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La Grande guerre. La Vie en Lorraine
Ren� Mercier
Edition de "l'Est r�publicain" (Nancy)
Date d'�dition : 1914-1915
La Grande-Guerre
LA VIE EN LORRAINE SEPTEMBRE 1914
L'Est R�publicain
NANCY
Septembre 1914 fut pour la Lorraine l'�poque � la
fois la plus critique et la plus magnifique. En
ao�t, on avait vu la hardie �quip�e de Mulhouse. On
assista en septembre � l'h�ro�que d�fense du
Grand-Couronn� de Nancy.
C'est ce mois-l� qu'un Taube jeta, pour la premi�re
fois, sur la capitale lorraine des bombes
meurtri�res, et que Nancy fut bombard�e.
C'est encore ce mois que les Allemands, rejet�s sur
l'Aisne par nos arm�es, durent �vacuer une grande
partie du territoire lorrain et quitter Lun�ville.
Ces dangers et ces victoires, il est bon de les
revivre. Et si le r�cit des atrocit�s commises par
les Barbares serre le coeur douloureusement, le
souvenir de l'ardente bataille qui �loigna de nous
les hordes sauvages �veille le sentiment puissant
des plus nobles esp�rances.
Ren� MERCIER.
LA SITUATION
Communiqu� du minist�re de la Guerre, le 30 ao�t, �
23 heures.
L'ensemble de la situation est la m�me que dans la
matin�e.
A L'EST
Apr�s une accalmie, la bataille a repris dans les
Vosges et en Lorraine
SUR LA MEUSE
Sur la Meuse, � Sassey, pr�s d'un r�giment
d'infanterie ennemie, qui tentait de passer la
rivi�re, a �t� presque compl�tement an�anti.
AU NORD
A notre gauche, le progr�s de l'aile marchante
allemande nous oblige � c�der; du terrain.
LE RETOUR DES POSTES
Nancy, 31 ao�t.
M. L. Mirman, pr�fet de Meurthe-et-Moselle, a re�u
ce matin le personnel des postes et t�l�graphes qui
lui a �t� pr�sent� par M. Ravillon, directeur
int�rimaire.
�� Vous voici, leur a-t-il dit en substance, de
retour � Nancy. Votre d�part a caus� ici une grosse
�motion. De ce d�part vous n'�tes en aucune fa�on
responsables. Vous �tes soumis � une rigoureuse
discipline. Vous avez re�u un ordre pr�cis de
d�part; quelle que f�t votre tristesse vous ne
pouviez pas ne point l'ex�cuter, vous ne pouviez pas
le discuter; vous deviez ob�ir ; vous avez ob�i.
Autant l'ordre de d�part vous avait attrist�s,
autant l'ordre de retour vous a r�jouis. Je ne peux
croire un instant qu'il se trouvera � Nancy une
seule personne assez ignorante de votre discipline
professionnelle pour ne pas comprendre cette
situation et faire peser sur vous, � l'occasion de
ce d�part des postes, une responsabilit� morale qui
ne vous appartient pas. Ce serait une v�ritable
injustice. Elle ne sera pas commise, je vous le
promets au nom de la population de Nancy, dont je
connais d�j� le sentiment profond d'�quit�.
Mais aussi je promets en votre nom � cette
population nanc�ienne que tous les efforts
humainement possibles seront faits par vous tous
pour remettre dans le plus bref d�lai tous les
services dans leur �tat normal. La population a le
droit d'attendre de vous ces efforts ; vous y
consentirez all�grement, car je sais de quels
sentiments � la fois de loyalisme professionnel et
de patriotisme, vous �tes anim�s Ainsi sera vite
effac� le souvenir de ce grave et regrettable
incident, au sujet duquel le gouvernement recherche
et saura discerner les responsabilit�s, et dont la
population de Nancy et vous-m�mes avez �t� � des
titres divers les victimes. �
M. Ravillon, directeur int�rimaire, et dont M. le
Pr�fet a ensuite affirm� les qualit�s de labeur,
d'initiative et de sang-froid, s'est fait
l'interpr�te du personnel tout entier pour remercier
M. le Pr�fet de cette r�ception et pour lui donner
l'assurance formelle du d�vouement patriotique de
tous ses collaborateurs.
DANS LES HOPITAUX
Nancy, 31 ao�t 1914.
M. le Pr�fet de Meurthe-et-Moselle, accompagn� de M.
le Maire de Nancy, a visit�, dans l'apr�s-midi de
dimanche, les �tablissements hospitaliers Marin et
du S�minaire, d�pendant des hospices civils, et la
grande ambulance du Bon-Pasteur, organis�e par la
Soci�t� de secours aux bless�s.
L'�tablissement Marin est sp�cialement affect�s aux
malades. M. le Pr�fet a constat� avec satisfaction
d'abord que le nombre de ceux-ci est beaucoup moins
consid�rable qu'on aurait pu le craindre, ce qui
montre que nos r�servistes et territoriaux ont
support� tr�s all�grement les fatigues de cette
p�riode de guerre ; en second lieu, que la plupart
de ces maladies �taient peu graves ; enfin que les
quelques typhiques �taient rigoureusement isol�s.
Dans chaque salle o� se trouvaient des soldats
r�cemment bless�s, M. L. Mirman a prononc� des
paroles de fiert� patriotique qui ont �t� au coeur de
tous ; quand il a annonc� que dans notre r�gion
l'action de l'ennemi avait �t� arr�t�e puis
nettement domin�e et que de toutes les localit�s o�
ces bless�s �taient tomb�s, les Allemands venaient
d'�tre repouss�s ; quand il leur apporta
l'expression de la gratitude de la ville de Nancy,
qui, gr�ce � leurs efforts, �tait d�barrass�e
aujourd'hui de l'angoisse qui pesait sur elle ;
quand il leur d�clara qu'il venait non les plaindre,
mais les f�liciter de leurs blessures et de leurs
souffrances, tous, les yeux joyeux et fiers,
applaudirent comme ils purent, et c'�tait un
spectacle touchant de voir de braves petits gars aux
deux mains entortill�es rapprocher et tapoter l'un
contre l'autre leurs tampons d'ouate et de linge
pour exprimer leur satisfaction et leur orgueil.
LE FORMIDABLE �TAU
Nancy, 1er septembre.
Les deux grandes pens�es de l'Allemagne guerri�re :
�� l'attaque brusqu�e � et �� la France otage � sont
en faillite.
Pour la premi�re, la r�sistance h�ro�que de la
Belgique l'a fait �chouer, et dans des conditions
d�sastreuses pour le peuple agresseur.
Plus d'un mois apr�s le d�but de la mobilisation,
pr�s d'un mois apr�s-la d�claration de guerre, les
Allemands sont retenus tout pr�s de la fronti�re
fran�aise, et n'ont gu�re pu p�n�trer qu'au prix
d'efforts �normes et qui les affaiblissent de jour
en jour.
Paris se garde. Et Nancy, que les Prussiens
comptaient bien occuper d�s la troisi�me heure, n'a
pas vu le casque d'un uhlan, sauf aux mains des
Fran�ais.
Pour �� la France otage � il s'en va de m�me. Gr�ce
aux Belges, gr�ce � nos loyaux et admirables alli�s
les Anglais unis aux vaillantes arm�es fran�aises,
gr�ce aux Russes qui s'avancent en ouragan dans la
Prusse orientale et en Galicie, gr�ce � la
sympathique neutralit� de l'Italie, la France est
toujours libre, et peut protester devant l'univers
contre la barbarie allemande.
Mieux encore. Ce n'est plus de �� la France otage �
que l'on parle maintenant, c'est de �� la Prusse
otage � que les Anglais ont commenc� � s'entretenir.
Pendant que nos arm�es tiennent les envahisseurs en
respect et leur infligent des pertes consid�rables,
les Russes s'avancent vers Berlin, et font deux
trou�es � la fois.
Les Allemands sont maintenant loin de leur centre de
ravitaillement. Ils ont perdu un grand nombre
d'hommes, et d�pens� une grosse quantit� de
munitions. Ce n'est point la dure contribution de
guerre qu'ils imposent aux villes belges qui leur
procurera des munitions ni leur rendra des hommes.
Ils sont bloqu�s de toutes parts, sur terre et sur
mer, et vou�s � la prochaine famine.
Que peuvent-ils faire ?
Pousser au Nord une tentative d�sesp�r�e sur Paris
comme on se jette au plus profond de l'eau ?
Mais ils ont d�j� vu que la marche n'�tait pas aussi
commode qu'ils le croyaient. Ils n'ont pas �
attendre de renforts. Nos arm�es alli�es seront
augment�es au contraire progressivement et pour
ainsi dire ind�finiment.
Se retourner contre les Russes et aller au secours
de la Prusse envahie ? Mais ils n'iront que pouss�s
ba�onnette au flanc, harcel�s sans cesse par les
Fran�ais, les Anglais et les Belges qui attendent
sans doute impatiemment � Anvers la bonne occasion.
Et en quel �tat arriveraient-ils sous Berlin ?
Poursuivis dans leur retraite au devant des Cosaques
d�j� victorieux.
L'arm�e allemande est prise dans les m�choires d'un
formidable �tau. L'une des m�choires est fixe, la
France, qui ne se laisse point forcer. L'autre est
mobile, la Russie qui avance comme m�caniquement,
broyant toutes r�sistances.
Que les heures passent. Tenons toujours. Plus que
jamais ayons confiance.
Bient�t, bient�t, mes amis, le grand corps allemand
sera serr� dans l'�norme pince de l'Europe.
Et les soubresauts furieux ne nous feront alors plus
de mal.
REN� MERCIER.
AVIS AUX MAIRES
pour les Laissez-Passer
Nancy, 1er septembre.
Monsieur le Pr�fet de Meurthe-et-Moselle vient
d'adresser aux maires du d�partement le t�l�gramme
suivant : �� Vous fais conna�tre qu'autorit�
militaire a d�cid� que les �� laissez-passer �
d�livr�s par les maires ne sont valables que s'ils
ont �t� vis�s par l'autorit� militaire.
�� Les habitants qui sont sur la rive gauche de la
Meurthe ne doivent pas passer sur la rive droite, il
ne leur sera accord� aucun permis de circuler au
del� de la ligne : Dombasle, Buissoncourt, Cercueil,
Laneuvelotte, Bouxi�res-aux-Ch�nes, Montenoy, Bratte,
Sivry. Ville-au-Val, Bezaumont. �
LA SITUATION D'ENSEMBLE
31 ao�t, soir.
1� Vosges et Lorraine
On se rappelle que nos, forces qui avaient pris
l'offensive dans les Vosges et en Lorraine, d�s le
d�but des op�rations, et repouss� l'ennemi au del�
de nos fronti�res ont ensuite subi des �checs
s�rieux devant Sarrebourg et dans la r�gion de
Morhange, o� elles se sont heurt�es � des
organisations d�fensives tr�s solides.
Ces forces ont d� se replier pour se reconstituer,
les unes sur le Grand Couronn� de Nancy, les autres
dans les Vosges fran�aises.
Les Allemands sont alors pass�s � l'offensive. mais
apr�s avoir repouss� les attaques ennemies sur les
positions de repli qu'elles avaient organis�es, nos
troupes ont repris l'attaque depuis deux jours.
Cette attaque n'a cess� de progresser, bien que
lentement. C'est une v�ritable guerre de si�ge qui
se livre dans cette r�gion : toute position occup�e
est imm�diatement organis�e de part et d'autre.
C'est ce qui explique la lenteur de notre avance,
qui n'en est pas moins caract�ris�e chaque jour par
de nouveaux succ�s locaux.
2� R�gion de Nancy et Wo�vre m�ridionale
Depuis le d�but de la campagne, cette r�gion
comprise entre la place de Metz, c�t� allemand, et
les places de Toul et de Verdun, c�t� fran�ais, n'a
�t� le th��tre d'aucune op�ration importante.
3� Direction de la Meuse entre Verdun et M�zi�res
On se rappelle que les forces fran�aises avaient
initialement pris l'offensive dans la direction de
Longwy-Neufch�teau (Belgique) et Paliseul.
Les troupes, op�rant dans la r�gion Spincourt et
Longuyon ont fait �prouver un �chec � l'ennemi
(arm�e du prince royal).
Dans les r�gions de Neufch�teau et Paliseul, au
contraire, certaines de nos troupes ont subi des
�checs partiels, qui les ont contraintes � s'appuyer
sur la Meuse, sans toutefois �tre entam�es dans leur
ensemble Ce mouvement de recul a oblig� les forces
op�rant dans la r�gion de Spincourt � se replier
aussi vers la Meuse.
Au cours de ces derni�res journ�es, l'ennemi a
cherch� � d�boucher de la Meuse avec des forces
consid�rables, mais une vigoureuse contre-offensive
de notre part l'a rejet� dans la rivi�re, apr�s
avoir subi de tr�s grosses pertes.
Cependant, des forces nouvelles allemandes se sont
avanc�es par la r�gion de Rocroy, marchant dans la
direction de Rethel.
Actuellement, une action d'ensemble est engag�e dans
la r�gion comprise entre la Meuse et Rethel, sans
qu'il soit encore possible d'en pr�voir l'issue,
d�finitive.
LE CANON
Nancy, 1er septembre
Le canon a tonn� une grande partie de la nuit et le
matin encore. Mais on s'habitue � cette musique qui
n'�meut plus personne.
On se contente de se demander de quel c�t� vient le
bruit, et on fait des hypoth�ses. C'est tout ce
qu'on peut faire pour l'instant.
AUTOMOBILES ET BICYCLETTES
Nancy, 1er septembre.
Par ordre du g�n�ral commandant la 2e arm�e, la
circulation des automobiles civiles dans le
Grand-Couronn� est interdite.
La circulation des bicyclettes est �galement
interdite.
Les automobiles de la Croix-Rouge circulant seules
seront arr�t�es et confisqu�es.
Seules, pourront circuler les automobiles de la
Croix-Rouge formant un convoi pr�c�d� d'un militaire
portant un pli rouge..
P 0. Le chef d'�tat-major.
Une H�ro�ne
LA T�L�PHONISTE D'�TAIN
La petite ville d'Etain a subi deux bombardements.
Le premier eut lieu lundi, de 11 heures du matin �
11 heures du soir. Il fit de nombreuses victimes. Le
second commen�a le mardi matin, � 11 heures. La
ville fut bient�t en flammes. De nombreuses
personnes p�rirent dans l'incendie.
Le bureau de poste �tait rest� confi� � la garde
d'une jeune employ�e. Loin de c�der � une terreur
bien compr�hensible, cette jeune femme ne quitta pas
son poste. Pendant que les obus pleuvaient sur la
ville, elle se tenait dans son bureau, t�l�phonant
de quart d'heure en quart d'heure � Verdun pour
rendre compte de ce qui se passait.
Le directeur des postes de Verdun �tait en train
d'�couter cette courageuse je�ne fille ; tout d'un
coup, celle-ci s'interrompit et cria : �� Une bombe
vient de tomber dans le bureau �
Et tout rentra dans le silence.
Les employ�s des postes ont eu, en 1870, Mlle Dodu.
La t�l�phoniste d'Etain, en 1914, montre que le
courage de la c�l�bra t�l�graphiste de Pithiviers
anime toujours celles qui l'ont suivie dans la
carri�re.
A BELFORT
Le gouverneur de Belfort signale que des personnes
pr�c�demment �vacu�es de cette place continuent � y
revenir en grand nombre.
Il a d�cid�, en cons�quence, de refuser
rigoureusement l'entr�e de Belfort � toute personne
non munie d'une autorisation sign�e � la fois du
maire de la commune et du pr�fet.
Les maires auront donc � pr�senter tous les
sauf-conduits � destination de Belfort au pr�fet du
d�partement auquel il appartiendra de restreindre au
minimum possible les autorisations accord�es.
A dater du dimanche 30 ao�t, les trains r�guliers
entre Belfort et Dijon ou vice-versa qui avaient �t�
supprim�s pr�c�demment, sont remis en marche entre
ces deux points.
Cette ligne sera, comme d�s le deuxi�me jour de la
mobilisation, desservie par quatre trains circulant
dans chaque sens.
Les trains 203 et 207 sur Vesoul, 210 et 216 de
Vesoul sur Besan�on, restent toujours supprim�s
jusqu'� nouvel avis.
LES LUMI�RES LA NUIT
Le Pr�fet de Meurthe-et-Moselle ; En vertu des
pouvoirs qui lui sont d�l�gu�s par l'autorit�
militaire ;
Sur la demande de M. le G�n�ral de division,
commandant d'armes ;
Consid�rant qu'il importe de mettre un terme aux
signaux lumineux qui, � diverses reprises, ont �t�
signal�s, et que la seule mesure efficace pour
atteindre ce but para�t �tre l'interdiction absolue
d'�clairer les fen�tres ; qu'une telle mesure
constituera � n'en pas douter une g�ne pour tous les
habitants, mais que cet inconv�nient sera
all�grement support� par la patriotique population
nanc�ienne, consciente de l'int�r�t public qu'il
faut � tout prix sauvegarder ;
Arr�te :
Article premier. - A partir du 2 septembre, et
jusqu'� nouvel ordre, d�s la tomb�e de la nuit,
nulle fen�tre ne pourra �tre �clair�e.
Article 2. - Tout agent ou repr�sentant de la force
publique aura droit de perquisition chez l'habitant
qui enfreindrait cet ordre.
Fait � Nancy, le 1er septembre 1914.
Le Pr�fet :
Sign� : L. MIRMAN.
Pour copie conforme : Le Secr�taire g�n�ral Sign� :
ABEILLE.
APPROVISIONNEMENT DE NANCY
Nancy, 1er septembre.
La municipalit� de Nancy vient d'obtenir de
l'autorit� militaire la mise en marche d'un train
hebdomadaire de marchandises de Chagny P.L.M. �
Nancy.
Ce train partira pour la premi�re fois de Chagny le
8 septembre prochain.
Pour l'organisation de ce premier train, M. Antoine
se rendra dans la r�gion lyonnaise d'ici quelques
jours. Il se met � la disposition des commer�ants de
Nancy, jusqu'au 4 inclus, pour faciliter leur
r�approvisionnement.
Les commer�ants qui d�sireraient profiter de ce
train peuvent faire leurs commandes et les envoyer
en gare Chagny � l'adresse : Ville de Nancy Ils sont
pri�s �galement de remettre � l'h�tel de ville le
double de leurs commandes.
ORDRE DE LA PLACE
Des sauf-conduits pourront �tre d�livr�s par les
maires exclusivement aux personnes charg�es de
ravitailler la commune, ou � celles charg�es
d'apporter � Nancy des produits alimentaires.
Ces voyages uniquement destin�s au ravitaillement de
la ville auront lieu de 6 heures � 18 heures.
L'itin�raire suivi sera le m�me � l'aller qu'au
retour.
Les maires de Tomblaine, d'Essey, de Saint-Max et de
Malz�ville, ont �t� pr�venus de cette mesure.
Nancy, le 1er septembre 1914.
Ordre du g�n�ral DURAND.
LES ESPIONS
Nancy, 2 septembre.
Plusieurs espions viennent d'�tre fusill�s dans la
r�gion de Nancy, entre autres un espion surpris en
train de couper des fils t�l�phoniques, un autre qui
faisait des signaux dans les clochers des �glises et
un autre qui posait une antenne de t�l�graphie sans
fil.
LES SOUPES DE GUERRE
Le Poste Saint-Nicolas
Au Restaurant Marchal
Nancy, 2 septembre.
Depuis trois semaines, les �� soupes de guerre �
fonctionnent. Elles donnent, tous les jours, entre
onze heures et midi, un repas aux foyers �prouv�s
par la mobilisation du chef ou des soutiens de la
maison.
Des �� postes � sont institu�s dans tous les
quartiers, particuli�rement dans les �difices
scolaires. Des commer�ants s'improvisent
administrateurs de ces �tablissements populaires, de
ces cantines qui ont d�j� �cart� dans maint quartier
les horreurs de la faim.
Sous la conduite de M. Ramel, le sympathique
entrepreneur de peinture, nous avons assist�, hier,
au fonctionnement du poste install�, en face, au
restaurant Marchal.
M. Marchal est parti, d�s le d�but de la guerre. Il
a re�u le bapt�me du feu. Une blessure le retient �
l'h�pital d'Arcachon. Sa femme, en son absence,
exploite le fonds. Mais vous pensez bien que son
commerce lui laissait des loisirs : les usines
d'alentour sont ferm�es, la fabrication des chapeaux
de paille et de la chaussure a cess�. Ch�mage
complet. Alors plus d'ouvriers aux comptoirs des
buvettes ; plus de pensionnaires aux tables des
gargotes.
- Accompagnez-moi donc, nous dit M. Ramel... Vous
vous rendrez compte des services qu'on a obtenus par
l'indispensable association des efforts
administratifs et des concours particuliers.
Tout d'abord, le Bureau de bienfaisance avait
propos� d'ajouter � ses services l'organisation des
secours aux indigents ; mais un irr�sistible �lan de
philanthropie, disciplin� par d'habiles initiatives
et d'infatigables d�vouements, montra bient�t que,
pour r�aliser enti�rement son oeuvre sociale, M.
Antoine pouvait compter sur l'intelligence et le
z�le des citoyens. Les r�sultats ont justifi� la
confiance de l'honorable conseiller :
- Tout marche � merveille, nous dit M. Ramel. Les
approvisionnements consistent en viande provenant de
la boucherie militaire. Les abattoirs livrent en
abondantes quantit�s la fressure, le coeur, ce que
les m�nag�res appellent commun�ment les �� int�rieurs
� et cela fournit un excellent bouillon. C'est mon
camarade Wendler, le brave entrepreneur de
menuiserie, qui assure la marche r�guli�re des
services. T�che d�licate et lourde. On ne lui
marchande pas trop les moyens ; mais il a �t�
souvent oblig� de recourir � son ing�niosit�
personnelle pour se les procurer. Songez qu'on fait
une cuisine dont le prix de revient est d'environ
six centimes par ration. Il me para�t difficile de
faire meilleure ch�re avec aussi peu d'argent.�
M Ramel me propose de go�ter la soupe.
Au fond du restaurant Marchal, les fourneaux
rougeoient. Un feu ardent maintient en �bullition
les marmites d'o� s'exhale une savoureuse odeur de
pot-au-feu. Le personnel s'empresse ; une jeune
femme pr�pare les morceaux de viande, une autre
�pluche poireaux, choux et carottes ; l'attention du
cuisinier surveille le travail. Encore dix minutes -
et la distribution commencera
Le quartier de la Prairie, les habitants des rues
Sainte-Anne, Didion, Charles-III, Saint-Nicolas, de
la Salle, composent la principale client�le.
Toutes les classes sont r�unies dans une commune
d�tresse. Des barbes hirsutes, des gar�ons qui
tra�nent la savate et des fillettes qui vont
nu-pieds ; caracos rapi�c�s, blouses en lambeaux,
vieux v�tements que l'a�n� trop grand abandonne aux
cadets. Ouvriers que les cheveux blancs, la maladie
ou quelque infirmit� retiennent � Nancy ; m�nag�res
aux yeux rougis par la fatigue des veill�es et les
tristesses des adieux ; gamins dont la tignasse
s'�bouriffe et nimbe d'or clair la candeur timide ou
inqui�te du visage, toute la pauvret� des taudis
vides accourt vers la distribution des soupes de
guerre Nous allons jeter un coup d'oeil � la cuisine.
Tout heureux, avec un grain de fiert�, le �� chef �
en tablier a rempli deux bols que nous d�gustons
avec plaisir.
- Votre soupe sera meilleure qu'hier, annonce M.
Ramel, aux braves gens dont le nombre grossit
d'instant en instant. Tenez pr�ts vos tickets... �
Personne ne se fait r�p�ter la recommandation. Deux
petits chiffons de papier tremblent dans toutes les
mains. Un silence. On cesse de se raconter entre
voisins toutes les histoires exag�r�es ou fausses
qui circulent dans le quartier � travers les
inqui�tudes d'une population dont le canon enfi�vre
l'esprit.
Onze heures.
Une ru�e se produit ; une bousculade o� les gosses
essaient de se faufiler adroitement pour �� gagner
une place � ; mais les vieux, sans indulgence,
interviennent. Chacun son tour, n'est-ce pas ? Rien
de plus juste. Les premiers arriv�s doivent �tre les
premiers servis.
Il y a l� une extraordinaire collection
d'ustensiles, les pots-de-camp en fa�ence bleue, les
bo�tes-laiti�res en fer blanc, casseroles, brocs,
vases de toutes formes, seaux � confitures Faute de
r�cipient plus volumineux, un gosse en haillons tend
une esp�ce de terrine ordinairement employ�e pour
les rillettes de Tours, presque un coquetier :
�� - J'ai pas autre chose... � Et son embarras trahit
moins l'ennui de rapporter � la maison si peu de
soupe que la confusion de para�tre ridicule aux yeux
de tout ce monde.
Parfois des erreurs se produisent. Des familles
viennent �� toucher � au restaurant Marchal, alors
que leurs bons sont valables pour l'�cole
Saint-Pierre ou pour la laiterie Saint-Hubert.
M. Ramel explique alors :
�� - Tu vois, mon petit, nos bons sont marqu�s d'une
M. Le tien est marqu� d'un C � l'encre rouge. �a
signifie que c'est chez M. Couillard, rue Pichon,
qu'il faut aller. Dis-le � ta maman.. �
Si l'on acceptait, en effet, dans tel �tablissement
ceux qui sont inscrits ailleurs pour les secours, on
s'exposerait � manquer ici de rations, tandis
qu'ailleurs on perdrait au contraire une pr�cieuse
quantit� de viande et de bouillon :
�� - Je distribue 350 soupes en moyenne, d�clare M.
Ramel. Il y a trois jours, j'en ai distribu� 530 ;
mais ce chiffre ne sera plus atteint. On comprenait
dans ce maximum plusieurs rues qui s'approvisionnent
maintenant � l'�cole Saint-Pierre. �
M. Ramel ajoute une int�ressante constatation.
Chaque bon repr�sente environ trois rations. Les
familles les plus nombreuses se composent de sept
personnes ; mais elles sont plut�t rares :
�� - Notre installation est tr�s modeste; nous avons
utilis� le mat�riel d'un restaurant dont la patronne
s'est mise sans h�siter � notre disposition. Mais �
l'Ecole sup�rieure de la Ville-Vieille, M. Antoine
et ses amis ont organis� de toutes pi�ces un poste
mod�le o� s'alimente le quartier des Trois-Maisons.
Nous serons en mesure d'att�nuer les d�tresses, les
mis�res auxquelles le ch�mage des usines et toutes
les cons�quences de la guerre r�duiront la
population laborieuse de Nancy �
A tant de nobles efforts ne manqueront point de
s'associer tous ceux dont la sensibilit� s'�veille
au douloureux spectacle de tant de pauvres gens qui
sont aujourd'hui presque sans pain et que la
prolongation des hostilit�s priverait de feu.
ACHILLE LIEGEOIS.
PR�CAUTION N�CESSAIRE
Nancy, 3 septembre.
Il ne faut point s'�tonner du transfert du
gouvernement ailleurs qu'� Paris.
C'est une simple pr�caution, une pr�caution
n�cessaire � tous les points de vue.
Le gouvernement a besoin, dans l'int�r�t de la
d�fense nationale, de se tenir en communication
constante avec toute la France. Tous les services
administratifs sont solidaires, et tous sont
indispensables � la vie publique.
Sans cette collaboration intime, le d�sordre
r�gnerait. La meilleure volont� ne remplace en effet
ni l'information exacte, ni la documentation, ni la
science.
Le gouvernement se place hors des centres que l'on
menace d'isoler, comme l'�tat-major se garde un peu
�loign� de la ligne de feu.
Cela ne veut nullement dire que Paris risque d'�tre
pris. En 1870, il r�sista h�ro�quement pendant de
longs mois, et pourtant il n'�tait pas prot�g� par
la puissante couronne de forts que l'on a maintenant
�largie.
De plus, la France � cette �poque �tait abandonn�e
de tous. Aujourd'hui elle est admirablement aid�e �
l'Est par les Russes, � l'Ouest et sur mer par les
Anglais, au Nord par les Belges retir�s au camp
d'Anvers, et toujours pr�ts � l'offensive.
Enfin Paris n'est pas encore sur le point d'�tre
investi. En aucun cas il ne peut �tre enti�rement
bloqu�.
Mais le gouvernement a le devoir d'envisager toutes
les �ventualit�s, m�me les plus invraisemblables.
Il a le devoir de conserver toute sa libert�, de
voir de loin et de haut, d'organiser la d�fense du
sol d'apr�s les �v�nements survenus chaque jour, et
d'apr�s les plans anciens ou les desseins nouveaux.
Pour ces raisons seulement il a quitt� Paris et
s'est rendu � Bordeaux.
A Bordeaux comme � Paris, il travaillera ardemment
au salut de la patrie et au triomphe de.la
civilisation.
REN� MERCIER.
ACAD�MIE DE NANCY
F�licitations minist�rielle
Dans un rapport d'ensemble au ministre de
l'Instruction publique, le recteur de l'Acad�mie de
Nancy a donn� un aper�u sommaire des services que
rendent, dans les h�pitaux et les diff�rentes oeuvres
municipales d'assistance, etc., avec la plus noble
�mulation et un entier d�vouement, les membres des
Facult�s et Ecoles de l'Universit� de Nancy, les
chefs d'�tablissements dans les Lyc�es et Coll�ges
de gar�ons et de jeunes filles, avec une bonne
partie de leurs professeurs, les directeurs et
directrices des Ecoles normales et, en g�n�ral, de
toutes les Ecoles publiques, bon nombre
d'instituteurs et d'institutrices, et m�me des
�l�ves-ma�tres et �l�ves-ma�tresses � peine sortis
des Ecoles normales, ou qui vont y entrer.
Le ministre a r�pondu au recteur, en date du 28
ao�t, la lettre suivante, dont celui-ci s'empresse
de donner connaissance :
�� Les membres du personnel enseignant de l'Acad�mie
de Nancy sont � un poste d'honneur. Je savais que,
en temps de guerre comme en temps de paix, le
Gouvernement pouvait compter sur leur d�vo�ment au
bien public et leur ardent patriotisme.
�� Je vous prie de les remercier de leur
collaboration si pr�cieuse � l'oeuvre de la d�fense
nationale, et de leur transmettre l'expression de ma
vive sympathie et de ma profonde gratitude.
�� Sign� : Albert SARRAUT. �
Contre l'Espionnage
Nancy, 3 septembre.
Le pr�fet de Meurthe-et-Moselle porte � la
connaissance des populations du d�partement les
ordres suivants du haut commandement : Le g�n�ral
commandant la 2e arm�e, r�solu de paralyser
l'espionnage par tous les moyens, prescrit les
mesures suivantes dans toute la partie du
d�partement de Meurthe-et-Moselle situ�e � l'est de
la Moselle :
1� La circulation des bicyclettes est formellement
interdite ;
2� Les personnes � pied ou en voiture � chevaux ne
pourront circuler en dehors des agglom�rations que
munies d'un laissez-passer d�livr� par la
pr�fecture. Les laissez-passer seront valables
seulement de 6 heures du matin � 6 heures du soir ;
3� La circulation des automobiles est interdite.
Seul le commandant de l'arm�e se r�serve le droit
d'accorder des sauf-conduits dans certains cas
strictement limit�s ;
4� Tous les contrevenants aux prescriptions
pr�c�dentes seront arr�t�s, les bicyclettes et
automobiles confisqu�es.
Il est bien entendu que la d�cision du g�n�ral
Durand relative au passage de la rive gauche de la
Meurthe sur la rive droite est maintenue.
Interdiction d'�clairer les Fen�tres
Le pr�fet de Meurthe-et-Moselle,
En vertu des pouvoirs qui lui sont d�l�gu�s par
l'autorit� militaire ;
Sur la demande de M. le g�n�ral de Castelnau,
commandant la 2e arm�e ;
Consid�rant qu'il importe de mettre un terme aux
signaux lumineux, qui, � diverses reprises, ont �t�
signal�s, et que la seule mesure efficace pour
atteindre ce but para�t �tre l'interdiction absolue
d'�clairer les fen�tres ;
Arr�te :
Article 1er. - Il est interdit sur toute l'�tendue
du d�partement de Meurthe-et-Moselle de laisser,
pendant la nuit, des lumi�res apparentes aux
fen�tres des maisons.
Article 2. - Tout agent ou repr�sentant de la force
publique aura droit de perquisition chez l'habitant
qui enfreindrait cet ordre.
Article 3. - Le pr�sent arr�t� sera mis
imm�diatement en application.
Nancy, le 3 septembre 1914.
Le pr�fet : MIRMAN.
Pour copie conforme : Le secr�taire g�n�ral :
ABEILLE.
NOS TROPH�ES
Nancy, 3 septembre.
Les sept canons et la mitrailleuse pris aux
Allemands et qui depuis plusieurs jours �taient
align�s place Stanislas, ont �t� emmen�s, mercredi �
midi et demi, pour �tre conduits dans l'int�rieur de
la France.
Il n'y a pas de pourtant
MONSIEUR
Nancy, 4 septembre.
J'ai assez souvent avec des amis visit� des
�tablissements industriels, commerciaux, agricoles,
des usines qu'emplissait un tapage infernal, des
installations o� r�gnait un silence religieux bien
que des tonnes de minerai fussent enlev�es par
d'immenses bras de fer. Partout je regardais, et
cherchais � comprendre, mais sans me sentir une
suffisante autorit� pour donner des conseils.
Cependant autour de moi j'entendais quelques-uns de
mes compagnons, fort intelligents, ma foi, �mettre
des observations.
- Vous ne croyez pas, monsieur, qu'en tournant la
machine dans ce sens vous auriez un rendement bien
sup�rieur ?
L'ing�nieur qui expliquait avec un orgueil justifi�
la fa�on dont il avait organis� le travail des
hommes et des m�canismes, r�pondait doucement qu'il
avait pendant longtemps �tudi� ces choses, et qu'il
s'�tait d�cid� pour sa m�thode parce qu'il l'avait
jug�e la meilleure.
Mais les curieux ne s'en tenaient pas l�.
- Pourtant, disaient-ils, il me semble...
Et ils d�couvraient subitement des modifications �
faire, des am�liorations � apporter.
D'autres �taient plus affirmatifs, et �mettaient des
critiques, et avan�aient des recommandations.
- Pourquoi n'avez-vous pas fait comme ceci ?
- A votre place je ferais cela.
Et l'ing�nieur, avec un doux ent�tement, r�futait
les critiques et montrait l'absurdit� des
recommandations.
Il avait pass� des jours et des nuits � �tablir les
plans. Il avait sp�cialement dirig� son intelligence
vers cette industrie. Il avait vu et compar� tant et
tant de proc�d�s. Il avait vou� sa vie � cette
science.
Rien n'y faisait.
Le curieux en croyait savoir en une demi-heure de
promenade distraite beaucoup plus que l'ing�nieur en
quarante ans de travail et d'exp�rimentations.
Assur�ment vous avez vu de ces omniscients, et
peut-�tre m�me avez-vous �t� en admiration devant
ceux-l� qui, sachant beaucoup ou ne sachant rien, -
cela n'a pas d'importance, - veulent r�gler toutes
choses suivant leurs vues personnelles.
Il ne leur viendrait pas � l'id�e de confier � un
�b�niste le soin de raccommoder leurs chaussures.
Ils trouvent cependant naturel de surprendre d'un
coup d'oeil le secret des d�fauts d'une immense
machine compliqu�e qu'ils voient pour la premi�re
fois.
Aujourd'hui ces savants pullulent. Ils sont devant
la machine la plus compliqu�e, la plus souple, la
plus myst�rieuse, la plus d�licate, la plus
formidable qui soit : une guerre europ�enne.
Ou plut�t ils ne sont pas devant la machine. Ils
sont devant l'usine o� se trouve cette machine. Ils
entendent des grondements de ci de l�. Ils voient
parfois sortir de la fum�e.
Cela leur suffit.
Ils raisonnent � l'infini, et estiment, suivant la
couleur de la fum�e ou la nature du grondement que
la machine devrait �tre dirig�e dans tel sens, qu'il
vaudrait mieux employer ce moteur que cet autre, que
l'installation manque par tel c�t�, que le d�tail
est mal compris, et l'ensemble d�fectueux.
Oui, la fum�e et le bruit leur ont d'un seul coup
donn� cette exp�rience militaire. Nous sommes
encombr�s de Napol�ons.
Heureuse �poque !
Jamais je n'avais vu autant de strat�ges par les
rues et sur les places. Les terrasses des caf�s sont
des champs de bataille o� les demis remplacent les
r�giments.
A quoi sert de p�lir sur des cartes, de combiner des
plans, de rechercher quel effet produit une arme, de
recueillir les pr�cieux renseignements, de
travailler toute une vie � organiser les services et
�tudier les m�thodes les meilleures pour rendre les
circonstances le plus favorables qu'il se peut ?
Pourquoi nos officiers s'exercent-ils, si
longtemps, si p�niblement, alors qu'il leur suffit
d'�couter un consommateur qui, en deux minutes et en
trois bocks, leur dira tout ce qu'il faut faire, et
bien d'autres choses encore ?
Moi, je suis �merveill� de cette science qui
m'entoure et me presse. Et je ne peux pas m'emp�cher
de fredonner ces deux vers, - si on peut dire, - que
j'ai entendu chanter autrefois :
Jamais j'ai vu tant de mouches !
Jamais j'ai vu si de mouches !
Je pense aussi au dessin qu'un de mes bons amis
publia lors des affaires de Madagascar :
Deux bons bourgeois sortent d'un urinoir. L'un tient
l'autre par un bouton de la veste, et lui crie :
- Il n'y a pas de pourtant, monsieur, et
rappelez-vous bien ceci : Moi gouvernement,
Tananarive �tait en mon pouvoir dans les
vingt-quatre heures.
Il n'est aujourd'hui presque pas de citoyens qui ne
se croient capables de r�duire l'ennemi en une
demi-journ�e.
Heureusement le travail est bien distribu�. Pendant
que les uns parlent, les autres agissent..
JEAN DURBAN.
LA CIRCULATION DES BICYCLETTES
T�l�gramme officiel.
Nancy, le 4 septembre 1914.
Je vous ai t�l�graphi� ce matin que la circulation
des bicyclettes �tait d�sormais interdite sur toute
la rive droite de la Moselle.
Le g�n�ral commandant la 2e arm�e vient d'�tendre
cette interdiction � toute la partie du d�partement
situ�e sur la rive gauche, au sud de la route de
Pagny-sur-Meuse, � Foug, Ecrouves et Toul.
La circulation en bicyclette sera permise seulement
sur cette route jusqu'� Toul et au nord de cette
route sur la rive gauche de la Moselle seulement.
SURVEILLEZ !
Nancy, 4 septembre.
Les municipalit�s devront surveiller avec le plus
grand soin, sous leur responsabilit� et sous peine
de sanctions s�v�res, les individus suspects, les
clochers d'o� peuvent partir des signaux, les lignes
t�l�graphiques et t�l�phoniques.
(Ordres du haut commandement.)
CROIX-ROUGE
Les automobiles de la Croix-Rouge ne pourront
d�sormais circuler que si elles sont group�es en
convoi r�gulier, avec un chef de convoi militaire,
muni d'un laissez-passer rouge, d�livr� par le
commandant d'armes de Nancy, les commandants de
corps d'arm�e, le g�n�ral directeur des �tapes et
des services, et le commandant de l'arm�e.
(Ordres du haut commandement.)
L'AME DE LA FRANCE
Nancy, 4 septembre.
M. L. Mirman, pr�fet de Meurthe-et-Moselle, a
adress� au Pr�sident du Conseil le t�l�gramme
suivant
�� Les populations de Meurthe-et-Moselle loin d'�tre
�mues par le repliement du Gouvernement � Bordeaux y
voient un acte de fermet� patriotique qui fortifie
leur confiance.
�� Les Allemands se figuraient qu'en mena�ant Paris
ils �branleraient l'�me de la France.
�� Vous leur faites conna�tre que Paris est une
admirable ville dont la ceinture est et sera
�nergiquement d�fendue. Mais vous leur faites
conna�tre aussi par ce geste que l'�me m�me de la
France ne peut �tre atteinte en aucune de nos cit�s,
f�t-ce la capitale, parce que cette �me est partout
pr�sente, faite de la volont� unanime de la Nation
et de sa certitude de vaincre.
�� Au nom des vaillantes populations de ce
d�partement �prouv� mais indomptable, je vous prie
d'agr�er l'assurance de notre patriotique
d�vouement. �
LA SITUATION G�N�RALE
Paris, 5 septembre, 2 heures.
Un communiqu� du minist�re de la guerre au bureau de
la Presse, � Bordeaux, dit :
A notre aile gauche
A notre aile gauche, l'ennemi para�t n�gliger Paris
pour poursuivre sa tentative de mouvement d�bordant
Il a atteint La Fert�-sous-Jouarre, d�pass� Reims et
descend le long et � l'ouest de l'Argonne.
Mais cette manoeuvre n'a pas plus atteint son but
aujourd'hui que les jours pr�c�dents.
En Lorraine et dans les Vosges
A notre droite, en Lorraine et dans les Vosges, le
combat continue, pied � pied, et avec des
alternatives diverses.
Maubeuge bombard�
Maubeuge, violemment bombard�, r�siste
vigoureusement.
MISE EN DISPONIBILIT� DU
Directeur des Postes de
Nancy
Le �� Journal officiel � publie un d�cret aux termes
duquel M. Anne-Marie-Emile St�phan Husson, directeur
des postes et des t�l�graphes, est mis en
disponibilit� d'office.
Cette mesure, qui est la sanction officielle
d'incidents regrettables qui se sont produits dans
le service postal de Nancy vers le d�but de la
guerre, est pr�c�d�e d'un d�cret dat� du 31 ao�t,
aux termes duquel : �� les peines du troisi�me degr�
pr�vues � l'article premier du d�cret du 9 juin 1906
: d�ch�ance de grade, disponibilit� d'office,
exclusion, r�vocation, sont, pendant la dur�e de la
mobilisation et jusqu'� la cessation des hostilit�s,
prononc�es directement par le ministre, sur la
proposition des directions comp�tentes de
l'administration centrale et conform�ment aux
distinctions �dict�es par l'article 4 dudit d�cret�.
Les sanctions prises en vertu de cet article peuvent
faire, de la part des ayants cause, l'objet d'un
recours en r�vision devant le conseil central de
discipline, lorsque le fonctionnement normal de ce
conseil aura pu �tre assur� � nouveau et dans un
d�lai de deux mois apr�s son r�tablissement.
La Circulation des Bicyclettes
DANS LA ZONE DES
ARMEES
Nancy, 5 septembre.
Le haut commandement a d�j� interdit la circulation
des bicyclettes sur la rive droite de la Meurthe.
Cette interdiction vient d'�tre �tendue � toute la
partie, du d�partement situ�e sur la rive gauche, au
sud de la route de Pagny-sur-Meuse � Foug, Ecrouves
et Toul.
Il est donc d�fendu d�sormais de circuler en
bicyclette entre la Moselle et la Meuse, dans la
zone limit�e au nord par la route de Pagny-sur-Meuse
� Toul et au sud par la route de Neufch�teau �
Charmes, par Mirecourt et Ch�tenois.
La rive droite de la Moselle �tant rigoureusement
interdite, la bicyclette n'est plus permise que dans
la partie du d�partement situ�e sur la rive gauche
de la Moselle, au nord de la route de
Pagny-sur-Moselle � Foug, Ecrouves et Toul.
La circulation en bicyclette est permise sur cette
route, mais seulement jusqu'� Toul qu'on ne peut
plus d�passer que dans les directions de Dom�vre ou
de Liverdun.
UN AEROPLANE ALLEMAND
lance deux Bombes sur Nancy
Nancy, 5 septembre.
Les Allemands, apr�s avoir tent� d'affoler Paris en
jetant du haut de leurs a�roplanes quelques bombes
dont les Parisiens, apr�s le premier moment de
stupeur, sembl�rent plut�t s'amuser, ont tent� un
nouvel essai d'intimidation. Cette fois c'est Nancy
que les Allemands choisirent somme but de leur
exploits.
Dans la journ�e de vendredi 4 septembre, vers midi,
un a�roplane allemand, volant prudemment � une telle
hauteur qu'il �tait presque invisible, a laiss�
tomber deux bombes sur notre ville.
Rue du Mar�chal-Exelmans
L'une vint tomber rue du Mar�chal Exelmans, dans la
petite cour qui pr�c�de la maison portant le num�ro
35.
L'engin produisit une forte d�tonation qui fit voler
en �clats les fen�tres de l'immeuble et des
habitations voisines.
Le soubassement de la maison subit quelques dommages
; la trappe de la cave fut bris�e ; c'est l� tout le
d�g�t qui, on peut le constater, est de peu
d'importance.
Aucune victime.
Place de la Cath�drale
La seconde bombe vint tomber sur la place de la
Cath�drale ; il allait �tre la demie de midi
lorsqu'elle fit explosion.
En touchant le sol, elle creusa un trou d'un
diam�tre de vingt centim�tres, de peu de profondeur.
Les vitres de la vespasienne voisine furent
enti�rement bris�es ; le garde-vue en t�le qui
l'encercle presque enti�rement fut perc� de
projectiles du c�t� o� la bombe avait �clat�.
La mitraille que contenait l'engin allait frapper la
fa�ade de la boucherie de la Seille, traversant les
volets de fer et la devanture, brisant la glace et
les carreaux d'une fen�tre voisine dont les volets
�taient ferm�s.
Au premier �tage, les petits projectiles qui
semblent �tre des �clats de fonte, traversaient les
volets, brisant les vitres et causant des d�g�ts
dans tout l'appartement.
Par suite du d�placement de l'air, les meubles
l�gers furent renvers�s p�le-m�le au milieu des
chambres.
Quelques pl�tras tomb�rent du plafond couvrant le
tout d'une �paisse couche de poussi�re.
L'h�tel de la Poste, dont le rez-de-chauss�e est
occup� par les bureaux de notre confr�re
l'Impartial, re�ut �galement quantit� de projectiles
qui �corn�rent les murs, bris�rent les vitres des
fen�tres.
De la lanterne de l'agence des automobiles Berliet,
plac�e au-dessus de l'entr�e de la rue du Clo�tre,
il ne reste que la carcasse m�tallique.
La fa�ade de la cath�drale fut �galement cribl�e de
mitraille qui ne fit que de l�g�res �raflures aux
dures et solides tailles de l'�glise m�tropolitaine.
Les maisons se trouvant rue Saint-Georges, en face
de la place, ont re�u �galement quelques projectiles
qui ont d�t�rior� les glaces des devantures, ainsi
que les vitres des �tages.
Fusillade et poursuite
L'explosion venait � peine de se produire que
plusieurs coups de feu retentissaient sur la place
du March�.
Des soldats s'�taient rendu compte en effet qu'un ��
Taube � nous rendait visite ; ils l'aper�urent au
fond du ciel bleu et, malgr� la distance qui les
s�parait du but, ils d�charg�rent leurs fusils dans
la direction de l'a�roplane.
Cinq minutes plus tard, deux de nos aviateurs
s'�lan�aient � la poursuite de l'engin allemand,
mais sans r�sultat.
Un public nombreux assistait avec int�r�t � ces deux
sc�nes de guerre.
Les Victimes
Malheureusement, ce dernier engin a fait des
victimes. Un malheureux vendeur de journaux, M.
Michel Bordener, �g� de 40 ans, demeurant rue
Saint-Nicolas, 64, qui traversait la place, devant
la boucherie de la Seille, fut atteint. Le pauvre
homme alla s'ab�mer sur le trottoir, le cr�ne
fractur�.
D'autres personnes, qui se trouvaient dans le
voisinage, furent �galement atteintes.
Ce sont :
M. Thomas Tabouret, �g� de 35 ans, manoeuvre,
demeurant rue Charles-III, 157, qui fut bless� par
la mitraille sur diverses parties du corps.
Le jeune Joseph Auberhauzer, �g� de 8 ans, demeurant
rue Dauphine, 3, fut l�g�rement touch� � la jambe
droite. Mme Muller, �g�e de 25 ans, demeurant rue
Carnot, 22, � Saint-Max, a �t� bless�e peu
gri�vement � l'�paule gauche, et la jeune Ang�le
Roux, �g�e de 13 ans, dont les parents habitent rue
du Tapis-Vert, 10, a �t� atteinte � la tempe droite.
Les voisins sortirent en h�te pour relever les
bless�s.
Bient�t arrivait une voiture d'ambulance de la
Croix-Rouge. Les victimes y furent plac�es et
rapidement elles furent conduites � l'h�pital civil.
Les m�decins s'empressaient autour des bless�s. M.
Bordener, dont l'�tat ne laissait aucun espoir,
expirait vers 2 heures de l'apr�s-midi.
La jeune Ang�le Roux, qui avait �t� relev�e sans
connaissance, rendait le dernier soupir � la m�me
heure.
Quant aux autres personnes atteintes, il a �t�
constat� que leurs blessures �taient peu graves.
Quelques-unes ont pu regagner leur domicile.
On continue
L'�v�nement a d�fray� toutes les conversations ;
mais la v�rit� nous oblige � dire qu'il n'a pas
soulev� plus d'�motion que la plupart des faits
divers de la vie ordinaire.
D�COR�S !
Nancy, 5 septembre.
- Vous savez ! Un avion allemand vient de lancer une
bombe ?
- Non !
- Si.
- O� �a ?
- Sur la place de la Cath�drale.
- Bon, j'y vais.
Et voil� la foule de courir. Non point de courir
pour fuir la bombe, mais bien de courir pour aller
en voir les effets.
Dans la journ�e, des milliers de Lorrains ont voulu
constater par eux-m�mes. Et les agents de la police
ne suffisaient pas � les faire circuler.
Toute la journ�e on a entendu des conversations
comme celle-ci :
- Vous n'�tes pas all� voir ?
- Non, je n'ai pas eu le temps. J'irai tout �
l'heure ou demain.
- Oh ! vous savez, ce n'est pas grand'chose. En
tombant, la bombe a fait un petit trou comme une
cuvette, elle a �rafl� la charcuterie et la
vespasienne, et a l�g�rement �corch� un pilier de
l'�glise.
- Ah ! et rue Exelmans ?
- Moins encore. Une corniche et un balcon � peine
gratt�s.
- Ce n'�tait pas la peine de faire tant de bruit.
Et les braves gens qui revenaient de l�-bas avaient
un petit air glorieux, l'air de dire :
- Hein ! on fait attention � nous maintenant. Et
nous allons pouvoir conter des choses � nos parents
�loign�s.
Nancy avait l'air vraiment non pas d'avoir re�u deux
bombes, mais plut�t une d�coration de guerre.
Pour un peu on serait entr� dans l'�glise chanter un
Te Deum et on aurait pavois�.
Si les Allemands ont compt� en tuant un marchand de
journaux et une fillette terroriser Nancy, ils se
sont �trangement tromp�s. Ce sont des victimes d� la
guerre comme le sont nos soldats morts au feu. Nous
les honorons. Nous ne pleurons pas.
Non. Ce qu'on a retenu de cette affaire, c'est que
pour produire un effet colossal, les avions
allemands d�t�riorent la fa�ade des charcuteries, et
ne r�ussissent qu'� transformer en monument presque
historique une vespasienne.
Ils appellent �a la guerre.
R. M.
PATIENCE
Nancy, 6 septembre.
Bien qu'on entende le canon tonner avec une violence
inou�e, la population lorraine ne donne aucun signe
d'�nervement. Elle est entra�n�e � ce bruit qui lui
para�t maintenant familier, et qui accompagne son
travail ou ses promenades.
La concision extr�me des communiqu�s officiels ne
lui apporte gu�re de renseignements. La sonorit� de
nos pi�ces d'artillerie lui permet en revanche de
rep�rer ses innombrables hypoth�ses.
Nos compatriotes ont en outre la ressource
d'interroger ceux qui arrivent du front et qui
apportent les plus beaux espoirs, ou d'�couter les
r�fugi�s des villages d�vast�s qui indiquent avec
des exag�rations compr�hensibles les marches et
les contremarches, les incursions et les
refoulements.
Ces renseignements, r�duits ou d�velopp�s � l'exc�s
font prendre patience � tout le monde.
Et la patience est bien la qualit� la plus utile �
l'heure pr�sente.
Les chefs connaissent les forces qu'ils ont en
mains, et savent ce qu'ils veulent. Ils n'ont pas �
se laisser influencer par l'opinion publique. Ils
font marcher ou replier les troupes suivant les
besoins de la tactique qui nous d�livrera � jamais
des Allemands.
Mais on entrevoit, � travers le laconisme myst�rieux
des communiqu�s, une pens�e extr�mement forte,
compl�tement ma�tresse d'elle-m�me. Elle domine la
campagne, et ne s'�meut pas des plaintes excusables.
Elle met le salut de la France au-dessus de toutes
les douleurs locales ou r�gionales, et nous impose
des sacrifices cruels dont la n�cessit� appara�tra
plus tard clairement.
Certes il e�t �t� infiniment plus agr�able d'entrer
en Allemagne comme au d�but de la campagne nous
sommes entr�s en Alsace et en Lorraine. Mais la
guerre n'est pas un jeu o� l'on gagne � tout coup.
Si quelqu'un l'a cru chez nous, c'est que l'on croit
trop ais�ment ce que l'on d�sire. Depuis lors il a
bien fallu r�fl�chir, et comprendre.
Plus la guerre devient dure, et plus sont augment�es
les raisons de garder confiance.
Voil� d�j� plus d'un mois que nous nous battons.
L'ennemi a appuy� de tout son effort, et n'a obtenu
aucun avantage appr�ciable. Il a perdu tant d'hommes
qu'il �vite soigneusement le si�ge des places
fortes. Il sent qu'il n'est pas le plus solide. Ses
troupes sont divis�es.
Son ravitaillement en munitions devient de plus en
plus difficile.
Nous et nos alli�s n'avons donn� que partiellement.
Nos troupes sont intactes. On n'a presque pas touch�
� nos r�serves. Demain, aujourd'hui nous pouvons
mettre en ligne des arm�es qui ne demandent qu'�
marcher. Nos amis de Belgique et d'Angleterre sont
pr�ts. Les Russes marchent � grands pas dans la
Prusse orientale et en Galicie.
Nous durons enfin, nous durons infiniment plus
certes que ne l'auraient jamais pens� les Alemands.
Quelle crainte pourrions-nous donc avoir en des
circonstances pareilles ?
Les villages de la fronti�re lorraine ont �t� les
premiers � souffrir. Les villes du Nord de la France
ont �t� -�prouv�es. Mais personne n'avait jamais
esp�r� que nous sortirions sans dommages de la
guerre la plus formidable qui ait boulevers�
l'Europe.
Que l'on compare notre situation et celle de la
Prusse, et l'on verra tout de suite qui a sujet
d'�tre effray�.
De la pers�v�rance ent�t�e, de la patience, de la
patience, et nous serons bient�t d�livr�s de
l'horreur allemande.
Nous ne travaillons pas pour nous seulement, nous
travaillons aussi, surtout pour nos enfants.
REN� MERCIER.
COMMENT FUT DESCENDU
le �� Zeppelin � de Badonviller
Du �� Petit Journal � :
Depuis le d�but de la guerre, chaque jour nous
apporte de glorieux faits d'armes accomplis par nos
vaillants soldats. Voici un nouvel exploit � ajouter
aux autres si nombreux. C'est la capture du ��
Zeppelin � de Badonviller, descendu par un
d�tachement de territoriaux, command�s par le
sergent Fricandet. Le lieutenant-colonel commandant
le r�giment signale en ces termes cette belle action
:
- Le lieutenant-colonel commandant le r�giment, est
heureux de porter � la connaissance de celui-ci le
compte rendu du sergent Fricandet, de la 12e
compagnie, chef d'un d�tachement accompagnant un
train de ravitaillement � la fronti�re de l'Est.
�� Le samedi 22 ao�t, une patrouille envoy�e aux
abords de la gare de Badonviller me signalait, vers
3 ou 4 heures, qu'un a�rostat devait survoler la
gare.
�� Les nuages ne permettaient pas de l'apercevoir : �
4 h. 30 environ, cet appareil se d�gagea du
brouillard et il fut alors permis de se rendre
compte qu'il s'agissait d'un dirigeable allemand,
type Zeppelin.
Ce dirigeable, apr�s avoir survol� le village de
Badonviller, vint se placer, � 4 heures 40, entre la
gare o� stationnait le d�tachement et un chemin
distant d'environ 500 m�tres, occup� par des
sections de munitions.
�� Il �tait � ce moment � une hauteur de 600 � 800
m�tres ; un feu nourri de 63 fusils fut ouvert ; les
passagers de leur c�t� lanc�rent plusieurs bombes.
L'une d'elles tomba, � 300 m�tres du d�tachement,
sur une maison pr�c�demment incendi�e par les
Allemands ; il n'y eut aucun d�g�t.
�� Il est permis de croire que l'appareil a �t�
atteint dans un de ses organes par les balles de nos
fusils ; nous avons, en effet, constat� tr�s
nettement, apr�s notre tir, que le moteur de
l'appareil fonctionnait irr�guli�rement et nous
v�mes le dirigeable descendre en s'�loignant
lentement. Il dut atterrir � quelques kilom�tres de
Badonviller. Vers 7 heures, un automobiliste de la
place est venu � la gare nous informer de la part de
l'�tat-major de la capture du �� Zeppelin � et des
officiers qui le montaient. � Et le
lieutenant-colonel termine en f�licitant le sergent
Fricandet de son heureuse initiative, et les soldats
du d�tachement d'avoir fait preuve de sang-froid,
d'habilet� et de discipline en restant, sur l'ordre
du chef de d�tachement, � leur poste, quoique tr�s
d�sireux de courir sus � un ennemi, qu'ils voyaient
facile � atteindre.
La Situation de nos Arm�es
EST BONNE
Paris, 7 septembre, 0 h. 50.
Communiqu� officiel, 23 h. 10.
1� A notre aile gauche, nos arm�es ont repris
contact, dans de bonnes conditions, avec l'aile
droite ennemie, sur les rives du Grand-Morin.
2� Sur notre centre et � droite, en Lorraine et dans
les Vosges, on continue � se battre, et aucun
changement n'est signal�.
3� A Paris, l'engagement qui se produisit, hier,
entre les �l�ments de la d�fense avanc�e et les
flancs-gardes de l'aile droite allemande, prit,
aujourd'hui, plus d'ampleur.
Nous avons avanc� jusqu'� l'Ourcq, sans rencontrer
une grande r�sistance.
La situation des arm�es alli�es parait bonne, dans
l'ensemble.
4� Maubeuge continue � r�sister h�ro�quement.
OBS�QUES
Nancy, 7 septembre.
C'est dimanche, � une heure trois quarts, qu'ont eu
lieu, � la chapelle de l'h�pital civil, les obs�ques
de M. Robert Bordener et de la jeune Ang�le Roux,
les deux victimes de la bombe lanc�e par un aviateur
allemand Derri�re le char fun�bre, portant la
d�pouille du malheureux Bordener, suivaient ses
parents et de nombreux amis.
Derri�re celui de la fillette, marchaient en rangs
ses nombreuses camarades d'�cole qui portaient des
bouquets et que dirigeaient leurs ma�tresses
d�vou�es. Puis venaient la m�re et les soeurs de
l'innocente victime.
Dans le nombreux cort�ge, on remarquait M. Mirman,
pr�fet ; Mme Mirman, M. Simon, maire ; Jambois,
conseiller g�n�ral ; Krug, pr�sident de la
commission des hospices ; le vicaire g�n�ral
Barbier,, soeur Louise, sup�rieure de l'h�pital.
L'inhumation a eu lieu au cimeti�re du Sud. Devant
les tombes, M. Simon, au nom de la population
nanc�ienne, a dit un dernier adieu aux deux victimes
dont le souvenir douloureux restera longtemps grave
dans les coeurs.
M. Mirman a ensuite prononc� un patriotique discours
dans lequel, au nom de la nation toute enti�re, il a
apport� une protestation indign�e contre l'attentat
qui a caus� la mort de deux victimes dans une ville
ouverte.
En des phrases touchantes, il a montr� le beau r�le
du soldat qui meurt en combattant pour la d�fense du
pays, de l'a�ronaute qui, sur son fragile appareil,
survole � peu de hauteur les ennemis pour d�truire
les ouvrages d'art.
Puis, en d'�nergiques paroles, il fl�trit
l'a�ronaute qui, haut dans les nuages, sans courir
aucun risque, laisse tomber sur une ville ouverte un
engin qui fait d'innocentes victimes.
�� Celui-l� n'accomplit pas un acte de guerre, il
commet un assassinat. �
M. le pr�fet ayant encore t�moign� son indignation,
a affirm� qu'une nation qui emploie de tels moyens
ne saurait vaincre. Il est certain que la ville de
Nancy n'oubliera jamais les victimes du l�che
attentat et que toutes les fillettes se rappelleront
toujours la mort de leur petite camarade.
Il a termin� en adressant des paroles de consolation
aux deux familles si durement �prouv�es.
Il �tait trois heures quand les assistants,
profond�ment �mus, quitt�rent la vaste n�cropole.
LENDEMAIN DE BOMBE
Le lancement de la bombe de vendredi dernier a fait
l'objet d'un proc�s-verbal o� l'administration
consigne, � propos de la vespasienne endommag�e par
l'explosion, sur la place de la Cath�drale.
�� Que le pr�sent proc�s-verbal est dress� contre
inconnu pour jets de corps durs ayant d�t�rior� un
monument public. �
Se non e vero...
POUR CEUX QUI ONT MANQU� LE TRAIN
Nancy, 7 septembre.
Des imb�ciles dont tout le courage est fait d'avoir
manqu� un train, des semeurs de panique
glorieusement oblig�s � un h�ro�sme inconsolable
parce qu'ils n'ont pu obtenir un laissez-passer, ont
insinu� d'abord que l' �� Est r�publicain � n'allait
pas para�tre, affirm� ensuite qu'il avait failli ne
pas para�tre.
Le bruit a �t� facilement accueilli par certaines
cr�dulit�s promptes � s'�mouvoir.
L' �� Est � continue sans se troubler.
Il cesserait de para�tre :
1� Si Nancy �tait jamais occup� par les Allemands ;
2� Si le papier ou l'encre venait � manquer.
Aucun de ces �v�nements n'entre dans nos pr�visions.
LA DIRECTION.
LA GRANDE BATAILLE
T�L�GRAMME OFFICIEL
Du Nord aux Vosges
Paris, 8 septembre, 0 h. 50 matin.
1� A notre aile gauche; les arm�es alli�es ont
progress� sans que l'ennemi s'y soit �nergiquement
oppos�.
2� Sur le centre, dans la r�gion de Verdun, on
signale des alternatives d'avance et de recul.
Situation inchang�e.
3� A droite, dans les Vosges, nous enregistrons
quelques succ�s partiels.
4� Aux environs de Paris, les �l�ments de la d�fense
avanc�e ont livr�, dans le voisinage de l'Ourcq, des
combats dont l'issue fut favorable aux troupes
fran�aises.
UN COUP DE SAC
Nancy, 8 septembre.
Quelque chose a transform� consid�rablement la
situation. Sinon un fait nouveau, du moins une
d�claration pr�cise.
Les gouvernements anglais, fran�ais et russe ont
clairement expos� que la conclusion de la paix
serait faite en accord unanime entre les puissances
de la Triple-Entente.
Cela signifie que l'accord est aussi intime pour la
guerre qu'il le sera pour la paix.
Certes on n'avait pas � craindre que la Russie
renon��t brusquement � ses victoires, ni que
l'Angleterre abandonn�t une partie dans laquelle est
en jeu tout son avenir.
Mais il est bon que les nations combattantes, en
cette p�riode d'action, affirment leur union
compl�te, leur volont� de vaincre, et songent d�s
maintenant aux conditions de paix qu'il conviendra
d'imposer � l'Allemagne d�finitivement abattue.
La situation ainsi envisag�e est pleine d'espoirs,
quels que soient les sacrifices consentis dans
l'int�r�t du salut commun et pour le triomphe final.
Contre une union pareille, alors que l'Italie
commence d�j� � s'impatienter, des exigences
hautaines de l'Autriche, que peuvent faire les
Allemands ? Rien. Ils sont perdus.
Ils auront encore des sursauts terribles. Ils ne
sauraient �chapper � un sort qu'ils ont de leurs
mains sanglantes rendu in�vitable.
Les troupes allemandes ont p�n�tr� en France. Elles
en sortiront accabl�es par notre artillerie,
pouss�es par nos ba�onnettes. Et � notre tour nous
entrerons en Allemagne comme y sont entr�s les
Russes.
La route est longue � la v�rit�. Allons, encore un
coup de sac, il faut marcher..
REN� MERCIER.
A L'ORDRE DU JOUR
M. le pr�fet a re�u du Quartier g�n�ral l'ordre
suivant :
Ordre g�n�ral n� 71
Le g�n�ral commandant la 2e arm�e cite � l'ordre de
l'arm�e mesdames Rigarel, Collet, R�my, Maillard,
Rickler et Gartener, religieuses de l'Ordre de
Saint-Charles de Nancy, qui ont depuis le 24 ao�t,
sous un feu incessant et meurtrier, donn� dans leur
�tablissement de Gerb�viller asile � environ 1.000
bless�s en leur assurant la subsistance et les soins
les plus d�vou�s alors que la population civile
avait compl�tement abandonn� le village. Ce
personnel a en outre accueilli chaque jour de tr�s
nombreux soldats de passage auxquels il a servi tous
les aliments n�cessaires.
Le g�n�ral commandant la 2e arm�e :
DE CASTELNAU.
Par ordre : le g�n�ral chef d'�tat-major :
ANTHOINE
LA GRANDE BATAILLE
nous est favorable
T�L�GRAMMES OFFICIELS
De Bordeaux, 17 h. 40, le 8 septembre.
Les Allemands se replient sur la Marne perdant des
prisonniers des caissons et des mitrailleuses.
Les arm�es alli�es, y compris les �l�ments de la
d�fense avanc�e de Paris, sont en progression
continue depuis les rives de l'Ourq jusque dans la
r�gion de Montmirail.
Les Allemands se replient dans la direction de la
Marne, entre Meaux et S�zanne.
Les troupes franco-anglaises ont fait de nombreux
prisonniers, dont un bataillon d'infanterie et une
compagnie de mitrailleuses. Elles ont pris aussi de
nombreux caissons.
Ils perdent aussi du terrain au centre
De violents combats se sont livr�s entre La
F�re-Champenoise, Vitry-le-Fran�ois et la pointe sud
de l'Argonne.
Nous n'avons �t� nulle part refoul�s, et l'ennemi a
perdu du terrain aux abords de Vitry-le-Fran�ois, o�
un mouvement de repli de sa part a �t� nettement
constat�.
Ils sont �galement repouss�s en Lorraine
Une division allemande a attaqu� sur l'axe
Ch�teau-Salins-Nancy, mais elle a �t� repouss�e au
nord de la for�t de Champenoux.
D'autre part, plus � l'est, nos troupes ont repris
la cr�te Saint-Mandray et le col des Journaux.
Mandray est une petite commune des Vosges au sud-est
de Saint-Di� et au nord de Fraize. La c�te de
Mandray a 738 m�tres d'altitude.
Halle des Journaux est un �cart de Mandray � l'est
du bois de Mandray.
EN ALSACE
Pas de modification � la situation en Alsace.
De Bordeaux, 0 h. 50, le 9 septembre.
A L'AILE GAUCHE
Les Allemands ayant franchi, dans leur mouvement de
retraite le Petit-Morin, se sont livr�s, en vue de
prot�ger leurs communications, � de violentes et
infructueuses attaques contre celles de nos forces
qui occupent la rive droite de l'Ourq.
Nos alli�s les Anglais poursuivent leur offensive
dans la direction de la Marne.
Sur les plateaux du Nord de S�zanne. nos troupes
progressent, bien que p�niblement.
A NOTRE CENTRE
Violents combats avec alternatives d'avance et de
recul partiels.
A NOTRE DROITE
Situation bonne en avant de Nancy et dans les
Vosges.
LE D�PART DES AUTOS INUTILES
Nancy, 9 septembre.
Le Pr�fet de Meurthe-et-Moselle, inform� que
quelques personnes, aux nerfs vraiment trop
sensibles, se sont �mues hier en constatant ou en
apprenant qu'un certain nombre d'automobiles
quittaient Nancy, tient � pr�munir une fois de plus
la population contre les fausses interpr�tations des
faits les plus simples auxquelles se livrent avec
complaisance les esprits timor�s.
Le fait est ici d'une admirable simplicit� : il a
�t� constat� que, en d�pit de tous les ordres, les
autos �taient encore beaucoup trop nombreuses ; que
ces autos ne servant � rien ou � la simple
distraction des promeneurs, g�naient la circulation
des voitures r�ellement utiles, affect�es � un
service d'int�r�t g�n�ral ; pour mettre un terme �
cette situation, l'autorit� comp�tente a dit � ces
autos : �� Je ne veux plus vous voir. Allez o� vous
voudrez, allez au diable, mais ne restez pas ici. �
Et les autos sont parties.
Avouez qu'il n'est pas n�cessaire d'�tre un h�ros
pour ne pas d�couvrir l� un sujet d'inqui�tude.
(Communiqu�.)
ETEIGNEZ VOS LUMI�RES
Nancy, 9 septembre.
Le Commissaire central rappelle que les
prescriptions de l'arr�t� pr�fectoral du 1er
septembre 1914 sur l'extinction des lumi�res dans
les habitations sont tr�s mal observ�es.
Il croit devoir informer le public qu'� la premi�re
infraction des poursuites s�v�res seront exerc�es et
qu'� la seconde les contrevenants seront arr�t�s et
d�f�r�s � l'autorit� militaire sous pr�vention
d'espionnage.
Le Commissaire central compte sur les sentiments
patriotiques et le bon esprit de la population,
nanc�ienne pour obtenir la stricte observation des
prescriptions de l'arr�t� de M. le Pr�fet.
LE COMMISSAIRE CENTRAL.
A GENTILLY
Une Visite aux R�fugi�s
LE BUDGET DE LA COLONIE
NOTES ET INTERVIEWS
Nancy, 10 septembre.
C'est bien une colonie. Nul mot ne convient mieux.
On dirait vraiment qu'� Gentilly, dans les vastes
salles o� le soleil verse la lumi�re � pleines
fen�tres, un naufrage r�unit p�le-m�le les passagers
d'un navire �chou�, brutalement bris� sur la c�te
par les fureurs de la temp�te.
Il y a l� 657 malheureux. Peu d'hommes ; 124
seulement. Des vieillards, des infirmes, des jeunes
gens aussi, marcaires expuls�s des fermes de la
fronti�re, gars qu'on s'�tonne de retrouver si
robustes et qui, mal � l'aise dans leur oisivet�
trompent leur ennui avec une manille.
L'�tablissement a cong�di� les derniers �l�ves de
nos �coles le 26 juillet. Finies les vacances. Adieu
les parties de plaisir sous les ombrages o� la
jeunesse nanc�ienne s'�battait si joyeusement.
Qui donc e�t os� pr�voir l'affectation actuelle de
Gentilly ? Pas ses fondateurs � coup s�r. M. Antoine
pensait exclusivement aux petits Nanc�iens priv�s
des vacances en plein air ; mais les atrocit�s de la
guerre ont donn�, h�las ! � son oeuvre une autre
destination. Quand les habitants de Nomeny furent
expuls�s de leur foyer, les portes de Gentilly
s'ouvrirent toutes grandes, le 24 ao�t, devant les
r�fugi�s, les �� rescap�s �.
Leur nombre s'est accru sans cesse. Il a fallu
improviser l'organisation des premiers secours. Une
commission municipale s'est mise � la t�che. Elle a
r�ussi. Comme on ne pouvait assurer son traitement �
l'ancien personnel, cuisini�res et blanchisseuses
ont �t� cong�di�es, mais le directeur de
l'�tablissement, M. Jalle, en homme d'initiative et
d'exp�rience, s'est entour� de z�les, de d�vouements
qui ont fait compl�tement face aux besoins.
Nous avons trouv�, ce matin, M. Jalle dans le coup
de feu qui pr�c�de le repas de midi, les manches
retrouss�es jusqu'aux coudes, en tablier de toile
bleue, surveillant les pr�parations du d�jeuner :
-- Excusez-moi de vous recevoir dans une tenue aussi
n�glig�e, dit-il en plaisantant. C'est d'ailleurs
ainsi que je me suis pr�sent� hier � M. le pr�fet,
accompagn� de l'�v�que et du maire de Nancy...
M. Jalle est plus fier, certainement, de ses talents
de cuisinier que de son titre de directeur. Il
expose son budget avec un brin d'orgueil :
- Voici le menu des deux repas quotidiens. A midi,
bouillon, viande (un excellent morceau de foie) et
un plat de l�gumes, pommes de terre, lentilles,
haricots verts. Parfois du macaroni. Toujours du
bouillon. Le soir, je fais des foies en rago�ts,
avec des pois. Chaque ration est de 600 grammes.
- Et les enfants ?
- Le lait abonde maintenant. Il a manqu� pendant
trois jours. Situation p�nible. M. P�rot, le fermier
de Jarville, est venu � notre aide : il a mis �
notre disposition deux vaches superbes qui paissent
dans notre pr� Elles fournissent une quantit�
suffisante de lait. Trente-cinq litres. Nous ne
sommes pas embarrass�s pour traire, car tous nos
pensionnaires sont de la campagne. Les personnes
malades et les enfants au-dessous de deux ans ont
seuls droit � cette alimentation. Pour rem�dier �
quelques sympt�mes plut�t b�nins de chol�rine, l'eau
min�rale de Vals et l'eau de riz ont remplac� le
lait.
De sa poche, M. Jalle extrait un petit carnet :
- Devinez combien je d�pense par jour ?.. Peu de
chose, allez ! Avant hier, j'ai nourri 557 personnes
avec 165 francs... Merveilleux, n'est-ce pas ?
Seulement, pour obtenir ce r�sultat, je m'astreins
souvent � faire le march� moi-m�me. En bonne
m�nag�re, je guette les occasions, je les saisis au
vol. J'ach�te aux mara�chers, d'un seul coup, 700 ou
800 kilos de haricots, leur voiture enti�re, quoi !
On me fait les prix de gros. Et puis nous payons
comptant. Bref, je me d�brouille du mieux possible.
�
Nous nous rappelons qu'avec le budget de la
colonie scolaire, malgr� un personnel r�tribu�
d'environ vingt femmes, M. Jalle joignait ais�ment
les deux bouts : il nourrissait les ma�tres et leurs
�l�ves moyennant vingt centimes par jour. De telles
qualit�s d'administration m�ritent bien quelques
f�licitations :
- Pour le couchage, ajoute M. Jalle, tout le monde
s'�tend sur des paillasses On m'a envoy� hier 200
couvertures et des oreillers ; mais les personnes
valides s'accommodent de la paillasse seulement. Les
hommes sont log�s dans une partie du pavillon ;
l'autre partie est occup�e par les enfants et par
les m�res de famille. Suivez-moi. On visitera
ensemble le campement. �
Ah ! la tristesse morne de ce spectacle Les
d�sastres de la guerre ont amen� � Gentilly, comme
des �paves, les d�bris d'une lamentable humanit�.
Toute une partie de notre pays est repr�sent�e dans
ce lot de mis�res et de deuils.
Nous apprenons bient�t qu'environ trois cents
personnes, chass�es par l'invasion, vont le jour
m�me grossir ce contingent Il faudra se serrer,
rapprocher les paillasses, ajouter des couvertes
pour ces nouveaux h�tes :
- J'aurai tout ce qu'il faut ici pour les recevoir,
constate M. Jalle. Tout, sauf le pain. On devrait
bien joindre � l'annonce de leur arriv�e, quelques
miches de pain frais. Baste ! Cela s'arrangera Je me
tirerai d'affaire. Et puis mes pensionnaires sont
faciles � contenter. �
Pauvres gens ! Ils acceptent leur destin.
Quelque chose en eux s'est bris� au choc de la
catastrophe. Toutes leurs forces se sont �puis�es.
Presque incapables de souffrir encore, ayant gravi
leur calvaire, ils se r�signent, accroupis, l'oeil
fixe, baign�s d'une atmosph�re de m�lancolie qui
r�chauffe leur �me, qui verse l'illusion de la paix
� ces d�tresses sur lesquelles s'est abattue la
tourmente.
Les femmes du m�me village ont rapproch� leurs bancs
comme pour les bavardages du couarail. La plupart
endorment un enfant au creux de leurs genoux
lentement balanc�s ; d'autres pressent contre leur
sein nu une t�te blonde dont les paupi�res sont
closes ; d'autres exercent l'agilit� de leurs doigts
aux travaux de couture ou de tricot, reprisent un
jupon, plient du linge, tout en causant � voix
basse.
Des fillettes poussent les voiturettes o� reposent
les marmots qui rient aux anges, agitent leurs
petits bras, jouent avec un hochet ou leur biberon ;
des gosses portent une cuiller�e de sable � la
bouche de leur poup�e �� qui r�clame du g�teau � ;
ceux-ci se roulent sur les paillasses ; ceux-l�
dessinent un �� bonhomme � ou une �� maison � en
traits d'une incoh�rente na�vet�. Et tout cela
emplit l'immense pr�au d'un vacarme de nursery.
Nous rencontrons M. Colson, l'honorable maire de
Champenoux ; l'instituteur, M. Blaise l'accompagne.
Ils ont quitt� leur commune depuis vendredi.
M. Colson a emport� les registres de l'�tat civil.
Il a dress� la liste des familles auxquelles sont
distribu�s les secours pr�vus par la loi du 4 ao�t :
- Il est juste, en somme, d�clare-t-il, qu'un
pr�l�vement soit fait sur ces secours par la
municipalit� de Nancy qui vient si g�n�reusement �
l'aide de nos infortunes. Certains foyers, en effet,
touchent une allocation totale de 100 francs et m�me
davantage. Champenoux compte huit familles
hospitalis�es � Gentilly. Nous t�cherons de payer
pour elles. �
La charit� lorraine videra demain dans les
souscriptions une obole que Nancy ne marchande
jamais � ceux qui sollicitent son coeur et sa bourse.
On donnera des v�tement, du linge, de la literie, de
l'argent ; on donnera pour les vieillards, pour les
m�res, pour les b�b�s ; on donnera encore et
toujours pour r�aliser le sauvetage de ces �tres
sans d�fense ; mais nous approuverons la sagesse des
administrateurs qui suivront l'exemple de M. Colson.
Pendant notre conversation, les pr�paratifs du
d�jeuner animent la �� chambre des hommes � vite
transform�e en r�fectoire.
Une app�tissante odeur s'�chappe des cuisines. Mme
Faverot, dont le fils fut tu� devant Arracourt d�s
les premiers jours de la guerre, surveille quatre
marmites dont les dimensions raviraient Gargantua.
Dans un ordre parfait, avec une discipline que font
sans peine respecter les d�l�gu�s de la commission
municipale, cinq cents convives s'attablent devant
les assiettes propres, nettes et claires.
Nous prenons cong� de M. Jalle, rendu cette fois �
ses fonctions de directeur, heureux plus qu'on ne
saurait le dire du spectacle offert par un banquet
qui fait oublier, dans un bruit de vaisselle remu�e,
la canonnade dont l'obstination gronde au loin.
ACHILLE LIEGEOIS.
Nancy bombard�
Plus de 40 obus tombent sur notre ville. - La moiti�
seulement �clatent.
D�g�ts et victimes
Nancy, 10 septembre.
Il fallait s'y attendre. A la faveur d'une noire
nuit d'orage, les Allemands ont pu amener quelques
pi�ces - tr�s probablement deux - assez pr�s de
Nancy pour envoyer quelques boulets sur notre ville.
Il �tait environ 11 heures 20 quand le premier obus,
apr�s le sifflement bien caract�ristique, a �clat�
sur nous.
La plupart des gens dormaient et beaucoup, dans la
stupeur d'un subit �veil, ont cru simplement que la
foudre venait de tomber non loin d'eux. A ce moment
d'ailleurs l'orage battait son plein et une pluie
diluvienne tombait au milieu des �clairs et des
roulements de tonnerre.
Mais voici un nouveau sifflement et un second
�clatement. Plus de doute, il s'agissait bien d'un
bombardement.
On fit alors ce que la prudence commande en pareille
occurrence. On abandonna rapidement son lit et les
habitant, des �tages sup�rieurs descendirent aux
rez-de-chauss�e et surtout dans les caves.
Deux par deux
Une fois en s�ret�, on laissa tranquillement passer
la tourmente, en essayant de rep�rer les endroits
sur lesquels la mitraille s'abattait.
Il y avait g�n�ralement deux coups tr�s rapproch�s,
on pourrait dire deux coups jumeaux. Mais si le
premier �clatait avec un vacarme assourdissant, le
second �tait beaucoup plus sourd, et l'on pouvait se
demander m�me si le dernier avait produit son effet.
De temps en temps l'�clatement �tait suivi du bruit
cr�pitant d'une toiture bris�e.
On peut �valuer � une cinquantaine le nombre des
obus qui se sont abattus sur notre ville, entre 11
heures et minuit 45.
Dans l'intervalle, on avait pu entendre, � partir de
minuit, la r�ponse tr�s nette de notre artillerie.
Puis tout s'�tait tu, en m�me temps que cessait
�galement l'orage.
Ce fut bient�t de toutes parts une ru�e des
habitants dans les rues. Insoucieux du danger, nos
concitoyens �taient avides de se rendre compte des
d�g�ts.
Incendie
Des lueurs d'incendie guidaient les curiosit�s. Le
feu �tait, disait-on, dans une fabrique de brosses
de la rue Sainte-Anne. On voyait aussi des flammes
dans les parages du March�, vers la rue de la Hache,
et rue Saint-Dizier.
Nos braves pompiers �taient d'ailleurs depuis
longtemps sur les lieux et tous les sinistres ont pu
�tre, gr�ce � leur activit�, rapidement conjur�s.
Les D�g�ts et les Victimes
L'�glise Saint-S�bastien a �t� pour sa part honor�e
de deux boulets. L'un d'eux a trou� l'horloge en
plein centre. Un autre a frapp� le c�t� gauche de
l'�difice, se bornant � enlever quelques pl�tras.
Aux alentours, des fen�tres et des marquises en
verre ont eu leurs fen�tres bris�es. Il en a �t� de
m�me de la vespasienne qui se trouve � l'angle de la
place, en face de la rue Saint-Thi�baut.
Le tir allemand semble s'�tre concentr� sur un
espace assez restreint, allant de la rue Jeannot et
de la rue Sainte-Anne, � la rue Clodion, en passant
par la rue de la Fa�encerie d'un c�t�, et ne
d�passant pas de l'autre c�t�, la rue de la Hache.
Rue Jeannot, 11, une bombe a enfonc� la toiture et
est all�e ressortir par une fen�tre du second �tage.
Une autre a d�moli un pan de mur de l'�cole de
filles, dirig�e par Mlle Belli�ni. Les locataires de
l'immeuble, au nombre de 24, �taient heureusement
descendus dans les caves.
Rue Sainte-Anne, deux boulets sont �galement tomb�s.
L'un, comme on l'a vu, a mis le feu � la fabrique de
brosses, l'autre a enfonc� un mur. Il y aurait eu,
malheureusement, l� des victimes. Une femme aurait
�t� tu�e, ainsi que le b�b� qu'elle portait sur les
bras Un autre enfant suivait, mais il n'a pas eu de
mal.
Au num�ro 22 de la rue Saint-Nicolas, la charcuterie
Louis a beaucoup souffert. Une dizaine de personnes,
s'�taient r�fugi�es dans les caves. Soudain, un
nouvel obus �clate, d�fonce le trottoir et brise une
conduite d'eau. Un torrent s'�chappe aussit�t de la
blessure et, par un soupirail, inonde la cave, que
tous les r�fugi�s doivent �vacuer au plus vite, sous
peine d'�tre noy�s.
Deux bombes aussi, rue de la Fayencerie, � l'angle
de la rue Saint-Nicolas. L'une a �br�ch� la
corniche: L'autre n'a pas �clat�. Elle est rest�e
dans le grenier.
Une corniche est aussi entam�e au num�ro 9 de la rue
Saint-Nicolas.
Dans la rue de la Hache, une bombe a allum� un
incendie, chez M. Fribourg, banquier. Le feu a �t�
�teint d�finitivement vers trois heures et demie. On
ne croit pas qu'il y ait l� des victimes.
La rue Saint-Dizier n'a pas �t� plus �pargn�e que la
rue Saint-Nicolas, sa voisine.
Une bombe a �ventr� une fen�tre du premier �tage de
la maison Henrion, tuant Mme Terlin, une
octog�naire, et sa bonne. Une seconde a fait de gros
d�g�ts � la pharmacie Camet ; une troisi�me a sem�,
parmi les pl�tras, les marchandises de la mercerie
Beffeyte.
Deux personnes auraient �t� tu�es, ou gri�vement
bless�es, au num�ro 57 de la rue Clodion. On parle
d'une femme qui a le ventre ouvert, et d'une jeune
fille qui a les jambes broy�es, mais on n'a pas
encore de renseignements tr�s pr�cis � ce sujet.
Les autorit�s
M. Mirman, pr�fet, M. Simon, maire de Nancy, M.
Devit, adjoint, et M. Prouv�, conseiller municipal,
ont rendu visite aux bless�s et port� le r�confort
de leurs paroles et leurs condol�ances aux familles
�prouv�es :Un cordon d'agents a �t� �tabli, �
hauteur du March�, rue Saint-Dizier, pour emp�cher
une foule de plus en plus nombreuse de contrarier le
travail des pompiers et des sauveteurs, et aussi de
marcher sur les fils �lectriques rompus.
La belle insouciance
Beaucoup de gens, avides de souvenirs, cherchaient
un peu partout, notamment devant Saint-S�bastien,
quelques d�bris d'obus.
Il �tait curieux, et surtout consolant, de constater
la belle insouciance du public nanc�ien, qui, le
premier �moi pass�, courait de toutes parts aux
nouvelles. Si les Allemands ont cru nous terroriser,
ils se sont compl�tement tromp�s. Nous ne sommes
pas, ici, de la race des trembleurs.
D'o� provenaient les boulets, et comment les
artilleurs allemands avaient-ils pu amener leurs
pi�ces � un endroit propice � ce bombardement. On
assure que leurs pi�ces �taient post�es entre
Seichamp et Saulxures, et que c'est gr�ce � un
armistice obtenu pour enterrer leurs morts que,
violant la parole donn�e, ils avaient pu pr�parer
dans l'obscurit� de la nuit, leur bel exploit de
barbares.
Mais leurs artilleurs doivent � pr�sent savoir le
prix de leur tra�trise. Nos pi�ces, en effet, ont eu
rapidement raison des leurs, et on nous assure que
notre infanterie a chass� tous ces criminels la
ba�onnette dans les reins.
LA BATAILLE
Succ�s franco-anglais sur la Marne. - Les Allemands
reculent de 60 kilom�tres.
Bien de chang� sur l'Ornain et en Argonne. - Devant
Nancy
Paris, 11 septembre, 1 heure.
Communiqu� officiel du 10 septembre, 23 h. 10 :
L'Aile gauche
1� Sur l'aile gauche, les troupes
franco-anglaises ont franchi la Marne entre La Fert�-sous-Jouarre - Charly et Ch�teau-Thierry.
poursuivant l'ennemi en retraite.
Au cours de cette progression, l'arm�e anglais� a
fait de nombreux prisonniers et a pris des
mitrailleuses.
Depuis quatre jours que dure la bataille, les arm�es
alli�es, sur cette partie du th��tre des op�rations,
ont gagn� plus de 60 kilom�tres.
Entre Ch�teau-Thierry et Vitry-le-Fran�ois, la garde
prussienne a �t� rejet�e au nord des marais de
Saint-Gond.
L'action, continue, avec une grande violence, dans
la r�gion comprise entre le camp de Mailly et
Vitry-le-Fran�ois.
Au Centre et � l'Aile droite
2� Au centre et � l'aile droite, la situation est
stationnaire sur l'Ornain et sur l'Argonne, o� les
deux adversaires main, tiennent leurs positions.
Du c�t� de Nancy
3� Du c�t� de Nancy, l'ennemi a progress� l�g�rement
sur la route de Ch�teau-Salins.
Par contre, nous avons gagn� du terrain dans la
for�t de Champenoux.
Les pertes sont consid�rables des deux c�t�s.
L'�tat moral et sanitaire des troupes fran�aises
reste excellent.
Maubeuge tiendrait encore
4� Aucune confirmation n'est parvenue de la chute de
Maubeuge, annonc�e par les journaux allemands.
LES BOMBES
Nancy, 11 septembre.
Aujourd'hui, les obus qui n'avaient pas fait
explosion au cours du bombardement de l'autre nuit
ont �t� transport�s dans un terrain des environs de
Nancy o� ils ont �t� d�truits par les artilleurs, en
pr�sence de M. le maire de Nancy et de M. Faivre,
commissaire central.
OBS�QUES
Aujourd'hui, � dix heures et demie du matin, ont �t�
c�l�br�es les obs�ques de MMmes Henriette Wagner,
m�re et fille, 91, rue Charles III, les premi�res
victimes du bombardement de l'autre nuit.
La c�r�monie religieuse eut lieu au temple
protestant.
Une assistance nombreuse et �mue accompagnait les
deux chars fun�bres qui disparaissaient sous une
profusion de fleurs et de couronnes, dont une
offerte par la ville de Nancy.
La municipalit� �tait repr�sent�e par MM. Peltiar,
adjoint, et Bussi�res, conseiller municipal.
La double inhumation a eu lieu au cimeti�re du Sud.
LA VICTOIRE
annonc�e par M. le Pr�fet
Nous recevons de la pr�fecture cette note qui
confirme bien la victoire :
Je suis heureux de pouvoir apprendre fi la
population de Meurthe-et-Moselle que la grande
bataille que depuis cinq jours les arm�es fran�aises
livrent contre l'ennemi s'ach�ve en une magnifique
victoire.
Fran�ais, prenez patience quelques heures en
attendant que la communication officielle et pr�cise
de cette victoire nous vienne de ceux qui ont
autorit� pour vous la faire et pr�parez vos coeurs �
une grande joie.
L. MIRMAN,
Pr�fet de Meurthe-et-Moselle.
GRANDE VICTOIRE
Battus sur la Marne et sur l'Ourcq, les Allemands se
replient sur l'Aisne et l'Oise. - L'ennemi recule
sur presque tous les points, apr�s avoir subi des
pertes consid�rables.
COMMUNIQU� OFFICIEL
Paris, 11 septembre, 16 h. 5.
La bataille est engag�e depuis le 6 septembre, sur
le front Paris-Verdun.
Au Nord de la Marne et sur l'Ourcq
D�s le d�but, l'aile droite allemande, sous le
commandement du g�n�ral von Kluck, et qui avait
atteint, le 6 septembre, le nord de Provins, se
repliait devant notre menace d'enveloppement.
Elle parvint � s'�chapper et elle se jeta contre
notre aile enveloppant le nord de la Marne et
l'ouest de l'Ourcq.
Mais les forces franco-anglaises lui inflig�rent des
pertes consid�rables et r�sist�rent le temps
n�cessaire � la progression de notre offensive.
Par ailleurs, l'ennemi est actuellement en retraite
vers l'Aisne et Oise. Il a recul� de soixante �
soixante-quinze kilom�tres depuis quatre jours.
De Montmirail � S�zanne et � Vitry
Les forces franco-anglaises op�rant au sud de la
Marne ont poursuivi l'offensive, engageant de
violents combats dans la r�gion La Fert�-Gaucher,
Esternay-Montmirail.
La gauche des arm�es de von Kluck et de von Bulow se
replie devant nous.
Des combats particuli�rement acharn�s se sont livr�s
entre les plateaux situ�s au nord de S�zanne et
Vitry-le-Fran�ois contre notre gauche par l'arm�e de
Bulow, l'arm�e saxonne et une partie de l'arm�e du
prince de Wurtemberg.
Les Allemands ont �chou� dans leurs tentatives
violentes et r�p�t�es de rompre notre centre.
Victorieux sur le plateau de S�zanne, nous p�mes
passer � l'offensive.
L'ennemi rompit le combat la nuit derni�re, entre
les marais de Saint-Gond et la r�gion de Sommesous,
se repliant vers l'ouest, dans les environs
imm�diats de Vitry-le-Fran�ois.
Dans la Meuse
Sur l'Ornain, comme dans l'Argonne et la Meuse, o�
op�rent les arm�es du prince de Wurtemberg et du
kronprinz, le combat dure encore, avec des
alternatives d'avance et de recul qui ne modifient
pas la situation d'ensemble.
La droite et le centre allemands en retraite
Ainsi, la premi�re phase de la bataille sur la Marne
se dessine en faveur des alli�s, puisque la droite
et le centre allemands sont actuellement en
retraite.
Dans les Vosges et devant Nancy
La situation de notre droite n'est pas chang�e dans
les Vosges et devant Nancy,
- que quelques pi�ces � longue port�e essay�rent de
bombarder.
L'Ensemble
La situation g�n�rale s'est donc compl�tement
transform�e, depuis quelques jours, tant au point de
vue strat�gique que tactique.
Non seulement nous avons arr�t� la marche des
Allemands, que ceux-ci croyaient victorieuse, mais
l'ennemi recule devant nous, sur presque tous les
points.
LE BUTIN
fait par les Anglais
Paris, 11 septembre,
11 h. 40.
LONDRES, 10 septembre. - Le bureau de la Presse
communique le rapport suivant du g�n�ral French : La
bataille a continu� hier.
L'ennemi a �t� repouss� sur toute la ligne.
Notre 1er corps d'arm�e a enterr� 200 cadavres
ennemis, a pris douze canons Maxim et fait de
nombreux prisonniers.
Notre 2e corps a fait 350 prisonniers.
Il a pris une batterie.
Les pertes allemandes sont importantes.
Les troupes allemandes sont, para�t-il, �puis�es.
Les troupes anglaises ont travers� la Marne dans la
direction du nord.
NOTRE SUCC�S S'ACCENTUE
Encore un drapeau enlev�
Paris, 12 septembre, 0 h. 48.
(Communiqu� officiel du 11 septembre, 23 heures.)
1� A l'aile gauche, notre succ�s s'accentue.
Nos progr�s ont continu� au nord de la Marne et dans
la direction Soissons-Compi�gne.
Les Allemands ont abandonn� de nombreuses munitions,
du mat�riel, des bless�s et des prisonniers.
Nous avons pris un nouveau drapeau. L'arm�e
britannique a pris 11 canons, un important mat�riel
et a fait 1.200 � 1.500 prisonniers.
2� Au centre l'ennemi a c�d� sur tout le front entre
S�zanne et Revigny.
Dans l'Argonne, les Allemands n'ont pas recul�
encore.
Malgr� les efforts fournis par les troupes
fran�aises au cours de ces cinq journ�es de
bataille, elles trouvent encore l'�nergie de
poursuivre l'ennemi.
3� A l'aile droite, en Lorraine et en Vosges, rien
de nouveau.
LES PERTES ALLEMANDES
sont �normes
Paris, 12 septembre, 2 heures.
(Officiel.)
Seize fois ils lanc�rent des ponts sur la Marne qui
seize fois furent d�molis
MEAUX. - Les forces anglo-fran�aises qui refoul�rent
les Allemands sur les bords de la Marne leur
inflig�rent des pertes �normes en hommes et en
mat�riel.
Autour de Vareddes notamment (Vareddes est dans la
boucle de la Marne, entre Triport et Changis, non
loin du confluent de l'Oucq, en Seine-et-Marne),
autour de Vareddes donc, les pertes de l'ennemi
furent cinq fois sup�rieures � celles des Fran�ais.
Les Allemands firent des efforts inou�s pour
franchir la Marne.
Les Fran�ais ayant d�truit tous les ponts, les
Allemands tent�rent d'�tablir trois ponts de
bateaux.
Seize fois, ces ponts, presque achev�s, furent
r�duits en miettes par l'artillerie fran�aise.
Nos morts dorment sous un linceul tricolore
Le service sanitaire a fonctionn� admirablement.
Tous les bless�s ont �t� �vacu�s et hospitalis�s.
Nos morts sont enterr�s.
Il ne reste plus, dans les immenses plaines o� la
bataille a eu lieu avant+hier, que, de petits
monticules, tombes de soldats, surmont�s de croix,
recouverts de fleurs et de drapeaux tricolores.
Les habitants des villages voisins, partis � la
derni�re minute, sont revenus et vaquent � leurs
occupations habituelles avec une admirable
tranquillit�.
GRIFFES COUP�ES DENTS LIM�ES
Nancy, 12 septembre.
Les impatients doivent �tre, � l'heure actuelle,
satisfaits. Ils ont la grande bataille qu'ils
demandaient avec une �nergie doubl�e par leur
ignorance des faits de la guerre.
Pour ceux qui ont acquis � grands efforts cette
vertu magnifique, la patience, ils ont davantage le
droit de se r�jouir. Ils ont le commencement d'une
belle victoire. Ils ont surtout la certitude que,
quoi qu'il arrive, le sang-froid de nos g�n�raux,
leur calme, la clart� de leurs vues sont � l'�preuve
de tout �v�nement. Avec cette assurance ils ont la
certitude du triomphe d�finitif.
Est-ce parce que cette id�e s'est peu � peu fait
jour dans le cerveau du kaiser que les Etats-Unis
ont, � ce qu'on assure, parl� de la paix ? Ce n'est
pas impossible.
Au d�but de la guerre on disait assez commun�ment
que Guillaume II offrait � la France la restitution
de l'Alsace et de la Lorraine si notre pays
consentait � le laisser seul en face de la Russie.
Cela paraissait une plaisanterie cruelle, surtout
quand on voyait l'arm�e allemande envahir Bruxelles
et d�passer notre fronti�re du Nord.
Mais aujourd'hui ? Aujourd'hui cette m�me arm�e
allemande est encore chez nous � la v�rit�.
Seulement elle y est un peu comme un soldat entour�
par de prisonniers arm�s.
Au centre on la refoule. A l'Ouest on l'attaque. Au
Nord-Ouest les Belges attendent � Anvers l'occasion,
qu'ils ne laisseront pas �chapper, de bousculer sa
retraite fatale. En Lorraine elle ne peut pas
passer. Enfin l�-bas les Russes foulent le sol de
la Prusse orientale et chassent devant eux les
Allemands affol�s.
La source du ravitaillement commence � tarir. Les
mers sont ferm�es � tout espoir de secours.
De plus, les atrocit�s commises pendant l'invasion
ont soulev� contre l'Allemagne l'indignation de tous
les peuples civilis�s.
Le grand empire militaire est vaincu par avance,
sans que l'esprit humain puisse concevoir d'autre
solution � ce tragique probl�me pos� devant
l'univers.
Le kaiser, si mystique soit-il, n'est pas sans
comprendre qu'il est perdu.
Il n'est donc pas improbable qu'il ait essay� de
s�parer la France de ses alli�s par l'offre d'une
satisfaction imm�diate.
Cette proposition serait d'ailleurs tout � fait dans
la direction amorale de l'esprit allemand.
Le gouvernement prussien avait bien propos� � la
Belgique neutre de favoriser les op�rations
militaires de ses arm�es. On sait comment
r�pondirent les Belges.
Il avait bien propos� � l'Angleterre amie de ne pas
bouger pendant qu'il envahirait la Belgique. On sait
comment r�pondirent les Anglais.
Il serait bien capable de proposer � la France
d'abandonner la lutte et ses alli�s moyennant
compensation d�shonorante. Si cela �tait exact, on
sait comment r�pondrait la France.
Et au fait n'a-t-elle pas r�pondu soit en pr�vision
des offres de paix, soit parce que ces offres ont
�t� r�ellement faites ? La d�claration de la
Triple-Entente est-elle seulement �ventuelle, ou
bien est-elle une r�plique vigoureuse ?
�� Les trois gouvernements de Grande-Bretagne, France
et Russie, conviennent que lorsqu'il y aura lieu de
discuter les termes de la paix, aucune des
puissances alli�es ne pourra poser des conditions de
paix sans accord pr�alable avec chacun des alli�s. �
Voil� ce que nous avons dit.
Les imaginations peuvent � ce sujet se donner libre
cours. Elles sont sur un terrain moins dangereux que
celui de la tactique.
Mais de tous les Fran�ais pas un, serait-il le
pacifiste le plus affol� et le plus impressionnable,
et le plus tendre, n'accepterait d'examiner des
propositions si �trangement cyniques.
Nous sommes trois et quatre peuples qui combattons
pour la lib�ration de l'Europe. Ensemble nous
vaincrons, ensemble nous dicterons la paix, quand
l'Allemagne �cras�e sous le poids des armes et de la
r�probation, ses griffes coup�es et ses dents
lim�es, ne pourra plus enfin d�chirer et d�vorer
Inhumanit�.
REN� MERCIER.
Retraite g�n�rale
DES ALLEMANDS
A l'Aile droite, � l'Aile gauche, au Centre et en
Lorraine, les Allemands ont entam� un mouvement de
retraite g�n�rale
AUTOUR DE NANCY
La victoire g�n�rale des arm�es alli�es, que j'ai eu
l'immense joie de pouvoir annoncer ce matin � la
population de Meurthe-et-Moselle, a produit son
effet �� autour de Nancy � avant m�me que la nouvelle
officielle ait �t� port�e � notre connaissance par
le gouvernement.
Je puis donner aux Lorrains qui sont rest�s � Nancy,
marquant ainsi leur confiance in�branlable dans les
destin�es imm�diates de la Patrie, l'assurance que
l'ennemie est en retraite sur tout notre front.
Vive Nancy !
Vive la France !
L. MIRMAN, Pr�fet de Meurthe-et-Moselle.
Bordeaux, 12 septembre, 18 h. (officiel).
A NOTRE AILE GAUCHE
Les Allemands ont entam� un mouvement de retraite
g�n�ral, entre l'Oise et la Marne.
Hier, leur front �tait jalonn� par Soissons,
Braines, Fismes et la montagne de Reims.
Leur cavalerie semble �puis�e.
Les forces anglo-fran�aises, qui les ont
poursuivies, n'ont rencontr� devant elles, dans la
journ�e du 11, qu'une faible r�sistance.
AU CENTRE ET A NOTRE AILE DROITE
Les Allemands ont �vacu� Vitry-le-Fram�ois, o� ils
s'�taient fortifi�s, et le cours de la Saulx.
Attaqu�s � Sermaize et � Revigny, ils ont abandonn�
un nombreux mat�riel.
Les forces allemandes occupant l'Argonne ont
commenc� aussi � c�der.
Elles battent en retraite vers le Nord, par la for�t
de Belnoue.
EN LORRAINE
Nous avons l�g�rement progress�.
Nous occupons la lisi�re Est de la for�t de
Champenoux, Rehainviller et Gerb�viller. Les
Allemands ont �vacu� Saint-Di�.
VERS LA GU�RISON
Nancy, 12 septembre.
Des femmes au coeur tendre se massent volontiers sur
le passage des bless�s, et s'apitoient un peu
bruyamment sur le sort de ces malheureux.
Certes on ne peut bl�mer ces sentiments. Pourtant il
serait bon de les mod�rer.
Voici pourquoi : Les bless�s que l'on voit passer,
�tendus sur des civi�res, sont des bless�s que l'on
�vacue vers le Centre, l'Ouest ou le Midi, en des
villes o� ils recevront, loin de la ligne de feu,
les soins n�cessaires.
Ils ont �t� pans�s aux postes o� ils sont tomb�s.
Ils ont �t� conduits � Nancy o� on a renouvel� les
pansements, o� on les a laiss� reposer quelques
jours, de fa�on � les mettre en �tat de supporter le
transport en chemin de fer.
Ceux que les m�decins estiment imm�diatement
transportables, on les place sur des civi�res, et on
les dirige vers la gare.
Ils laissent la place � ceux que l'ennemi atteindra
dans les combats futurs. Ils partent. Ils vont vers
la gu�rison.
Ils ne sont pas � plaindre. On doit au contraire les
f�liciter de leur hardiesse, leur souhaiter un
prompt r�tablissement, et se louer de ce que, �
l'abri de tous les p�rils, sous un ciel cl�ment, ils
vont, leur devoir accompli, reprendre des forces.
Il ne faut pas dire, avec des larmes, sur leur
passage :
- Ah! les pauvres gens !
Mais bien :
- Ah ! les braves petits gars !
Ils ont vers� leur sang pour la patrie.
Bravo ! On les emm�ne vers la gu�rison. Ils nous
reviendront bient�t solides et joyeux.
Voil� ce que je voudrais entendre au passage des
bless�s. C'est ce qui est vrai, c'est ce qui est
juste, c'est ce qui r�conforte.
Allons, femmes lorraines, illuminez ces d�parts de
vos sourires, et vous qui avez tous les courages,
ayez encore celui-l� de crier aux bless�s :
- Bravo les petits gars ! Allez vers la gu�rison. Et
revenez-nous bien vite.
REN� MERCIER.
(�
suivre) |