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Dessin de J. Divoux
Le ch�teau primitif de Bl�mont, vu de l'Ouest
PREMI�RE PARTIE
Les Origines du Bl�montois

Le plateau de Hey, au Blanc-Mont.
Dessin de J. Divoux
I
La For�t primitive et le Blanc-Mont
La recherche des origines est pleine d'attraits, malgr� les obscurit�s qu'elle
laisse encore subsister. Elle est non moins utile, puisqu'elle fournit �
l'histoire sa hase indispensable. Nous l'aborderons sans crainte, en tenant
compte des d�couvertes les plus r�centes.
Constatons d'abord que la r�gion bl�montaise n'a pas de pass� pr�historique. M.
Beaupr� signale, il est vrai, des pointes de fl�ches en silex, trouv�es au
Nord-Est de Bl�mont, mais ces vestiges, laiss�s l� par quelque tribu de passage,
ne suffisent pas � indiquer une station celtique.
Les Cit�s voisines des M�diomatriques et des Leuques avaient leurs confins sur
ce territoire, mais ces deux peuples ont pu s'agiter, soit au Nord, soit au Sud,
sans p�n�trer dans une r�gion o� r�gnait un �pais fourr�, faisant suite aux
escarpements vosgiens, Pendant des si�cles, on ne vit l� que broussailles et
futaies alternant avec les ruisseaux et les mar�cages, C'�tait le domaine
r�serv� aux reptiles et aux animaux sauvages, la grande for�t que les anciens
g�ographes nommaient Sylva Vosagensis, du nom de Vosegus ou Vogesus, son dieu
tut�laire,
Le Bl�montois correspond au bassin sup�rieur de la Vesouze, jusqu'� la hauteur
de B�nam�nil. Au Nord, coule la Sarre; au Sud, la Meurthe, Une multitude de
ruisselets am�nent les eaux qui d�coulent d'ondulations capricieuses : ce sont,
� droite, la Voise, le Danube, l'Albe, le Leintrey ; � gauche, le Vacon, l�
Blette, la Verdurette.
Un massif imposant domine toute cette r�gion, c'est le Blanc-Mont. D'o� vient ce
nom ? Les uns parlent de bouleaux et supposent que ces arbres y croissaient en
abondance. D'autres mettent en avant le reflet blafard des flaques d'eau ou
l'aspect des sommets longtemps neigeux.
A ces raisons, trop secondaires, peut-�tre convient-il de pr�f�rer la suivante.
Les Romains car ce terme d'Albus Mons est du pur latin - ont du �tre frapp�s par
la couleur du sol, qui est calcaire dans l'ensemble, ou par la couleur des eaux,
qui deviennent blanches comme le lait lorsqu'elles sont limoneuses. La m�me
raison leur a dict� le nom de Rougimont, � quelques lieues de l�, en pr�sence
des gr�s et des sables rouges de la montagne.
Ce qualificatif (blanc) devenu la caract�ristique du pays, s'y retrouve � chaque
pas : dans des noms de lieux, comme Hablutz (Albus) et Hablainville; dans des
noms de ruisseaux, comme l'Albe, la Blette, qui s'�crivait jadis Albulette. Les
Voise et Vesouze, que l'on dit d�riv�s de l'allemand weiss (blanc), seraient
aussi de m�me sens. On ne s'�tonnera pas de voir appliquer plus tard au pays
tout entier l'appellation de Pagus Albensis ou Albechove.
Quant au terme de mont, il se justifie assez par le relief puissant du long
sommet qui va de Hattigny (356 m�tres) � Igney (365 m�tres), sans autre
d�pression que la hachure profonde par laquelle la Voise se fraye un passage
jusqu'� la Vesouze, pr�s de Bl�mont. Les anciens ont vu juste et ont montr�, ici
non moins qu'ailleurs, une science orographique tr�s avertie. 
II
Les Voies Gallo-Romaines
En venant conqu�rir les Gaules, au premier si�cle de notre �re, les Romains ont
donc trouv� la Sylva, Vosagensis inhabit�e et tout au plus sillonn�e de pistes
assez vagues, trac�es par des animaux ou des caravanes audacieuses. C'�tait trop
peu pour leurs besoins de domination ou de d�fense. Il leur fallait circuler
librement de la Sa�ne au Rhin et pouvoir se porter rapidement vers les points
fronti�res de l'Empire, que mena�aient sans cesse les Alamans.
De m�me que les Gaules avaient vu s'�tablir un r�seau routier assez complet,
sous l'impulsion de Septime S�v�re (193), de Domitien (211-217), d'Aur�lien
(270-275), de Probus et de Carus (282), de m�me la

Structure de voie ancienne observ�e dans le bois du Feys (Fontenoy-la-Joute) par
M. l'abb� Bernhardt Sylva Vosagensis vit sa masse sombre attaqu�e par la hache des l�gionnaires, au
temps de Posthumius, gouverneur de Tr�ves pour le compte de Domitien. Ces hardis
pionniers y perc�rent des trou�es profondes, dans le sens qu'indiquait la
strat�gie, et y �tablirent des chauss�es d'une structure sp�ciale, que le temps
a respect�es en plusieurs endroits et qui, apr�s dix-neuf si�cles, gardent leur
nom de voies romaines. Derri�re eux s'aventur�rent des colons, qui p�n�tr�rent
jusqu'aux profondeurs jusque-
l� inaccessibles et se fix�rent aux endroits qu'ils jugeaient favorables.
Ainsi surgirent peu � peu, animant ce d�sert, ici une villa, plus loin une
m�tairie (mansile-m�nil), plus loin un abri pour des animaux domestiques (curtis-court).
Ce furent les embryons de nos villages actuels. Les voies romaines y furent donc
de vraies art�res qui r�pandirent la vie et l'animation dans le pays.
La r�gion de la Haute-Vesouze compte deux art�res de ce genre, qui se coupent �
angle droit, dans la direction des quatre points cardinaux. L� o� elles restent
visibles, ces chauss�es ont tous les caract�res
des voies romaines : direction en ligne droite, recherche des hauteurs m�me
abruptes, superposition de trois lits de pierres : pierres plates, pierres mises
de champ, couche �paisse de b�ton form� de gravier et de pierres cass�es. Leur
parcours m�rite d'�tre �tudi� en d�tail (1).
1� Voie de Strasbourg � Metz par le Donon
Depuis fort longtemps, ce trajet pouvait se faire par Tabernae (Saverne), Pons
Sarravi (F�n�trange), Decem Pagi (Petit-Tenquin), ou m�me, � partir de
F�n�trange, par Tarquimpol et Delme. Dans la p�riode gallo-romaine, cet
itin�raire obligeait � franchir, d'un bout � l'autre, des pays de langue
allemande. Il semble que, pour rester en pays de langue latine, le g�nie romain
ait trac� la voie suivante, presque parall�le � la premi�re et empruntant, pour
la travers�e des Vosges, le col du Donon, d�j� fr�quent� par les anciens Celtes.
Supposons un marchand qui passe, pour ses de l'Alsace au pays messin, et
suivons-le. Nous le trouvons au Donon, en un site inoubliable. L�, chose
curieuse, se voit un vicus gallo-romain, juch� � 1.010 m�tres d'altitude, � la
jonction de cinq routes, aux confins des trois Cit�s voisines des Rauraques, des
M�diomatrices et des Leuques. Ce relais est plus qu'un simple poste militaire,
puisqu'on y a relev� l'emplacement de trois temples, de portiques et murs
d'enceinte (2).
En quittant le Donon, notre voyageur reprend sa marche vers l'Ouest, marche
longue, ardue, toujours sous bois, exigeant des jarrets d'acier. Apr�s la
descente vers Raon-les-Leau, voici la Charaille, le Grand et le Petit-Rougimont,
avec l'une des sources de la Vesouze, la fin des contreforts des Vosges et
l'ouverture du Blanc-Mont pr�s de Hattigny. La distance qui vient d'�tre
parcourue s'appelle encore, sur nos cartes modernes, le Vieux chemin d'Allemagne
et, en certains points, les dalles de gr�s, qui servaient de pav�s, portent
encore l'empreinte des roues de chars. Ce chemin d�limitait les cit�s et, plus
tard, les dioc�ses voisins de Metz et de Toul.
L'anciennet� de Hattigny s'explique par le relais, qui �tait tout indiqu� au
croisement d'une voie venant du Sud, sur laquelle nous reviendrons. La Voise
prend sa source dans ces parages et coule vers la Vesouze par une �chancrure
profonde, ouverte dans le Blanc-Mont. Sur les cr�tes, la voie s'infl�chissait
ver le promontoire pittoresque auquel s'accrocha, plus tard, le bourg coquet de
Bl�mont. Le pays �tait, d�s lors, moins encombr� de for�ts, mais comptait une
multitude de Hayes dont les noms subsistent encore : Haye des Allemands, Haye
Vauthier, plateau de Hey.
Notre marchand, ayant franchi la Voise pour tendre toujours � l'Ouest, �tait
conduit par sa route au Haut de la Reine, qui aboutit au piton d'Igney. Cette
route, praticable encore aux pi�tons, a conserv� dans le pays le nom bien connu
de voie romaine.
Entre Repaix et Autrepierre se voit une bifurcation qu'il faut noter. En suivant
la branche droite, le voyageur gagnait le point culminant d'Igney, la butte, que
certains regardent comme un tumulus franc. Puis il redescendait vers Berg ou
Mont, et. continuant par Maizi�res, Rom�court et Azoudange, aboutissait �
Tarquimpol, o� passait une grande voie vers Metz. Plusieurs auteurs ont appel�
cette route : voie du Donon � Tarquimpol. Ils indiquent m�me une rectification,
post�rieure assur�ment, qui permettait d'aller directement de Berg � Hattigny,
en passant par Foulcrey et Gogney (3).
En suivant la branche gauche, nomm�e encore Vieux chemin de Vic, le voyageur
descendait vers Amenoncourt, Remoncourt et Xousse, pour franchir les cr�tes qui
s�parent les bassins de la Vesouze et du Sanon. Au Signal de Xousse (298
m�tres), une deuxi�me bifurcation se pr�sentait, que nous indiquerons seulement,
puisqu'elle n'int�resse plus le Bl�montois. Elle menait, d'une part, � Vic, par
Xures et Arracourt, et, d'autre part, � L�omont, par la for�t de Parroy, Crion
et les c�tes de Lun�ville.
Toute cette perc�e de l'Est � l'Ouest fut tr�s favorable au peuplement de la
contr�e, car elle facilita l'invasion pacifique des tribus et des familles qui,
en Alsace, regorgeaient de population et ne demandaient qu'� immigrer dans nos
contr�es moins prolifiques.
2� Voies de Langres � Strasbourg ou � Metz
Voici un r�seau de voies romaines qui a des buts militaires plus marqu�s et qui
tend � r�unir la Sa�ne au Rhin, en se dirigeant, par cons�quent, du Sud au Nord.
Retenons seulement la portion qui int�resse le Bl�montois.
C'est maintenant un l�gionnaire que nous allons suivre, dans le
voyage qu'il fait vers les fronti�res de l'Empire, o� s'agitent toujours les
Alamans et les Germains. Nous l'attendons � Deneuvre, � son arriv�e des bords de
la Moselle. Aux temps gallo-romains, ce poste avanc� que les Celtes primitifs
ont solidement b�ti sur la curieuse falaise, nomm�e Danweren et plus tard
Danubrium, est devenu un vicus florissant, o� des fouilles r�centes ont fait
d�couvrir, m�l�s � la cendre, des d�bris de poterie Samienne tr�s bien d�cor�s
et des monnaies romaines (4). En sortant de ce lieu, trois trajets s'offrent �
notre soldat pour avancer vers le Nord. Deux le conduisent au Donon par des
itin�raires qui n'int�res-
Objets gallo-romains trouv� � Deneuvre

sent pas la r�gion qui nous occupe. Le troisi�me, an contraire, l'introduit en
plein Bl�montois, apr�s avoir d�pass� le Pont des F�es et la Fontaine du Parc,
situ�s en face de Baccarat. Derri�re la cr�te du Grammont et du Xennamont.
voici, en effet, le val verdoyant o� il faut, pr�s de Vacqueville, passer � gu�
la Vernize ou Verdurette, puis un autre val encaiss�, o� coule la Blette, puis
un autre assez large, o� serpente avec nonchalance le Vacon, enfin un autre, o�
se pr�lasse la Vesouze. Au moment des grandes pluies, tous les gu�s sur ces
cours d'eaux sont loin d'�tre praticables, D�s qu'ils sont franchis, tout
obstacle est lev� et il est facile d'arriver � Tanconville, � Hattigny, o� l'on
croise la route
du Donon, � Niederhoff, � Lorquin, � Sarrebourg, enfin � F�n�trange. On sait que
Turenne a suivi cette route, en sens inverse, dans sa marche c�l�bre de ce c�t�
des Vosges. Cette chauss�e �tait donc encore en bon �tat au XVIIe si�cle.
Aujourd'hui, sauf en de rares endroits, elle a disparu du sol et m�me du
souvenir des habitants. A Montigny, un tron�on assez important marque son
passage et non loin fut trouv� un tr�sor de trois cent cinquante pi�ces d'argent
� effigies romaines. Des vestiges semblables ont �t� observ�s pr�s de la
Grand-Maison, au hameau d'Ancerviller et en face du ch�teau de la Vigne, sur le
ban de Tanconville. Autour de Niederhoff fut d�couverte une telle quantit� de
poteries et de monnaies romaines, n'h�site pas �

Armes trouv�es Nossoncourt (Vosges) dans des s�pultures franques

Monnaie franque � l'effigie d'H�rimanus : chef de tribu trouv�e � Nossoncourt
placer dans ces parages un camp retranch�, pour assurer la d�fense militaire
contre le p�ril allemand.
Il convient de rattacher � cette voie le chemin de montagne qui servit � relier
au Donon toute la premi�re ligne des cr�tes vosgiennes. Partant de la Fontaine
du Parc, il traversait le grand et le petit Reclos, o� l'on signale un autre
Ring, ou cercle de pierres sacr�es, rencontrait Pierre-Perc�e et aboutissait �
Raon-les-Leau, sans quitter les sommets :
Les deux grandes voies que nous venons de d�crire ouvraient une br�che s�rieuse
dans la Sylva Vosagensis, qui pouvait �tre purg�e de ses reptiles et de ses
fauves et se pr�ter au s�jour de l'homme. Quels progr�s �taient d�j� r�alis�s
dans ce sens, � la fin du IVe si�cle ? On ne peut le dire. Tout de suite apr�s
survinrent les Barbares, Su�ves et Huns, qui arr�t�rent l'essor de la
civilisation gallo-romaine. Tout le pays fut ravag�, Danubrium fut enseveli sous
la cendre. Les Su�ves, faisant irruption par le Donon, furent aussi cruels que
les Huns, r�pandus surtout dans le pays de la Sarre. Apr�s ces destructeurs
arriv�rent, toujours de l'Est, les Francs, Saliens et Ripuaires, qui firent bon
m�nage avec les quelques indig�nes qui avaient surv�cu � la ruine. La vie
recommen�a, plus intense, et les nouveaux venus devinrent, surtout dans nos
contr�es, l'�l�ment pr�pond�rant.

Bas-relief trouv� � Deneuvre et d�pos� au mus�e lorrain repr�sentant deux
scieurs de long (sectores materiarum)
III
L'apparition des Villages
Nous n'avons pas de document qui permette d'indiquer une date, m�me
approximative, pour la cr�ation de nos villages. Cependant l'�tymologie de leurs
noms et d'autres indices pareils peuvent faire deviner l'ordre de leur
apparition. Aussi rechercherons-nous les formes primitives de ces noms dans les
chartes anciennes et dans le langage populaire, vulgairement nomm� patois.
En th�se g�n�rale, les centres habit�s de nos r�gions ne se sont multipli�s
qu'apr�s l'arriv�e des Francs, au Ve si�cle; ils se sont accrus, au hasard des
circonstances, pendant les cinq si�cles suivants; vers l'an mil, ils �taient,
presque tous, tels que nous les voyons aujourd'hui. On peut rapporter � l'�poque
gallo-romaine ceux dont les noms d�rivent du latin ou du bas latin et ceux qui
ont le suffixe ey ou y, abr�g� de iacus (habitation). Citons : Blanc-Mont (albus
mons); Autrepierre (alia ou alta ou m�me alba petra); Repaix (Respalium, Repel);
Xousse (Sulzen, Sulciam, Xulces); Xures (Sures); Montigny (Montiniaco); Hattigny
(Attiniacus, Hettingen). Nous observerons cependant que, par ici, la plupart des
noms termin�s en y ne comportaient pas le suffixe iacus, mais �taient des formes
plurielles de mots bas-latins dont le sens nous �chappe; ainsi : Cirey (Sireis);
Igney (Igneis); Leintrey (Lenterii, Lentetes); Bl�merey (Blumereis); Couvay (Coveis).
On peut y ajouter Barbas, qu'on pronon�ait bairbas, et qu'on �crivait barbais :
bas de la c�te, ce qui est exact.
Les noms les plus fr�quents comportent l'un des suffixes bien connus : ville
(habitation champ�tre), viller (exploitation agricole), m�nil (domaine rural),
court (�table) ou leurs correspondants de langue allemande : hoff, heim, weiller,
burg. Un seul nom a pris le suffixe xon (Gondrexon). Notre pays, pourtant tr�s
bois�, n'a pas connu le suffixe xart ou sart, qui veut dire d�frichement. Les
pr�fixes sont, ou bien des qualificatifs : Amenoncourt (amoenus; curtis),
Hablainville; Hablutz (albus); ou bien des noms de Francs, rest�s inconnus, qui
furent des fondateurs ou des bienfaiteurs, comme Ancerviller (Anselm� villare),
Emberm�nil (Humberti mansile).
Quelle joie pour le savant de d�couvrir des notions justes sous des mots obscurs
! L'un d�montre, par exemple, que Raon d�rive de Rabodeau, et finalement de
rapidus, ce qui n'emp�che pas le petit torrent de s'appeler la Plaine. Un autre
prouve que Vacqueville indique un simple gu� ou w� et n'a rien de commun avec
Episcopivilla ou m�me avec Vaccarum villa; que Baccarat ne d�rive pas de Bacchi
ara, comme on l'a trop r�p�t�, mais d�signe simplement le bac ou pont jet� sur
la Meurthe,
Les donn�es sont plus pr�cises vers l'an 1000. Herb�viller fut une cr�ation d'un
certain Herbert. Or celui-:ci peut bien �tre le gouverneur de Deneuvre, qui fut
� la solde d'H�rimann, �v�que de Metz, et qui subit h�ro�quement le si�ge de
1073 et mourut en 1078. Le nom de V�ho, avec ses formes anciennes : Wihoth,
V�hois ou V�hey, fait penser � Vuher ou V�her ou m�me Verner, membre de la
famille des Folmar de Lun�ville, qui fonda, vers l'an 1000, l'abbaye de
Hugoncourt Ce rapprochement �tonne moins, quand on sait que deux fils de Folmar
III donn�rent V�ho � leur abbaye de Saint-R�my, en l'an 1034.
Il est des villages qui portent des noms de saints. Ces noms leur furent donn�s
� des �poques plus rapproch�es de nous, quand la d�votion envers ces saints
�tait plus florissante, ainsi Saint-Georges, Saint-Maurice, Sainte-Agathe,
Sainte-P�lagie sont contemporains des croisades.
Dom�vre, Domjevin ont d� changer de nom : et pr�exister � la donation de
Berthold, �v�que de Toul, qui remonte � 1010. Montreux (Monasteriolum) et
Nonhigny, son annexe, figurent dans une donation de sainte Richarde � l'abbaye
d'Etival, vers 985. Petitmont (Bertholdi mons) et Bertrambois furent
certainement des cr�ations de l'�v�que Berthold ou Bertram, qui mourut en 1018.
Chazelles appara�t pour la premi�re fois en 1311. Verdenal, dit aussi Verdunois,
a re�u son nom de Thomas de Bl�mont, qui mourut �v�que de Verdun, en 1306. On
peut croire que ces deux villages furent les derniers n�s de la r�gion.
IV
La diffusion du Christianisme par les Monast�res et les Prieur�s
Au Ve si�cle, le Christianisme �tait d�j� bien r�pandu, m�me parmi les Francs et
le bapt�me de Clovis (496) ne pouvait qu'en h�ter les progr�s. Mais le
polyth�isme gallo-romain vivait encore, et, dans une contr�e comme la n�tre, si
�loign�e de Metz et de Toul, si �trang�re � l'influence des chefs
eccl�siastiques, son agonie devait se prolonger pendant plusieurs si�cles. La
Sylva Vosagensis, disent les auteurs, fut son dernier repaire (5).
Malgr� la Constitution d'Honorius (399) qui abolissait le culte des idoles, le
temple de Mercure ne fut d�truit, � Strasbourg, qu'en 449. La r�gion de
Sarrebourg conserva plus longtemps encore le culte du Soleil, repr�sent� par le
dieu Mithra; celle de Dabo; le culte de Thor ou Tur (dieu de la. Guerre), honor�
� Turquestein; celle de Lun�ville, le culte de la Lune ou de Diane, qui avait
son bois sacr� au sommet du L�omont (6).
Faut-il croire � toutes les l�gendes de la montagne et aux fables invent�es pour
rehausser les c�r�monies druidiques ? Non, sans doute. Mais on ne peut nier
l'existence de certaines roches qui ont eu un caract�re sacr� : la roche d'Achiffet, � Val-et-Ch�tillon, la chaire de Saint-Quirin,
pr�s d'Abreschviller, les Cromlecks, ou cercles de pierres debout, de la
Fontaine du Parc (Baccarat) et du Petit-Reclos (Neufmaisons). Par contre, ni
statue, ni bas-relief n'ont �t� signal�s par ici. On pr�tend que les croyances
pa�ennes avaient �t� fort �branl�es par le scepticisme gallo-romain. Cependant
les pratiques et les f�tes, plus enracin�es dans les moeurs, furent tr�s
vivaces, puisque certains vestiges en subsistent

Roches d'Achifet (vall�e de Bonmoutier)
toujours, � peine corrig�s par l'Eglise, comme le carnaval � l'occasion du
renouvellement de l'ann�e, les bures de la Saint-Jean � l'occasion du solstice
d'�t�, le trimazo en mai.
Jusqu'au VIIe si�cle, les chr�tiens ne furent qu'en petit nombre dans notre
r�gion. Alors commen�a l'Age d'or avec les vertus �r�mitiques, propag�es en
Austrasie par l'exemple des moines de la Th�ba�de. Saint Basle apparut dans la
for�t de Mondon, vers l'an 600; une fontaine, longtemps miraculeuse, a perp�tu�
son nom dans la for�t de Buriville. Saint Arnual op�rait, dans le m�me temps,
ses curieux prodiges, pr�s de Sarralbe. Peu apr�s, saint Colomban, g�nie
pratique, formula sa R�gle, dite des moines agriculteurs, et vit affluer �
Luxeuil et � Remiremont de saintes phalanges, o� brill�rent Eustase, Romaric,
Am�, Arnould et tant d'autres. M�me activit� se voyait en Alsace, � Marmoutier,
� Hohenbourg, o� vivait sainte Odile.
Plus pr�s de nous, voici trois �v�ques qui, presque en m�me temps, vers 660,
renouvellent le beau geste de saint Arnould, en se fixant dans des solitudes
immenses qu'ils d�couvrent dans les Vosges. Ils arrivent par la voie de Langres.
Saint Di� plante sa tente � la jonction (juncturoe) de la Meurthe et du Robache;
saint Gondelberg, quittant Sens, se fixe en un lieu qu'il appellera Senones;
saint Hydulphe, venant de Tr�ves;, cr�e Moyenmoutier. Chacun d'eux re�oit de
Child�ric, roi d'Austrasie, la possession des vastes for�ts qui entourent son
monast�re (660 et 670).
A son tour; un puissant leude, devenu �v�que de Toul sous le nom de Leudinus
Bodo, vers 670, sans se faire moine lui-m�me, favorise tant qu'il peut la vie
monastique et fonde trois maisons bien connues : Etival, au confluent du
Rabodeau et de la Meurthe; Bonmoutiet (7), sur une des sources de, la Vesouze;
Offonville (8) (aujourd'hui Effonville); pr�s du lieu de naissance du fondateur.
L'historien sinc�re vante les bienfaits de ces premiers moines. Comme le ch�ne
soutient le lierre fragile, ainsi la ramure monacale a prot�g� les habitants de
nos contr�es. Quand l'heure de la pri�re �tait finie, les, hommes de Dieu,
s'armant d'une b�che, d�frichaient le sol et mettaient la plaine en valeur; ou
bien, ils allaient plus loin, encourageaient le travail, distribuaient des
semences, b�tissaient des �glises, construisaient des chemins ou des ponts. Ces
services leur, valaient la confiance des peuples et parfois des donations
avantageuses.
1� Bonmoutier
Bonmoutier n'eut que des possessions restreintes sur les bans de Vala, Cirey et
Saint-Sauveur. D'apr�s la loi Salique, les femmes ne pouvaient avoir de grands
domaines. Du reste, les moniales firent place � des religieux, au IXe si�cle, et
ceux-ci furent transf�r�s � Saint-Sauveur, en 1010. Une donation de l'�v�que
Berthold agrandit leur ban jusqu'� Barbas, Harbouey, Dom�vre, Bl�merey, Reillon
et Leintrey (9).
2� Moyenmoutier
Moyenmoutier �tendit rapidement son influence sur notre Bl�montois. Aussit�t
apr�s sa fondation, deux fr�res n�s � Pexonne; Sundrabert et Maldavinus,
successeurs imm�diats de saint Hydulphe, commenc�rent
la dotation du monast�re, en lui attribuant l'�glise de ce lieu avec beaucoup de
terres aux environs. Peu apr�s surv�nt la donation que Jean de Bayon rapporte en
ces termes : �� Gr�ce � des dons faits par des religieux, l'avoir du monast�re
s'accrut de quelques autres biens situ�s chez les Lembulc�res; c'est-�-dire :
Autrepierre, Moussey, Repaix et R�chicourt (apud Lembulceras, videlicet : Altam
Petram, Oblionem montem, Respalium, atque Rantgisicortem) (10). On reconna�t
facilement ces lieux, qui, de fait, rest�rent sous le patronage de Moyenmoutier
jusqu'au XVIe si�cle (11).
D'autres acquisitions, dans des actes connus, s'ajout�rent, dans la suite � ce
patrimoine consid�rable : des portions de ban � Dom�vre, Montigny, Domjevin,
Parroy, Coincourt; des �glises, ayant toutes Saint-R�my comme � Deneuvre,
Brouville, Foulcrey. En somme, toute la Haute-Vesouze b�n�ficia de l'action
moralisatrice qu'exer�a Moyenmoutier.
Cependant ce ne fut que pour un temps tr�s court. Car, au XIIe si�cle, des
circonstances qui seront plus loin expos�es �br�ch�rent fortement la zone de son
influence et la r�duisirent � ce qu'on appela le ban Saint-Pierre, limit� aux
deux de paroisses Pexonne et de Br�m�nil.
3� Senones
Senones confin�, au d�but, dans la partie montagneuse la que lui avait accord�e
Child�ric, n'eut pas d'abord de contact avec nos r�gions.. Mais, � la suite des
partages Carolingiens et gr�ce � l'intervention des �v�ques de Metz qui
devinrent ses protecteurs, la c�l�bre abbaye vosgienne finit par �tendre son
patrimoine de nos c�t�s. Elle �tablit ce ban dit de l'ext�rieur, aux d�pens de
Moyenmoutier, qu'elle supplanta (12). L'abb� Antoine fut le principal artisan de
cette conqu�te pacifique qui commen�a vers 1080 et se poursuivit apr�s lui sans
rel�che, durant l'espace de deux si�cles. On peut juger du succ�s de cette
campagne, en parcourant une bulle d'Eug�ne III, dat�e de 1152, qui confirme les
nombreuses donations faites � Senones. Voici la liste des lieux qu'elle �num�re
et dont presque toutes les �glises ont pour titulaire saint Martin : Ancerviller
(Anselmi villare), Montigny (Montiniaco), Mign�ville (alleu de Magneville),
Buriville (Burivilla), Og�viller (Ogerii villare), Pettonville (Betonis villa),
Hablainville, Brouville, Deneuvre, Fontenoy, Mervaville (alleu pr�s d'Azerailles),
Domptail, Moyen, Anthelupt (prieur� de L�omont),
Fricourt (prieur� pr�s de Remoncourt), les prieur�s de Vic et de Xures. Une
telle puissance avait un grand poids, quand elle intervenait dans les �v�nements
de ce temps.
4� Etival
Etival n'eut jamais parmi nous que Montreux et Nonhigny, donn�s par sainte
Richarde.
5� Hugoncourt ou Honcourt
Cette abbaye alsacienne, fond�e, vers l'an mil, par Vuher ou Vernhert, parent
des Folmar de Lun�ville, poss�dera Giroville (faubourg de Bl�mont), Lafrimbole,
Varcoville, Niederhoff, Tanconville, Parux, sauf � les c�der plus tard �
Haute-Seille.
Tels sont les principaux foyers qui propag�rent parmi nous le culte catholique.
Tandis que les moines aidaient � construire les �glises et venaient y c�l�brer
les offices, les peuples montraient leur reconnaissance, en payant les dimes
d'�glise, destin�es � l'entretien des b�timents et les d�mes d'autel, destin�es
obtenir la continuation de leur desserte.
Ainsi s'affirmaient l'estime et la confiance r�ciproques.
Les plus anciennes paroisses, plac�es d'ordinaire sous le patronage d'un ap�tre,
�taient souvent appel�es Chr�tient�s et groupaient autour d'elles plusieurs
filiales. Puis on cr�a des prieur�s, � partir du XI" si�cle. Les centres de
culte se trouv�rent ainsi multipli�s et les secours religieux furent plus
r�pandues et plus � la port�e du peuple.
La marche de cette organisation fut lente, mais ne sait-on pas l'imperfection
des temps m�rovingiens et la d�ch�ance de la soci�t� austrasienne, au VIIIe
si�cle ?
En montant sur le tr�ne (768), Charlemagne eut affaire � un peuple d�sempar�, �
des monast�res rel�ch�s ou vides, mais il employa tout son g�nie � restaurer la
discipline et les moeurs. Les historiens n'ont peut-�tre pas assez vant� ce
z�le. Les abbayes vosgiennes re�urent de lui d'insignes
encouragements, chaque fois que le plaisir de la chasse l'amenait dans leurs
for�ts. Senones, en obtenant l'Immunit�. fut donn� � l'�v�que de Metz, sur la
demande d'Angelram, son abb�, Ce dernier, neveu de l'empereur, ne tarda pas �
devenir lui-m�me �v�que de Metz et il eut soin d'orienter vers son �glise le
monast�re dont il avait eu la garde (775). Par contre, Moyenmoutier, Saint-Di�,
Bonmoutier, Saint-Pierre de Vic et Offonville furent attribu�s � l'�v�que de
Toul. Un capitulaire de 779 obligea tous les religieux, hommes et femmes, �
quitter la r�gle de saint Colomban pour embrasser celle de saint Benoit : cette
r�forme r�tablit la prosp�rit� dans les clo�tres. Apr�s la disparition du grand
empereur, (814), il eut fallu d'autres princes ayant sa valeur; ses descendants
ramen�rent la d�cadence. Le IXe si�cle fut d�plorable; le Xe fut nomm� l'�ge de
fer. L'Austrasie s'appelait Lotharingie (Lorraine) depuis qu'elle �tait
gouvern�e par Lothaire (843) (13). Notre Bl�montois subit, comme tous les pays
de l'Est, le contrecoup de tous ces �v�nements, sans y prendre aucune part
active.
v
Institutions austrasiennes
On peut se demander quelles �taient la condition des personnes et l'organisation
du pays � l'�poque lointaine que nous �tudions. Comme ces points demeurent
obscurs, nous nous contenterons d'un aper�u sommaire.
En s'implantant au milieu des Gallo-Romains, les Francs gard�rent leurs coutumes
propres et les accommod�rent peu � peu avec le code th�odosien. La vie champ�tre
plaisait � leur humeur pourtant guerri�re : aussi s'adonn�rent-ils facilement
aux travaux agricoles, o� ils trouvaient la libert� et l'�galit� dont ils
�taient fortement �pris. Ces faits expliquent la gen�se de la propri�t� fonci�re
et priv�e qui s'�tablit chez eux.
Aux hommes libres, guerriers ou affranchis, et plus tard aux ordres monastiques,
le pouvoir royal distribua des domaines, qu'on appela manses dominicales, terres
saliques ou francs-alleux. Suivant le principe d'h�r�dit� adopt� dans la nation,
chaque b�n�ficiaire put les faire valoir de son vivant et les transmettre, apr�s
sa mort, � sa famille, principalement � son a�n�. Ces privil�gi�s n'�taient
qu'en petit nombre. Pr�s d'eux, les demi-libres, ou serfs, re�urent aussi leur
part de biens, mais seulement en usufruit et non en pleine possession. On les
disait, pour cela, attach�s � la gl�be, dont ils �taient presque le compl�ment.
Comme signe de leur d�pendance, ils rendaient � leurs ma�tres l'hommage, le cens
en argent ou en nature, l'aide en cas de guerre. Ces possessions pr�caires, qui
se transmettaient aussi par succession, furent appel�es manses serviles, tenures
et m�me fiefs. Cette organisation terrienne, en notable progr�s sur l'esclavage
antique, fut le germe de la f�odalit�.
En multipliant les attributions de ce genre, le pouvoir royal, ou fisc, se vit
bient�t r�duit il ne plus poss�der que les terres moins utiles, comme les
for�ts, les �tangs, les cours d'eaux, les routes, et c'est pour affirmer son
autorit� qu'il se r�serva les droits de chasse, de p�che, de p�age, ainsi que le
haut domaine sur l'ensemble du pays, pour le bien commun de la nation.
Il ne sera pas rare de trouver, m�me au XIe si�cle, des chartes qui mentionnent
ainsi des donations ou ventes, portant sur des manses avec leurs hommes ou
femmes : en 1034, donation de quatre manses et un bois situ�s � V�ho, � l'abbaye
de Saint-Remy, par les comtes Godefroy et Hermann, de Lun�ville; en 1076,
donation d'un alleu � Moyenmoutier, par Thiesselin de Montigny.
Il fallut plus de temps pour �tablir, dans notre contr�e, les cadres d'une
organisation politique un peu pr�cise. On sait que les successeur, de Clovis
fond�rent le royaume d'Austrasie, qui eut Metz pour capitale. Leur premier soin
fut de subdiviser les cit�s en pagi, ou pays. On eut ainsi, � gauche de la
Vesouze, dans la cit� leuquoise, le pagus Calvomontensis (Chaumontois), et, �
droite, dans la cit� m�diomatrice, le pagus Albensis (Albechove, Albechau), qui
fut bient�t, � cause de son �tendue, subdivis� en pagus Sarravensis (pays de la
Sarre), et en pagus Albensis proprement dit (14). L'atlas de Longnon marque
nettement ces circonscriptions. Apr�s le sectionnement qui vient d'�tre rappel�,
le pagus Albensis s'�tendait dans la direction de Metz, en une longue bande de
terrain, qui commen�ait � la Vesouze et se prolongeait jusqu'� l'embouchure de
l'Albe, dans la Sarre, � Sarralbe. Deux portions assez disparates le formaient :
l'Albe septentrionale, avec Sarralbe pour centre, et l'Albe m�ridionale, group�e
autour du Blanc-Mont. Cette derni�re portion est la seule qui nous int�resse.
Chose singuli�re, elle finit par empi�ter assez fortement sur le Chaumontois,
pour �tre recul�e jusqu'� la Blette, et m�me jusqu'� la Verdurette. C'est qu'un
acte de 816 place Bonmoutier dans l'Albechove, et qu'un autre, de 985, y place
�galement Vacqueville, Montreux et Nonhigny.
Les �v�ques, en divisant leur dioc�se, prirent les territoires des pagi pour en
faire leurs archidiacon�s (dioc�se de Toul) et leurs archipr�tr�s (dioc�se de
Metz). Deneuvre fut le si�ge de l'archidiacon� qui englobait la partie touloise,
tandis que la partie messine fut rattach�e � l'archipr�tr� de Marsal.
Le IXe si�cle s'�coula lamentable dans l'ensemble, sans toutefois rien de
sp�cial pour notre r�gion. Il faut attribuer ces malheurs aux partages
successifs de l'Austrasie, qui d�cha�n�rent sous les Carlovingiens des
comp�titions aussi sanglantes que sous les M�rovingiens, et sem�rent une
anarchie aussi funeste. A peine institu�e en 855, la Lotharingie fut de nouveau
d�membr�e en 870, par le trait� de Moerschen. Charles le Chauve eut le Toulois
et le ban de Senones; Louis le Germanique eut Metz, le
comt� de la Moselle, les abbayes de Moyenmoutier, Etival, Remiremont, Bonmoutier,
les pagi de la Nied, de la Sarre, de la Seille, de l'Albe, du Xaintois et du
Chaumontois. Ce fut le temps de la licence la plus d�sordonn�e, m�me dans les
monast�res, o� la vie religieuse fut suspendue.
S'il faut en croire le chroniqueur Richer, les moines de Senones �� sortaient du
clo�tre � leur guise, se livraient � l'ivrognerie et � des exc�s tels que sa
plume refuse de les d�crire pour ne pas �tre souill�e par leur souvenir �. A
Moyenmoutier, dans toute la V�ge auparavant si �difiante, l'esprit �tait aussi
d�plorable. Ces tristesses rejaillissaient sur les peuples. L'essor heureux des
ann�es pr�c�dentes s'arr�ta net et le d�couragement se r�pandit partout.
L'�v�que de Toul, Frothaire (814-849), signale dans une lettre l'�tendue de la
mis�re publique et nous apprend les ravages des b�tes fauves pullulant dans les
for�ts. �� Plus de 220 loups, �crit-il, furent abattus sur le ban de Moyenmoutier,
durant son �piscopat, apr�s qu'une multitude de personnes avaient �t� d�vor�es
par ces b�tes malfaisantes. �
Peu apr�s survinrent les incursions des Normands et des Hongrois. Les premiers,
battus � Remich (en 882), ne d�pass�rent pas Metz; mais les seconds envahirent
nos pays jusqu'� trois fois. En 910, venant de B�le, ils saccag�rent Saint-Di�,
Etival, Remiremont, Moyenmoutier; personne ne les arr�ta. En 917, de nouvelles
bandes revinrent � la charge, surtout du c�t� de Remiremont. Enfin, en 927,
d�bouchant toujours des cols vosgiens, ces bandits descendirent le long la
Meurthe et balay�rent tout le pays jusqu'� Metz. Apr�s avoir br�l� plusieurs
villages entiers et vingt-deux �glises ou monast�res proches de cette grande
ville, ils revinrent � Toul et s'�coul�rent vers la France et m�me vers
l'Italie, en renouvelant partout leurs m�faits. A leur des pillards continu�rent
de r�der partout, en imitant leurs brigandages. L'autorit� publique �tait
tellement faible qu'en 955 le calme et l'ordre �taient � peine r�tablis. Il
fallait, dans ces milieux d�sempar�s, un ordre nouveau, une discipline plus
ferme, qu'apporta la soci�t� romane.
(A suivre)
(1) Voir notre �tude sur les Voies gallo-romaines dans le bassin de la Meurthe :
Revue historique de la Lorraine, 1930, p. 198.
(2) Sur les antiquit�s du Donon furent publi�es d'int�ressantes notices par
GRAVIER : Histoire de Saint-Di�, et par divers arch�ologues dans le Journal et
le Bulletin de la Soc. philom. des Vosges, 1827, 1876. 1877, 1892, 1893, 1898.
(3) Berg occupait le Haut du mont, portion du ban d'Igney, � quelque distance de
la gare actuelle d'Avricourt. Ce lieu, d�truit par les Su�dois, servit
d'�glise-m�re jusqu'au XVIe si�cle, pour Avricourt et Moussey. Des fouilles
r�centes y ont mis � jour un linteau portant la date CM (900).
(4) Pour ces trouvailles arch�ologiques, voir : BEHNHARDT : Deneuvre et Baccarat
; TH�DENAY : Antiquit�s romaines trouv�es par M. Payard. J.S.A. L., 1888;
BEAUPR� : R�pertoire arch. pour le d�p. de M.-et-M.
(5) PARISOT : Les Origines. du christianisme dans la Premi�re Belgique, M.S.A.L.,
1914.
(6) M. TOUSSAINT : La Lorraine � l'�poque gallo-romaine,:p. 164.
(7) Bonmoutier fut cr�� pour des religieuses, et Thietberge, fille de saint
Bodon, en fut la premi�re abbesse.
(8) Effonville est sur l'Apance, dans la Haute-Marne. Une opinion
pr�tendait-jadis identifier Offonville avec Fenneviller, pr�s de Badonviller,
mais elle est abandonn�e comme insoutenable.
(9) E. CHATTON : Histoire de Saint-Sauveur et de Dom�vre.
(10) J�R�ME : Histoire de Moyenmoutier.
(11) L'expression �� Oblionem montem� d�signe un ancien village d�truit par les
Su�dois, situ� sur le ban actuel d'Igney au lieu dit : Haut du mont, qui se
nommait Berg ou Mont et qui fut l'�glise-m�re pour Avricourt, Moussey et
Foulcrey. L'expression �� Lembulceras � est plus obscure et n'a pas surv�cu. Elle
n'a d'approchant que le bois du Bouxi ou Bouchot. vers Saint-Martin, La
ressemblance avec Lenterres est frappante.
(12) JOUVE : Etude g�ographique sur le ban de Senones.
(13) R. PARISOT : Le royaume de Lorraine,; abb� CHATEl.AIN : Le comt� de Metz,
Jahrhuch, 1898; DIGOT : Hist. de Lorraine, I
(14) On cite des d�doublements pareils, accomplis au cours des IXe et Xe
si�cles; ainsi le Vermois, cr�� dans le Chaumontois. -R PARISOT : Le Royaume de
Lorraine, p. 31, et les Origines de la Haute-Lorraine, carte et page 80.
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