BLAMONT.INFO

Documents sur Bl�mont (54) et le Bl�montois

 Pr�sentation

 Documents

 Recherche

 Contact

 
 Plan du site
 Historique du site
 
Texte pr�c�dent (dans l'ordre de mise en ligne)

Retour � la liste des textes - Classement chronologique et th�matique

Texte suivant (dans l'ordre de mise en ligne)


Travaux publics et corv�es en Lorraine au XVIIIe si�cle (1/2)
(Notes renum�rot�es)

Page pr�c�dente

Annales de l'Est
Juillet 1899


Les travaux publics et le r�gime des corv�es en Lorraine au XVIIIe si�cle


CHAPITRE PREMIER
Les routes de Lorraine et l'�uvre de L�opold. - Modifications apport�es, � partir de 1737, dans l'administration des Ponts et Chauss�es de la nouvelle province, jusqu'� compl�te assimilation avec le syst�me fran�ais. - Personnel et divisions territoriales. - L'imposition dite des ��Ponts et Chauss�es �. - L'intendant juge du contentieux en premier et dernier ressort.

Une branche de l'administration pour laquelle, apr�s la Cession, le Gouvernement de Louis XV ne pouvait manquer de demander � l'intendant de Lorraine une attention toute particuli�re, �tait celle des Ponts et Chauss�es. La situation de la nouvelle province donnait aux voies qui la traversaient une importance strat�gique et commerciale des plus consid�rables. Entretenir et multiplier les routes dans l'�tendue des Duch�s, ce n'�tait pas seulement faire �uvre d'utilit� locale, procurer un �coulement facile aux produits du sol, � ceux des salines surtout. C'�tait encore relier les diff�rentes enclaves �v�choises, �tablir une prompte communication entre le Royaume et les pays �trangers, la Lorraine et le Barrois �tant appel�s � supporter, pour une tr�s forte part, le roulage n�cessaire � l'importation et � l'exportation fran�aises.
Les choses avaient bien chang� depuis l'occupation de la Province au XVIIe si�cle et l'intendance de M. de Vaubourg. Le r�gne de L�opold avait �t� f�cond. Ne trouvant, � son arriv�e dans ses �tats, qu'un petit nombre de routes, presque toutes impraticables et peu s�res, le Duc avait pris � c�ur d'y rem�dier. Les anciens chemins restaur�s, puis plus soigneusement entretenus, avaient �t� rendus moins dangereux aux voyageurs. Futaies et taillis avaient �t� abattus � 30 toises de chaque c�t� des routes qui les traversaient. Les broussailles avaient de m�me �t� essart�es, afin d'enlever aux vagabonds et aux voleurs, r�pandus en nombre jusqu'aux abords des villes, un moyen facile d'embuscade. Un personnel des Ponts et Chauss�es avait �t� institu�. L�opold s'�tait adjoint dans sa t�che un homme de valeur, le comte Maximilien du Hautoy; il lui avait confi�, par lettres patentes du 15 janvier 1715 (2), la charge nouvelle de surintendant des Ponts et Chauss�es. Puis, � la p�riode d'am�lioration, pendant laquelle le Prince avait rendu plusieurs sages ordonnances (2), avait succ�d� celle de cr�ation. Dans l'espace de quelques ann�es, � partir de 1724, on avait pu voir maintes nouvelles chauss�es sillonner la Lorraine. Des constructions d'art avaient �t� ex�cut�es sur les points les plus accident�s du pays (3). Ces travaux �taient m�me devenus, et � juste titre, un des th�mes pr�f�r�s des pan�gyristes du Duc. Dom Calmet d�clare que ces ponts et ces chauss�es ��sont d'un dessein si vaste, si magnifique, d'une ex�cution si difficile et d'une si grande d�pense, qu'il est �tonnant qu'un prince, dont les revenus ne sont pas immenses, ait form� une r�solution de cette importance, et encore plus qu'il en soit venu � bout en si peu de temps (4) �.
En moins de trois ans, en effet, 400 ponts avaient �t� construits; pr�s de 800 kilom�tres de routes; trac�s (5). ��On n'a travaill� avec activit� aux chemins dans le Royaume que depuis 1750, c'est-a-dire environ deux ans apr�s la fondation de l'�cole des Ponts et Chauss�es �, d�clarera plus tard un habile ing�nieur. ��Avant ce temps, on ne portait ses soins que sur les plus grandes traverses du Royaume qui �taient m�me fort mauvaises. Il n'y avait gu�re que la Lorraine, la Franche-Comt� et Montauban qui eussent, avant cette �poque, des communications trait�es, quoiqu'� la mani�re de ce temps (6). �.
Il �tait impossible au nouveau r�gime de m�connaitre l'�uvre consid�rable de L�opold. D�s le 7 d�cembre 1737, un arr�t du Conseil des finances, portant r�glement pour les Ponts et Chauss�es, payait son tribut d'�loges, un peu mince, il est vrai, � ces r�formes du Prince. Il esquissait surtout le programme trac� par l'intendant de La Galaizi�re et adaptait l'ancien syst�me � la situation nouvelle. Le Commissaire d�parti recevait dans ses attributions ��la police et �conomie g�n�rale sans exception desdits chemins, ponts et. chauss�es..., avec la connaissance de toutes les difficult�s n�es et � naitre dans les communaut�s, de m�me qu'entre les habitants d'icelles, entrepreneurs d'ouvrages, pr�pos�s, ouvriers et autres employ�s auxdits travaux, pour l'ex�cution desdites ordonnances et des pr�sentes, circonstances et d�pendances d'icelles (7) �.
La charge de surintendant ou grand voyer de Lorraine se trouvait par l� m�me abolie. Le comte du Hautoy dut se retirer avec une pension. La haute direction des Ponts et Chauss�es incombait d�sormais au seul intendant fran�ais.
La carte itin�raire des Duch�s demeura provisoirement divis�e en quatre sections qui comprenaient respectivement: le Barrois; la montagne ou la V�ge; la Seille, le Bassigny et une partie de la Lorraine allemande; l'autre portion de la Lorraine allemande et la Wo�vre. Un ing�nieur resta plac� � la t�te de chacun de ces d�partements ; mais le directeur g�n�ral, dont ces quatre fonctionnaires d�pendaient et qui �tait dit ��directeur des quatre d�partements �, fut remplac� par trois inspecteurs qui se partag�rent la Province (8).
Cette hi�rarchie fut encore modifi�e, sur la proposition de l'Intendant, par l'arr�t du Conseil du 17 juin 1750 (9). Une place d'ing�nieur en chef des Ponts et Chauss�es de Lorraine et Barrois �tait cr��e, et la Province divis�e, pour ce service, en cinq arrondissements : ceux de Nancy (Lorraine propre); du Barrois (Barrois et Wo�vre); de la Lorraine allemande; de Neufch�teau (Barrois et Bassigny); de la V�ge. A chacun de ces arrondissements correspondaient les charges de sous-ing�nieur et d'inspecteur.
Le bureau des Ponts et Chauss�es, o� si�geait l'ing�nieur en chef, se trouvait � Lun�ville; il ne fut transf�r� � Nancy qu'en 1757 (10). L'ing�nieur recevait 2,400 # de France (3,100 de Lorraine); chaque sous-ing�nieur, 1,500 # (2,044); les inspecteurs, 775 # seulement. Ce titre d'inspecteur ne correspond point, en effet, � celui que portaient certains fonctionnaires du Royaume. Les nouveaux inspecteurs de la Province ne sont point du nombre des employ�s des Ponts et Chauss�s qui peuvent, comme en France, parvenir aux grades sup�rieurs, L'intendant g�n�ral des finances remarque qu'ils �� ne sont m�me presque connus qu'en Lorraine et en Champagne (11) �. En r�alit�, ils faisaient plut�t partie, avec les conducteurs et les piqueurs, du personnel subalterne dit des corv�es.
Le premier titulaire de l'office d'ing�nieur en chef fut Jean-Jacques Baligand, grand praticien et, de plus, excellent dessinateur. Baligand avait fait autrefois ses preuves dans les travaux des canaux du Loing et de Picardie. Il �tait venu en Lorraine, en 1737, en qualit� d'inspecteur. Il y fut successivement nomm� : ing�nieur ordinaire du roi, inspecteur des b�timents et usines du Domaine) inspecteur des sources sal�es, inspecteur et architecte des b�timents des salines (12).
Les noms de quelques-uns de ses sous-ing�nieurs m�ritent �galement d'�tre conserv�s. Durant la plus grande partie de la p�riode d'activit�, nous trouvons pr�pos�s: � l'arrondissement de Nancy le sieur Jacquier ; � celui de la Lorraine allemande, de Klier de l'Isle; � celui de Neufch�teau, Delille (13). C'est encore Montluisant pour le Barrois et Richard Mique pour la V�ge. Tous cinq, apr�s les Broutin, les Chaix et les Le Pan, rendirent en Lorraine de pr�cieux services, Deux d'entre eux devaient particuli�rement se signaler. A la mort de Baligand, Mique, plus c�l�bre aujourd'hui comme architecte (14), le rempla�a, le 7 f�vrier 1763, dans les fonctions d'ing�nieur en chef, tandis que Montluisant recevait, le 4 avril suivant, le second emploi du d�funt, celui d'inspecteur g�n�ral des b�timents et usines du Domaine.
L'unification avec le syst�me fran�ais ne fut compl�tement op�r�e que longtemps apr�s le d�c�s de Stanislas. En 1766, Daniel Trudaine (15) d�clarait � l'Intendant qu'il y avait encore beaucoup � faire ��pour ramener l'administration des Ponts et Chauss�es de Lorraine aux formes usit�es dans le Royaume (16) �. Un arr�t du Conseil d'Etat du 29 septembre 1770 r�unit, en principe, les Ponts et Chauss�es de Lorraine � ceux du Royaume (17). Richard Mique avait re�u, le 22 ao�t pr�c�dent, le grade d'lng�nieur des Ponts et Chauss�es de France. Tout occup� � surveiller les embellissements de Versailles et du Trianon, Mique se contentait de faire de courtes apparitions en Lorraine, quand il fut. nomm�, en 1775, premier architecte de Marie-Antoinette. Sa charge d'ing�nieur fut alors donn�e � M. Lecreulx (18) et le grade nouveau d'inspecteur des Ponts et Chauss�es, syst�me fran�ais, � Montluisant. On profita de ces changements pour �tudier une derni�re modification de la carte itin�raire. A partir de 1777, elle comprit sept arrondissements: ceux de Nancy, de Neufch�teau, de Lun�ville, de Dieuze, d'�pinal, de Bar et de Saint-Avold (19).
Enfin, les places d'inspecteurs des travaux ayant �t� supprim�es au fur et � mesure des vacances, sous l'ing�nieur prirent d�sormais rang un inspecteur, trois sous-ing�nieurs et trois sous-inspecteurs.
En 1724, le duc L�opold avait renforc� la Subvention d'un imp�t sp�cial de 100,000 #, destin� aux travaux des routes. Cette somme forma, jusqu'� la Cession, la seule contribution accessoire � la charge de la Lorraine. Elle avait re�u le nom de Ponts et Chauss�es. Sous le r�gime fran�ais; cette d�signation fut �tendue, dans le langage courant d'abord, bient�t officiellement dans les mandements, a toutes les impositions suppl�mentaires multipli�es d�s lors par le fisc. Les ministres de Louis XV se gard�rent de supprimer les Ponts et Chauss�es proprement dits. Ils les augment�rent d'un sol par livre, comme frais de r�partition, soit 105,000 #. Cet imp�t se levait sur le pied de Subvention, au sol la livre. Un second brevet �tait toutefois n�cessaire, cette charge s'�tendant � de nombreux privil�gi�s exempts de la contribution principale (20).
En raison de ce budget sp�cial, la Lorraine ne participa pas aux taxes suppl�mentaires impos�es chaque ann�e sur les vingt G�n�ralit�s des pays d'�lection, les Trois-�v�ch�s et plusieurs autres r�gions (21). On ne lui demanda rien pour les grands travaux extraordinaires, tels que ceux du pont d'Orl�ans ou des turcies de la Loire, qui grev�rent lourdement la plupart des provinces. C'est seulement lorsque l'arr�t du Conseil d'Etat du 29 septembre 1770 ordonna le versement de ces 100,000 # entre les mains des tr�soriers g�n�raux des Ponts et Chauss�es de France, que les anciens Duch�s furent compris, sur ce point, dans le syst�me financier du Royaume (22).
L'attribution de juridiction en premier et dernier ressort que l'arr�t du Conseil des finances du 7 d�cembre 1737 donna � l'intendant de Lorraine, en la mati�re des Ponts et Chauss�es, �tait d'une port�e singuli�re. Elle suscita un grave incident. En se contentant de d�clarer que la Chambre des compt�s perdait le droit qu'elle avait, depuis une lettre de cachet du 25 f�vrier 1716, de conna�tre des conflits survenus au sujet des Ponts et Chauss�es � la charge du Domaine, et en d�fendant aux juges ordinaires de s'occuper des causes de ce genre qui, sauf appel � la Cour souveraine, pourraient �tre port�es devant eux, l'administration fran�aise feignait d'ignorer l'autorit� exclusive dont avait joui jusqu'alors la Chambre. Mais, en r�alit�, elle savait fort bien que, seule, cette Compagnie avait pouvoir de��conna�tre et de juger, tant au civil qu'au criminel, toutes les affaires contentieuses concernant le fait des chemins, ponts et chauss�es, circonstances et d�pendances �. C'est pour cela, pr�cis�ment, que le Chancelier-Intendant s'�tait gard� d'envoyer l'arr�t � la Chambre, la principale int�ress�e, afin qu'elle l'enregistr�t.
Par la publicit� qui suivit l'insinuation � la Cour souveraine, la Chambre des comptes apprit l'atteinte port�e � ses pr�rogatives. De tout temps, la direction des Ponts et Chauss�es lui avait �t� confi�e, jusqu'au jour o� la grande extension que L�opold donna aux travaux des routes, avait rendu ces attributions trop on�reuses et embarrassantes pour une compagnie de justice, et n�cessit� la cr�ation de la charge de surintendant. Mais si tout ce qui regardait la construction, les r�parations et l'entretien des chauss�es avait �t�, d�s lors, du ressort du grand voyer, les membres de la Chambre n'avaient point renonc� � leur droit de juridiction. C'est pr�cis�ment pour qu'il n'y e�t aucun doute � cet �gard que le Prince leur avait adress� cette lettre de cachet � laquelle l'arr�t faisait allusion. L�opold y d�clarait que son intention �tait de conserver la connaissance de toutes les difficult�s relatives aux Ponts et Chauss�es ��comme d'anciennet� � sa Chambre des comptes de Lorraine pour y �tre jug� et d�cid� souverainement et en dernier ressort �.
Aussi, � la fin de 1737, l'�motion fut-elle tr�s vive � la Chambre. Il en r�sulta le premier conflit s�rieux entre une cour sup�rieure lorraine et le nouveau Gouvernement. Apr�s une longue et m�re d�lib�ration, la Compagnie r�solut, en effet, de faire des remontrances au roi. Les conseillers MailIiart et Bagard, ainsi que l'avocat g�n�ral Le Febvre, furent charg�s d'en r�unir les motifs. Bagard les groupa dans une r�daction d�finitive. Puis l'avocat g�n�ral s'�tant rendu � Lun�ville et ayant obtenu pour la Chambre l'autorisation de pr�senter les remontrances, ces derni�res furent remises au Chancelier. Bien diff�rentes de celles qui devaient suivre, elles �taient encore empreintes du plus profond respect, non seulement pour le roi, mais pour M. de La Galaizi�re dont elles ne parlaient qu'en termes tr�s mesur�s et m�me �logieux. Elles refl�taient toutefois l'alarme des magistrats qui ne pouvaient se r�signer, disaient-elles, � cette chose impossible qu'on les priv�t d'une pr�rogative remontant �jusqu'� la naissance de leur Compagnie �. Jamais, en Lorraine, les affaires de voirie n'avaient �t� port�es ailleurs que devant la Chambre, � laquelle on ne saurait retirer cette juridiction �� sans �branler et sans alt�rer les premiers principes de sa constitution �. Si elle se pr�tait � cet amoindrissement, elle �� ne serait bient�t plus qu'un fant�me et qu'une ombre �. �videmment, la religion de Sa Majest�, celle aussi de l'Intendant, avait �t� surprise. En recevant les remontrances, le Chancelier d�clara ��qu'il serait fait r�ponse en son temps � la Chambre �. Toutefois, sa r�solution �tait prise; ce n'�tait point � la l�g�re qu'il avait �voqu� � lui toute la juridiction des Ponts et Chauss�es ! La Chambre des comptes dut enfin c�der (23).
Mais la r�union sur une m�me t�te de tous les pouvoirs administratifs et judiciaires allait causer des maux cuisants � la Lorraine. ��N'est-il pas, Sire, de l'int�r�t du repos public que ces sortes de crimes soient poursuivis et jug�s suivant les lois, ce qui ne peut que difficilement avoir lieu dans une commission destitu�e du secours essentiel du minist�re public �, avait d�clar� M. Bagard, en faisant allusion aux exactions, toujours possibles. Cette sorte de proph�tie du z�l� rapporteur ne se r�alisera que trop.

CHAPITRE II
Etat des routes lorraines au milieu du dix-huiti�me si�cle. - Leur entretien. - Plantations d'arbres. - Construction de nouvelles chauss�es et travaux d'art. - Adjudication, entreprises et d�penses. - La corv�e.

Soigneusement entretenues, � partir de 1738, les routes des Duch�s sont, en g�n�ral, recouvertes de bons et solides mat�riaux, Les substances terreuses avec lesquelles on les exhaussait auparavant, ont �t� remplac�es. Les pierres, qui rendaient jusqu'alors les chemins ��extr�mement durs et p�nibles aux voyageurs �, sont concass�es avant le rechargement. Chaque communaut� est tenue de poss�der, � cet effet, autant de masses de fer, d'un poids minimum de 12 livres, qu'elle paie de fois 200 # de Subvention. Pour faciliter l'entretien, des tas de pierres, dont le volume en toises cubes est proportionn�, lui aussi, aux forces des populations voisines, sont dispos�s le long des bermes, de dix toises en dix toises.
Outre les grands travaux qui se font deux fois chaque ann�e, jusqu'� parfait ach�vement, les r�parations urgentes doivent �tre effectu�es en tout temps par les communaut�s qui sont tenues de visiter, au moins tous les quinze jours, les portions confi�es � leurs soins. Les pr�pos�s de l'administration parcourent incessamment les chauss�es et dressent des proc�s-verbaux en cas de n�gligence ou de contraventions. Des poteaux portant une lame de fer-blanc grav�e indiquent, enfin, les portions respectives � la charge des localit�s (24).
On peut classer ces routes en plusieurs cat�gories. Les plus importantes, les meilleures, sont les routes dites en chauss�e. Les unes, construites en moellons et recharg�es de cailloux et graviers, mesurent de sept � cinq toises environ de largeur. D'autres, simplement form�es de pierrailles et de graviers, n'ont le plus souvent que quatre toises. Viennent ensuite les routes non en chauss�e .ou chemins ordinaires, dont les dimensions sont tr�s variables (25). Les grandes voies sont d'habitude bord�es par des foss�s,
Il n'y a toutefois pas encore de rang�es d'arbres le long de ces routes lorraines. Un arr�t du Conseil des finances du 4 septembre 1741 avait bien ordonn� qu'il y serait plant�, avant le 1er octobre suivant, par les propri�taires riverains et � un intervalle de trois toises, des noyers; ch�taigniers, ormes ou fr�nes, d�livr�s gratuitement, au besoin, par les officiers des grueries: L'administration voyait dans ces plantations un ornement des routes et un moyen de multiplier certaines essences peu abondantes dans les for�ts. Mais l'ex�cution de cet arr�t rencontra la plus vive r�sistance. Peu de communaut�s s'y soumirent. Un second arr�t, du 11 septembre de l'ann�e suivante, renouvela en vain l'ordre, en �tablissant un ensemble s�v�re de sanctions (2). Les laboureurs ne voulurent point comprendre qu'il y aurait l� une indication pr�cieuse pour les voyageurs pendant les nuits sombres ou par les temps de neige. Comme ces arbres devaient �tre plant�s dans les champs voisins, non sur le sol m�me de la route, ils furent d�clar�s nuisibles � l'agriculture. Le peu qu'on en planta fut en partie arrach� ou mutil�. Paysans et voituriers se plurent � les endommager. Bient�t, les convois qui travers�rent sans tr�ve le pays, durant la guerre de la Succession d'Autriche, en achev�rent la destruction. L'administration resta impuissante devant le mauvais vouloir et la routine. Quelques grands arbres, au tronc volumineux, que l'on rencontre encore isol�s, � c�t� des vieilles routes de la Province, sont, pour la plupart, les rares survivants de cet infructueux essai. C'est seulement apr�s l'arr�t du Conseil royal du 6 f�vrier 1776, g�n�ralisant la prescription des plantations pour tout le Royaume, que les routes de Lorraine furent, peu � peu, orn�es de ces alignements d'arbres si r�pandus de nos jours.
L'am�lioration des anciens chemins est peu de chose en proportion du grand d�veloppement que les La Galaizi�re donn�rent � la construction des chauss�es neuves et � l'ex�cution des travaux d'art. Le r�gne nominal de Stanislas correspond, d'ailleurs, presque exactement, � la belle �poque de l'ancienne administration des Ponts et Chauss�es de France, �poque qui s'�tend depuis la suppression de la direction g�n�rale, en octobre 1736, jusqu'� l'ann�e 1769, et au cours de laquelle acquirent, entre plusieurs, un si juste renom l'administrateur Trudaine et l'ing�nieur Perronet (26).
Le comblement des gouffres de la for�t de Haye, le trac� de la route de Saint-Di� � Colmar par le Bonhomme, pourraient, � eux seuls, fournir une id�e de l'importance et des difficult�s que pr�sent�rent certains de ces ouvrages. Chaque ann�e, de nouvelles grandes voies vont parcourir la Province et relier, par l'emprunt de son territoire, les enclaves �v�choises et les contr�es limitrophes. Toul communiquera d�sormais avec Verdun par M�nil-la-Tour, Noviant et Beney; avec Troyes par la route de Vaucouleurs et de Houdelaincourt vers Joinville. Les relations entre Paris et Besan�on sont facilit�es par la chauss�e de Ligny � Neufch�teau; celles entre Nancy et la capitale comtoise par le chemin de Mirecourt � Conflans-en-Bassigny. La route de Pont-�-Mousson � Commercy va �tre continu�e vers Saint-Dizier par Ligny, Stainville et Ancerville; celle de Metz � Dieulouard, jusqu'� Toul. Une communication commode est m�nag�e entre Pont-�-Mousson et Nomeny. La grande et belle voie de Neufch�teau � Saint-Di�, par Mirecourt, Charmes et Rambervillers, formera le passage de Champagne en Alsace. Schlestadt n'avait de relations avec la Lorraine que par Sainte-Marie-aux-Mines : voici les routes de Raon � Senones ou � Saales. De Saint-Maurice, une magnifique chauss�e, franchissant le Ballon, descend sur Giromagny et Belfort. Une autre, par le Donon, conduit de Raon � Strasbourg. La Lorraine allemande, si d�sh�rit�e jusqu'alors, n'aura plus rien � envier aux autres districts : ce sont les routes de Dieuze � Phalsbourg, par F�n�trange ; de Phalsbourg � Sarrelouis, par Boucquenom, Sarralbe et Forbach; de Bitche � Sarreguemines, � Deux-Ponts, � Wissembourg ou � F�n�trange; de Sarreguemines � Saarbr�ck ; celle encore de Morhange � Saint-Avold. L� passe la nouvelle voie de Metz � Francfort, et � Bouzonville celle de Thionville � Sarrelouis.
Il serait fastidieux d'�num�rer toutes les routes de moindre importance qui faciliteront les transactions de l'int�rieur. On ira de Mirecourt � Epinal par Dompaire; de Neufch�teau � Commercy par Vaucouleurs, et � Darney par Bulgn�ville. D'Epinal � Bains par Xertigny; de Rambervillers � Anould par Bruy�res. Malz�ville est reli�e � Art-sur-Meurthe par une belle chauss�e qui longe la rive droite de la rivi�re et dessert la Chartreuse de Bosserville. Rosi�res-aux-Salines ne sera plus isol�e de Dombasle, de Cr�v�champs et de Damelevi�res. De V�zelise, oubli�e au c�ur m�me du pays, vont rayonner plusieurs routes : pour Ceintrey, pour Toul par Cr�pey, pour Vaucouleurs par Colombey, et pour Charmes par Gripport (27).
Parmi les nombreux travaux d'art, il faut citer tout particuli�rement le pont de Saint-Nicolas qui, en 1740-1741, fut reconstruit sur la Meurthe, en vo�tes surbaiss�es : le premier de cette sorte, para�t-il, que l'on e�t vu dans la contr�e (28) Deux ans apr�s, c'est le pont de Tannois qui est jet� sur I'Ornain. Puis celui de Ligny (1746); bient�t celui d'Essey, pr�s de Nancy, commenc� au printemps de 1749 (29); ceux de Salonne (1753) et de F�n�trange (1757); ou ceux, encore, de Bouxi�res-aux-Dames, de Boucquenom, de Sarralbe, etc. N'oublions pas le superbe pont de neuf arches construit sur la Moselle � Pont-Saint-Vincent (1752-1757). Les plans et mat�riaux co�t�rent plus de 284,000 #. Un voyageur, venant de Dijon et passant par cet endroit, en 1753, donne sur cette entreprise d'int�ressants d�tails. ��Ce pont est un des plus beaux ouvrages qui soient sur la Moselle �, �crit-il. ��Il aura pr�s de quatre cents pieds de longueur sur vingt-trois de hauteur ..... La m�chanique avec laquelle on puise l'eau est admirable; tout autour de l'espace destin� � faire le pont sont des baraques de bois au nombre d'une quinzaine, contenant en tout cinq cents hommes ..... qui sont relev�s de deux heures en deux heures. Cet ouvrage n'a aucun rel�che, jour et nuit pendant toute l'ann�e; les ouvriers ont leur lit dans les baraques; pendant que les uns travaillent, les autres dorment; les femmes viennent de temps en temps aider; c'est un tourbillon de mouvement perp�tuel et tr�s amusant pour le spectateur. Voici � peu pr�s en quoi consiste la man�uvre: chaque baraque a ses ouvriers, son atelier. L'eau se puise par le moyen d'un chapelet ..... On compte douze chapelets; chaque chapelet ne peut agir qu'au moyen de trente-huit personnes qui, comme des for�ats, tournent et retournent sans cesse les deux manivelles ..... Les ateliers de bois et de pierre tiennent un canton immense. M. Mith (30) de Lun�ville, entrepreneur de ce beau pont, nous dit qu'il ne serait fini que dans cinq ans (31). �
Voici comment l'Intendant de Lorraine jugeait bon de faire proc�der. Lorsque La Galaizi�re avait d�cid� l'ex�cution de quelque route, d'un ouvrage d'art, ou qu'un ordre lui �tait parvenu de Versailles, sur sa demande et ses indications l'ing�nieur dressait les plans, �tablissait les devis et les �tats estimatifs. Puis, d'apr�s ces documents, l'ouvrage �tait soi-disant adjug�. En principe, il aurait d� l'�tre � n'importe quel entrepreneur, pourvu que ce f�t ��au meilleur compte possible �. Mais, en r�alit�, il y avait en Lorraine un v�ritable entrepreneur en titre de l'administration. Ce fut un parent de Richard Mique, Claude Mique, dit La Douceur (32) - plus connu, lui aussi, pour la part qu'il prit � la construction des �difices de Stanislas, - qui �tait charg� d'assurer l'ex�cution de tous ces travaux. Nous le trouvons r�guli�rement chaque ann�e adjudicataire exclusif de toutes les entreprises des Ponts et Chauss�es dans les Duch�s.
Un tel syst�me semblait �trange aux administrateurs fran�ais ; les contr�leurs g�n�raux et les directeurs des Ponts et Chauss�es le critiqu�rent souvent (33). Les La Galaizi�re qui y tenaient, surent le d�fendre et le maintenir. En mars 1762, Bertin se plaignait en ces termes de cette r�sistance : ��Il est int�ressant pour le bien du service que vous changiez cette forme de travail, ainsi que je vous l'ai d�j� mand� par ma lettre du 24 f�vrier 1761 (34) � Et � la veille m�me de la mort du roi de Pologne, Trudaine revient � la charge. ��Il est vrai, r�pondait l'Intendant, il est vrai qu'il n'y a qu'un entrepreneur des Ponts et Chauss�es, parce que c'est un homme intelligent, connu de M. Perronet qui rendra t�moignage de la beaut� et solidit� de ses ouvrages, qu'il ex�cute avec honneur et � un prix tr�s modique; il ne sous-marchande point, mais il est second� par de tr�s bons appariteurs qu'il a � ses gages, qu'il visite avec exactitude, et demeure � chaque atelier le temps qu'il faut pour donner ses ordres (35). �
On commen�ait les ouvrages au d�but de chaque ann�e. Le Commissaire d�parti les recevait au fur et � mesure de leur ach�vement. Pendant. la campagne, l'entrepreneur ne touchait que des acomptes. A la fin de l'automne, seulement, l'ing�nieur soumettait � l'Intendant le proc�s-verbal d�finitif de r�ception et lui pr�sentait en m�me temps le compte g�n�ral de la d�pense des 100,000 # d'imposition. Sur cette somme se payaient d'abord les appointements et gratifications de l'ing�nieur et de son personnel, soit un total de 23,000 � 25,000 # (36). L'argent vers� � l'entrepreneur, les frais de levers de plans, les indemnit�s aux particuliers expropri�s absorbaient amplement le reste. Toujours compl�tement employ�es (37), les 100,000 # furent souvent insuffisantes aux �poques de grands travaux. La d�pense des Ponts et Chauss�es se monte, par exemple, � 143,777 # en 1757; � 105,439 # en 1760. En 1756, l'ing�nieur arrive m�me � un passif de 303,755 # (38).
C'�tait pourtant bien peu encore, semble-t-il, pour obtenir d'aussi importants r�sultats. Le Gouvernement en exprima souvent quelque inqui�tude, se demandant si, dans ces conditions, tous les travaux pouvaient �tre r�alis�s avec la solidit� et le fini d�sirables, En rassurant ses chefs, l'Intendant nous donne la solution du probl�me. En effet, r�pondait La Galaizi�re au Contr�leur g�n�ral, ��il n'y a qu'� comparer les prix des ouvrages de la Lorraine avec ceux des provinces voisines, on verra qu'ils sont � meilleur march� �. Mais c'est que ��les travaux des Ponts et Chauss�es sont dirig�s diff�remment des autres provinces de France, parce que tout s'y fait � corv�es, except� les ouvrages d'art qui sont � prix d'argent, sans quoi il ne serait pas possible avec 100,000 # de Lorraine, faisant 77,419 # 7 s. 1 d. au cours de France, de faire tous les ouvrages d'un d�partement aussi �tendu que celui de Lorraine (39) �. Puis, entrant dans les d�tails, le Commissaire d�parti explique que si l'entrepreneur ne se montre pas plus exigeant, c'est qu'en somme ��il n'est charg� que du prix des ouvrages d'art, du payement de la pierre de taille aux carriers, de la chaux, du ciment, du fer, des planches et madriers de sapin (40) �. Ce sont les habitants qui fournissent toute la main-d'�uvre ; ce sont ces corv�ables qui d�blaient et remblaient les terres; ce sont eux qui, sous la surveillance des sous-ing�nieurs, inspecteurs, conducteurs et piqueurs, sont charg�s de procurer tous les autres approvisionnements en mat�riaux. Ils extraient et voiturent gratuitement les moellons et le sable, transportent les bois n�cessaires aux pilotis, plates-formes de fondations et batardeaux que les communaut�s doivent d�livrer.
Les corv�es: telle est donc la lourde contribution en nature exig�e des Lorrains, la v�ritable ressource qui permit d'effectuer tant d'immenses travaux.

CHAPITRE III
Circonstances de l'�tablissement de la corv�e des grands chemins en Lorraine. - L�gislation des corv�es. - Les exemptions. - Corv�ables et personnel des corv�es. ~ Premi�re p�riode sous le r�gime fran�ais (1737-1743).

Ces corv�es (41) furent la charge la plus lourde et la plus odieuse aux Lorrains que les Duch�s connurent sons le r�gne de Stanislas et le r�gime fran�ais. Nulle institution ne contribua davantage � y faire d�tester l'administration de Louis XV. Par cela m�me qu'aucune province n'en fut plus arbitrairement accabl�e ; que, d'autre part, ce fut pour le grave Chancelier-Intendant l'occasion d'exc�s d�plorables, il n'est pas sans int�r�t de s'arr�ter un peu longuement sur la question.
Contrairement au second imp�t en nature, la milice, la corv�e n'�tait point d'importation fran�aise. De m�me qu'avant 1737 on payait en Lorraine les 100,000 # dites des Ponts et Chauss�es, c'est gr�ce aux corv�es que, sous L�opold et Fran�ois III, les travaux des routes avaient �t� effectu�s. Tous ces ouvrages: chauss�es neuves, retranchement d'anciennes chauss�es, foss�s, �largissement des chemins, transport des mat�riaux pour la construction et le r�tablissement des ponts, �taient alors r�partis, par ordonnance du Duc, entre les contribuables, sur le pied de la Subvention (42). Les communaut�s avaient � fournir les man�uvres, les voitures et les bois n�cessaires aux entrepreneurs. Le 12 mars 1699, comme les pluies de l'hiver pr�c�dent avaient tout particuli�rement ravin� les grandes voies de communication, le Duc avait donn� ordre � ses pr�v�ts ��de prendre soin avec application de les faire r�parer incessamment par les habitants desdites communaut�s, chacune sur son ban, finage et territoire ..., suivant le nombre d'habitants qu'il y aurait dans chacune, et que les maires commanderaient pour les y faire trouver � la premi�re r�quisition desdits pr�v�ts, � peine de ch�timent (43) � R�gies d'une fa�on plus pr�cise et plus compl�te dans des ordonnances post�rieures, c'est par cet acte de 1699 que les corv�es des Ponts et Chauss�es furent r�guli�rement �tablies en Lorraine (44).
Nous insistons sur ce mot r�guli�rement. Plus tard, en effet, La Galaizi�re essayera de mettre un terme aux r�criminations des habitants accabl�s, en leur r�pondant qu'il ne fait qu'imiter leur ancien souverain ; que L�opold, le premier, a command� des corv�es, que c'est m�me ce prince qui en a donn� l'exemple � la France. Il est exact que les corv�es, telles qu'on les imposa dans le Royaume, ne sont pas ant�rieures � celles �tablies par le Duc, � la fin du XVIIe si�cle. Toutefois, bien que Colbert n'e�t accept� cette n�cessit� qu'avec m�fiance, on avait d�j�, sous son administration et � diverses reprises, travaill� par corv�es aux chemins, surtout dans les provinces fronti�res ou celles r�cemment unies, telles l'Artois, la Franche-Comt�, le Dauphin�, l'Alsace. La Lorraine, elle-m�me, n'en avait pas �t� absolument exempte pendant l'occupation. Il ne s'agissait alors, il est vrai, que de r�parations, d'entretien, non de la cr�ation de nouvelles voies. Mais, en d�finitive, ce n'�tait point chose absolument ignor�e � la restauration ducale (45).
De plus, lorsque L�opold mourut, et surtout � l'arriv�e de Stanislas, le r�gime des corv�es �tait aussi bien �tabli dans la plus grande partie du Royaume qu'il pouvait l'�tre dans les Duch�s. On pratiquait r�guli�rement les corv�es en Alsace depuis 1717. Vers 1726, elles avaient �t� introduites dans la g�n�ralit� de Soissons; l'ann�e suivante dans les Ev�ch�s; en 1729 � Ch�lons; en 1733 dans la province de Bresse (46). Bref, ayant gagn� de proche en proche, en 1737 les corv�es �taient en vigueur dans toutes les provinces de France r�gies par l'administration centrale. Elles l'�taient en vertu d'ordonnances des intendants, mais sans le secours d'aucune loi, et c'est, � ce moment, la seule diff�rence entre les Duch�s et le Royaume.
L'annexion de la Lorraine se faisait � une �poque peu favorable pour ce pays. A peine l'intendant fran�ais �tait-il install� � Lun�ville que sortait, en mai 1737, des presses de l'Imprimerie royale, le fameux M�moire sur la conduite du travail par corv�es, adress� � tous les agents des provinces et qui, ayant pour but de faire cesser les abus et les trop grandes discordances, admettait par cela m�me officiellement une institution jusque-l� simplement tol�r�e. Ce document commen�ait par affirmer l'impossibilit� de parvenir sans les corv�es au parfait entretien des routes. La Galaizi�re �tait le beau-fr�re dOrry. Or, le Contr�leur g�n�ral s'�tait montr� nagu�re un des plus z�l�s propagateurs des corv�es; il �rigeait maintenant en principe, pour toute la France, ce qu'il avait trouv� bon d'inaugurer d�s 1726 dans la g�n�ralit� de Soissons dont il �tait l'intendant, ensuite dans le Hainaut (47). Se sentir appuy� par son parent et sup�rieur imm�diat, trouver en Lorraine un pr�c�dent qu'il saurait invoquer � l'occasion, c'�tait plus qu'il n'en fallait pour que ce caract�re dur et imp�rieux qu'�tait le chancelier de Stanislas, n'en vint � oublier bient�t les lois de la plus �l�mentaire �quit�.
Ce fut l'arr�t du Conseil royal des finances du 7 d�cembre 1737 qui, confirmant l'usage des corv�es en Lorraine, en fixa une seconde fois les r�gles. Sous une apparence de mod�ration, il en aggrava singuli�rement la port�e. Le vague voulu des termes devait faciliter, par la suite, toutes les rigueurs. Villes, bourgs et villages des Duch�s travailleront, comme ils le faisaient sous les Ducs, au rechargement des chauss�es laiss�es � leur entretien. L'Intendant se r�serve de faire proc�der � une nouvelle r�partition. C'est deux fois par an, d�sormais, que les habitants sont tenus de venir, � partir du 10 des mois de mai et d'octobre, s'occuper � ces travaux, sans pr�judice des corv�es command�es pour le trac� de nouvelles routes et la construction des ouvrages d'art. Des sanctions s�v�res, adroitement combin�es, assurent l'ex�cution des ordres de l'Intendant. Tout corv�able doit ob�ir aux syndics ou officiers des h�tels de ville, sous peine, pour chaque contravention, de 50 francs d'amende et, en cas de r�cidive, ��d'emprisonnement et punition exemplaire�. Ces officiers s'exposent, � leur tour, s'ils n'ont pas su se faire �couter, les premiers aux m�mes ch�timents, les autres � la perte de la moiti� de leurs gages; de la totalit� en cas de r�cidive. Afin d'�viter toute collusion, les maires condamn�s � l'amende ne peuvent recourir contre leurs communaut�s, � peine de restitution du double de ce qu'ils auraient exig� ou re�u de gr� � gr�, sans compter une aggravation de 100 #, dont le tiers appartiendra au d�nonciateur.
Une Instruction, en 40 articles, du 19 septembre 1739, et r�dig�e par l'Intendant, compl�ta cette l�gislation des corv�es, principalement en ce qui concerne les exemptions. Tout sujet m�le, et non express�ment dispens�, devait contribuer personnellement aux travaux des routes; tout au moins se faire remplacer. Les exemptions avaient toujours �t� relativement peu nombreuses. Seuls, au d�but, �taient dispens�s de. cette charge : les eccl�siastiques, les nobles et les commensaux du souverain (29 mars 1724). Mais, en laissant par la suite � la prudence des maires et officiers municipaux le soin d'affranchir de la r�partition les pauvres et les infirmes de leurs communaut�s, L�opold avait tol�r� que l'on retranch�t dans une large mesure de la liste des corv�ables presque tous les malades, les vieillards, etc. (4 mars 1727). La Galaizi�re, au contraire, augmenta d'une part le nombre des exempts ais�s; de l'autre, en formulant pour les sujets les plus dignes de piti� une r�gle �troite et inflexible, il inaugura un r�gime infiniment plus rigoureux.
Furent exempts des corv�es � partir de 1739 :
l. Pour eux et leurs animaux :
a) Tout comme auparavant, les eccl�siastiques, les nobles et les officiers commensaux du Prince;
b) Les garde-chasse des ��plaisirs� du roi, � condition qu'ils ne soient ni laboureurs, ni voituriers et qu'ils habitent dans l'�tendue desdits plaisirs;
c) Les commis, gardes et tous employ�s de la Ferme g�n�rale, pourvu qu'ils ne fassent valoir aucun bien par eux-m�mes et qu'ils n'exercent d'autre emploi que celui de leur commission;
d) Les syndics des communaut�s, lorsqu'ils commandent exactement et en personne les corv�ables.
Il. Pour eux-m�mes :
a) Les man�uvres malades, durant la stricte dur�e de leur maladie ;
b) Les septuag�naires, mais seulement s'ils sont oblig�s de vivre de leur propre travail, et si, de plus, ils n'ont ni femme, ni enfants en �tat de les suppl�er;
c) Les pauvres, mendiants et invalides des communaut�s; ils doivent s'adresser � l'inspecteur; l'Intendant d�cide en premier et dernier ressort.
Nous ne le verrons que trop, La Galaizi�re fut loin de se montrer doux � tous les malheureux compris dans ce dernier article. A propos d'un man�uvre �pileptique qui sollicite l'exemption, l'Intendant exige qu'on pr�cise combien de fois par semaine les crises se renouvellent. A son subd�l�gu� de Saint-Di�, il �crit : ��Vous avez estim� que ces gens �taient dans le cas de jouir de l'exemption de ces travaux sous pr�texte qu'ils sont fort �g�s, pauvres et infirmes; mais cela ne suffit pas pour d�terminer ma d�cision � leur �gard (48). �
Ajoutons qu'� plusieurs reprises l'intendant gratifia de l'exemption, � titre particulier, des bourgeois pourvus d'offices subalternes, des corv�ables touchant de plus ou moins loin � l'administration. Ces d�rogations � la r�gle ne furent pas toujours appuy�es sur une cause aussi plausible que celle qui fit exempter, en 1749, pour ��lui, ses b�tes et ses voitures �, le maitre de la poste aux chevaux de Nancy, durant tout le temps qu'il remplirait cet emploi (49).
La contribution aux corv�es des ��chevaux et autres b�tes tirantes � est nettement indiqu�e par l'Instruction. Toutes les b�tes de somme des laboureurs et voituriers y sont astreintes. Il en est de m�me pour les chevaux des officiers non nobles des h�tels de ville et pour ceux des notables bourgeois, lorsque leurs propri�taires les emploient � d'autres usages qu'� ��la conduite de leurs personnes �. Les chevaux des commer�ants, des meuniers et des fermiers des fours banaux doivent aussi travailler aux corv�es lorsqu'ils ne servent pas exclusivement � voiturer les marchandises, les grains et farines ou les bois de chauffage.
Les corv�ables �taient di vis�s en deux grandes cat�gories : 1� les man�uvres, auxquels incombaient la confection des chauss�es et l'extraction des mat�riaux; 2� les laboureurs et les voituriers, qui chargeaient et conduisaient la terre et les pierres n�cessaires aux ouvrages. Ces derniers devaient travailler personnellement, avec leur mat�riel et leurs b�tes de somme. Les man�uvres �taient tenus d'�tre group�s en corps de communaut�. Ils pouvaient, toutefois, se faire remplacer. Les adolescents n'�taient admis � cet effet qu'� l'�ge de 16 ans accomplis et s'ils �taient jug�s assez forts. Les bourgeois et tous ceux dont la profession ordinaire ��n'est point de travailler � la terre � �taient autoris�s � envoyer en leur lieu et place leurs domestiques ou des pr�pos�s quelconques (50).
On peut distinguer trois �poques dans le r�gime des corv�es en Lorraine � partir de 1737. L'intendance du Chancelier en comprend deux, dont la seconde ouvre, vers 1743, pour la Province, une longue suite de vexations. De plus en plus p�nibles et excessives jusqu'en 1758, les corv�es furent, enfin, sous La Galaizi�re fils et son successeur, command�es d'une fa�on moins arbitraire et beaucoup plus mod�r�e.
Anim� d'un beau z�le, le premier Intendant montra, de suite, dans cette partie de son administration, une rigueur toute particuli�re. Les habitants des communaut�s, accoutum�s pourtant, de 1724 � 1727, � contribuer amplement de leurs bras et de leur attirail agricole aux travaux des routes et des ponts, purent bient�t se r�pandre en dol�ances am�res sur l'abus que le repr�sentant de la France faisait d'eux. En 1740, les plaintes s'�levaient d�j� si nombreuses et si circonstanci�es, qu'� Versailles elles avaient attir� l'attention. Malgr� l'insouciance d'Orry, le cardinal de Fleury en �tait �mu. Il faisait adresser de s�rieux reproches au Commissaire d�parti, l'engageant � plus de mod�ration. Mais La Galaizi�re lui r�pondait sans sourciller : ��Sur ce que Votre Excellence me marque touchant les travaux des Ponts et Chauss�es par corv�e, je dois croire qu'on lui a port� plainte � ce sujet; il est vrai, Monseigneur, que c'est une charge pour cette province, mais j'ose vous assurer qu'elle est moindre qu'elle n'�tait autrefois, par l'attention que j'ai de ne faire marcher les communaut�s que dans le temps o� elles n'ont rien � faire pour la culture des terres ..... Au reste, Votre Excellence peut s'assurer que je redoublerai d'attention sur cet article. Les ordres sont donn�s, d�s le mois de f�vrier, pour ne faire reprendre les travaux � corv�e cette ann�e qu'apr�s toutes les semailles de mars que la longue dur�e de la gel�e de cet hiver a retard�es (51). �
Le Cardinal, peu satisfait, sans doute, de ces assertions, �crivit lui-m�me � l'Intendant qu'il e�t � faire mieux encore, et il lui ordonna de supprimer provisoirement toutes corv�es autres que celles d'entretien. La Galaizi�re ob�it, mais en s'effor�ant, dans la r�daction de sa nouvelle circulaire, de faire attribuer � sa propre sollicitude ce soulagement momentan� (52).
Toutefois, le fonctionnaire mentait en affirmant au Cardinal qu'il prenait les plus grandes pr�cautions avant d'imposer aux populations des Duch�s un fardeau qu'il �tait cens� �tre le premier � d�plorer. D�s la mort de Fleury, il semble avoir h�te de rattraper le temps �pargn�. Subitement, il se montre plus exigeant qu'on ne l'avait encore connu, En aucune r�gion de la France, jamais corv�es ne furent command�es. avec plus de duret� et moins de mesure qu'elles le seront d�s lors en Lorraine, pendant quinze ann�es. Presque sans tr�ve, aux moments m�mes o� les champs les r�clament, les Lorrains vont �tre mobilis�s pour des travaux multiples ; la plupart d'utilit� incontestable, sans doute, mais qui n'en auront pas moins pour r�sultat d'introduire dans les campagnes la mis�re et souvent la ruine.
Nous n'en finirions pas si nous voulions entrer dans le d�tail de chacune des entreprises que les populations eurent � mener � bien. Nous en avons d�j� cit� quelques-unes ; nous aurons l'occasion d'en mentionner d'autres encore. Deux, toutefois, sont fameuses entre toutes, que nous allons prendre comme exemple pour �tudier la condition des corv�ables lorrains � cette �poque. Nous voulons parler des travaux des bois de Haye et de la chauss�e de Neuviller.

CHAPITRE IV
Deuxi�me p�riode (1743-1759)- - Histoire des ��Ponts-de-Toul �. - Immensit� de ce labeur. - Multiplicit� des autres travaux. - Dol�ances du pays.

Dans la portion du pays qui s'�tend, entre la capitale lorraine et la ville �piscopale, la Meurthe et la Moselle, et qui porte le nom de la for�t la couvrant autrefois tout enti�re, est un site sauvage. On y rencontre deux pr�cipices, dits les Fonds-de-Toul, endroit dangereux de toute mani�re et o�, nagu�re encore, les bandits d�troussaient impun�ment le voyageur contraint de s'y aventurer durant la nuit (53) L�, passe la route menant de Nancy � Toul, vers Paris, le chemin royal et militaire d'Alsace en France.
D�s 1703, L�opold s'�tait occup� de faire �largir et am�liorer consid�rablement une voie si importante. Mais, devant les obstacles offerts par la nature en ces lieux accident�s, il avait jug� excessif d'employer gratuitement les habitants � une telle t�che. Il avait renonc�, d'ailleurs, � supprimer compl�tement certaines pentes p�rilleuses, et la route continuait � y d�crire de longues et dangereuses courbes (54).
Ce fut pr�cis�ment � cet endroit qu'aux premiers jours de septembre 1745, arriv�rent, de plusieurs lieues � la ronde, les corv�ables des communaut�s lorraines. M. de La Galaizi�re a r�solu, en effet, quelles que puissent �tre les difficult�s, d'obtenir, dans le parcours de la for�t de Haye, une chauss�e large, directe et d'�gal niveau.
Voici les deux gouffres ; ils sont larges .et profonds. Le premier, surtout, qui mesure 150 pieds de d�pression verticale. Il s'agit pour les habitants du pays de combler ces abimes, et d'exhausser la route qui les traverse. Ils accumuleront les mat�riaux ; ils �l�veront successivement des terrasses. L'oeuvre est immense; qu'importe !
Au mois d'avril pr�c�dent, on a construit dans le premier fond un nouvel aqueduc de 300 pieds de long, 6 de haut et 4 de large, pour servir � l'�coulement des eaux (55). Tout est pr�t.
Les corv�ables n'ont plus qu'� commencer la gigantesque entreprise qui va faire l'admiration des ing�nieurs du Royaume et attirer sur le r�gime fran�ais les mal�dictions du peuple lorrain.
Peu � peu les talus s'�l�vent; les travaux sont pouss�s avec tant d'ardeur qu'un an apr�s, le 26 septembre 1746, le roi de Pologne, allant � Commercy, peut d�j� traverser commod�ment un des ravins (56). Chaque printemps et chaque automne, on verra d�sormais pareillement gagner la for�t de Haye les travailleurs command�s de communaut�s ���loign�es de dix � quinze grandes lieues (57) �.
En effet, non seulement la subd�l�gation de Nancy, mais celles de Pont-�-Mousson, de V�zelise et de Lun�ville sont mobilis�es. Sur les routes de ces districts, c'est un incessant mouvement de corv�ables. Il en arrive des localit�s touchant au Pays messin, au Toulois ou au Temporel de Metz. Si la disparition des �tats arr�t�s par l'Intendant ne nous permet pas de dresser une liste compl�te des communaut�s r�quisitionn�es, nous voyons du moins, pour l'office de Lun�ville, par exemple, que l'on eut recours aux bras des habitants de Serres et d'Athienville, d'Einville et d'Arracourt, de Bauzemont et de Bathel�mont, de Coincourt et de Deuxville. Les gens de Drouville, de Gellenoncourt, de Raville, de Valhey, etc., sont aussi command�s (58).
Tous arrivent par bandes, � leurs frais, sous la conduite de leurs syndics, avec leurs �quipages de campagne, c'est-�-dire leurs voitures et leurs bestiaux, suivant l'ordre r�gl� par l'inspecteur. Du village de Laxou, localit� choisie par l'ing�nieur comme quartier g�n�ral des travaux, ont �t� amen�s les outils du roi que, dans l'intervalle, on y conserve et entretient. Le conducteur des corv�es est � son poste. Les piqueurs constatent les pr�sences, notent soigneusement les noms de ceux qui manquent � l'appel, Les corv�ables n'ont plus qu'� se mettre au travail avec ardeur. Le moindre repos est consid�r� comme une inexcusable marque de paresse.
Toute la formation des terrasses, tout le transport des terres doivent se faire uniquement ��par corv�e et � pied d'�uvre �. Seuls, certains ouvrages d'art seront ex�cut�s � prix d'argent. La besogne est des plus p�nibles. Dans ce dur labeur, les hommes s'�puisent et les instruments se brisent. L'administration doit payer, par exemple, en 1757, au forgeron de Laxou, 111 # pour avoir �t� employ�, cette ann�e-l�, 74 jours entiers � �� raccommoder les brouettes servant aux corv�ables �; l'ann�e suivante, pour trois mois de travail, le m�me ouvrier doit consacrer 71 jours � ces r�parations (59).
Les corv�ables se nourrissent � leur compte. Ils eurent d'abord la facult� de se d�salt�rer gratuitement autour de grands tonneaux, dits ��les voitures d'eau �, que l'on allait remplir chaque jour � Laxou, � leur intention, et aux robinets desquels �tait attach�e une grossi�re �cuelle de bois. Mais l'administration ayant estim� qu'il lui en co�tait trop cher, les communaut�s elles-m�mes furent charg�es de ce soin. Elles ne purent le faire sans exiger une redevance des corv�ables, Aussi, aux �poques de s�cheresse, les pauvres �taient-ils expos�s � de bien grandes privations. ��Que n'ont pas souffert les laboureurs pour la construction d'une chauss�e dans les bois de Haye, ouvrage immense qui les accable depuis plus de dix ann�es, et qui les d�sole parce qu'ils n'en pr�voient pas la fin ! � s'�crie, en 1755, le rapporteur de la Chambre des comptes de Lorraine. ��On est touch� des plaintes et des g�missements de tant de malheureux qui, �loign�s de leurs habitations et �puis�s par la chert� des vivres, de l'eau m�me que la nature des lieux leur refuse, sont contraints de chercher leur subsistance dans la mendicit� (60). �
�Les communaut�s �, d�clare � son tour la Cour souveraine, ��en quelques ann�es ont �t� r�duites jusqu'� l'extr�mit� d'y acheter de l'eau. � Et, en 1758, les magistrats s'apitoieront encore sur ��ces mis�rables, manquant de pain, oblig�s d'acheter l'eau pour �tancher leur soif; et r�duits � vivre d'herbes (61) �.
L'emplacement des travaux se nomme l'atelier, Trois baraques en bois s'y dressent. L'une, toujours soigneusement ferm�e � clef, est le magasin o� l'on remise les outils pendant la nuit; la seconde, la seule munie de vitres, est le logement du conducteur, charg� d'inspecter tous les corv�ables, au moins une fois par jour, Ces derniers couchent p�le-m�le dans la troisi�me baraque, la plus vaste, sur des lits de planches, comme dans les corps de garde. Ils peuvent enfin pr�parer leurs aliments dans deux petites constructions de pierre (62).
Les nuits sont souvent froides; aussi accorde-t-on quelquefois aux travailleurs la douceur d'un peu de feu. En 1758, Drouot, marchand de bois � Nancy, fournit ��quatre cordes pour chauffer les corv�ables pendant les nuits du travail�. Mais, pour peu que l'hiver soit pr�coce ou que les travaux se prolongent, la situation de tous ces gens devient des plus critiques. Il se passe des sc�nes qui �meuvent les agents de l'administration eux-m�mes. C'est ainsi que nous voyons le subd�l�gu� de Nancy, saisi de piti�, prendre sur lui de secourir ces malheureux. �� Les laboureurs des 22 communaut�s qui travaillent au bois de Haye �, �crit-il � son chef, vers la fin d'octobre 1748, ��ne pouvant laisser pendant la nuit, � cause de la rigueur de la saison, leurs chevaux � la campagne, se r�pandent dans nos faubourgs et villages circonvoisins, o� ils payent par nuit jusqu'� 2 sols par cheval; pour leur donner quelque soulagement, je leur ai fait dire qu'ils pouvaient venir � Nancy, o� je leur ferais donner les �curies que nous avons dans diff�rentes rues, m�me celles de l'h�tel de la Gendarmerie; cela fait que cette nuit derni�re il s'est pr�sent� pr�s de 300 chevaux et fait une �pargne aux maitres. J'esp�re, Monseigneur, que vous l'approuverez ainsi (63). �
Les dimanches et f�tes, l'office divin est c�l�br�, � l'Intention des corv�ables, sur les chantiers m�mes, o� a �t� �difi�e une petite chapelle rustique. Un capucin, moyennant une r�tribution de 3 # Par messe, vient � cet effet de Nancy. Cette m�me ann�e 1758, le religieux dit 15 messes dans les Fonds-de-Toul. Tout ce luxe, d'ailleurs, n'est pas bien grand. Les comptes de l'ing�nieur et de l'entrepreneur nous le prouvent. Ouvrages � prix d'argent, r�parations d'outils, bois, messes, etc., n'ont co�t�, en 1757, que la somme de 358 #; 257 # en 1758. Aucun autre argent n'a �t� d�bours� ces ann�es-l� pour ces travaux. Les corv�ables et leurs b�tes ont suffi � tout.
Chaque campagne finie, avant de quitter la Haye, on nivelle la chauss�e comme si elle �tait suffisamment exhauss�e, on �galise la cr�te des talus, on bombe avec soin les remblais. Les communaut�s peuvent alors repartir, ayant, en g�n�ral, mang�, durant ce s�jour � l'atelier, leur petit avoir. Elles regagnent, avec leurs b�tes harass�es, leurs terres sans culture. Quelques mois apr�s, on d�molit les trois baraques pour les r�tablir un peu plus loin, et le fastidieux travail continue.
Jusqu'en 1759, ce n'est qu'exceptionnellement, lorsque la saison aura �t� trop incl�mente, que les corv�ables ne seront convoqu�s qu'une seule fois, soit au printemps, soit � l'automne. Ainsi dans la malheureuse ann�e 1749, o� le bl� vint � manquer et o� le froid persista jusqu'au c�ur de l'�t�, devant l'�meute populaire qui se fit un instant mena�ante, l'Intendant jugea prudent d'interrompre, pendant quelque temps, le grand ouvrage.
Dix ans apr�s, le premier gouffre de Haye n'�tait pas compl�tement combl�. Nous voyons les communaut�s y travailler trois mois encore et exhausser de nouveau le terrain de 2,947 toises cubes de pierres et de terre. Alors seulement la chauss�e atteignit dans cette partie la hauteur requise. A la fin de 1762, il en fut de m�me pour le second pr�cipice.
La route s'�tend facile et droite; elle est garnie de chaque c�t� de landrages ou garde-fou en charpente, de haies vives et de plantations de saules. Les deux lev�es sont d�finitivement de v�ritables ponts, jet�s sur les ravins, Les corv�ables n'en ont plus que l'entretien. Mais, pour arriver � ce surprenant r�sultat, il a fallu plus de dix-sept longues ann�es, pendant chacune desquelles l'intendant a exig� des populations voisines un travail de trois � cinq ou m�me six mois, tandis que la part contributive de tout corv�able employ� n'�tait pas inf�rieure, en moyenne, � trois ou quatre semaines de labeur !
Apr�s de consciencieuses op�rations trigonom�triques et de minutieux calculs faits sur les lieux m�mes, un chercheur trouva, lors de l'ach�vement des travaux, que le premier pont, celui du c�t� de la capitale lorraine, mesurait 166 toises de France (64): celui du c�t� de Toul environ 190; que la hauteur de ces lev�es, depuis le fond de la vall�e, �tait pour la premi�re de 25 toises, pour la seconde de 15 toises, c'est-�-dire encore celle � laquelle atteignait, pr�cis�ment, le coq de l'�glise Saint-Evre de Nancy. Les deux talus repr�sentaient un volume de 89,025 toises cubes. Pour les former, plus de 1,780,000 voitures de terre et de pierres rapport�es avaient �t� n�cessaires. De tels mat�riaux eussent suffi � la construction de pr�s de 30 lieues de chauss�es ordinaires (65).
Les �crits du temps nous apprennent qu'arriv� en cet endroit, tout voyageur faisait arr�ter ses chevaux, descendait de carrosse et ne se lassait point de contempler une si colossale entreprise. En 1750, le prince de Craon, parcourant la for�t de Haye, avait appliqu� � ces immenses travaux le mot d'Horace:
..... Valet ima summis
Mutare (66) .....
.... Deus, avaient sans doute poursuivi les courtisans; car aussit�t Stanislas, charm� de cette flatterie, de d�clarer qu'il faudrait �lever une colonne sur la nouvelle route pour y graver un tel passage (67). Un eccl�siastique qui se rend a Toul, en 1764, et qui n'a pas vu les gouffres depuis plusieurs ann�es, ne peut mieux exprimer son �motion qu'en paraphrasant un vers fameux de Virgile; sa pens�e est toutefois plus touchante que celle du gentilhomme quand il s'�crie :
Quantae molis erat complere has aggere valles !
Par la suite, le brave religieux (68) reviendra souvent examiner cette chauss�e sur laquelle il voudrait voir �riger, lui aussi, un monument comm�moratif, mais qui, du moins) rappel�t aux g�n�rations futures l'�normit� du labeur de ses malheureux compatriotes. Il consacrera m�me ses loisirs � une curieuse Dissertation sur les ponts de Haye, travail demeur� manuscrit. J'ai, nous explique-t-il dans son na�f enthousiasme pour l'�uvre, m�l� d'une r�elle piti� pour les artisans, ��j'ai entrepris cet ouvrage parce que son objet m'a paru singulier et peut-�tre unique dans son genre. J'ai �t� depuis les Vosges jusqu'� Paris; j'ai lu l'atlas de la France qui contient ce qu'il y a de plus curieux dans le royaume; et je n'ai rien lu ni vu de semblable � ce que je viens de rapporter. Depuis Salomon on n'a peut-�tre rien fait de pareil dans le monde. L'Ecriture dit que ce prince fit combler la vall�e profonde qui s�parait la ville de David de la montagne de Moriah pour aller de plain-pied de son palais au temple b�ti sur cette montagne (69). �
On s'est parfois �tonn� des murmures que provoqua un ouvrage d'utilit� publique tel que celui des Ponts-de-Toul. ��On fit un crime � M. de La Galaizi�re, �crit Digot, d'avoir form� une entreprise que l'on aurait port�e aux nues si elle avait �t� ex�cut�e par L�opold (70). � L'histoire cependant doit donner raison � nos p�res, encore que leurs dol�ances puissent �tre tax�es, par quelques-uns, d'une certaine exag�ration. L�opold avait bien r�alis� un travail analogue, et ce travail lui avait valu, avec les plus vifs �loges, la reconnaissance du pays. Mais c'est que les moyens employ�s par le Prince diff�raient enti�rement de ceux auxquels eurent recours l'administration fran�aise et son intendant. Les pi�ces .officielles elles-m�mes nous ont fourni l'explication de ce changement d'attitude des Lorrains en 1705, puis quarante ans plus tard. Si, au lieu d'affecter les deniers du Tr�sor aux premiers travaux des Fonds-de-Toul et d'en r�tribuer les ouvriers, L�opold avait, comme La Galaizi�re, courb� les communaut�s sous le b�ton impitoyable des piqueurs, je doute que les habitants des Duch�s eussent pareillement b�ni une �uvre leur co�tant si cher !
Pendant que l'on travaillait � combler les gouffres de Haye, d'autres ouvrages �taient conduits, d'apr�s la m�me m�thode, sur tous les points de la Lorraine et du Barrois. La liste suivante, dress�e par l'ing�nieur, sur l'ordre de La Galaizi�re, peut donner une id�e de l'activit� qui d�solait le pays. Il s'agit des travaux qu'auront � ex�cuter, au cours de l'ann�e 1757, les communaut�s des diff�rents arrondissements des Ponts et Chauss�es de la Province. On y lit le laps de temps durant lequel, pour chacune de ces entreprises, les ateliers resteront ouverts.
PREMIER ARRONDISSEMENT Nombre de mois
Comblement du grand fond des bois de Haye 3
Changement des montagnes de Chavigny, route de Nancy � Langres 4
Chauss�e de Nancy � Charmes (Flavigny, Roville) 7
Continuer la nouvelle chauss�e de Pont-�-Mousson � Nomeny 3
R�tablir le grand pont devant Bouxi�res-aux-Dames 6
DEUXI�ME ARRONDISSEMENT.
R�tablissement de la chauss�e traversant les bois de Saint-Beno�t (route de Toul � Verdun) 4
Former une chauss�e de la ville haute de Bar � la rencontre de celle de Paris 2
Ouvrages dans la Wo�vre 4
TROISI�ME .ARRONDISSEMENT
Grand pont de pierre � construire sur la Sarre, proche la ville de F�n�trange (route de Dieuze � Phalsbourg) 7
Rechargement de la chauss�e de Dieuze � F�n�trange 3
Continuer la nouvelle chauss�e de Bitche � Phalsbourg 4
QUATRI�ME ARRONDISSEMENT Nombre de mois
Continuer la nouvelle chauss�e d'Epinal � Bains, � Plombi�res. 4
Perfectionner la nouvelle chauss�e de Neufch�teau � La Marche, et celle de Bourmont � la rencontre de celle-ci. 3
Continuer la nouvelle chauss�e de Vaucouleurs � Joinville. 5
Approvisionnement pour la reconstruction du grand pont de Domremy. 5
CINQUIEME ARRONDISSEMENT
Continuer le changement de la chauss�e de la montagne de Sainte-Marie-aux-Mines (route de Lun�ville � Schlestadt). 3
Continuer la chauss�e de Saint-Di� au val de Viller 3
Faire des �gouts � travers la chauss�e de la montagne entre Saint-Maurice et Giromagny 3
Nouvelle route de Remiremont � Belfort; percer dans le roc pour la route de Remiremont � Thann (71) 3
Une v�ritable fatalit� semblait peser sur la Lorraine. Les ph�nom�nes physiques, les intemp�ries des saisons �taient venus, avec. une intensit� et une fr�quence inaccoutum�es, aggraver encore les lourdes charges impos�es aux corv�ables. Des crues successives caus�rent la ruine de plusieurs ponts et en endommag�rent un grand nombre d'autres. en octobre 1740, on souffrit dans la Province d'une des plus grandes inondations dont on e�t m�moire, au dire de Durival, Le pont de Nancy aux Grands-Moulins, ceux de Laneuveville et de Saint-Nicolas s'effondr�rent; de m�me celui de Ceintrey. Ceux de Neufch�teau furent �. moiti� d�truits. Des catastrophes semblables se produisirent dans le Barrois durant l'�t� de 1749. En mars 1751, encore, les ponts de Boucquenom et de Gerb�viller, un autre sur la chauss�e de Nancy � Essey, sont emport�s (72).
Vers 1756, les communaut�s lorraines semblaient � bout de forces. Dans des remontrances au roi, du 15 mai, la Cour souveraine se plaignait en ces termes : ��Nous sommes persuad�s qu'en France l'int�r�t du Peuple, combin� avec ses forces, fait la r�gle de la proportion des travaux qui lui sont impos�s pour les routes �, faire dans ce Royaume, Cette proportion est g�n�ralement bless�e en Lorraine, o� vos sujets sont aussi foul�s par les sommes qui leur sont impos�es, que par les corv�es qui en sont exig�es pour l'�tablissement des routes. La multiplicit� de celles qui sont ordonn�es, les travaux qu'elles exigent, les pr�cipices qu'on y a fait combler, les ponts qu'on y fait b�tir, demanderaient un intervalle de plusieurs ann�es. Ce m�nagement �tait observ� sous les r�gnes pr�c�dents, pour donner au Peuple le temps de respirer et de se mettre en �tat d'y subvenir, ainsi qu'� ses besoins et aux autres imp�ts ; mais la pr�cipitation avec laquelle tous ces ouvrages sont ex�cut�s en m�me temps, la multitude des corv�ables qui y sont employ�s, enl�vent le cultivateur au labour des terres et l'artisan aux ouvrages de sa profession. L'habitant de la campagne y est accabl� de fatigue, les chevaux destin�s � la culture des terres y p�rissent, tous y sont expos�s aux maladies et � la mis�re (73). �
Ce tableau trac� par le magistrat rapporteur n'est pas trop sombre; bient�t il ne devait plus suffire � rendre la r�alit�.

CHAPITRE V
Deuxi�me p�riode (suite). - Histoire de la ��Chauss�e de Neuviller �. - La grande faute du Chancelier-Intendant La Galaizi�re. - Les exactions. - Triste situation des campagnes lorraines. - Ce qu'il en co�tait respectivement aux communaut�s et � l'administration. - Attitude des autres intendants. - R�probation soulev�e par les abus. - Saint-Lambert et Durival.

La Cour souveraine avait ajout�, dans ses dol�ances de 1756, que, malgr� la rigueur et. le nombre des corv�es, les Lorrains sauraient peut-�tre en prendre leur parti, si le travail demand� avait uniquement pour fin l'�tablissement de routes d'int�r�t g�n�ral. Ce qui augmentait leur peine, c'�tait de voir au contraire ce labeur n'aboutir souvent qu'� la commodit� ou � l'agr�ment de quelques favoris�s. ��Dans le moment m�me o� nous portons aux pieds de Votre Majest� les. plaintes de ces malheureux, nombre de communaut�s g�missent dans les travaux de ces routes particuli�res (74). � L'allusion restait timide, La Cour se tenait encore sur la r�serve. Voici l'explication de ce passage, bient�t compl�t� par d'autres plus significatifs.
Propri�taire du comt� de Neuviller (75) et de ses d�pendances, le Chancelier avait acquis la terre de Roville, le 1er f�vrier i 754. Cette seigneurie avait �t� incorpor�e au comt� par lettres patentes du 29 d�cembre 1755, ent�rin�es le 14 janvier suivant (76). Or, deux mois apr�s cette date, c'est-�-dire aussit�t que la saison le permit, les communaut�s de la r�gion re�urent l'ordre de se rendre sans d�lai � un nouveau travail, d�clar� par l'Intendant ��d'une n�cessit� urgente �. Il s'agissait de la cr�ation d'une chauss�e prenant � Flavigny sur celle de Nancy � Mirecourt, passant par M�nil-Saint-Martin, Cr�v�champs et Neuviller; puis continu�e jusqu'� Roville, pour, finalement, rencontrer la route de Bayon � Charmes. Le projet portait officiellement la rubrique : Route de Nancy � Charmes.
Mais ce d�tour ne pouvait abuser personne. La co�ncidence, d'ailleurs, e�t �t� singuli�re. Les communications entre Nancy et Charmes se faisaient jusqu'alors, et assez commod�ment, par Bayon. Deux routes tr�s suffisantes pour l'�poque menaient aux terres du Chancelier. De Flavigny-le-Bas un chemin conduisait � Neuviller, On y arrivait aussi, en traversant la Moselle, par la grande voie de Nancy � Bayon et de l� vers les Vosges. Les princes de Salm-Salm, anciens propri�taires de la seigneurie, avaient toujours estim� ces routes suffisantes. M. de La Galaizi�re �tait plus exigeant. Il jugeait le premier chemin d�sagr�able. Il entendait, aussi, ne point passer la rivi�re. Il voulait relier directement son ch�teau avec la capitale et surtout unir, par une large avenue, Neuviller et Roville.
Les corv�ables employ�s � ce nouveau travail purent envier le sort de leurs camarades des gouffres de Haye. Ils ont d� partir subitement. Les laboureurs n'ont eu le temps ni de faire ferrer leurs chevaux, ni de s'approvisionner de fourrage. La plupart sont contraints d'acheter fort cher, aux environs des ateliers, la nourriture de leurs b�tes, Heureux encore s'ils peuvent s'en procurer. Beaucoup de man�uvres meurent eux-m�mes de faim. Par bonheur, une partie de ces mis�rables est chaque jour nourrie, par charit�, dans un couvent de l'ordre de Saint-Beno�t, � Flavigny, o� le prieur, ��homme d'une grande pi�t� et d'un grand m�rite �, ne cesse de r�p�ter que la nouvelle chauss�e n'est pas indispensable � la Province, qu'elle n'est appel�e � rendre de services imm�diats qu'au seul seigneur de Neuviller. Les religieux affirment qu'un tel spectacle les touche on ne peut plus.
Ici, explique � M. Collenel, procureur g�n�ral de la Chambre des comptes de Nancy, un t�moin oculaire, ��les chevaux passent la nuit � l'injure du temps; plusieurs sont d�j�, dit-on, morts de fatigue, faute de nourriture convenable; un grand nombre d'hommes et de femmes couchent sur la terre, d'autres dans des granges, sur la paille; ce sont ceux qui sont le mieux (77) �. Le sieur F�lix, lieutenant au bailliage de V�zelise, venu .� Nancy pendant les vacances de P�ques 1756, d�clare � M. Sirejean, un des ma�tres de la Chambre, ��qu'il en aurait d�j� co�t� 1,700 # � la seule ville de V�zelise en argent d�livr� pour ladite chauss�e, et que cette somme ne fait pas la moiti� de ce qu'il lui en co�tera pour toute sa cote particuli�re � ce sujet �. Emu de tout ce qu'il entend, de ce qu'il tint aussi � voir par lui-m�me, le procureur g�n�ral �crit, le 3 mai, � M. de Beaumont, intendant des finances : �Je vous avoue, Monsieur, en mon particulier, que cette conduite m'a fait verser des larmes pour ce pauvre peuple ! ... Est-il possible, Monsieur, que la France souffrira, non, je ne saurais le croire, qu'un intendant ach�te des terres dans l'�tendue de son d�partement et que les communaut�s de l'Etat soient �cras�es et ruin�es uniquement pour lui procurer la commodit� d'aller � chacune de ces terres � mesure qu'il en ach�tera ? � Et l'int�gre magistrat r�sumait son indignation dans ce vers du po�te :
Mantua vae miserae nimium vicina Cremonae (78) !
��Je vous avoue �, contait-il de nouveau � Paris, trois jours plus tard, ��que je ne puis comprendre comment M. de La Galaizi�re a os� former, encore plus ex�cuter, un projet aussi hardi ; il a bien pu penser que personne n'oserait en parler au roi de Pologne, ou que, si on le faisait, il lui serait facile, ma�tre comme il l'est de son esprit, de donner � son entreprise telle tournure qu'il lui plairait; mais l'ex�cuter sous les yeux des deux provinces, cela me parait bien fort, malgr� les diff�rentes sortes d'autorit�s r�unies sur sa t�te. ... Quoi qu'il en soit, sa chauss�e se fait avec une vivacit� et une diligence incroyables (79). � - ��On pousse les travaux �, reprenait encore, peu apr�s, M. Collenel, ��avec une vigueur extraordinaire et bien diff�rente de ce qu'on a vu jusqu'� pr�sent pour les autres chauss�es, ce qui fait soup�onner que M. de La Galaizi�re craint que la France n'en soit instruite, et qu'il veut, au cas qu'elle donnerait des ordres de suspendre, que la chauss�e soit faite auparavant, de fa�on que lui et sa post�rit� en profitent .... Ce serait r�duire les communaut�s au d�sespoir que de ne pas arr�ter un si grand mal (80). �
L'entreprise, en effet, avan�ait avec une rapidit� �tonnante. Le Chancelier, un moment inquiet, avait bient�t �t� rassur� par le bienveillant silence de ses chefs, Il verra sa chauss�e se terminer selon ses d�sirs. C'est une oeuvre consid�rable, qui demandera trois ann�es et demie. Pendant ce temps, tout d'abord 134, puis 155 communaut�s - parmi lesquelles plusieurs ont � faire jusqu'� quinze lieues pour arriver aux ateliers - vont �tre r�pandues entre Flavigny et Bayon. Chaque corv�able y s�journera jusqu'� 3 et 6 semaines par an.
Ici le voisinage de la Moselle rend le sol mar�cageux; les corv�ables enfoncent donc des pilotis et �tablissent un pavage sp�cial. Au moyen d'arches de ma�onnerie, ils favorisent l'�coulement des eaux tombant des collines voisines. D�s d�cembre 1756, le registre des Ponts et Chauss�es mentionne l'ach�vement de quatorze ponceaux d'une arche, ayant 14 pieds de largeur, et de cinq de 6 pieds, tous en pierre de taille, jet�s sur la chauss�e de M�nil-Saint-Martin � Roville. En 1757, dix-sept autres seront n�cessaires; trois encore l'ann�e suivante; finalement, trois nouveaux aqueducs en 1759 (81). Les mat�riaux ont �t� amen�s par les travailleurs, qui ont �t� les chercher, les uns � Bainville-aux-Miroirs, dont ils doivent � cet effet d�molir le vieux ch�teau, les autres dans les carri�res d'Ubexy. A un autre endroit, la chauss�e traverse un bois ; plus loin elle doit entamer une succession de coteaux rocheux, La mont�e de Richardm�nil, la travers�e de ce village et de celui de Neuviller n�cessitent des travaux d'art. Il faut y construire plusieurs grands murs de sout�nement pour maintenir les terres. Rien que durant la campagne du printemps de 1758, les habitants de Vigneulles auront � charrier 4,000 voitures de pierres; en deux ans et demi, beaucoup de laboureurs pourront inscrire � leur compte personnel 600 � 700 voitures de moellons ou de sable. ��Tout cela �, r�p�tait en vain M. Collenel, ��tout cela pour s'exempter de faire une lieue de plus ! Il n'est pas pardonnable de ruiner ainsi les communaut�s du Roi (82). �
Tout cela, pourtant, n'e�t �t� rien encore, si La Galaizi�re, s�r de l'impunit�, stimul� m�me par les plaintes de la Lorraine enti�re, n'e�t pris � t�che de multiplier les vexations. Pour arriver jusqu'au lieu des travaux, la moiti� environ des communaut�s requises, celles de la rive droite, avaient � traverser la Moselle. Elles pouvaient passer cette rivi�re aux trois bacs de Velle, de Lorey et de Bayon. Jusqu'alors tout passage de ce genre avait �t� gratuit pour le service des Ponts et Chauss�es (83). Cette fois aucun ordre ne fut donn� dans ce sens. Il fallut que les corv�ables payassent � l'aller et au retour, m�me au bac de Velle qui appartenait au Chancelier, en tant que seigneur de Neuviller. Le fermier exigea constamment un sol par personne, 6 sols par voiture. Le syndic de Tonnoy, par exemple, doit y laisser 11 # pour le passage de sa communaut�. Les 80 corv�ables de Moyemont versent, � chaque voyage, 2 sols par t�te au bac de Bayon. Ceux de Clayeures y ont d�pens�, jusqu'� l'�t� de 1758, plus de 124 #. On vit � ces endroits des sc�nes pitoyables. ��Il est arriv� que plusieurs laboureurs, apr�s �tre rest�s aux travaux de la chauss�e pendant quinze jours, trois et six semaines..., apr�s avoir d�pens� tout ce qu'ils avaient, pour �viter de repasser le bac, parce qu'ils n'avaient plus d'argent, ces mis�rables se sont expos�s au danger de passer la rivi�re, o� plusieurs chevaux sont p�ris (84). � Un syndic de Roville-aux-Ch�nes se noie en traversant la Moselle. Celui d'Essey-la-C�te d�clare que ses corv�ables ont �t� contraints de ��passer l'eau au gu�, faute d'argent ; il y a eu plusieurs voituriers entra�n�s dans la Moselle avec leurs chariots et bagages; un homme et une fille ont failli de p�rir �. Un homme de Br�moncourt se noie de m�me avec quatre chevaux, en franchissant la rivi�re pour revenir de Neuviller (85).
On voudrait, devant un tel spectacle, h�siter � croire que le Chancelier e�t uniquement ob�i � un motif d'int�r�t personnel. Malheureusement un autre fait, plus regrettable pour La Galaizi�re et qui se rattache intimement .� cette histoire de sa chauss�e, vient fournir, � lui seul, une preuve accablante du contraire.
Tandis que le seigneur de Neuviller demandait aux bras des corv�ables un chemin large et commode pour se rendre � ses terres, il s'avisa aussi, ne se contentant plus de l'ancienne r�sidence des princes de Salm, de la faire abattre par ces m�mes travailleurs et d'�lever, au chef-lieu de son comt�, un ch�teau plus digne de lui. De 1756 � 1758, 200 communaut�s durent s'employer en surcroit � cet ouvrage. L'Intendant ne conna�t plus aucune mesure. Il contraint les populations � d�molir, sans aucun salaire et dans les conditions les plus p�nibles, les tours de l'ancien b�timent. en avril 1757, .les corv�ables de Moyemont ��ont eu ordre par un piqueur de d�blayer le ch�teau, dont ils ont enlev� plus de 1,500 voitures de d�combres �, D'autres, tels ceux de Saint-Maurice, sont envoy�s jusqu'au chantier de Pont-Saint-Vincent, o� ils chargent, en vue de la reconstruction du ch�teau, les plus belles pierres destin�es au grand pont. Il s'agit aussi d'embellir les environs de la nouvelle demeure. On fait dispara�tre l'ancienne terrasse; les gens de Saffais consacrent, en 1757, huit jours � cette besogne, et ��les laboureurs, ne pouvant tourner avec des chariots, tant il y avait de .monde et de confusion, furent oblig�s chacun de faire faire un tombereau �. Presque tous meurent de faim, ��n ayant ni pain ni argent �.
Partout, dans la seigneurie, r�gne la m�me activit�. Les habitants de Mont creusent des fondations; ceux de Tonnoy font un canal pour conduire les eaux au potager du ch�teau, puis construisent deux ponts. Les gens de Rozelieures curent les foss�s. D'autres, les plus m�nag�s, plantent des charmilles ; d'autres, encore, saignent les terres en y creusant des rigoles. Ceux-ci �l�vent les murs du parc. La communaut� de Rehainviller travaille pendant trois ans � la cour d'honneur, ainsi qu'� la cr�ation d'une avenue autour du ch�teau. Cette avenue part de la chauss�e et d�crit une courbe �l�gante. Longue de 280 toises, elle mesure �. certains endroits jusqu'� 80 pieds de large. Orn�e d'arbres, c'est une belle promenade. Elle est maintenant, malgr� une colline qui nagu�re s'�levait sur cet emplacement, en pente tr�s douce ; elle offre la plus agr�able perspective jusqu'� Cr�v�champs. L'accident de terrain qu'il a fallu vaincre n'a pas �t� sans utilit�. Pr�cis�ment un ravin profond s�parait le ch�teau de la maison prieurale et de l'�glise; chose inadmissible plus longtemps, puisque c'est l'abb� de Mareil qui est titulaire de ce prieur� et que M. de Mareil est le fr�re de M. de La Galaizi�re, Les corv�ables transportent donc les terres du monticule, comblent la vall�e, et un remblai de 30 pieds de haut sur 45 � 50 de large vient relier les deux r�sidences.
Il ne faudrait point croire, enfin, que la cr�ation de la grande chauss�e de Neuviller ait en quelque fa�on divis� les terres appartenant au Commissaire d�parti. A cette �poque, l'administration des Ponts et Chauss�es, particuli�rement en Lorraine, avait un v�ritable culte pour la ligne droite. Les mont�es les plus raides ne lui faisaient point d�vier ses trac�s (86). Ainsi avait-on fait, malgr� les grands travaux n�cessit�s, entre Flavigny et M�nil-Saint-Martin. Mais, lorsqu'il approcha des bans de Neuviller et de Roville, l'ing�nieur abandonna ce principe ; qu'importent d�s lors les d�tours ! On fait faire � la chauss�e un coude qui l'allonge de 500 toises. Tout � l'heure on craignait le voisinage de la Moselle; maintenant on s'en approche de telle fa�on que les eaux recouvrent la route au moindre d�bordement. Un corv�able de Magni�res, en train d'y travailler, est entra�n� dans la rivi�re le 20 juillet 1758. C'est que l'on est arriv� � de belles pi�ces de terre appartenant au seigneur de Neuviller, et il faut se garder de les entamer. La voie passera uniquement sur les h�ritages des particuliers. 550 jours de champs, de vignes et de jardins furent ainsi sacrifi�s sous pr�texte d'utilit� publique. On vit m�me de malheureux corv�ables, punis � la moindre r�sistance, contraints de d�truire en g�missant leur propre bien. ��Un trait criant de l'injustice exerc�e lors de la construction de cette chauss�e �, remarque la Cour souveraine, ��est qu'un particulier de Flavigny, o� elle commence, qui avait amass�, � la sueur de son front, le prix de quelques jours de terre situ�s dans cet endroit, et qui faisaient toute sa fortune, en a �t� d�pouill� sans avoir �t� indemnis�. �
Devant cette affirmation, nous avions song� � une exag�ration possible de la part du magistrat. Les papiers de l'Intendance r�tablissent les faits dans leur stricte exactitude, et cette v�rit� est d�j� assez �loquente. Lorsque le m�moire de la Cour souveraine fut dress�, aucun d�dommagement n'avait effectivement �t� donn� aux habitants d�poss�d�s ; on s'�tait content� de relever les constructions abattues dans la travers�e des villages. A l'automne, toutefois, l'entrepreneur Mique versa, sous la rubrique ��Indemnit� des vignes et vergers compris dans la nouvelle chauss�e �, une somme de 6,040 # 11 s, 6 d. Cela seul fut accord� aux propri�taires, en compensation de la perte de leurs terrains et des dommages consid�rables partout caus�s aux r�coltes dans les environs des travaux ! Les diff�rents articles de l'arr�t du Conseil royal des finances, du 25 octobre 1755, �taient, les uns apr�s les autres, odieusement viol�s (87).
Durant ces trois ann�es, La Galaizi�re tint naturellement � surveiller souvent en personne l'ex�cution d'ouvrages entrepris pour sa propre satisfaction. Son arriv�e �tait une cause d'effroi pour les corv�ables. Il se plaisait � �taler dans les ateliers une duret� hautaine. L'Intendant apprend que quelques habitants de Gerb�viller n'ont pu venir ��faute de nourriture �. Ils sont condamn�s � une amende de 62 #. Plusieurs travailleurs de Xermam�nil sont absents; l'un deux est aveugle; malgr� cette grande excuse, l'infirme sera puni d'une amende de 25 #, �� r�dim�e par le subd�l�gu� de Lun�ville, � force de pri�res, � 20 sols �. Le syndic de Moyemont cite cet autre fait : ��un particulier, nomm� Jacquart, avait marchand� sa part d'ouvrage pour 11 #. Le Chancelier �tant sur les lieux: l'a condamn� � 40 # d'amende. Elle a �t� mod�r�e, apr�s avoir pay� 100 # de frais, � la somme de 10 # �. En mars 1758, l'officier de ville de Ch�tel, ��qui commandait les man�uvres, ayant repr�sent� a M. de La Galaizi�re, qui �tait pr�sent � ces ouvrages avec Baligand et le piqueur Robin, qu'il ne pouvait plus contenir son monde, que la plupart de ces man�uvres mouraient de faim et qu'il en nourrissait une partie a ses frais, il fut r�pondu par Robin qu'il fallait l'ouvrage, qu'il se retir�t ou qu'on l'enverrait promener � . Pierre Paquotte de Villacourt, travaillant � l'avenue du ch�teau, est, renvers�, le 1er octobre 1756, par un �boulement; il a eu ��l'�pine du dos cass� en trois endroits et le reste du corps incommod�, ce qui le met hors d'�tat de gagner sa vie et celle de sa grosse famille �, dit na�vement un m�moire. Paquotte s'adresse au Chancelier qui n'a que faire de son certificat.
Les agents des Ponts et Chauss�es imitent la mani�re du ma�tre. Les proc�s-verbaux des communaut�s nous indiquent comme proverbiale, parmi les corv�ables, la s�v�rit� du piqueur Robin (88). Les habitants de Barbonville sont indign�s de l'avoir vu �� frapper le syndic en pr�sence de la communaut� et lui casser une r�gle sur le corps en le mena�ant de prison �. Ceux de Rozelieures se plaignent que ��le piqueur a eu la duret� de ne pas permettre d'aller chercher des vivres, ce qui fait que plusieurs sont tomb�s malades de fatigue �, Apr�s 28 jours pass�s � l'atelier, les corv�ables de Roville-aux-Ch�nes manquent de vivres et de fourrage. Il leur est express�ment d�fendu de retourner chez eux pour s'approvisionner. Conducteurs et piqueurs re�oivent maintenant des gratifications extraordinaires. Le Chancelier veut bien fermer les yeux sur les petites exactions qu'ils se permettent. Ils sont libres de compter � leur guise le prix des bornes destin�es � marquer les portions respectives de la nouvelle chauss�e, confi�es � l'entretien de chaque communaut�. Ces derni�res doivent en payer l'achat ainsi que la taille et le transport. Quoique toutes semblables, ces bornes sont compt�es, suivant les cas, de 7 � 17 # environ. C'est un moment favorable pour les malversations de tous les employ�s. Les corv�ables sont � leur merci. On accorde facilement les billets de r�ception d'ouvrage aux syndics des communaut�s qui font des pr�sents; on en refuse, sans motif, � ceux qui n'offrent rien. Ils ont d'autres moyens encore de d�lier les bourses, On n'acceptera point, par exemple, tels mat�riaux de bonne qualit�; on obligera les paysans � aller en chercher � des distances fort �loign�es, tandis qu'il s'en trouve � port�e, et cela jusqu'� ce que les corv�ables aient compris le sens de telles vexations. Les piqueurs n'ont re�u les ouvrages des gens de Saffais ��qu'� force de pri�res �. En 1758, les habitants de Moriville passent 10 jours � paver, puis � d�paver la m�me chauss�e. Des aventuriers, profitant du trouble g�n�ral, se disant pr�pos�s par l'administration, pr�sentaient aux communaut�s de faux ordres de corv�e qu'affol�es elles s'estiment heureuses de pouvoir r�dimer � prix d'argent (89).
L'ing�nieur, lui aussi, voulut avoir sa part � cette sorte de cur�e. Baligand est devenu, par la protection de l'Intendant, un personnage notable en Lorraine. Ing�nieur ordinaire du roi et commensal de sa maison, cumulant plusieurs fonctions, il est seigneur de Heillecourt et de Ferri�res. Le 5 janvier 1756, Stanislas lui a accord� des lettres de noblesse (90). Il est maintenant log� au compte de la Province, gr�ce � une imposition annuelle sur les revenus des h�tels de ville. Par lettre du mois de f�vrier 1757, La Galaizi�re a signifi� aux villes de Lorraine et Barrois que telle �tait la volont� de Sa Majest� Polonaise. L'Intendant sait qu'au prix de telles faveurs, il ach�te le silence et la complicit� de Baligand (91). Du ch�teau de Heillecourt acquis en juin 1755 (92) et dont il a fait sa r�sidence pr�f�r�e, l'ing�nieur juge l'occasion bonne pour jouer le r�le d'un La Galaizi�re au petit pied. On put voir autour de Heillecourt quelques-unes des sc�nes que nous d�plorions autour de Neuviller. Trente-deux communaut�s ont �t� appel�es et doivent travailler par corv�es � former plusieurs chauss�es qui faciliteront l'acc�s du domaine de Baligand : ��Dans les temps les plus pr�cieux aux occupations de la campagne, ces chauss�es ont �t� faites avec autant de promptitude que de solidit�, sans indemnit� du fond des h�ritages qu'elles ont envelopp�s, des fruits qu'elles ont en lev�s, ni de ce qu'il en a co�t� aux communaut�s (93) �.
Bref, depuis l'intendant jusqu'aux simples piqueurs, tous les agents de l'administration des Ponts et Chauss�es de Lorraine semblaient s'�tre entendus pour accabler les malheureux Duch�s; et cela avec d'autant plus de s�curit� que le principal coupable �tait juge supr�me.
Lorsque, devant l'incurie du gouvernement fran�ais, la Cour souveraine, apr�s de nouvelles remontrances, dat�es du 27 juin 1758 (94), esp�rant encore quelque justice, r�solut de d�voiler compl�tement au Contr�leur g�n�ral la conduite de son intendant, elle s'adressa aux officiers de ville, aux maires et aux syndics des communaut�s lorraines pour leur demander des renseignements pr�cis. Toutes les localit�s employ�es depuis deux ans et demi � la chauss�e de Neuviller r�pondirent � l'appel et, dans le courant de juillet, envoy�rent des proc�s-verbaux d�taill�s de leur situation. La Cour s'en servit pour la r�daction de ses �claircissements du 3 ao�t suivant. La comparaison de ces pi�ces et du r�sum� qu'en dress�rent les magistrats, nous a prouv� que le lamentable tableau pr�sent� � Paris �tait encore plein de mod�ration. Les communaut�s situ�es � quinze lieues � la ronde de Neuviller, arr�tant leurs comptes, arrivaient � ce r�sultat, que, pour le seul travail de la chauss�e et du ch�teau, il leur en avait d�j� co�t�, outre le d�faut de culture des terres, des sommes variant entre 1,500 et 10,000 #. Je prends au hasard : la petite commune de Mont y avait sacrifi� 4;000 # ; Moriville, 6,000 # ; Gerb�viller, qui avait d� envoyer 400 corv�ables, plus de 8,000 #. De 1756 � 1757 inclusivement, la ville de Ch�tel y a d�pens� 5,720 #. Il en a co�t�, en 1756, � chaque man�uvre de Saffais, ��au moins un gros �cu �,
Tous ces mis�rables ont �t� employ�s, les uns pendant le temps des semailles, les autres pendant celui des moissons. En septembre 1756; les gens de Ch�tel travaillaient � Neuviller pendant que leurs avoines pourrissaient sur pied. Ceux de Saffais s'y trouvent, au commencement de 1758, ��pendant les froids et les neiges qui les ont forc�s de revenir pour retourner aussit�t, encore le piqueur leur faisait-il recommencer l'ouvrage... Ils ont souffert si consid�rablement �, ajoute le syndic; ��qu'ils laissent l'estimation du dommage � la prudence de la Cour �, A Nossoncourt, ces ouvrages ont caus� la ruine de plusieurs laboureurs, la d�sertion de plusieurs autres, sans qu'on sache ce qu'ils sont devenus; deux fermes sont incultes. Moyemont signale plusieurs bless�s et quantit� de voitures bris�es, A Gerb�vlller, les laboureurs ruin�s ont quitt� le village; 30 bestiaux sont morts de fatigue. De m�me � Moriville, pour la seule ann�e 1757, les cultivateurs ont perdu �par les fatigues des corv�es plus de cinquante b�tes tirantes �. Les gens de Vennezey, appel�s par quatre fois en 1756, par quatre fois encore en 1757 et une fois en 1758, pour d�molir le ch�teau du Chancelier, constatent que leurs terres sont en friche, que plusieurs cultivateurs ruin�s ont abandonn� leur train, qu'outre nombre de chevaux malades, 25 � 30 sont morts. Les habitants de Xermam�nil, enfin, portant ��leurs plaintes am�res aux sup�rieurs dont ils implorent la justice �, r�sument ainsi leurs infortunes : ��Ils ont �t� oblig�s de passer les eaux o� plusieurs ont failli p�rir. D'autres ont �t� fracass�s et � demi morts par les chutes des terres. Beaucoup sont r�duits � la mendicit� et hors d'�tat de supporter les charges publiques par des ouvrages dangereux, p�nibles, inutiles au public, o� ils ont re�u des traitements de chien, en quittant leurs int�r�ts. �
Le temps �tait loin o� d'Audiffret, parlant des grandes entreprises du duc de Lorraine, d�clarait qu'elles avaient �t� ex�cut�es ��sans que les travaux de la campagne et de la culture en aient souffert, parce qu'on avait eu la pr�voyance de ne commander les travailleurs que dans les intervalles de leurs ouvrages domestiques et champ�tres (95) �.
Apr�s avoir rassembl� tous ces documents, le rapporteur de la Cour souveraine estimait que les travaux de Neuviller avaient � eux seuls co�t� � la Province, de l'ann�e 1756 � 1758, plus d'un million, Il est instructif d'opposer � ce chiffre les sommes fournies, pour cette m�me entreprise, � l'ing�nieur des Ponts et Chauss�es.:
En 1756, la d�pense est de 6,788 # 6s. 9d. Mat�riaux, ouvrages d'art; gratifications accord�es au personnel
En 1757, 8,424 # 10 s 10 d.
En 1758, 1,155 # 1 s 10 d.
et 6,040 # 11 s. 6 d. Indemnit�s aux particuliers (96)
Soit donc un total d'un peu moins de 22,000 # !
La France s'en tirait vraiment � fort bon compte, et l'on peut �tre en droit de conclure que c'est l� une des principales raisons pour lesquelles le Gouvernement de Louis XV se montra si indiff�rent aux protestations de la Lorraine accabl�e.

(A suivre.)
P. BOY�.


(1). D. Calmet (Histoire de Lorraine. 2e �dit., VII, col. xxxiii) donne par erreur, � plusieurs reprises, la date de 1725.
(2). Cf. Recueil des ordonnances de Lorraine, I, 135 (ord. du 1er f�vrier 1699); id.; 140 (ord, du 12 mars 1699); Il, 86 (lettre de cachet du 25 f�vrier 1716).
(3). Ibid., Ill, 20 (ord. du 29 mars 1724); id., 124 (ord. du 6 septembre 1725); id., p. 221 (ord. du 4 mars 1727).
(4). Dissertation sur les grands chemins de Lorraine. Nancy, Cusson, 1727, in-4� ; et dans l'Histoire de Lorraine, 2e �dit., VII, col. l � XI - Saint-Urbain grava � ce propos plusieurs fort belles m�dailles, dont l'une, frapp�e en 1726, a �t� d�crite par son auteur, le P. Marion (Explication du m�daillon frapp� en l'honneur de Son Altesse Royale au sujet de la construction nouvelle des ponts et chauss�es dans les duchez de Lorraine et de Bar, 1726. Nancy, 1726, br. in-4�); une autre, de l'ann�e suivante, est expliqu�e par D. Calmet (op. cit.) et a �t� reproduite par S�b. Antoine pour illustrer cette dissertation. - V. aussi Lepage et Beaupr�, Ferdinand de Saint-Urbain, avec un catalogue de l'�uvre de cet artiste. Nancy, 1867, in-8�, pp. 104 et sq.
(5). Cf. Baumont, �tudes sur le r�gne de L�opold, duc de Lorraine et de Bar (1697- 1729). Nancy, 1894, in-8�, pp. 596 et sq.
(6). L. (Lecreulx), M�moire sur la construction des chemins publics et les moyens de les ex�cuter, En Frauce (sic), 1782, in-4�.
On peut se rendre compte du trac� de ces chauss�es, de leur nombre et m�me du soin apport� � leur entretien de 1725 � 1737, en consultant les plans colori�s et manuscrits, � grande �chelle, que nous a laiss�s l'ing�nieur-g�ographe Broutin, pr�pos� par L�opold au d�partement de la Lorraine allemande - SeilIe et Bassigny - (manuscrit n� 613-616 de la Biblioth�que de Nancy; 4 gr. Atlas). - La Biblioth�que de la Soci�t� d'arch�ologie lorraine poss�de une r�duction de ces plans (manuscrit nos 21-23, comprenant des feuilles de dimensions diverses reli�es en 3 volumes in-4� qui, longtemps dispers�s [cf. n� 3424 du Catalogue raisonn� de No�l], ont �t� de nouveau r�unis dans ce d�p�t). Cette �uvre, post�rieure de quelques ann�es � la pr�c�dente, plus soign�e et mise � jour jusqu'� la fin du r�gime ducal, est de toute beaut�. Elle fut faite �galement par Broutin, pour �tre offerte � La Galaizi�re � son arriv�e en Lorraine, ainsi que l'indique la d�dicace - dat�e de Saint-Di�, 31 mai 1737 - inscrite en t�te du premier volume.
Toutes les localit�s situ�es � un quart de lieue environ de chaque c�t� des routes figurent sur les uns et les autres de ces plans. Sur les chauss�es m�mes on distingue les poteaux qui indiquaient les limites d'entretien. Des tableaux d�taill�s fournissent, de plus, la longueur de chemin et le nombre des ponts ou arches � la charge de chaque communaut�.
Au volume n� 1 du manuscrit de la Soci�t� d'arch�ologie lorraine a �t� ajout�e une carte d'ensemble des Duch�s, copi�e sur celle, �galement in�dite, des chemins faits en chauss�es des �tats de Son Altesse Royale [1734], qui ornait un recueil analogue aux pr�c�dents et faisait partie de la collection No�l (n� 3423 du Catalogue raisonn�).
(7). Cf. Recueil des ordonnances de lorraine, VI, 88
(8). Les premiers inspecteurs furent les sieurs de Chaix, ancien directeur g�n�ral, Le Pan, ancien ing�nieur, et Baligand.
(9) Lettres patentes du 18 ao�t. ��M. de La Galaizi�re propose � M. le contr�leur g�n�ral un nouvel arrangement sur les Ponts et Chauss�es de Lorraine. � (Journal de Durival, manuscrit n� 863 de la Biblioth�que de Nancy; 9 mars 1750.)
(10). En 1763, ce bureau fut r�tabli � Lun�ville jusqu'� la mort du roi de Pologne. - Dans l'arrondissement du Barrois, le sous-ing�nieur r�sidait � Bar; l'inspecteur � Bar ou � Saint-Mihiel. Pour la Lorraine allemande, le sous-ing�nieur � Sarreguemines; l'inspecteur � Saint-Avold ou � Faulquemont, Pour l'arrondissement de Neufch�teau ou du Bassigny, le sous-ing�nieur � Neufch�teau et l'inspecteur � Mirecourt. Pour l'arrondissement de la V�ge, l'un et l'autre � Lun�ville. Un dessinateur en titre �tait de plus attach� au bureau de l'ing�nieur en chef.
(11). Trudaine de Montigny � l'Intendant de Lorraine, 17 ao�t 1773. (Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 122.
(12). Jean-Jacques Baligand, n� � Baives (Hainaut), le 11 mars 1697. Son p�re �tait capitaine de cavalerie au service de l'Espagne lorsqu'une partie du Hainaut devint province fran�aise. De ses deux oncles paternels, l'un servait dans les gardes de l'�lecteur de Bavi�re; le plus jeune, nomm� cornette au r�giment d'Egmont, par brevet de Louis XIV, suivit le parti de Philippe V. Baligand fut employ� fort jeune � d'importants travaux. Il �pousa en 1738 Marie-Catherine D�pret, dont il laissa six enfants. Mort � Nancy, le 21 d�cembre 1762, il fut inhum� dans l'�glise Saint-Evre de cette ville. On a de lui : le projet de dess�chement des marais laonnais, avec devis (1744) ; celui d'un canal de navigation le long des rivi�res d'Ardon et de Delette, depuis Laon jusqu'� Manicamp; et l'�tat g�n�ral des ponts et chauss�es de Lorraine et Barrois, divis� en cinq arrondissemens [s. l. n. n. ), 1757, in-fol.
(13). La mort tragique de ce sous-ing�nieur fit grand bruit en Lorraine. Delille fut tu�, dans la nuit du 15 mars 1752, d'un coup de fusil, par l'un de ses fils qui, accouru au secours d'une servante, croyait avoir affaire � un voleur.
(14). V. sur lui : Morey, Richard Mique, architecte de Stanislas et de la reine Marie-Antoinette. Nancy, 1868, br. In-8�. (Extrait des M�moires de l'Acad�mie de Stanislas.)
(15). Trudaine {Charles-Daniel), 1703-1769, conseiller d'�tat, directeur des Ponts et Chauss�es et intendant g�n�ral des finances. C'est en cette derni�re qualit� surtout qu'il eut � entretenir une correspondance suivie avec l'intendant de Lorraine et Barrois.
(16). Lettre s, d. (Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 122).
(17). Archives nationales, E, 2471.
(18). Lecreulx ou Le Creulx (Fran�ois-Michel), n� � Orl�ans en 1734; mort � Paris en 1812. �l�ve de Perrouet, il avait d'abord �t� employ� en qualit� d'Ing�nieur ordinaire dans les g�n�ralit�s d'Orl�ans et de Tours. Il construisit le beau pont de Frouard sur la Moselle, et, en 1786, le vaste man�ge de Lun�ville. Il fut nomm� en 1801 inspecteur g�n�ral des Ponts et Chauss�es, et, en 1809, pr�sident du conseil. On a de cet excellent ing�nieur : Discours sur le go�t appliqu� aux arts et particuli�rement � l'architecture. Nancy, 1778, in-8�. - M�moire sur la construction des chemins publics et les moyens de les ex�cuter; J. cit. - M�moire sur les avantages de la navigation des canaux et rivi�res qui traversent les d�partemens de la Meurthe, des Vosges, de la Meuse et de la Moselle, etc. Nancy, an III, in-4�- - Description abr�g�e du d�partement de la Meurthe (en collaboration avec Coster, Willemet et Poupillier}. Paris, an VII, in-4�. - Recherches sur la formation et l'existence des ruisseaux, rivi�res et torrens qui circulent sur le globe terrestre. Paris, 1804, in-4�. - Examen critique de l'ouvrage de M. Dubuat sur les Principes de l'hydraulique, et observations sur les hypoth�ses dont il a fait usage. Paris, 1809, in-8�.
(19). V. la Carle itin�raire de la g�n�ralit� de Lorraine et Barrois, divis�e en sept d�partements, dress�e en 1786 par Lecreulx. (Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 108.)
(20). Pour plus de d�tails sur cette imposition des Ponts et chauss�es, voyez notre travail: Le Budget de la province de Lorraine et Barrois sous le r�gne nominal de Stanislas (1737-1766). Nancy, 1896, in-8�, pp. 14 et sq.
(21). C'est ainsi qu'on leva en France - pour ne prendre que deux dates extr�mes - en 1737 : 2,957,001 #, et en 1765 : 3,627,216 #, destin�es aux d�penses ordinaires des Ponts et Chauss�es.
(22). Archives nationales. E, 2471. - V. aussi : Arr�t du Conseil d'�tat du 1er ao�t 1775 ordonnant une imposition annuelle de 800,000 # sur les vingt G�n�ralit�s des pays d'�lections, les pays conquis, les duch�s de Lorraine et de Barrois, pour les travaux de divers canaux (Archives du minist�re des Travaux publics [ces archives ne sont pas inventori�es]); Arr�t du 7 septembre 1778 ordonnant sur les Duch�s une imposition de 83,039 # 3 d. pour d�penses ordinaires des Ponts et Chauss�es (Archives nationales, E, 2549); Arr�t du 4 d�cembre 1778 qui ordonne sur les m�mes Duch�s une imposition de 1,200 # pour indemnit� de logement � l'ing�nieur en chef (ibid.); etc.
(23). Sur toute cette affaire, voir Registres des d�lib�rations secr�tes de la Chambre des comptes de Lorraine, t. II. (Manuscrit n� 106 de la Biblioth�que de Nancy.)
(24). La Biblioth�que de la Soci�t� d'arch�ologie lorraine poss�de un ��Etat des villes et villages employ�s � l'entretien annuel des chauss�es ... �, pour l'arrondissement de Nancy et l'ann�e 1755 (manuscrit non class�). Le nombre de toises dont chaque communaut� � la charge y est indiqu�. - Les autres documents de ce genre ont disparu des papiers de l'Intendance.
(25). Archives de Meurthe-et-Moselle. C. 118 � 153; passim. - Baligand, �tat g�n�ral des ponts et chauss�es de Lorraine et Barrois..., j. cit. - Recueil des ordonnances de Lorraine, VI, 88. - Etc.
Cf. Recueil des ordonnances de Lorraine, VI, pp. 291 et 343.
(26). Perronet (J.-Rodolphe), 1708-1794, premier ing�nieur des Ponts et Chauss�es de France, directeur et organisateur de l'Ecole des Ponts et Chauss�es fond�e par Trudaine (1747), est surtout c�l�bre par les magnifiques ponts qu'il construisit. Inspecteur g�n�ral des salines de 1757 � 1786, il fit en cette qualit� jusqu'en 1770 - �poque o� son coll�gue Querret le rempla�a dans ses tourn�es - de fr�quents voyages en Lorraine et il n'y contribua pas peu � la remarquable extension donn�e aux travaux d'art.
(27). On pourrait objecter ici que plusieurs de ces routes, surtout celles de la Lorraine allemande, avaient une grande partie de leur trac� en terre �v�choise et que, par cons�quent, la charge des Lorrains se trouvait diminu�e d'autant. Mais nous verrons plus loin (chapitre VI) que, par une mesure arbitraire, le Gouvernement fran�ais contraignit les habitants des Duch�s � construire la totalit� de ces chauss�es et m�me, pendant une certaine p�riode, � aller entretenir les chemins des enclaves �trang�res,
(28). Ce pont fut termin� � la fin d'octobre 1741. Le pont �� provisionnel � fut alors d�truit et tout p�age supprim�.
(29). Il �tait d�j� ��hors d'eau � en novembre 1749. Plus de 2,000 pieds d'arbres furent employ�s aux pilotis, grillages et palplanches.
(30). Lisez Mique.
(31). Manuscrit n� 783 de la Biblioth�que de Nancy.
(32). N� � Nancy le 19 septembre 1714, mort en 1796, Claude Mique, architecte du roi de Pologne, fut charg� de la construction de plusieurs b�timents con�us par Richard, notamment de. la belle caserne Sainte-Catherine de Nancy. Il publia vers 1778 un grand et un petit Plans des villes, citadelles, faubourgs et environs de Nancy. Il a laiss� �galement plusieurs plans manuscrits de cette ville.
(33). ��M. de Machault a �crit, le 21 janvier, � M. de La Galaizi�re de lui faire conna�tre � quoi on a employ� les fonds impos�s en 1742, 1743, 1744, 1745 pour les Ponts et Chauss�es ; de lui envoyer un �tat des d�penses pour 1746 �, consigne Durival dans son Journal (21 f�vrier 1746).
(34). Lettre � l'Intendant de Lorraine, du 16 mars 1762. (Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 122.)
(35). Lettre de l'ann�e 1766; s. d. (Ibid.)
(36). 24,554 # en 1756 ; 24,183 # en 1757; 23,648 # en 1758; 24,073 # en 1759; etc.
(37). Ann�es 1748, 1749, 1758, 1759, 1762, etc.
(38). Archives de Meurthe-et-Moselle, B, 1765 et sq. ; C, 118. - Par une exception unique, la d�pense ne fut, en 1744, que de 50,000 #.
(39). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 122. L�opold et son successeur consacraient la totalit� des 100,000 # aux ouvrages ; depuis 1737, une partie, comme nous l'avons vu, �tait au contraire d�pens�e en frais d'administration.
(40). lbid.
(41). On sait que corv�e avait, au XVIIIe si�cle, diverses acceptions. On entendait par ce mot tant�t un service personnel et momentan� d� an seigneur (corv�e domaniale, seigneuriale ou particuli�re - distingu�e elle-m�me en diff�rentes cat�gories : r�elle, personnelle. etc.); tant�t une contribution gratuite aux travaux manuels, emploi de bestiaux et de voitures, exig�e pour la confection des routes (corv�e royale, publique ou des grands chemins]. C'est dans ce second sens - bien sp�cial - que nous emploierons exclusivement ici le terme corv�e ou corv�es.
(42). Voir l'ordonnance du 29 mars 1724 dans le Recueil des ordonnances de Lorraine, III, 20.
(43). Op. cit., I, 40.
(44). L'expression corv�e n'y est toutefois pas employ�e. Ce mot ne d�signait encore dans les Duch�s que des charges de nature seigneuriale. Ainsi, dans l'ordonnance du 29 mars 1724:, le Duc d�clare pr�cis�ment les sujets employ�s aux travaux des Ponts et Chauss�es exempts ��des cinq jours de corv�e auxquels ils sont attenus tous les ans, par l'ordonnance du 6 mai 1717 �. C'est donc par erreur que Mgr Mathieu, dans son beau livre L'ancien r�gime dans la province de lorraine et Barrois, p. 202, �crit que L�opold ��r�ussit � faire pr�s de quatre cents lieues de route, en imposant aux communaut�s cinq jours de travaux par an �.
Corv�e se rencontre pour la premi�re fois employ� officiellement en Lorraine avec le sens qui nous occupe, dans l'arr�t du Conseil royal des finances du 26 octobre 1755, qui parle de �� pr�pos�s aux travaux par corv�es �.
(45). Le Gouvernement fran�ais, se gardant de rappeler ces souvenirs, voulait plut�t montrer dans la l�gislation locale des pr�c�dents � ses innovations.
(46). Cf. Vignon, �tudes historiques sur l'administration des voies publiques en France aux dix-septi�me et dix-huiti�me si�cles. Paris, 1862, .3 vol, in-8�. - Hyenne, De la Corv�e en France et en particulier en Franche-Comt�. Paris, 1863, in-8�.
(47). Une Instruction sur la r�paration des chemins, du 13 juin 1758, vint confirmer les r�gles pos�es dans le M�moire sur la conduite du travail par corv�es,
(48). Lettre du 8 janvier 1746. - Minutes de lettres concernant les Ponts et Chauss�es [1740-1746]. (Manuscrit n� 696 de la Biblioth�que de Nancy.)
(49). Archives de Meurthe-et-Moselle, B, 11 ,476.
(50). Instruction pour les communaut�s de Lorraine et Barrois au sujet de l'ex�cution de l'arr�t rendu au Conseil royal des finances et commerce, le 7 d�cembre 1737, touchant les Ponts et Chauss�es. Du 19 septembre 1739. Sign�: La Galaizi�re. S. l., in-4� de 13 pp. - Arr�ts, ordonnances et r�glemens concernant les chemins, ponts et chauss�es de Lorraine et Barrois. Nancy, 1748, in-4� de 26 pp.
(51). Lettre du 2 avril 1740. (Archives du minist�re des Affaires �trang�res, Lorraine, vol. n� 138, fol. 134.)
(52). C'est ainsi que l'Intendant �crivait, vers la fin de juin 1740, � ses subd�l�gu�s : ��Le mauvais �tal des communaut�s, caus� par le grand froid et la dur�e de l'hiver dernier, m'a d�termin� � les dispenser de travailler par corv�e, ce printemps, aux ouvrages de nouvelle construction des Ponts et Chauss�es, et j'ai remis � l'automne � leur faire achever les portions qui leur ont ci-devant �t� distribu�es par les inspecteurs. � (Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 433.)
(53). Le carrosse m�me du duc L�opold y fut une fois attaqu�.
(54). On avait construit alors ��� l'endroit de la premi�re c�te � un aqueduc de ma�onnerie sur lequel fut �tablie la chauss�e; plus loin, ��� rendrait de la seconde c�te �, la route de Nancy � Toul fut �largie et aplanie. L'ouvrage, fait par adjudication, fut compl�tement termin� � la fin de 1707. La d�pensa s'�leva exactement � 31,833 # 17 s. 6 d. C'est � la suite de ces travaux que les Fonds-de-Toul avalent �t� appel�s plus volontiers : le Pont-de-Toul. (Archives de Meurthe-et-Moselle, B, 1585). ��Le Pont que Son Altesse Royale b�tit dans les bois de Haye, joignant deux montagnes �loign�es, entre lesquelles �tait un pr�cipice affreux, autrefois le d�sespoir des rouliers et la terreur des passans, fut �, dit le P. Marion (op. cit.), ��avec les magnifiques lev�es de Nancy � Lun�ville, comme le coup d'essay de cette vaste entreprise de la r�paration des routes et de la construction des Ponts. � - D�s 1705, Saint-Urbain frappait, pour perp�tuer le souvenir de ces travaux, une de ses plus belles m�dailles, appel�e commun�ment le Grand Hercule. Voir Explication d'une m�daille frapp�e en Lorraine � l'honneur de Son Altesse Royale L�opold Ier, au sujet du chemin royal de Nancy � Toul, que ce Prince ��fait r�parer avec une magnificence digne d'�tre consacr�e par des monuments �ternels. (Nancy), Gaydon (1705), 4 pp. in-4�.
(55). Ce Fond est aussi indiqu� souvent comme le second, en raison de sa plus grande distance de Toul. On disait de m�me indiff�remment pour d�signer la lev�e qui y fut construite : le premier ou le second Pont. Le peuple l'appelait plus sp�cialement l'.Aqueduc. - Nous compterons les Ponts dans l'ordre suivant lequel on les rencontre en allant de Nancy � Toul.
(56). Cf. Durival, Journal, 6 septembre 1746; et Description de la Lorraine et du Barrois, I, 192.
(57). ��Le grand fond des bois de Haye a �t� commenc� pour le comblement d�s l'ann�e derni�re. C'est un grand ouvrage et de longue haleine. � (Journal de Durival, 14 novembre 1749.) - 1 �On trace la nouvelle chauss�e pour arriver directement � Nancy en venant de Toul. � (Ibid., 23 mars 1753.)
(58). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 433.
(59). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 118 et sq. Tous les d�tails qui suivent et qui concernent les corv�ables des bois de Haye, sont de m�me tir�s des papiers de l'Intendance.
(60). M�moire de la Chambre des comptes de Lorraine au sujet des impositions publiques; juillet 1755. (Manuscrit n� 106 de la Biblioth�que de Nancy, t. III.)
(61). Voir Eclaircissemens sur les remontrances de la Cour souveraine de Lorraine et Barrois du 14 d�cembre 1757; 4 f�vrier 1758, in-4� de 18 pp.; et M�moire servant d'�claircissemens et de suppl�ment aux remontrances de la Cour souveraine du 27 juin 1758; 3 ao�t 1758, in-4� de 96 pp.
(62). Aucune habitation ne s'�levait en cet endroit mal fam�, avant les premi�res ann�es du XVIIIe si�cle. Lorsque, sous L�opold, un aubergiste plus hardi avait sollicit� l'autorisation de s'y �tablir, il avait re�u du conseiller secr�taire d'�tat Renauld cette r�ponse peu rassurante : ��qu'il �tait bien os� de vouloir s'installer en un lieu o� l'on avait trouv� plus de 27 corps tant morts que tu�s �. La maison que cet individu b�tit sur la droite de la route, � la sortie du premier Fond, s'appela, du nom de son propri�taire, la Maison Gu�rin. Elle est ainsi d�sign�e sur les plans de l'�poque.
Lors des grands travaux des Ponts de Toul, deux, puis trois autres auberges furent ouvertes sur la gauche, en face de la Maison Gu�rin. Les corv�ables les appel�rent par analogie avec les constructions l�g�res �lev�es par l'administration des Ponts et Chauss�es : les Baraques.
Cette petite agglom�ration subsiste encore aujourd'hui. Elle a conserv� d'ailleurs son ancien nom. Les Baraques ou Baraques-de-Toul forment un hameau d�pendant de Laxou et de Champigneulles,
(63). Lettre de M. Hanus, 22 octobre 1748. (Archives de Meurthe-et-Moselle, C. 307.)
(64). La toise de France valait 1m,949.
(65). Dissertation sur les ponts ou lev�es des bois de Haye en 1765. (Manuscrit n� 24 de la Biblioth�que de Nancy.) Ce petit volume contient, outre des coupes, profils et figures g�om�triques, de tr�s curieux dessins repr�sentant le commencement de la lev�e du c�t� de Nancy, avec tous les d�tails du travail ; un des ponts termin� et un projet d'ob�lisque, avec inscriptions, � dresser entre les deux ponts. - Sous le m�me num�ro ont �t� r�unis trois plans topographiques de cette portion de la chauss�e (XVIIIe si�cle).
(66). Livre I, ode 28.
(67). Cf. Journal de Durival, 12 octobre 1750.
(68). C'�tait fort probablement, autant qu'on puisse en juger par le contexte de son manuscrit, un carme du couvent de Nancy.
(69). ��Ne prendriez-vous pas ces ponts �, dit-il encore, ��pour des ouvrages des Romains ? L'entreprise de ces ouvrages n'aurait-elle pas �pouvant� ces maitres du monde ? � (Dissertation sur les ponts ou lev�es des bois de Haye en 1765, j. cit.)
(70). Histoire de Lorraine, VII, 244.
(71). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 118.
(72). Journal de Durival, octobre 1740 et mars 1751. - En janvier 1757, plusieurs ponts furent �galement d�truits dans le Barrois par le d�bordement des cours d'eau.
(73). Cf. Tr�s humbles et tr�s respectueuses remontrances que pr�sentent au Roy..., 15 mai 1756. In-4� de 58 pp.
(74). Remontrances du 15 mai 1756, j. cit.
(75). Neuviller-sur-Moselle, bailliage de V�zelise. - Aujourd'hui arrondissement de Nancy, canton d'Harou�.
(76). Archives de Meurthe-et-Moselle, B, 254.
(77). Archives nationales, K, 1190.
(78). Correspondance secr�te de M. de Beaumont avec M. Collenel ; lettre du 3 mai 1756. (Ibid.)
(79). Lettre du 6 mai 1756. (Ibid.)
(80). M�moire sur la chauss�e appel�e: ��Chauss�e de Neuviller �. (Ibid.)
(81). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 118.
La Cour souveraine ne saurait �tre tax�e d'exag�ration dans ses remontrances ; elle reste au-dessous des chiffres fournis par les papiers m�mes de l'intendance. Nous en avons ici un exemple; elle dit simplement en effet dans son M�moire servant d'eclaircissemens..., du 3 aout 1758, qu'il a ��fallu construire dix-sept � dix-huit ponts, tous en pierre de taille, outre sept autres ouvertures vo�t�es �.
(82). Archives nationales, K, 1190.
(83). Arr�t du Conseil royal des finances du 25 octobre 1755, article IV. Cf. Recueil des ordonnances de Lorraine, IX, 225.
(84). M�moire servant d'�claircissemens..., j. cit,
(85). Pour ces d�tails et ceux qui suivent, voyez : Archives nationales, K, 1190. - Proc�s-verbaux des officiers de ville, maires et syndics, juillet 1758. (Manuscrit n� 58 de la Biblioth�que de la Soci�t� d'arch�ologie lorraine.) - Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 118 et sq. - M�moire servant d'�claircissemens..., j. cit.
(86). Cf. Durival, Description de la lorraine et du Barrois, I, 351.
(87). Cf. Recueil des ordonnances de Lorraine, IX, 225.
(88). Ce Robin devint inspecteur de l'arrondissement de la. Lorraine allemande.
(89). Ces supercheries �taient fr�quentes. En d'autres temps, le Chancelier les avait s�v�rement r�prim�es. - Voir entre autres : ��Jugement en dernier ressort rendus sur faits concernant les Ponts et Chauss�es, les 6 mars, 4 avril et 22 mai 1754 �, dans le Recueil des ordonnances de Lorraine, IX, 128.
(90). Les Baligand port�rent : ��D'azur � un lis au naturel terrass� de sinople ; et pour cimier le lis da l'�cu issant d'un armet morn�. �
(91). Voici, par exemple, ce qu'en 1757, dans sa publication officielle : �tat g�n�ral des ponts et chauss�es de Lorraine et Barrois, l'ing�nieur dit de la chauss�e de Neuviller, alors en construction : ��Nouvelle route de communication de Flavigny � Roville devant Bayon. - Il y a une petite chauss�e de communication prenant sur la pr�c�dente, au village de Flavigny, � 6,920 toises de la ville de Nancy, pour joindre colle de Bayon � Mirecourt, au village de Roville, passant par M�nil-Saint-Martin, Cr�v�champs et Neuviller-sur-Moselle, laquelle contient la quantit� de 7,396 toises de longueur sur 24 pieds de largeur entre les foss�s et 6 pieds de chaque c�t�. Il y a dix-neuf ponceaux de ma�onnerie dans cette petite route. � On sent dans ce r�sum� des travaux le plus grand souci d'att�nuation.
(92). Baligand avait achet� la terre et seigneurie de Heillecourt aux h�ritiers de Maximilien de Lord de Saint-Victor. Richard Mique, son successeur, les reprit � sa veuve en septembre 1772. (Archives de Meurthe-et-Moselle, E, ss.)
(93). M�moire servant d'�claircissemens... j. cit.
(94). Tr�s humbles et tr�s respectueuses remontrances que pr�sentent au Roy ..., etc. ; in-4� de 31 pp.
(95). M�moire sur le duch� de Lorraine [vers 1732], par d'Audiffret, cy-devant envoy� extraordinaire du Roy � la Cour de Lorraine. (Manuscrit n� 133 de la Biblioth�que de Nancy, fol. 286.)
(96). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 118.

 

Mentions l�gales

 blamont.info - H�bergement : Amen.fr

Partagez : Facebook Twitter Google+ LinkedIn tumblr Pinterest Email