
Lorsque la d�claration du 27 juin 1787 vint d�finitivement
abolir l'imp�t en nature pour le remplacer par une prestation en
argent, l'opinion des populations lorraines n'avait pas vari�. ��
La loi qui a prononc� l'abolition de la corv�e n'a pas �t�
g�n�ralement applaudie dans cette province ; la plupart des
contribuables ont paru regretter le r�gime ant�rieur et pr�f�rer
les travaux qu'ils faisaient � l'obligation de payer cette
nouvelle imposition. L'Assembl�e provinciale a paru douter que
cette conversion f�t avantageuse. � Cette derni�re phrase d'un
membre de la Commission interm�diaire est un euph�misme.
L'Assembl�e provinciale de Lorraine avait d�clar�, tout
simplement, qu'il ��serait inhumain et barbare de demander aux
malheureux l'argent qu'ils n'ont pas, et de refuser leurs bras
qu'ils offrent, et de ne pas leur accorder du moins dans le
choix de leurs peines le fr�le et mis�rable avantage de pr�f�rer
du moins celle qui s'adoucit a leurs yeux (36) �. Ce cri de
d�tresse est l'indice le plus certain de la pauvret� � laquelle
la Lorraine restait encore r�duite. Il nous est impossible de
nous ranger � l'opinion d'un auteur estimable qui a cru voir
dans ces protestations le regret de la Province pour une charge
qu'elle jugeait l�g�re au point de ne pouvoir �tre, sans
aggravation; remplac�e par quelque �quivalent (37).
Peu apr�s la r�organisation de l'administration des Ponts et
Chauss�es en Lorraine, vers 1752, on comptait dans les Duch�s
environ 360 lieues de routes � l'entretien des communaut�s, sans
comprendre les portions de ces routes traversant les enclaves
des Ev�ch�s, de la Champagne et des diff�rentes terres d'Empire
(38). Deux grandes voies se croisant � Nancy divisaient la
Province en quatre parties: l'une allait de Thionville � Bains,
par Metz et Mirecourt ; l'autre conduisait de Saint-Dizier �
Phalsbourg apr�s avoir travers� Toul et Bl�mont. Les nouvelles
routes de Saint-Di� � Colmar par le Bonhomme, de Dieuze �
F�n�trange, de Neufch�teau � Mirecourt ou � Ligny venaient
d'�tre ouvertes (39). La liste tr�s compl�te des chauss�es
sillonnant la Lorraine en 1756, dress�e par l'ing�nieur en chef,
nous montre avec quelle ardeur on avait continu� � multiplier
ces travaux de cr�ation (40). Mais de 1759 � la mort de
Stanislas, cette activit�, ainsi que nous l'avons vu, s'�tait
ralentie de plus en plus. Il en avait �t� de m�me apr�s 1766.
Quelque dix ans plus tard, La Galaizi�re comptait que sur 573
lieues de routes, le minimum � entretenir �tait de 474 lieues
(41). En 1783 il existe 581 lieues de chemins; on ne trace que
trois nouvelles lieues (42). Le syndic g�n�ral Coster, prenant
la parole, le 27 novembre 1787, � l'Assembl�e provinciale de
Lorraine, et recherchant l'�tendue des voies ��ciment�es �,
dit-il, ��des sueurs de trois g�n�rations �, arrivait au chiffre
de 624 lieues. Aussi ��n'existe-t-il aucune province �, pouvait
d�clarer le m�me jour un des commissaires du Bureau des travaux
publics, ��je ne dis pas dans le Royaume, en exceptant seulement
les environs de Paris, mais dans toute l'Europe, qui, sur une
pareille surface, renferme une aussi grande quantit� de chemins
(43) �. On comptait alors sur le territoire des anciens Duch�s
2,847 ponts, arches et trav�es (44).
Si aucune statistique ne nous permet d'�tablir le nombre exact
des corv�ables employ�s chaque ann�e � la construction et �
l'entretien de ces ouvrages, sous le r�gne de Stanislas, des
documents post�rieurs nous fournissent, du moins, des points de
comparaison pr�cieux. La Commission interm�diaire, compulsant
les pi�ces originales d�pos�es dans les bureaux de l'Ing�nieur
en chef, trouvait qu'� la mort du roi de Pologne la Province
entretenait par ann�e 460 lieues de routes ; que 115,000
corv�ables �taient employ�s � cet entretien pendant 4 jours et
125,000 b�tes de trait pendant 3 jours. En fixant � 15 sols la
journ�e d'un homme et � 20 sols celle d'une b�te, elle arrivait
� cette opinion que la contribution en nature fournie par les
Duch�s pouvait s'�valuer � 720,000 #. Et encore le r�sultat
atteint ne r�pondait-il pas � cette charge �norme. Certaines
chauss�es restaient mal entretenues; la p�riodicit� des travaux
en �tait la cause. En effet, ��toutes les mati�res �taient
r�pandues � profusion dans le m�me instant; il n'en restait plus
pour les autres temps de l'ann�e ; les orni�res profondes, les
d�gradations caus�es par les orages ne pouvaient �tre r�par�es ;
les pierres roulaient, les vides s'�tablissaient, les flaques
d'eau se formaient ; elles attaquaient le fond m�me de la route;
les mat�riaux se dissolvaient et l'empierrement se trouvait
d�truit (45) �.
En 1777, d'apr�s les calculs m�mes de M. de La Galaizi�re, il
�tait n�cessaire, pour entretenir les chemins de la G�n�ralit�,
d'employer 110,000 corv�ables - soit le huiti�me des habitants -
4 jours par an, et 130,000 b�tes de trait pendant 3 jours. Pour
les routes � construire ou � prolonger, il �tait besoin de
recourir � 50,000 corv�ables pendant 3 jours 1/2 et � 40,000
b�tes de trait pendant 2 jours, Soit un total de 615,000
journ�es d'hommes et de 470,000 journ�es de b�tes de trait (46).
Si l'on songe qu'� cette �poque l'arbitraire avait cess� dans
les r�partitions, que les nouveaux travaux �taient
exceptionnels, que les routes � la charge des communaut�s
avaient �t� consid�rablement r�duites; si, d'autre part, on se
reporte � certaines ann�es, entre 1750 et 1759, une comparaison
se fait d'elle-m�me et de tels chiffres se passent de tout
commentaire. Voil� au prix de quel labeur et de quels sacrifices
la Lorraine pouvait �tre consid�r�e comme plus amplement
parcourue qu'aucun autre pays par ces belles routes � la mani�re
du XVIIIe si�cle dont, d'ailleurs, elle avait donn� l'exemple,
et que le po�te ne d�daigna point de chanter, par
... ces vastes chemins, en tous lieux d�partis,
O� l'�tranger, � l'aise achevant son voyage,
Pense au nom des Trudaine, et b�nit leur ouvrage (47)...
CHAPITRE VIII.
Les communications par eau. - Les intendants de Lorraine
n�glig�rent cette partie. - Projets divers de canaux. - Incurie
du Gouvernement. - Abandon des rivi�res et d�clin de la
navigation dans les Duch�s.
Tandis que sur chaque point
de la Province les travaux des routes �taient pouss�s avec une
activit� �tonnante, on n�gligeait les communications par eau,
qui eussent singuli�rement facilit� les transports � bon march�.
Les intendants de Lorraine n'eurent aucun souci de la
navigation.
Cette partie, pourtant, avait autrefois int�ress� les Ducs; m�me
le Gouvernement fran�ais, durant les ann�es de l'occupation. A
maintes reprises, des esprits distingu�s avaient song� �
rem�dier � la disposition naturelle qui dirigeait vers le Nord
tous les cours d'eau navigables de la Lorraine, et � ouvrir au
commerce, pat le moyen de canaux, des d�bouch�s dans d'autres
directions.
N'�tait-ce point en lisant un passage de Tacite o� il est dit
que, sous N�ron, Lucius Vetus e�t, sans la jalousie d'Aelius
Gracilis, fait creuser un canal de jonction entre la Moselle et
la Sa�ne, afin de relier l'Oc�an � la M�diterran�e et d'aider au
transport des arm�es romaines (48), que L�opold avait, apr�s
quelques-uns de ses pr�d�cesseurs, pens�, mais plus
s�rieusement, � r�aliser ce vaste projet ? En 1718, le prince
avait entretenu le duc d'Orl�ans de cette entreprise. Au d�sir
du R�gent, le c�l�bre ing�nieur Truchet, plus connu sous le nom
de P�re S�bastien (49), et le math�maticien Bavillier se
rendirent sur les lieux. Leurs travaux ne furent point
infructueux. Sans doute, ils firent entrevoir au P�re S�bastien
de s�rieuses difficult�s; mais ils permirent � Bavillier de
proposer un plan plus commode. La Meuse serait unie � la Sa�ne;
la rivi�re du Vair qui se jette dans la Meuse pr�s de Domr�my,
le ruisseau de Vivier-le-Gras qui se rend dans la Sa�ne, non
loin de Monthureux, eussent fourni leurs eaux et leurs vall�es.
Dans le m�moire qui fut remis � L�opold, le 10 octobre 1720, le
devis se montait � 4,025,400 #. Bavillier fut envoy� pour porter
lui-m�me ces renseignements au R�gent. Le duc de Lorraine
esp�rait que la France consentirait � se charger du creusement
du canal sur la partie de l'enclave �v�choise, proche de Dombrot,
qu'il devait couper. Apr�s quelques objections d'ordre
strat�gique, le beau-fr�re de L�opold s'�tait montr� enfin tout
dispos� � cette construction. Sa mort seule, s'il faut en croire
d'Audiffret, fit avorter l'entreprise (50).
Un autre trac� avait semble pr�f�rable encore � celui que
Bavillier adopta. Au lieu du Vair le canal e�t emprunt� le cours
du Mouzon. Cette combinaison avait �t� sugg�r�e par Bresson,
substitut de la pr�v�t� de La Marche. Apr�s un voyage que
Bavillier avait fait avec ce dernier, l'ing�nieur avait reconnu
la justesse de la remarque, mais il avait renonc� � ce plan
parce que les grands travaux, ceux que n�cessitait la r�union
des eaux sur la ligne de partage, eussent d� �tre effectu�s en
territoire fran�ais (51).
La diff�rence de souverainet� et, avec elle, l'obstacle qui
avait �t� constamment regard� comme un des plus consid�rables,
disparaissaient en 1737. D�s lors rien ne semblait plus entraver
l'ex�cution d'un dessein qui promettait plus d'avantage encore
au reste du Royaume qu'� la Province. Chacun en �tait si
convaincu qu'aussit�t diverses offres furent faites au
Gouvernement.
En 1738, Bresson remit � l'Intendant un m�moire d�taill�, o� il
d�veloppait le plan qu'avait autrefois approuv� Bavillier et
auquel, depuis, il n'avait cess� de travailler. Mais ses
instances n'aboutirent pas. A peine re�ut-il une vague r�ponse.
Ce fut le sort de plusieurs autres propositions. Une compagnie,
en 1751, se pr�senta � son tour. Elle s'engageait � mener � bien
la construction du canal. On la remercia avant d'avoir entendu
ses explications.
Le mar�chal de Belle-Isle, partisan z�l� de l'entreprise, voyait
avec peine cette indiff�rence. Il r�solut, la m�me ann�e, de
prendre l'initiative de la r�ussite. Sur ses conseils, le
gouverneur du Toulois, le comte de Tressan, � qui la traduction
des romans de chevalerie laissait encore des loisirs pour
l'examen des questions scientifiques, s'�tait adjoint le
math�maticien Brandts et avait parcouru le pays, Ses recherches
ne contribu�rent qu'� faire souhaiter plus vivement
l'�tablissement du canal, le terrain et les divers cours d'eau
fournissant des facilit�s sp�ciales. Non seulement la jonction
de la Sa�ne � la Meuse �tait possible - Tressan indiquait les
�tangs de l'abbaye de Morimont comme pouvant servir de bassin
pour un canal qui aboutirait � Ch�tillon-sur-Sa�ne, - mais aussi
celle de la Meuse � la Marne, par une autre branche qui
partirait de Neufch�teau, passerait par Liffol-le-Grand et ne
n�cessiterait que sept �cluses. On pourrait encore emprunter le
cours de I'Ornain, ou bien � la fois ceux de la Saulx et de
l'Ornain. Il y aurait d�s lors communication commode entre la
Province et Paris. La Lorraine b�n�ficierait d'une nouvelle
activit� dans son commerce. La capitale trouverait des
ressources pour son approvisionnement.
Tressan n'avait recul� devant aucune d�pense pour assurer aux
op�rations de Brandts une scrupuleuse exactitude (52). Le
rapport avait re�u la pleine approbation du mar�chal, qui
s'occupa de le faire valoir. Mais d'autres avis avaient devanc�
� Paris ceux du gouverneur. Un j�suite, le P�re Lagrange,
s'�tait rencontr� avec Brandts dans la r�gion que celui-ci
visitait; il s'�tait joint pendant quelque temps au
math�maticien, l'avait quitt�, puis s'�tait empress� d'adresser
au minist�re un m�moire d�favorable. Le r�le du P�re Lagrange
parait bien singulier, surtout lorsque l'on sait que c'est � la
demande du P�re de Menoux que le R�v�rend �tait venu lever ses
plans en Lorraine. Le fameux confident de Stanislas servit
souvent secr�tement les vues du minist�re fran�ais (53). Or, le
Gouvernement �tait, dans l'occurrence, fort aise de pouvoir
accompagner d'un pr�texte sa r�ponse n�gative.
Quelque pressantes que furent d�s lors les d�marches de
Belle-Isle, on y opposa constamment, en haut lieu, l'opinion du
P�re Lagrange. Le mar�chal se heurta � tant de mauvaise volont�,
qu'il dut renoncer � faire accepter le projet qui lui �tait si
cher. D�tail topique et bien digne des ministres de Louis XV:
tandis qu'all�guant une impossibilit� mat�rielle, on r�pondait �
Belle-Isle par une fin de non-recevoir, d'autre part, dans les
bureaux du Contr�leur g�n�ral, on r�sumait les annotations
secr�tes ajout�es au rapport du comte de Tressan par cet aveu: ��
Rien n'est plus � d�sirer, ni plus pratique que la r�alisation
d'un tel projet (54) ! �
En vain, des trac�s pour la r�union de la Seille � la Sarre, par
le moyen de leurs grands �tangs - ce qui e�t en quelque sorte
�t� une r�duction du Canal des Salines actuel - furent-ils
�galement soumis au minist�re. Ce canal e�t facilit�
l'exploitation de l'immense for�t de Bitche; il e�t pu rendre de
grands services pour le transport des bois de la marine (55).
En 1658-1659, Vauban, alors capitaine d'infanterie, avait ses
quartiers d'hiver dans la pr�v�t� de Foug. Tant�t en visitant sa
compagnie, tant�t en chassant, il avait eu l'occasion d'�tudier
cette contr�e. Il fut si frapp� de la r�partition de ses cours
d'eau qu'aussit�t l'id�e d'un canal s'�tait pr�sent�e � son
esprit. Il entrevoyait d�j� la jonction de la Moselle � la Meuse
entre Toul et Pagny, � l'aide des ruisseaux de Lay-Saint-Remy et
de l'Ingressin, et sur un trajet identique � celui donn� de nos
jours � une portion du canal de la Marne au Rhin. Aussi ne
manqua-t-il pas plus tard d'y faire lever des plans et niveler
des pentes. ��Je tiens ce que j'avance pour tr�s s�r,
�crivait-il � ce propos, parce que j'ai vu la disposition qui
est admirable et le terrain bon partout et fac ile � remuer
(56). � Les tentatives faites sous Stanislas pour ressusciter le
projet de l'illustre strat�giste, projet qui e�t �t� r�alis�
sous Louis XIV si l'occupation fran�aise n'avait point cess�,
n'eurent pas plus de succ�s que les pr�c�dentes. L'argent
manquait alors pour ces belles entreprises.
Comment d'ailleurs les La Galaizi�re eussent-ils encourag� les
propositions m�me les plus int�ressantes, et se fussent-ils
employ�s � les faire aboutir, lorsqu'ils montraient une profonde
insouciance pour les moindres travaux que n�cessitait
l'entretien des rivi�res navigables ?
Lorsque, apr�s avoir rappel� quelques r�glements destin�s �
assurer le flottage des bois des salines, nous citerons deux
arr�ts ordonnant des travaux que l'insalubrit� des rives de la
Seille r�clamait imp�rieusement, nous aurons �puis�
l'�num�ration de toutes les mesures prises, durant plus de
trente ann�es, au sujet des cours d'eau de Lorraine.
Le peu de pente de la Seille, les marais qui l'environnaient,
rendaient, dans plusieurs cantons, ses bords tr�s malsains et
provoquaient de fr�quentes �pid�mies. Un arr�t du Conseil, du 11
septembre 1742, d�cida le curage du lit de la rivi�re entre
Dieuze et Marsal. L'ouvrage fut ex�cut� l'ann�e suivante par
adjudication. En 1755, une op�ration analogue fut ordonn�e par
le contr�leur g�n�ral de S�chelles et poursuivie, par les soins
du mar�chal de Belle-Isle, entre Dieuze et Moyenvic, sur une
longueur de 5,052 toises. Ces travaux eurent lieu aux frais des
riverains. Les deux tiers des d�penses furent demand�s aux
propri�taires des pr�s et marais inond�s, l'autre tiers pr�lev�
sur la totalit� des habitants de Dieuze, Kerprich, Mulcey,
Blanche-�glise, etc., au marc la livre de l'imposition au r�le
des Ponts et Chauss�es.
Il n'y avait pas, en effet, dans le d�partement des Ponts et
Chauss�es de Lorraine, de fonds sp�ciaux affect�s aux ouvrages
des cours d'eau, et jamais, � partir de 1737, on n'employa pour
cet objet la plus minime partie de l'imposition des 100,000 #.
Aussi le r�gne de Stanislas est-il l'�poque du complet d�clin de
la navigation lorraine. Les lits s'ensablent et les rives se
d�t�riorent, Chaque ann�e les communications par eau �prouvent
plus d'embarras.
Les bateaux qui, au temps de Vauban, remontaient la Meuse
jusqu'� Saint-Mihiel et m�me Commercy, n'y arrivent plus que
jusqu'� Verdun, et avec de nombreuses difficult�s,
La Sarre, malgr� bien des obstacles, offrait encore plus de
ressources. C'�tait d'ailleurs la rivi�re la moins ferm�e par
les p�ages et les bureaux. Mais elle ne servait gu�re qu'aux
Hollandais. Ce peuple tirait par cette voie des poutres de la
plus grande beaut�, qu'il avait l'art de d�biter, dans ses
moulins � scie, d'une fa�on qui les rendait plus propres � �tre
travaill�es. La plus grande partie des bois lorrains, ainsi
d�taill�s, �tait revendue aux menuisiers fran�ais,
particuli�rement � Paris.
La Meurthe n'�tait pas navigable avant Nancy. Elle n'amenait
devant la capitale lorraine que les bois des Vosges. Il �tait
impossible au plus petit bateau de circuler entre Nancy et
Saint-Nicolas-de-Port. Le vieux nom de cette cit� n'avait plus
aucun sens (57).Les flottes, m�me, pour parvenir jusqu'� Nancy
avaient � traverser de multiples vicissitudes et les vannes des
moulins �taient pour elles d'une g�ne extr�me. Aux
Grands-Moulins de Nancy, par exemple, elles devaient �tre
rigoureusement ajust�es en hauteur et en largeur. L'op�ration du
passage n'avait jamais lieu sans p�ril. ��On l�ve un renard pour
faire couler l'eau, nous explique un t�moin oculaire. Les
bateliers doivent se baisser et presque se coucher sur le ventre
pour n'�tre pas press�s par la traverse du renard. En m�me temps
ils doivent travailler de toutes leurs forces pour donner � la
flotte une direction, au sortir du torrent, qui lui fait faire
un saut de 10 � 12 pieds; la t�te de la flotte s'�lance, le
milieu plie et le tout fait comme le saut de carpe. Les
bateliers se trouvent souvent couverts d'eau qui s'�l�ve � gros
bouillons (58). � Les bois �taient tir�s de la Meurthe, un peu
plus loin, au port de Nancy, ou bien ils continuaient jusqu'�
Pont-�-Mousson. De l�, � travers un pays tr�s accident�, ils
�taient conduits par voiture jusqu'� Saint-Dizier, o� on les
d�chargeait pour les embarquer sur la Marne, dans la direction
de Paris.
La Moselle ne portait de bateaux qu'apr�s avoir re�u la Meurthe
� Frouard. En mars 1751, une soci�t� proposa de rendre cette
rivi�re navigable jusqu'� �pinal. Elle s'obligeait � fixer le
lit de la Moselle et � le canaliser en cinq ans. Pour venir �
bout de cette �uvre, elle demandait que les communaut�s voisines
pussent �tre employ�es par corv�es aux d�blais et remblais
n�cessaires, suivant la m�me r�gle que pour les routes. Pendant
quinze ann�es, une taxe de vingt sols par arpent e�t �t� per�ue
sur les terrains bordant la Moselle et expos�s � �tre submerg�s.
Les travaux, en effet, les auraient soustraits � cet
inconv�nient. Soit un total de 62,000 arpents de Lorraine
regagn�s sur les eaux. La compagnie devait supprimer 17 moulins
qui encombraient le trajet de cette portion de la rivi�re; elle
les e�t remplac�s par des moulins � vent que, pour conserver les
droits des propri�taires, elle s'engageait � prendre � bail
pendant neuf ans, au taux des fermages en cours. Elle se
d�clarait, enfin, absolument s�re de l'efficacit� de ses
proc�d�s. Malgr� des instances r�it�r�es, La Galaizi�re p�re ne
daigna point faire mettre cette question � l'�tude (59),
Du port de Nancy - appel� Cr�ne, du nom allemand de la grue ou
Krahn qui y �tait dress�e -partaient des bateaux: conduisant les
marchandises a Pont-�-Mousson, � Metz et jusqu'en Hollande. On y
embarquait surtout les vins, les grains et les fourrages. On y
recevait tous les produits import�s par les Pays-Bas (60). A
Custines, le batelier payait par composition un droit au
seigneur. Il acquittait de plus la foraine � Pagny ou � Corny.
Entre Metz et Coblentz les p�ages devenaient innombrables. Mais
le lit changeant de la Moselle qui n'�tait plus contenue, les
chenaux qui s'ensablaient, rendaient cette voie chaque ann�e
plus p�rilleuse. Les coches d'eau ne parcouraient d�j� plus la
Moselle comme �. la fin du si�cle pr�c�dent, entre Nancy et
Metz. Sous le r�gime fran�ais, ce furent les bateaux marchands
eux-m�mes qui commenc�rent � s'y montrer de moins en moins
fr�quemment. D�s les derni�res ann�es du r�gne de Stanislas, les
anciens �tonnaient leurs fils en leur contant qu'en 1737, ils
avaient vu partir du Cr�ne pour Anvers les 58 bateaux emportant
l'orangerie de Lun�ville et les effets les plus pr�cieux de la
maison de Lorraine (61). Le Cr�ne, qui � cette �poque �tait
afferm� pour 2,000 # (62), n'en rapportait plus au Domaine,
trente ans plus tard, que 930 (63).
Le commerce et l'industrie r�clamaient instamment qu'� d�faut de
grands ouvrages d'art, on accord�t tout au moins � l'ancienne
navigation l'attention que les Ducs lui avaient toujours donn�e.
Ils demandaient que l'on ne h�t�t pas, par une incurie
impardonnable, cette chute d�finitive que Coster constatera en
1791 (64). D�j� commen�ait, par la plume de plusieurs �crivains,
cette campagne que poursuivirent les divers ing�nieurs en chef
de la Province. Dans son Essai de navigation lorraine (65),
compos� de 1757 � 1762, Andreu de Bilistein, entrain� par sa
vive imagination, ne se bornait pas �, traiter de la navigation
dans les anciens Duch�s ; mais, apr�s avoir expos� ses vues sur
les moyens de rendre la Meuse, la Moselle et la Meurthe
navigables le plus pr�s possible de leurs sources, de faire
communiquer ces rivi�res entre elles et de les joindre au Rhin
et a la Sa�ne, il �tablissait, sur l'ex�cution de ces plans, un
immense syst�me de relations internationales dont la Lorraine
e�t �t� le centre. En son enthousiasme, l'auteur allait jusqu'�
entrevoir ce qu'il appelait pompeusement la marine lorraine !
Pu�riles chim�res assur�ment, mais parmi lesquelles on trouve
quelques id�es justes et des conceptions s�rieuses. Elles nous
r�v�lent les pr�occupations de l'�poque. Elles contrastent d'une
fa�on caract�ristique avec l'inertie des intendants et
l'insouciance des ministres.
Ce ne fut qu'apr�s 1770, alors que L'administration des Ponts et
Chauss�es de Lorraine eut �t� r�unie � celle du Royaume, qu'une
somme de 6,000 # fut sp�cialement affect�e aux ouvrages
concernant la navigation. On commen�a par consacrer ces fonds,
bien insuffisants apr�s une si longue n�gligence, � la
canalisation de la Sarre. Ce travail se poursuivait encore en
1788 (66). En m�me temps, � l'aide d'une imposition annuelle de
15,000 # sur le pays, on s'occupa, pendant huit ann�es, de
contenir la Moselle par des bordages et des jet�es de pierre le
long de ses rives (67). En 1773, enfin, pour donner satisfaction
� l'opinion, que passionnait de nouveau le projet primitif de
jonction de la Moselle � la Sa�ne, M. de La Galaizi�re fils
demandera � l'administration deux jeunes ing�nieurs ; il leur
fera niveler les deux pentes de l'�tang de C�ne sur une �tendue
de 12,700 toises. Les documents de cette �tude furent, en 1775,
remis � l'ing�nieur en chef : ��pour les examiner et donner de
la suite � ces op�rations, si les circonstances le permettaient
(68) �.
Mais lorsque la R�volution �clatera, aucune d�cision n'aura
encore �t� prise.
P. BOY�.
(1). Cf. Annales de l'Est, juillet 1899, p. 380.
(2). Ordonnance de l'intendant de Moulins portant r�glement pour
la r�paration des chemins et le service des corv�es ; 25 f�vrier
1746. (Archives du minist�re des Travaux publics.)
(3). M�moires sur la conduite des corv�es pour les routes
publiques, par Toffier, ing�nieur en Champagne ; 24 ao�t 1754. (lbid.)
(4). Ordonnance de l'intendant de Caen sur les travaux des
grands chemins par corv�e; 30 janvier 1755. (Archives du
minist�re des Travaux publics.)
(5). L'allusion �tait trop directe. Le texte primitif fut ainsi
adouci:
J'ai vu le magistrat qui r�git la province ...
(6). Il se pourrait fort bien que ces derniers vers aient �t�
inspir�s � Saint-Lambert par les cruaut�s du fameux piqueur
Robin. L'auteur modifia d'ailleurs plus tard ce passage, qui se
lit ainsi dans presque toutes les �ditions :
Un piqueur inhumain les ram�ne aux travaux,
Ou leur vend � prix d'or un moment de repos.
Enfin, la note explicative des vers :
Il avait arrach� du sein de son m�nage
D'un jeune agriculteur l'�pouse jeune et sage...
note que nous commentons ci-dessus, fut �galement supprim�e.
Tout ce morceau perdit, par suite, une grande partie de son
int�r�t.
(7). Archives de Meurthe-et-Moselle, B, 1785.
(8). Description de la Lorraine et dit Barrois, I, 345.
(9). Durival, Description de la Lorraine et du Barrois, IV, 67.
(10). M�moire sur les Corv�es, par M. de La Galaizi�re,
conseiller d'�tat, intendant d'Alsace. S.I.n.n., 1785, in-8� de
52 pp.; et Second m�moire sur les Corv�es. ld., 24 pp. - Si La
Galaizi�re fils croit devoir avancer que ��le duc L�opold en
donna l'exemple en Lorraine... �, le passage suivant: ��Il n'est
pas un administrateur qui ne convienne qu'il fera ex�cuter pour
une somme de quatre cent mille livres, et peut-�tre � beaucoup
moins, un ouvrage qui co�terait un million en corv�es �valu�es
�,a �t�, par contre, �videmment inspir� par cette phrase du
rapporteur de la Cour souveraine, en 1758 : ��Si on �valuait...,
on trouverait que ces ouvrages co�tent � la Province plus d'un
million �. (�claircissemens ..., j. cit.)
(11). Cf. lnstruction sur les corv�es, par Le sieur de La
Galaizi�re, intendant de la g�n�ralit� de Montauban : du 20 ao�t
1757 [imprim�e].
(12) Archives communales diverses, s�rie ff.
(13). Lettre du 9 avril 1740 (Archives du minist�re des
.Affaires �trang�res, Lorraine; vol. n� 138, fol. 134.)
(14). Lettres de Choiseul � l'Intendant, 5 juillet 1759; de
Trudaine au m�me, 24 juin, 18 juillet, etc. (Archives de
Meurthe-et-Moselle, C, 122.)
(15). Lettres de La Galaizi�re � Trudaine, 24 juin 1759, et sq.
(Ibid.)
(16). ��R�ponse au M�moire de MM. les fermiers g�n�raux
concernant les routes de Nancy � Dieuze, etc ... � (Ibid.)
(17). Lettre de 1762. (Ibid.)
(18). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 118.
(19). Longwy avait cess�, depuis le trait� de paris de 1718, de
faire partie de la Lorraine.
(20). Lettre du 15 janvier 176 4. (Archives de
Meurthe-et-Moselle, C, 122.)
(21). La Galaizi�re fils �pingla sur la lettre du marquis de
M�zi�res la note suivante : ��Mon p�re m'a renvoy� cette lettre
� luy �crite par M. le marquis de M�zi�res, commandant � Longwy.
Il faut que je luy marque que mon p�re m'a fait ce renvoy, que
j'ai le plus grand d�sir de concourir � des vues aussy
avantageuses pour le bien public, mais que les communaut�s
lorraines �cras�es par les ouvrages qu'elles ont faits pour leur
propre compte et ayant d�j� support� une grande partie des
charges que les �v�choises auraient d� naturellement remplir,
ont besoin des plus grands m�nagemens... � (Ibid.)
(22). Lettre du 22 juillet 1760. (Archives de
Meurthe-et-Moselle, C, 122.)
(23). R�ponse au M�moire de MM. les fermiers g�n�raux..., j. cit.
(24). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 122.
(25). Lettre du 1er mai 1769. (Ibid.)
(26). Lettre de l'abb� Terray � La Galaizi�re fils, du 26 juin
1770. (lbid.)
(27). Fils de Daniel Trudaine, il avait �t� adjoint � son p�re
comme intendant g�n�ral des finances d�s 1757, puis l'avait rem
plac� dans ces fonctions en 1769.
(28). Lettre du 25 f�vrier 1771. (Ibid.)
(29). Cf. �dit du Roi portant suppression. de la. Corv�e, donn�
au mois de f�vrier 1776 et enregistr� au Parlement le 12 mars
suivant.
(30). Lettre du 26 septembre 1775. (Archives du minist�re des
Travaux publics.)
(31). Cf. D�claration du Roi qui r�tablit, par provision,
l'ancien usage observ� pour les r�parations des grands chemins ;
donn�e � Versailles le 11 ao�t 1776. Registr�e en Parlement
lesdits mois et an. - Instruction g�n�rale pour les intendants,
sur la forme que le Roi veut �tre observ�e pour la construction
et entretien des routes de son Royaume; octobre 1776.
(32). ��Les avantages que plusieurs communaut�s, et
particuli�rement celles qui ont des deniers communaux, ont
trouv�s ci-devant � faire faire leurs t�ches � prix d'argent et
le succ�s que ce moyen a d�j� eu dans cette province, tant pour
l'avantage de l'agriculture que pour la perfection des travaux
des routes, ayant d�termin� S. M. � continuer la m�me facilit�
aux contribuables, nous avons autoris� et autorisons les
communaut�s de notre d�partement � traiter � prix d'argent de la
t�che qui leur sera impos�e, si elles le jugent plus convenable
� leurs int�r�ts. � ( Article 1er de l'Ordonnance de l'intendant
de Lorraine du 3 avril 1177; pi�ce imprim�e.]
(33). R�ponse de La Galaizi�re � la. circulaire de Necker du s
septembre 1777. (Archives du minist�re des Travaux publics.)
(34). C'est par erreur que la plupart des historiens lorrains
donnent pour successeur � La Galaizi�re fils, lors de sa
nomination � l'intendance d'Alsace (septembre 1777), l'intendant
de Rouen, Thiroux de Crosne, et font de M. de La Porte le
quatri�me intendant des anciens Duch�s. Thiroux de Crosne avait
�t� officiellement d�sign� pour Nancy, mais il ne prit pas
possession de ce poste, qu'occupa, d�s juillet 1778, M. de La
Porte, qui administrait auparavant la G�n�ralit� de Perpignan.
(35). M�moire sur les corv�es, par Chaumont de La Milli�re; mars
1782. (Archives du minist�re des Travaux publics.)
(36). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 107. - V. aussi:
Proc�s-verbal des s�ances de l'Assembl�e provinciale des Duch�s
de Lorraine et de Bar. Nancy, 1788, in-4�.
(37). ��On jouissait en Lorraine d'une aisance tr�s sup�rieure �
celle des provinces plus anciennement r�unies; la modicit� des
imp�ts y avait produit un ban march� g�n�ral. La corv�e y avait,
comme tous les imp�ts, un tel caract�re de douceur que lorsqu'il
fut question d'ex�cuter l'�dit qui la supprimait, un cri s'�leva
de toutes parts pour demander au moins la libert� d'option. �
(L�once de Lavergne, Les Assembl�es provinciales sous Louis XVI.
Paris, 1879, in-8�.)
L'imposition repr�sentative de la corv�e fut fix�e pour la
Province au sixi�me de la Subvention et des imp�ts accessoires,
et monta � environ 460,000 #. - V. entre autres : ��Arr�t du
Conseil d'�tat autorisant la contribution de 465,625 # 18 s, 7
d, pour les routes de la G�n�ralit� de Lorraine: janvier 1787. -
Arr�t du Conseil d'Etat du Roi qui ordonne l'imposition sur les
villes et communaut�s des Duch�s de Lorraine et de Bar, des
sommes n�cessaires � l'entretien et � la confection des routes
de la Province pendant l'ann�e 1788. � [13 avril 1788 - on
demande 463,899 # 6 s. 10 d., dont 1,899 # 6 s. 10 d. formant la
contribution des Juifs.] (Archives nationales, s�rie E, passim ;
Archives de Meurthe-et-Moselle, C. 543.)
(38). C'est le chiffre approximatif donn� par dom. Calmet dans
sa Dissertation sur les grands chemins de Lorraine, j. cit., et
conserv� par Durival pour son M�moire sur la Lorraine et le
Barrois (1753). En ao�t 1758, la Cour souveraine le reproduit
encore dans le M�moire servant d'�claircissemens..., j. cit.
(39). Pour la nomenclature des routes de Lorraine � cette
�poque, voir Durival, op. cit., pp. 59 et sq.
(40). J. Baligand, Etat g�n�ral des ponts et chauss�es de
lorraine et Barrois..., j. cit.
(41). Lettre de La Galaizi�re au Contr�leur g�n�ral; septembre
1773. (Archives du minist�re des Travaux publics.) On trouvera
dans Durival (Description de la Lorraine et du Barrois, I, 347
et sq.) l'�num�ration des routes qui sillonnaient alors les
anciens Duch�s.
(42). Exactement: 581 lieues 967 toises et 3 lieues 1/4 161
toises (la lieue de 2,400 toises). La province qui poss�dait le
plus de roules, apr�s la Lorraine, �tait la Franche-Comt� avec
518 lieues. (D'apr�s un manuscrit de l'�cole des Ponts et
Chauss�es indiqu� pur Vignon, op. cit.)
(43). Proc�s-verbal des s�ances de l'Assembl�e provinciale des
Duch�s de Lorraine et de Bar, j. cit. - Les M�moires de La
Commission interm�diaire de 1788 nous fournissent, avec plus
d'exactitude, les chiffres suivants : 621 lieues, dont 400 de
grandes roules, 160 de routes de seconde classe et 30 de chemins
d'utilit� locale; le reste, ayant �t� accord� nagu�re par la
faveur � quelques gentilshommes ou � des monast�res, ne devait
plus compter pour l'entretien. (Archives de Meurthe-et-Moselle,
C, 107.)
(44). En voici le d�tail : 268 ponts et 2, 972 arches de pierre
; 121 ponts et 186 trav�es de bois. (Ibid., C, 111.) - Durival,
dans sa Description de la Lorraine et du Barrois (1778, I, 351),
mentionnait: ��196 grands ponts de pierre, 115 ponts de bois et
plus de 2,000 arches, arceaux et aqueducs �.
V. la Carte itin�raire de la G�n�ralit� de Lorraine et Barrois,
divis�e en sept d�partements (j. cit.), dress�e en 1786 par
l'ing�nieur en chef des Ponts et Chauss�es Lecreulx. Il est fort
int�ressant, pour se rendre compte de l'�uvre accomplie sous le
r�gime fran�ais, de comparer ce document avec la carte routi�re
de 1734. mentionn�e plus haut. (Cf. p. 882 no te 3.)
(45) Archives de Meurthe-et-Moselle, C. 107.
(46). R�ponse de La Galaizi�re � une circulaire de Necker du 8
septembre 1777. (Ibid.) En septembre 1775, l'intendant de
Lorraine �valuait l'entretien annuel � 800,000 #; en 1777, �
environ 750,000 #. Il demandait, en 1776, 180,000 # pour les
nouveaux travaux et, en 1778, 270,000 #. (Archives du minist�re
des Travaux publics.)
D�s l'abolition d�finitive de la corv�e, on l�ve sur les Duch�s
le sixi�me des impositions roturi�res. soit pr�s de 465,000 #.
Les adjudications sont faites par ordre de l'Intendant ; on les
a limit�es � l'entretien de 353 lieues et elles montent � la
somme de 440,959 # 8 s. 3 d. On construit des ouvrages neufs
pour 27,891 # 11 s. 9 d, (Archives de Meurthe-et-Moselle, C,
107.) Ces chiffres suffisent d�j� pour montrer la sup�riorit�
incontestable du nouveau syst�me.
(47). Andr� Ch�nier, Hymne � la France.
(48). Vetus Mosellam atque Ararim facta inter utrumque fossa
connectere parabat, ut copiae per mare, dein Rhodano et Arare
subvectae per eam fossam, mox fluvio Mosella in Rhenum, exin
Oceanum decurrerent. (Annales, XIII, 53.}
(49). Feu M. le duc de Lorraine, �tant a Paris incognito, fit
l'honneur au P�re S�bastien de l'aller trouver dans son couvent,
et il vit avec beaucoup de plaisir le cabinet curieux qu'il
s'�tait fait. D�s qu'il rut de retour dans ses �tats o� il
voulait entreprendre diff�rents ouvrages, il le demanda � M. le
duc d'Orl�ans, r�gent du royaume, qui accorda avec joie au
prince, son beau-fr�re, un homme qu'il aimait et dont il �tait
bien aise de favoriser la gloire. Son voyage en Lorraine,
l'accueil qu'on lui fit, renouvel�rent presque ce que l'histoire
grecque raconte sur quelques po�tes ou philosophes c�l�bres qui
all�rent dans les cours... � (Eloge du P. S�bastien Truchet,
carme, dans l'Histoire de l'Acad�mie des sciences, ann�e 1729;
pp. 93 et sq.)
(50). D'Audiffret, M�moire sur le duch� de Lorraine, j. cit. -
Cf. Baumont, op. cit., pp. 601 et sq. - Lecreulx, M�moire sur
les avantages de la navigation des canaux et rivi�res qui
traversent les d�partements de la Meurthe, des Vosges, de la
Meuse et de la Moselle..... Sur les obstacles qui se sont
oppos�s � l'ex�cution. de ces ouvrages jusqu'� ce moment et les
moyens de les lever; j. cit. [Ce travail avait �t� �crit en
1789.] - L. Viansson, Histoire du Canal de l'Est (1874-1882).
Nancy, 1882, in-8�; pp. 16 et sq.
Les copies, de la main m�me de Bavillier, des m�moires remis �
L�opold sur ces deux projets et des devis d'ex�cution, ainsi que
de magnifiques cartes � l'appui, faisaient partie de la
collection de M. No�l. (Cf. Catalogue raisonn�, n� 3422.) Nous
ne savons ce que sont devenus ces pr�cieux documents.
(51). Lecreulx, op. cit.
(52). ��J'ai vu un m�moire du ci-devant comte de Tressant,
adress� � un homme eu place, par lequel il d�clare avoir fait
pour deux cents louis de d�penses pour les op�rations relatives
� ce projet �. (Lecreulx, op. cit., p. 91.) - Archives
nationales, K, 1190.
(53). Il est curieux de rapprocher de ces faits la mention
suivante qui figure au chapitre des d�penses des Ponts et
Chauss�es pour 1749 : ��Par ordonnance du roi du 1er novembre,
ordre du chancelier du 22 novembre : le R.P. de Menoux: 1,463 #
9 s. � (Archives de Meurthe-et-Moselle, B, 1766.)
(54). Archives nationales, K. 1184, 1190 et 1192.
L'abb� Huel, cur� de Rouceux, examina de nouveau. en 1762, le
projet d'un canal de jonction de la Meuse � la Sa�ne. Il pla�ait
le point de partage � Monthureux-le-Sec. Ce plan sera encore
repris et �tudi� en 1838 par une soci�t� form�e � Neufch�teau
sous le nom de Communaut� des int�r�ts du bassin de la Meuse.
(55). Ibid.
(56). M�moire sur le moyen de joindre par un canal la Moselle �
la Meuse. L'auteur �valuait la d�pense � 300,000 # : ��Ce
serait, �. mon avis, bien le tout �, d�clarait-il.
(57). ��Il est permis de croire que Io nom de Portus. donn� �
cette localit�, doit �tre ant�rieur � la chute de l'Empire, et
il est probable que le rivage de la Meurthe servait de
d�barcad�re aux marchandises que l'on amenait de Metz et de
Tr�ves au moyen de bateaux, pour les r�pandre ensuite dans les
nombreuses bourgades et les mansiones qui couvraient le pays
jusqu'aux for�ts inhabit�es des Vosges. � (Lepage, Les Communes
de la Meurthe, Il, 476.)
(58). De Bilistein, Essai de navigation lorraine, trait�e
relativement � la politique, au militaire, au commerce int�rieur
et ext�rieur, � la marine et aux colonies de la France .... Par
lequel plan, on �tablit la jonction de la M�diterran�e � l'Oc�an
par le centre du royaume et par la capitale, et ensuite la
communication entre ces deux mers et la mer Noire par la
lorraine, l'Alsace, etc. Amsterdam, 1764, petit in-8�. [Cet
ouvrage aval �t� termin� en ao�t 1762.]
(59). Archives nationales, loc. cit. - Lecreulx, op. cit, - Ce
n'est qu'en 1828 que l'id�e fut reprise en partie. Gr�ce � une
habile canalisation, les deux fr�res Dulac reconquirent, en
moins de vingt ans, sur la Moselle dont le lit fut resserr�, et
dans un parcours de 36 kilom�tres, 750 hectares de prairies.
1,150,000 fr. furent d�pens�s pour les premiers travaux de cette
grande entreprise.
(60). Sur l'activit� de ce commerce, voir notre �lude La
Lorraine commer�ante sous le r�gne nominal de Stanislas
(1737-1766). Nancy, 1899, in-8� ; pp. 14. et sq.
(61). Cf. notre ouvrage Stanislas Leszczynski et le troisi�me
trait� de Vienne. Paris, 1898, in-8� ; p. 479, note 3.
(62). D'Audiffret, M�moire sur le duch� de Lorraine, j. cit,
(63). Manuscrit n� 395 de la Biblioth�que de Nancy.
Parmi les diverses causes qui amen�rent une notable diminution
de la partie navigable de ces rivi�res, il faut placer, en
premi�re ligne, les d�boisements. De plus, aux �poques ou la
navigation �tait moins active, voire interrompue, les riverains
avaient sans cesse cherch� a utiliser la force motrice pour
l'installation de moulins et autres usines, entravant ainsi, de
plus en plus, la libert� des cours d'eau.
(64). M�moire sur diff�rents moyens de donner la plus grande
activit� au commerce et aux manufactures des villes de Nancy,
Metz et de leurs alentours. Nancy, 1791, in-8�.
(65). Cf. supra, [p. 556, note 1.] note 58.
(66). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 172 et 174.
(67). Arr�t du Conseil d'Etat du 14 d�cembre 1769. (Archives
nationales, E, 2, 465.)
(68). Pour plus de d�tails sur ces op�rations, voir Lecreulx,
op. cit. 41 et sq, Dans son discours de r�ception � l'Acad�mie
de Nancy, en 1776, l'ing�nieur en chef de Lorraine s'exprimait
en ces termes : ��La nature semble avoir indiqu� cette
communication ; il existe un �tang nomm� le Void-de-Cone, qui
fournit � la fois des eaux pour la Sa�ne et pour la Moselle et
dont les poissons peuvent se rendre � l'Oc�an ou � la
M�diterran�e ; d'un c�t� il en sort un ruisseau qui forme la
rivi�re de Corre, o� l'on commence � faire flotter les bois
au-dessous des forges d'Uzemain, � trois lieues de sa source, et
qui se jette dans la Sa�ne au-dessous de Corre, entre Ch�tillon
et VauvilIier. Le m�me �tang se d�charge � l'orient dans un
ruisseau qui est grossi par plusieurs sources, et va deux lieues
plus loin se jeter dans la Moselle � Arches, au-dessous de
Remirernont. � - ��On dit qu'on veut examiner la facilit� et les
obstacles qu'il y a dans cet �tablissement, afin de balancer la
d�pense avec les avantages. Mais tout calcul devient inutile
pour une op�ration de cette nature �, d�clarait, trois ans plus
lard, un autre sp�cialiste. ��On �value la d�pense � 7 ou 8
millions, mais f�t-elle de trente, les avantages qu'on en
retirerait seraient fort au-dessus, et m�me inappr�ciables
relativement au commerce, aux convois militaires et �
l'approvisionnement de la marine. � (Allemand, Trait� des
p�ages... et plan d'administration de la navigation int�rieure
.... Paris, 1779, in-4�.) - En 1789, Lecreulx revenait de son
premier enthousiasme. La d�pense ne serait que de 7,080,000 #,
mais il faudrait 177 �cluses, plus qu'on en comptait sur toute
la longueur du canal du Languedoc. Les bateaux mettraient ainsi
huit jours pour faire un trajet qui, par terre, n'en demandait
qu'un seul. L'ing�nieur concluait : ��C'est pourquoi l'on pense
que tous ces motifs r�unis sont plus que suffisants pour faire
renoncer au projet de la jonction d'un canal non interrompu par
l'�tang de C�ne dont on a tant parl�. � (M�moire sur les
avantages de la navigation des canaux et rivi�res..., j. cit.,
p. 75.) - On trouvera dans l'Histoire du canal de l'Est..., j.
cit., pp. 24: et sq., des explications techniques sur ce projet
et surtout sur les travaux entrepris apr�s 1789. |