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Septembre 1914 - La Vie en Lorraine (1/3)

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janvier 1915 f�vrier 1915 mars 1915 avril 1915  

La Grande guerre. La Vie en Lorraine
Ren� Mercier
Edition de "l'Est r�publicain" (Nancy)
Date d'�dition : 1914-1915


La Grande-Guerre
LA VIE EN LORRAINE SEPTEMBRE 1914
L'Est R�publicain
NANCY

Septembre 1914 fut pour la Lorraine l'�poque � la fois la plus critique et la plus magnifique. En ao�t, on avait vu la hardie �quip�e de Mulhouse. On assista en septembre � l'h�ro�que d�fense du Grand-Couronn� de Nancy.
C'est ce mois-l� qu'un Taube jeta, pour la premi�re fois, sur la capitale lorraine des bombes meurtri�res, et que Nancy fut bombard�e.
C'est encore ce mois que les Allemands, rejet�s sur l'Aisne par nos arm�es, durent �vacuer une grande partie du territoire lorrain et quitter Lun�ville.
Ces dangers et ces victoires, il est bon de les revivre. Et si le r�cit des atrocit�s commises par les Barbares serre le coeur douloureusement, le souvenir de l'ardente bataille qui �loigna de nous les hordes sauvages �veille le sentiment puissant des plus nobles esp�rances.
Ren� MERCIER.

LA SITUATION

Communiqu� du minist�re de la Guerre, le 30 ao�t, � 23 heures.
L'ensemble de la situation est la m�me que dans la matin�e.

A L'EST
Apr�s une accalmie, la bataille a repris dans les Vosges et en Lorraine
SUR LA MEUSE
Sur la Meuse, � Sassey, pr�s d'un r�giment d'infanterie ennemie, qui tentait de passer la rivi�re, a �t� presque compl�tement an�anti.
AU NORD
A notre gauche, le progr�s de l'aile marchante allemande nous oblige � c�der; du terrain.

LE RETOUR DES POSTES

Nancy, 31 ao�t.
M. L. Mirman, pr�fet de Meurthe-et-Moselle, a re�u ce matin le personnel des postes et t�l�graphes qui lui a �t� pr�sent� par M. Ravillon, directeur int�rimaire.
�� Vous voici, leur a-t-il dit en substance, de retour � Nancy. Votre d�part a caus� ici une grosse �motion. De ce d�part vous n'�tes en aucune fa�on responsables. Vous �tes soumis � une rigoureuse discipline. Vous avez re�u un ordre pr�cis de d�part; quelle que f�t votre tristesse vous ne pouviez pas ne point l'ex�cuter, vous ne pouviez pas le discuter; vous deviez ob�ir ; vous avez ob�i. Autant l'ordre de d�part vous avait attrist�s, autant l'ordre de retour vous a r�jouis. Je ne peux croire un instant qu'il se trouvera � Nancy une seule personne assez ignorante de votre discipline professionnelle pour ne pas comprendre cette situation et faire peser sur vous, � l'occasion de ce d�part des postes, une responsabilit� morale qui ne vous appartient pas. Ce serait une v�ritable injustice. Elle ne sera pas commise, je vous le promets au nom de la population de Nancy, dont je connais d�j� le sentiment profond d'�quit�.
Mais aussi je promets en votre nom � cette population nanc�ienne que tous les efforts humainement possibles seront faits par vous tous pour remettre dans le plus bref d�lai tous les services dans leur �tat normal. La population a le droit d'attendre de vous ces efforts ; vous y consentirez all�grement, car je sais de quels sentiments � la fois de loyalisme professionnel et de patriotisme, vous �tes anim�s Ainsi sera vite effac� le souvenir de ce grave et regrettable incident, au sujet duquel le gouvernement recherche et saura discerner les responsabilit�s, et dont la population de Nancy et vous-m�mes avez �t� � des titres divers les victimes. �
M. Ravillon, directeur int�rimaire, et dont M. le Pr�fet a ensuite affirm� les qualit�s de labeur, d'initiative et de sang-froid, s'est fait l'interpr�te du personnel tout entier pour remercier M. le Pr�fet de cette r�ception et pour lui donner l'assurance formelle du d�vouement patriotique de tous ses collaborateurs.

DANS LES HOPITAUX

Nancy, 31 ao�t 1914.
M. le Pr�fet de Meurthe-et-Moselle, accompagn� de M. le Maire de Nancy, a visit�, dans l'apr�s-midi de dimanche, les �tablissements hospitaliers Marin et du S�minaire, d�pendant des hospices civils, et la grande ambulance du Bon-Pasteur, organis�e par la Soci�t� de secours aux bless�s.
L'�tablissement Marin est sp�cialement affect�s aux malades. M. le Pr�fet a constat� avec satisfaction d'abord que le nombre de ceux-ci est beaucoup moins consid�rable qu'on aurait pu le craindre, ce qui montre que nos r�servistes et territoriaux ont support� tr�s all�grement les fatigues de cette p�riode de guerre ; en second lieu, que la plupart de ces maladies �taient peu graves ; enfin que les quelques typhiques �taient rigoureusement isol�s.
Dans chaque salle o� se trouvaient des soldats r�cemment bless�s, M. L. Mirman a prononc� des paroles de fiert� patriotique qui ont �t� au coeur de tous ; quand il a annonc� que dans notre r�gion l'action de l'ennemi avait �t� arr�t�e puis nettement domin�e et que de toutes les localit�s o� ces bless�s �taient tomb�s, les Allemands venaient d'�tre repouss�s ; quand il leur apporta l'expression de la gratitude de la ville de Nancy, qui, gr�ce � leurs efforts, �tait d�barrass�e aujourd'hui de l'angoisse qui pesait sur elle ; quand il leur d�clara qu'il venait non les plaindre, mais les f�liciter de leurs blessures et de leurs souffrances, tous, les yeux joyeux et fiers, applaudirent comme ils purent, et c'�tait un spectacle touchant de voir de braves petits gars aux deux mains entortill�es rapprocher et tapoter l'un contre l'autre leurs tampons d'ouate et de linge pour exprimer leur satisfaction et leur orgueil.

LE FORMIDABLE �TAU

Nancy, 1er septembre.
Les deux grandes pens�es de l'Allemagne guerri�re : �� l'attaque brusqu�e � et �� la France otage � sont en faillite.
Pour la premi�re, la r�sistance h�ro�que de la Belgique l'a fait �chouer, et dans des conditions d�sastreuses pour le peuple agresseur.
Plus d'un mois apr�s le d�but de la mobilisation, pr�s d'un mois apr�s-la d�claration de guerre, les Allemands sont retenus tout pr�s de la fronti�re fran�aise, et n'ont gu�re pu p�n�trer qu'au prix d'efforts �normes et qui les affaiblissent de jour en jour.
Paris se garde. Et Nancy, que les Prussiens comptaient bien occuper d�s la troisi�me heure, n'a pas vu le casque d'un uhlan, sauf aux mains des Fran�ais.
Pour �� la France otage � il s'en va de m�me. Gr�ce aux Belges, gr�ce � nos loyaux et admirables alli�s les Anglais unis aux vaillantes arm�es fran�aises, gr�ce aux Russes qui s'avancent en ouragan dans la Prusse orientale et en Galicie, gr�ce � la sympathique neutralit� de l'Italie, la France est toujours libre, et peut protester devant l'univers contre la barbarie allemande.
Mieux encore. Ce n'est plus de �� la France otage � que l'on parle maintenant, c'est de �� la Prusse otage � que les Anglais ont commenc� � s'entretenir.
Pendant que nos arm�es tiennent les envahisseurs en respect et leur infligent des pertes consid�rables, les Russes s'avancent vers Berlin, et font deux trou�es � la fois.
Les Allemands sont maintenant loin de leur centre de ravitaillement. Ils ont perdu un grand nombre d'hommes, et d�pens� une grosse quantit� de munitions. Ce n'est point la dure contribution de guerre qu'ils imposent aux villes belges qui leur procurera des munitions ni leur rendra des hommes.
Ils sont bloqu�s de toutes parts, sur terre et sur mer, et vou�s � la prochaine famine.
Que peuvent-ils faire ?
Pousser au Nord une tentative d�sesp�r�e sur Paris comme on se jette au plus profond de l'eau ?
Mais ils ont d�j� vu que la marche n'�tait pas aussi commode qu'ils le croyaient. Ils n'ont pas � attendre de renforts. Nos arm�es alli�es seront augment�es au contraire progressivement et pour ainsi dire ind�finiment.
Se retourner contre les Russes et aller au secours de la Prusse envahie ? Mais ils n'iront que pouss�s ba�onnette au flanc, harcel�s sans cesse par les Fran�ais, les Anglais et les Belges qui attendent sans doute impatiemment � Anvers la bonne occasion.
Et en quel �tat arriveraient-ils sous Berlin ? Poursuivis dans leur retraite au devant des Cosaques d�j� victorieux.
L'arm�e allemande est prise dans les m�choires d'un formidable �tau. L'une des m�choires est fixe, la France, qui ne se laisse point forcer. L'autre est mobile, la Russie qui avance comme m�caniquement, broyant toutes r�sistances.
Que les heures passent. Tenons toujours. Plus que jamais ayons confiance.
Bient�t, bient�t, mes amis, le grand corps allemand sera serr� dans l'�norme pince de l'Europe.
Et les soubresauts furieux ne nous feront alors plus de mal.
REN� MERCIER.

AVIS AUX MAIRES
pour les Laissez-Passer

Nancy, 1er septembre.
Monsieur le Pr�fet de Meurthe-et-Moselle vient d'adresser aux maires du d�partement le t�l�gramme suivant : �� Vous fais conna�tre qu'autorit� militaire a d�cid� que les �� laissez-passer � d�livr�s par les maires ne sont valables que s'ils ont �t� vis�s par l'autorit� militaire.
�� Les habitants qui sont sur la rive gauche de la Meurthe ne doivent pas passer sur la rive droite, il ne leur sera accord� aucun permis de circuler au del� de la ligne : Dombasle, Buissoncourt, Cercueil, Laneuvelotte, Bouxi�res-aux-Ch�nes, Montenoy, Bratte, Sivry. Ville-au-Val, Bezaumont. �

LA SITUATION D'ENSEMBLE


31 ao�t, soir.

1� Vosges et Lorraine
On se rappelle que nos, forces qui avaient pris l'offensive dans les Vosges et en Lorraine, d�s le d�but des op�rations, et repouss� l'ennemi au del� de nos fronti�res ont ensuite subi des �checs s�rieux devant Sarrebourg et dans la r�gion de Morhange, o� elles se sont heurt�es � des organisations d�fensives tr�s solides.
Ces forces ont d� se replier pour se reconstituer, les unes sur le Grand Couronn� de Nancy, les autres dans les Vosges fran�aises.
Les Allemands sont alors pass�s � l'offensive. mais apr�s avoir repouss� les attaques ennemies sur les positions de repli qu'elles avaient organis�es, nos troupes ont repris l'attaque depuis deux jours.
Cette attaque n'a cess� de progresser, bien que lentement. C'est une v�ritable guerre de si�ge qui se livre dans cette r�gion : toute position occup�e est imm�diatement organis�e de part et d'autre. C'est ce qui explique la lenteur de notre avance, qui n'en est pas moins caract�ris�e chaque jour par de nouveaux succ�s locaux.

2� R�gion de Nancy et Wo�vre m�ridionale
Depuis le d�but de la campagne, cette r�gion comprise entre la place de Metz, c�t� allemand, et les places de Toul et de Verdun, c�t� fran�ais, n'a �t� le th��tre d'aucune op�ration importante.

3� Direction de la Meuse entre Verdun et M�zi�res
On se rappelle que les forces fran�aises avaient initialement pris l'offensive dans la direction de Longwy-Neufch�teau (Belgique) et Paliseul.
Les troupes, op�rant dans la r�gion Spincourt et Longuyon ont fait �prouver un �chec � l'ennemi (arm�e du prince royal).
Dans les r�gions de Neufch�teau et Paliseul, au contraire, certaines de nos troupes ont subi des �checs partiels, qui les ont contraintes � s'appuyer sur la Meuse, sans toutefois �tre entam�es dans leur ensemble Ce mouvement de recul a oblig� les forces op�rant dans la r�gion de Spincourt � se replier aussi vers la Meuse.
Au cours de ces derni�res journ�es, l'ennemi a cherch� � d�boucher de la Meuse avec des forces consid�rables, mais une vigoureuse contre-offensive de notre part l'a rejet� dans la rivi�re, apr�s avoir subi de tr�s grosses pertes.
Cependant, des forces nouvelles allemandes se sont avanc�es par la r�gion de Rocroy, marchant dans la direction de Rethel.
Actuellement, une action d'ensemble est engag�e dans la r�gion comprise entre la Meuse et Rethel, sans qu'il soit encore possible d'en pr�voir l'issue, d�finitive.

LE CANON

Nancy, 1er septembre
Le canon a tonn� une grande partie de la nuit et le matin encore. Mais on s'habitue � cette musique qui n'�meut plus personne.
On se contente de se demander de quel c�t� vient le bruit, et on fait des hypoth�ses. C'est tout ce qu'on peut faire pour l'instant.

AUTOMOBILES ET BICYCLETTES

Nancy, 1er septembre.
Par ordre du g�n�ral commandant la 2e arm�e, la circulation des automobiles civiles dans le Grand-Couronn� est interdite.
La circulation des bicyclettes est �galement interdite.
Les automobiles de la Croix-Rouge circulant seules seront arr�t�es et confisqu�es.
Seules, pourront circuler les automobiles de la Croix-Rouge formant un convoi pr�c�d� d'un militaire portant un pli rouge..
P 0. Le chef d'�tat-major.

Une H�ro�ne
LA T�L�PHONISTE D'�TAIN

La petite ville d'Etain a subi deux bombardements. Le premier eut lieu lundi, de 11 heures du matin � 11 heures du soir. Il fit de nombreuses victimes. Le second commen�a le mardi matin, � 11 heures. La ville fut bient�t en flammes. De nombreuses personnes p�rirent dans l'incendie.
Le bureau de poste �tait rest� confi� � la garde d'une jeune employ�e. Loin de c�der � une terreur bien compr�hensible, cette jeune femme ne quitta pas son poste. Pendant que les obus pleuvaient sur la ville, elle se tenait dans son bureau, t�l�phonant de quart d'heure en quart d'heure � Verdun pour rendre compte de ce qui se passait.
Le directeur des postes de Verdun �tait en train d'�couter cette courageuse je�ne fille ; tout d'un coup, celle-ci s'interrompit et cria : �� Une bombe vient de tomber dans le bureau �
Et tout rentra dans le silence.
Les employ�s des postes ont eu, en 1870, Mlle Dodu. La t�l�phoniste d'Etain, en 1914, montre que le courage de la c�l�bra t�l�graphiste de Pithiviers anime toujours celles qui l'ont suivie dans la carri�re.

A BELFORT

Le gouverneur de Belfort signale que des personnes pr�c�demment �vacu�es de cette place continuent � y revenir en grand nombre.
Il a d�cid�, en cons�quence, de refuser rigoureusement l'entr�e de Belfort � toute personne non munie d'une autorisation sign�e � la fois du maire de la commune et du pr�fet.
Les maires auront donc � pr�senter tous les sauf-conduits � destination de Belfort au pr�fet du d�partement auquel il appartiendra de restreindre au minimum possible les autorisations accord�es.

A dater du dimanche 30 ao�t, les trains r�guliers entre Belfort et Dijon ou vice-versa qui avaient �t� supprim�s pr�c�demment, sont remis en marche entre ces deux points.
Cette ligne sera, comme d�s le deuxi�me jour de la mobilisation, desservie par quatre trains circulant dans chaque sens.
Les trains 203 et 207 sur Vesoul, 210 et 216 de Vesoul sur Besan�on, restent toujours supprim�s jusqu'� nouvel avis.

LES LUMI�RES LA NUIT

Le Pr�fet de Meurthe-et-Moselle ; En vertu des pouvoirs qui lui sont d�l�gu�s par l'autorit� militaire ;
Sur la demande de M. le G�n�ral de division, commandant d'armes ;
Consid�rant qu'il importe de mettre un terme aux signaux lumineux qui, � diverses reprises, ont �t� signal�s, et que la seule mesure efficace pour atteindre ce but para�t �tre l'interdiction absolue d'�clairer les fen�tres ; qu'une telle mesure constituera � n'en pas douter une g�ne pour tous les habitants, mais que cet inconv�nient sera all�grement support� par la patriotique population nanc�ienne, consciente de l'int�r�t public qu'il faut � tout prix sauvegarder ;
Arr�te :
Article premier. - A partir du 2 septembre, et jusqu'� nouvel ordre, d�s la tomb�e de la nuit, nulle fen�tre ne pourra �tre �clair�e.
Article 2. - Tout agent ou repr�sentant de la force publique aura droit de perquisition chez l'habitant qui enfreindrait cet ordre.
Fait � Nancy, le 1er septembre 1914.
Le Pr�fet :
Sign� : L. MIRMAN.
Pour copie conforme : Le Secr�taire g�n�ral Sign� : ABEILLE.

APPROVISIONNEMENT DE NANCY

Nancy, 1er septembre.
La municipalit� de Nancy vient d'obtenir de l'autorit� militaire la mise en marche d'un train hebdomadaire de marchandises de Chagny P.L.M. � Nancy.
Ce train partira pour la premi�re fois de Chagny le 8 septembre prochain.
Pour l'organisation de ce premier train, M. Antoine se rendra dans la r�gion lyonnaise d'ici quelques jours. Il se met � la disposition des commer�ants de Nancy, jusqu'au 4 inclus, pour faciliter leur r�approvisionnement.
Les commer�ants qui d�sireraient profiter de ce train peuvent faire leurs commandes et les envoyer en gare Chagny � l'adresse : Ville de Nancy Ils sont pri�s �galement de remettre � l'h�tel de ville le double de leurs commandes.

ORDRE DE LA PLACE

Des sauf-conduits pourront �tre d�livr�s par les maires exclusivement aux personnes charg�es de ravitailler la commune, ou � celles charg�es d'apporter � Nancy des produits alimentaires.
Ces voyages uniquement destin�s au ravitaillement de la ville auront lieu de 6 heures � 18 heures. L'itin�raire suivi sera le m�me � l'aller qu'au retour.
Les maires de Tomblaine, d'Essey, de Saint-Max et de Malz�ville, ont �t� pr�venus de cette mesure.
Nancy, le 1er septembre 1914.
Ordre du g�n�ral DURAND.

LES ESPIONS

Nancy, 2 septembre.
Plusieurs espions viennent d'�tre fusill�s dans la r�gion de Nancy, entre autres un espion surpris en train de couper des fils t�l�phoniques, un autre qui faisait des signaux dans les clochers des �glises et un autre qui posait une antenne de t�l�graphie sans fil.

LES SOUPES DE GUERRE

Le Poste Saint-Nicolas
Au Restaurant Marchal


Nancy, 2 septembre.
Depuis trois semaines, les �� soupes de guerre � fonctionnent. Elles donnent, tous les jours, entre onze heures et midi, un repas aux foyers �prouv�s par la mobilisation du chef ou des soutiens de la maison.
Des �� postes � sont institu�s dans tous les quartiers, particuli�rement dans les �difices scolaires. Des commer�ants s'improvisent administrateurs de ces �tablissements populaires, de ces cantines qui ont d�j� �cart� dans maint quartier les horreurs de la faim.
Sous la conduite de M. Ramel, le sympathique entrepreneur de peinture, nous avons assist�, hier, au fonctionnement du poste install�, en face, au restaurant Marchal.
M. Marchal est parti, d�s le d�but de la guerre. Il a re�u le bapt�me du feu. Une blessure le retient � l'h�pital d'Arcachon. Sa femme, en son absence, exploite le fonds. Mais vous pensez bien que son commerce lui laissait des loisirs : les usines d'alentour sont ferm�es, la fabrication des chapeaux de paille et de la chaussure a cess�. Ch�mage complet. Alors plus d'ouvriers aux comptoirs des buvettes ; plus de pensionnaires aux tables des gargotes.
- Accompagnez-moi donc, nous dit M. Ramel... Vous vous rendrez compte des services qu'on a obtenus par l'indispensable association des efforts administratifs et des concours particuliers.
Tout d'abord, le Bureau de bienfaisance avait propos� d'ajouter � ses services l'organisation des secours aux indigents ; mais un irr�sistible �lan de philanthropie, disciplin� par d'habiles initiatives et d'infatigables d�vouements, montra bient�t que, pour r�aliser enti�rement son oeuvre sociale, M. Antoine pouvait compter sur l'intelligence et le z�le des citoyens. Les r�sultats ont justifi� la confiance de l'honorable conseiller :
- Tout marche � merveille, nous dit M. Ramel. Les approvisionnements consistent en viande provenant de la boucherie militaire. Les abattoirs livrent en abondantes quantit�s la fressure, le coeur, ce que les m�nag�res appellent commun�ment les �� int�rieurs � et cela fournit un excellent bouillon. C'est mon camarade Wendler, le brave entrepreneur de menuiserie, qui assure la marche r�guli�re des services. T�che d�licate et lourde. On ne lui marchande pas trop les moyens ; mais il a �t� souvent oblig� de recourir � son ing�niosit� personnelle pour se les procurer. Songez qu'on fait une cuisine dont le prix de revient est d'environ six centimes par ration. Il me para�t difficile de faire meilleure ch�re avec aussi peu d'argent.�
M Ramel me propose de go�ter la soupe.
Au fond du restaurant Marchal, les fourneaux rougeoient. Un feu ardent maintient en �bullition les marmites d'o� s'exhale une savoureuse odeur de pot-au-feu. Le personnel s'empresse ; une jeune femme pr�pare les morceaux de viande, une autre �pluche poireaux, choux et carottes ; l'attention du cuisinier surveille le travail. Encore dix minutes - et la distribution commencera

Le quartier de la Prairie, les habitants des rues Sainte-Anne, Didion, Charles-III, Saint-Nicolas, de la Salle, composent la principale client�le.
Toutes les classes sont r�unies dans une commune d�tresse. Des barbes hirsutes, des gar�ons qui tra�nent la savate et des fillettes qui vont nu-pieds ; caracos rapi�c�s, blouses en lambeaux, vieux v�tements que l'a�n� trop grand abandonne aux cadets. Ouvriers que les cheveux blancs, la maladie ou quelque infirmit� retiennent � Nancy ; m�nag�res aux yeux rougis par la fatigue des veill�es et les tristesses des adieux ; gamins dont la tignasse s'�bouriffe et nimbe d'or clair la candeur timide ou inqui�te du visage, toute la pauvret� des taudis vides accourt vers la distribution des soupes de guerre Nous allons jeter un coup d'oeil � la cuisine.
Tout heureux, avec un grain de fiert�, le �� chef � en tablier a rempli deux bols que nous d�gustons avec plaisir.
- Votre soupe sera meilleure qu'hier, annonce M. Ramel, aux braves gens dont le nombre grossit d'instant en instant. Tenez pr�ts vos tickets... �
Personne ne se fait r�p�ter la recommandation. Deux petits chiffons de papier tremblent dans toutes les mains. Un silence. On cesse de se raconter entre voisins toutes les histoires exag�r�es ou fausses qui circulent dans le quartier � travers les inqui�tudes d'une population dont le canon enfi�vre l'esprit.
Onze heures.
Une ru�e se produit ; une bousculade o� les gosses essaient de se faufiler adroitement pour �� gagner une place � ; mais les vieux, sans indulgence, interviennent. Chacun son tour, n'est-ce pas ? Rien de plus juste. Les premiers arriv�s doivent �tre les premiers servis.
Il y a l� une extraordinaire collection d'ustensiles, les pots-de-camp en fa�ence bleue, les bo�tes-laiti�res en fer blanc, casseroles, brocs, vases de toutes formes, seaux � confitures Faute de r�cipient plus volumineux, un gosse en haillons tend une esp�ce de terrine ordinairement employ�e pour les rillettes de Tours, presque un coquetier :
�� - J'ai pas autre chose... � Et son embarras trahit moins l'ennui de rapporter � la maison si peu de soupe que la confusion de para�tre ridicule aux yeux de tout ce monde.
Parfois des erreurs se produisent. Des familles viennent �� toucher � au restaurant Marchal, alors que leurs bons sont valables pour l'�cole Saint-Pierre ou pour la laiterie Saint-Hubert.
M. Ramel explique alors :
�� - Tu vois, mon petit, nos bons sont marqu�s d'une M. Le tien est marqu� d'un C � l'encre rouge. �a signifie que c'est chez M. Couillard, rue Pichon, qu'il faut aller. Dis-le � ta maman.. �
Si l'on acceptait, en effet, dans tel �tablissement ceux qui sont inscrits ailleurs pour les secours, on s'exposerait � manquer ici de rations, tandis qu'ailleurs on perdrait au contraire une pr�cieuse quantit� de viande et de bouillon :
�� - Je distribue 350 soupes en moyenne, d�clare M. Ramel. Il y a trois jours, j'en ai distribu� 530 ; mais ce chiffre ne sera plus atteint. On comprenait dans ce maximum plusieurs rues qui s'approvisionnent maintenant � l'�cole Saint-Pierre. �
M. Ramel ajoute une int�ressante constatation. Chaque bon repr�sente environ trois rations. Les familles les plus nombreuses se composent de sept personnes ; mais elles sont plut�t rares :
�� - Notre installation est tr�s modeste; nous avons utilis� le mat�riel d'un restaurant dont la patronne s'est mise sans h�siter � notre disposition. Mais � l'Ecole sup�rieure de la Ville-Vieille, M. Antoine et ses amis ont organis� de toutes pi�ces un poste mod�le o� s'alimente le quartier des Trois-Maisons. Nous serons en mesure d'att�nuer les d�tresses, les mis�res auxquelles le ch�mage des usines et toutes les cons�quences de la guerre r�duiront la population laborieuse de Nancy �
A tant de nobles efforts ne manqueront point de s'associer tous ceux dont la sensibilit� s'�veille au douloureux spectacle de tant de pauvres gens qui sont aujourd'hui presque sans pain et que la prolongation des hostilit�s priverait de feu.
ACHILLE LIEGEOIS.

PR�CAUTION N�CESSAIRE

Nancy, 3 septembre.
Il ne faut point s'�tonner du transfert du gouvernement ailleurs qu'� Paris.
C'est une simple pr�caution, une pr�caution n�cessaire � tous les points de vue.
Le gouvernement a besoin, dans l'int�r�t de la d�fense nationale, de se tenir en communication constante avec toute la France. Tous les services administratifs sont solidaires, et tous sont indispensables � la vie publique.
Sans cette collaboration intime, le d�sordre r�gnerait. La meilleure volont� ne remplace en effet ni l'information exacte, ni la documentation, ni la science.
Le gouvernement se place hors des centres que l'on menace d'isoler, comme l'�tat-major se garde un peu �loign� de la ligne de feu.
Cela ne veut nullement dire que Paris risque d'�tre pris. En 1870, il r�sista h�ro�quement pendant de longs mois, et pourtant il n'�tait pas prot�g� par la puissante couronne de forts que l'on a maintenant �largie.
De plus, la France � cette �poque �tait abandonn�e de tous. Aujourd'hui elle est admirablement aid�e � l'Est par les Russes, � l'Ouest et sur mer par les Anglais, au Nord par les Belges retir�s au camp d'Anvers, et toujours pr�ts � l'offensive.
Enfin Paris n'est pas encore sur le point d'�tre investi. En aucun cas il ne peut �tre enti�rement bloqu�.
Mais le gouvernement a le devoir d'envisager toutes les �ventualit�s, m�me les plus invraisemblables.
Il a le devoir de conserver toute sa libert�, de voir de loin et de haut, d'organiser la d�fense du sol d'apr�s les �v�nements survenus chaque jour, et d'apr�s les plans anciens ou les desseins nouveaux.
Pour ces raisons seulement il a quitt� Paris et s'est rendu � Bordeaux.
A Bordeaux comme � Paris, il travaillera ardemment au salut de la patrie et au triomphe de.la civilisation.
REN� MERCIER.

ACAD�MIE DE NANCY
F�licitations minist�rielle

Dans un rapport d'ensemble au ministre de l'Instruction publique, le recteur de l'Acad�mie de Nancy a donn� un aper�u sommaire des services que rendent, dans les h�pitaux et les diff�rentes oeuvres municipales d'assistance, etc., avec la plus noble �mulation et un entier d�vouement, les membres des Facult�s et Ecoles de l'Universit� de Nancy, les chefs d'�tablissements dans les Lyc�es et Coll�ges de gar�ons et de jeunes filles, avec une bonne partie de leurs professeurs, les directeurs et directrices des Ecoles normales et, en g�n�ral, de toutes les Ecoles publiques, bon nombre d'instituteurs et d'institutrices, et m�me des �l�ves-ma�tres et �l�ves-ma�tresses � peine sortis des Ecoles normales, ou qui vont y entrer.
Le ministre a r�pondu au recteur, en date du 28 ao�t, la lettre suivante, dont celui-ci s'empresse de donner connaissance :
�� Les membres du personnel enseignant de l'Acad�mie de Nancy sont � un poste d'honneur. Je savais que, en temps de guerre comme en temps de paix, le Gouvernement pouvait compter sur leur d�vo�ment au bien public et leur ardent patriotisme.
�� Je vous prie de les remercier de leur collaboration si pr�cieuse � l'oeuvre de la d�fense nationale, et de leur transmettre l'expression de ma vive sympathie et de ma profonde gratitude.
�� Sign� : Albert SARRAUT. �

Contre l'Espionnage

Nancy, 3 septembre.
Le pr�fet de Meurthe-et-Moselle porte � la connaissance des populations du d�partement les ordres suivants du haut commandement : Le g�n�ral commandant la 2e arm�e, r�solu de paralyser l'espionnage par tous les moyens, prescrit les mesures suivantes dans toute la partie du d�partement de Meurthe-et-Moselle situ�e � l'est de la Moselle :
1� La circulation des bicyclettes est formellement interdite ;
2� Les personnes � pied ou en voiture � chevaux ne pourront circuler en dehors des agglom�rations que munies d'un laissez-passer d�livr� par la pr�fecture. Les laissez-passer seront valables seulement de 6 heures du matin � 6 heures du soir ;
3� La circulation des automobiles est interdite. Seul le commandant de l'arm�e se r�serve le droit d'accorder des sauf-conduits dans certains cas strictement limit�s ;
4� Tous les contrevenants aux prescriptions pr�c�dentes seront arr�t�s, les bicyclettes et automobiles confisqu�es.
Il est bien entendu que la d�cision du g�n�ral Durand relative au passage de la rive gauche de la Meurthe sur la rive droite est maintenue.

Interdiction d'�clairer les Fen�tres

Le pr�fet de Meurthe-et-Moselle,
En vertu des pouvoirs qui lui sont d�l�gu�s par l'autorit� militaire ;
Sur la demande de M. le g�n�ral de Castelnau, commandant la 2e arm�e ;
Consid�rant qu'il importe de mettre un terme aux signaux lumineux, qui, � diverses reprises, ont �t� signal�s, et que la seule mesure efficace pour atteindre ce but para�t �tre l'interdiction absolue d'�clairer les fen�tres ;
Arr�te :
Article 1er. - Il est interdit sur toute l'�tendue du d�partement de Meurthe-et-Moselle de laisser, pendant la nuit, des lumi�res apparentes aux fen�tres des maisons.
Article 2. - Tout agent ou repr�sentant de la force publique aura droit de perquisition chez l'habitant qui enfreindrait cet ordre.
Article 3. - Le pr�sent arr�t� sera mis imm�diatement en application.
Nancy, le 3 septembre 1914.
Le pr�fet : MIRMAN.
Pour copie conforme : Le secr�taire g�n�ral : ABEILLE.

NOS TROPH�ES

Nancy, 3 septembre.
Les sept canons et la mitrailleuse pris aux Allemands et qui depuis plusieurs jours �taient align�s place Stanislas, ont �t� emmen�s, mercredi � midi et demi, pour �tre conduits dans l'int�rieur de la France.

Il n'y a pas de pourtant
MONSIEUR

Nancy, 4 septembre.
J'ai assez souvent avec des amis visit� des �tablissements industriels, commerciaux, agricoles, des usines qu'emplissait un tapage infernal, des installations o� r�gnait un silence religieux bien que des tonnes de minerai fussent enlev�es par d'immenses bras de fer. Partout je regardais, et cherchais � comprendre, mais sans me sentir une suffisante autorit� pour donner des conseils.
Cependant autour de moi j'entendais quelques-uns de mes compagnons, fort intelligents, ma foi, �mettre des observations.
- Vous ne croyez pas, monsieur, qu'en tournant la machine dans ce sens vous auriez un rendement bien sup�rieur ?
L'ing�nieur qui expliquait avec un orgueil justifi� la fa�on dont il avait organis� le travail des hommes et des m�canismes, r�pondait doucement qu'il avait pendant longtemps �tudi� ces choses, et qu'il s'�tait d�cid� pour sa m�thode parce qu'il l'avait jug�e la meilleure.
Mais les curieux ne s'en tenaient pas l�.
- Pourtant, disaient-ils, il me semble...
Et ils d�couvraient subitement des modifications � faire, des am�liorations � apporter.
D'autres �taient plus affirmatifs, et �mettaient des critiques, et avan�aient des recommandations.
- Pourquoi n'avez-vous pas fait comme ceci ?
- A votre place je ferais cela.
Et l'ing�nieur, avec un doux ent�tement, r�futait les critiques et montrait l'absurdit� des recommandations.
Il avait pass� des jours et des nuits � �tablir les plans. Il avait sp�cialement dirig� son intelligence vers cette industrie. Il avait vu et compar� tant et tant de proc�d�s. Il avait vou� sa vie � cette science.
Rien n'y faisait.
Le curieux en croyait savoir en une demi-heure de promenade distraite beaucoup plus que l'ing�nieur en quarante ans de travail et d'exp�rimentations.
Assur�ment vous avez vu de ces omniscients, et peut-�tre m�me avez-vous �t� en admiration devant ceux-l� qui, sachant beaucoup ou ne sachant rien, - cela n'a pas d'importance, - veulent r�gler toutes choses suivant leurs vues personnelles.
Il ne leur viendrait pas � l'id�e de confier � un �b�niste le soin de raccommoder leurs chaussures. Ils trouvent cependant naturel de surprendre d'un coup d'oeil le secret des d�fauts d'une immense machine compliqu�e qu'ils voient pour la premi�re fois.

Aujourd'hui ces savants pullulent. Ils sont devant la machine la plus compliqu�e, la plus souple, la plus myst�rieuse, la plus d�licate, la plus formidable qui soit : une guerre europ�enne.
Ou plut�t ils ne sont pas devant la machine. Ils sont devant l'usine o� se trouve cette machine. Ils entendent des grondements de ci de l�. Ils voient parfois sortir de la fum�e.
Cela leur suffit.
Ils raisonnent � l'infini, et estiment, suivant la couleur de la fum�e ou la nature du grondement que la machine devrait �tre dirig�e dans tel sens, qu'il vaudrait mieux employer ce moteur que cet autre, que l'installation manque par tel c�t�, que le d�tail est mal compris, et l'ensemble d�fectueux.
Oui, la fum�e et le bruit leur ont d'un seul coup donn� cette exp�rience militaire. Nous sommes encombr�s de Napol�ons.
Heureuse �poque !
Jamais je n'avais vu autant de strat�ges par les rues et sur les places. Les terrasses des caf�s sont des champs de bataille o� les demis remplacent les r�giments.
A quoi sert de p�lir sur des cartes, de combiner des plans, de rechercher quel effet produit une arme, de recueillir les pr�cieux renseignements, de travailler toute une vie � organiser les services et �tudier les m�thodes les meilleures pour rendre les circonstances le plus favorables qu'il se peut ?
Pourquoi nos officiers s'exercent-ils, si longtemps, si p�niblement, alors qu'il leur suffit d'�couter un consommateur qui, en deux minutes et en trois bocks, leur dira tout ce qu'il faut faire, et bien d'autres choses encore ?
Moi, je suis �merveill� de cette science qui m'entoure et me presse. Et je ne peux pas m'emp�cher de fredonner ces deux vers, - si on peut dire, - que j'ai entendu chanter autrefois :
Jamais j'ai vu tant de mouches !
Jamais j'ai vu si de mouches !
Je pense aussi au dessin qu'un de mes bons amis publia lors des affaires de Madagascar :
Deux bons bourgeois sortent d'un urinoir. L'un tient l'autre par un bouton de la veste, et lui crie :
- Il n'y a pas de pourtant, monsieur, et rappelez-vous bien ceci : Moi gouvernement, Tananarive �tait en mon pouvoir dans les vingt-quatre heures.
Il n'est aujourd'hui presque pas de citoyens qui ne se croient capables de r�duire l'ennemi en une demi-journ�e.
Heureusement le travail est bien distribu�. Pendant que les uns parlent, les autres agissent..
JEAN DURBAN.

LA CIRCULATION DES BICYCLETTES

T�l�gramme officiel.
Nancy, le 4 septembre 1914.
Je vous ai t�l�graphi� ce matin que la circulation des bicyclettes �tait d�sormais interdite sur toute la rive droite de la Moselle.
Le g�n�ral commandant la 2e arm�e vient d'�tendre cette interdiction � toute la partie du d�partement situ�e sur la rive gauche, au sud de la route de Pagny-sur-Meuse, � Foug, Ecrouves et Toul.
La circulation en bicyclette sera permise seulement sur cette route jusqu'� Toul et au nord de cette route sur la rive gauche de la Moselle seulement.

SURVEILLEZ !

Nancy, 4 septembre.
Les municipalit�s devront surveiller avec le plus grand soin, sous leur responsabilit� et sous peine de sanctions s�v�res, les individus suspects, les clochers d'o� peuvent partir des signaux, les lignes t�l�graphiques et t�l�phoniques.
(Ordres du haut commandement.)

CROIX-ROUGE

Les automobiles de la Croix-Rouge ne pourront d�sormais circuler que si elles sont group�es en convoi r�gulier, avec un chef de convoi militaire, muni d'un laissez-passer rouge, d�livr� par le commandant d'armes de Nancy, les commandants de corps d'arm�e, le g�n�ral directeur des �tapes et des services, et le commandant de l'arm�e.
(Ordres du haut commandement.)

L'AME DE LA FRANCE

Nancy, 4 septembre.
M. L. Mirman, pr�fet de Meurthe-et-Moselle, a adress� au Pr�sident du Conseil le t�l�gramme suivant
�� Les populations de Meurthe-et-Moselle loin d'�tre �mues par le repliement du Gouvernement � Bordeaux y voient un acte de fermet� patriotique qui fortifie leur confiance.
�� Les Allemands se figuraient qu'en mena�ant Paris ils �branleraient l'�me de la France.
�� Vous leur faites conna�tre que Paris est une admirable ville dont la ceinture est et sera �nergiquement d�fendue. Mais vous leur faites conna�tre aussi par ce geste que l'�me m�me de la France ne peut �tre atteinte en aucune de nos cit�s, f�t-ce la capitale, parce que cette �me est partout pr�sente, faite de la volont� unanime de la Nation et de sa certitude de vaincre.
�� Au nom des vaillantes populations de ce d�partement �prouv� mais indomptable, je vous prie d'agr�er l'assurance de notre patriotique d�vouement. �

LA SITUATION G�N�RALE

Paris, 5 septembre, 2 heures.
Un communiqu� du minist�re de la guerre au bureau de la Presse, � Bordeaux, dit :

A notre aile gauche
A notre aile gauche, l'ennemi para�t n�gliger Paris pour poursuivre sa tentative de mouvement d�bordant Il a atteint La Fert�-sous-Jouarre, d�pass� Reims et descend le long et � l'ouest de l'Argonne.
Mais cette manoeuvre n'a pas plus atteint son but aujourd'hui que les jours pr�c�dents.

En Lorraine et dans les Vosges
A notre droite, en Lorraine et dans les Vosges, le combat continue, pied � pied, et avec des alternatives diverses.

Maubeuge bombard�
Maubeuge, violemment bombard�, r�siste vigoureusement.

MISE EN DISPONIBILIT� DU
Directeur des Postes de Nancy

Le �� Journal officiel � publie un d�cret aux termes duquel M. Anne-Marie-Emile St�phan Husson, directeur des postes et des t�l�graphes, est mis en disponibilit� d'office.
Cette mesure, qui est la sanction officielle d'incidents regrettables qui se sont produits dans le service postal de Nancy vers le d�but de la guerre, est pr�c�d�e d'un d�cret dat� du 31 ao�t, aux termes duquel : �� les peines du troisi�me degr� pr�vues � l'article premier du d�cret du 9 juin 1906 : d�ch�ance de grade, disponibilit� d'office, exclusion, r�vocation, sont, pendant la dur�e de la mobilisation et jusqu'� la cessation des hostilit�s, prononc�es directement par le ministre, sur la proposition des directions comp�tentes de l'administration centrale et conform�ment aux distinctions �dict�es par l'article 4 dudit d�cret�.
Les sanctions prises en vertu de cet article peuvent faire, de la part des ayants cause, l'objet d'un recours en r�vision devant le conseil central de discipline, lorsque le fonctionnement normal de ce conseil aura pu �tre assur� � nouveau et dans un d�lai de deux mois apr�s son r�tablissement.

La Circulation des Bicyclettes
DANS LA ZONE DES ARMEES

Nancy, 5 septembre.
Le haut commandement a d�j� interdit la circulation des bicyclettes sur la rive droite de la Meurthe.
Cette interdiction vient d'�tre �tendue � toute la partie, du d�partement situ�e sur la rive gauche, au sud de la route de Pagny-sur-Meuse � Foug, Ecrouves et Toul.
Il est donc d�fendu d�sormais de circuler en bicyclette entre la Moselle et la Meuse, dans la zone limit�e au nord par la route de Pagny-sur-Meuse � Toul et au sud par la route de Neufch�teau � Charmes, par Mirecourt et Ch�tenois.
La rive droite de la Moselle �tant rigoureusement interdite, la bicyclette n'est plus permise que dans la partie du d�partement situ�e sur la rive gauche de la Moselle, au nord de la route de Pagny-sur-Moselle � Foug, Ecrouves et Toul.
La circulation en bicyclette est permise sur cette route, mais seulement jusqu'� Toul qu'on ne peut plus d�passer que dans les directions de Dom�vre ou de Liverdun.

UN AEROPLANE ALLEMAND
lance deux Bombes sur Nancy

Nancy, 5 septembre.
Les Allemands, apr�s avoir tent� d'affoler Paris en jetant du haut de leurs a�roplanes quelques bombes dont les Parisiens, apr�s le premier moment de stupeur, sembl�rent plut�t s'amuser, ont tent� un nouvel essai d'intimidation. Cette fois c'est Nancy que les Allemands choisirent somme but de leur exploits.
Dans la journ�e de vendredi 4 septembre, vers midi, un a�roplane allemand, volant prudemment � une telle hauteur qu'il �tait presque invisible, a laiss� tomber deux bombes sur notre ville.

Rue du Mar�chal-Exelmans
L'une vint tomber rue du Mar�chal Exelmans, dans la petite cour qui pr�c�de la maison portant le num�ro 35.
L'engin produisit une forte d�tonation qui fit voler en �clats les fen�tres de l'immeuble et des habitations voisines.
Le soubassement de la maison subit quelques dommages ; la trappe de la cave fut bris�e ; c'est l� tout le d�g�t qui, on peut le constater, est de peu d'importance.
Aucune victime.

Place de la Cath�drale
La seconde bombe vint tomber sur la place de la Cath�drale ; il allait �tre la demie de midi lorsqu'elle fit explosion.
En touchant le sol, elle creusa un trou d'un diam�tre de vingt centim�tres, de peu de profondeur.
Les vitres de la vespasienne voisine furent enti�rement bris�es ; le garde-vue en t�le qui l'encercle presque enti�rement fut perc� de projectiles du c�t� o� la bombe avait �clat�.
La mitraille que contenait l'engin allait frapper la fa�ade de la boucherie de la Seille, traversant les volets de fer et la devanture, brisant la glace et les carreaux d'une fen�tre voisine dont les volets �taient ferm�s.
Au premier �tage, les petits projectiles qui semblent �tre des �clats de fonte, traversaient les volets, brisant les vitres et causant des d�g�ts dans tout l'appartement.
Par suite du d�placement de l'air, les meubles l�gers furent renvers�s p�le-m�le au milieu des chambres.
Quelques pl�tras tomb�rent du plafond couvrant le tout d'une �paisse couche de poussi�re.
L'h�tel de la Poste, dont le rez-de-chauss�e est occup� par les bureaux de notre confr�re l'Impartial, re�ut �galement quantit� de projectiles qui �corn�rent les murs, bris�rent les vitres des fen�tres.
De la lanterne de l'agence des automobiles Berliet, plac�e au-dessus de l'entr�e de la rue du Clo�tre, il ne reste que la carcasse m�tallique.
La fa�ade de la cath�drale fut �galement cribl�e de mitraille qui ne fit que de l�g�res �raflures aux dures et solides tailles de l'�glise m�tropolitaine.
Les maisons se trouvant rue Saint-Georges, en face de la place, ont re�u �galement quelques projectiles qui ont d�t�rior� les glaces des devantures, ainsi que les vitres des �tages.

Fusillade et poursuite
L'explosion venait � peine de se produire que plusieurs coups de feu retentissaient sur la place du March�.
Des soldats s'�taient rendu compte en effet qu'un �� Taube � nous rendait visite ; ils l'aper�urent au fond du ciel bleu et, malgr� la distance qui les s�parait du but, ils d�charg�rent leurs fusils dans la direction de l'a�roplane.
Cinq minutes plus tard, deux de nos aviateurs s'�lan�aient � la poursuite de l'engin allemand, mais sans r�sultat.
Un public nombreux assistait avec int�r�t � ces deux sc�nes de guerre.

Les Victimes
Malheureusement, ce dernier engin a fait des victimes. Un malheureux vendeur de journaux, M. Michel Bordener, �g� de 40 ans, demeurant rue Saint-Nicolas, 64, qui traversait la place, devant la boucherie de la Seille, fut atteint. Le pauvre homme alla s'ab�mer sur le trottoir, le cr�ne fractur�.
D'autres personnes, qui se trouvaient dans le voisinage, furent �galement atteintes.
Ce sont :
M. Thomas Tabouret, �g� de 35 ans, manoeuvre, demeurant rue Charles-III, 157, qui fut bless� par la mitraille sur diverses parties du corps.
Le jeune Joseph Auberhauzer, �g� de 8 ans, demeurant rue Dauphine, 3, fut l�g�rement touch� � la jambe droite. Mme Muller, �g�e de 25 ans, demeurant rue Carnot, 22, � Saint-Max, a �t� bless�e peu gri�vement � l'�paule gauche, et la jeune Ang�le Roux, �g�e de 13 ans, dont les parents habitent rue du Tapis-Vert, 10, a �t� atteinte � la tempe droite.
Les voisins sortirent en h�te pour relever les bless�s.
Bient�t arrivait une voiture d'ambulance de la Croix-Rouge. Les victimes y furent plac�es et rapidement elles furent conduites � l'h�pital civil.
Les m�decins s'empressaient autour des bless�s. M. Bordener, dont l'�tat ne laissait aucun espoir, expirait vers 2 heures de l'apr�s-midi.
La jeune Ang�le Roux, qui avait �t� relev�e sans connaissance, rendait le dernier soupir � la m�me heure.
Quant aux autres personnes atteintes, il a �t� constat� que leurs blessures �taient peu graves. Quelques-unes ont pu regagner leur domicile.

On continue
L'�v�nement a d�fray� toutes les conversations ; mais la v�rit� nous oblige � dire qu'il n'a pas soulev� plus d'�motion que la plupart des faits divers de la vie ordinaire.

D�COR�S !

Nancy, 5 septembre.
- Vous savez ! Un avion allemand vient de lancer une bombe ?
- Non !
- Si.
- O� �a ?
- Sur la place de la Cath�drale.
- Bon, j'y vais.
Et voil� la foule de courir. Non point de courir pour fuir la bombe, mais bien de courir pour aller en voir les effets.
Dans la journ�e, des milliers de Lorrains ont voulu constater par eux-m�mes. Et les agents de la police ne suffisaient pas � les faire circuler.
Toute la journ�e on a entendu des conversations comme celle-ci :
- Vous n'�tes pas all� voir ?
- Non, je n'ai pas eu le temps. J'irai tout � l'heure ou demain.
- Oh ! vous savez, ce n'est pas grand'chose. En tombant, la bombe a fait un petit trou comme une cuvette, elle a �rafl� la charcuterie et la vespasienne, et a l�g�rement �corch� un pilier de l'�glise.
- Ah ! et rue Exelmans ?
- Moins encore. Une corniche et un balcon � peine gratt�s.
- Ce n'�tait pas la peine de faire tant de bruit.
Et les braves gens qui revenaient de l�-bas avaient un petit air glorieux, l'air de dire :
- Hein ! on fait attention � nous maintenant. Et nous allons pouvoir conter des choses � nos parents �loign�s.
Nancy avait l'air vraiment non pas d'avoir re�u deux bombes, mais plut�t une d�coration de guerre.
Pour un peu on serait entr� dans l'�glise chanter un Te Deum et on aurait pavois�.
Si les Allemands ont compt� en tuant un marchand de journaux et une fillette terroriser Nancy, ils se sont �trangement tromp�s. Ce sont des victimes d� la guerre comme le sont nos soldats morts au feu. Nous les honorons. Nous ne pleurons pas.
Non. Ce qu'on a retenu de cette affaire, c'est que pour produire un effet colossal, les avions allemands d�t�riorent la fa�ade des charcuteries, et ne r�ussissent qu'� transformer en monument presque historique une vespasienne.
Ils appellent �a la guerre.
R. M.

PATIENCE

Nancy, 6 septembre.
Bien qu'on entende le canon tonner avec une violence inou�e, la population lorraine ne donne aucun signe d'�nervement. Elle est entra�n�e � ce bruit qui lui para�t maintenant familier, et qui accompagne son travail ou ses promenades.
La concision extr�me des communiqu�s officiels ne lui apporte gu�re de renseignements. La sonorit� de nos pi�ces d'artillerie lui permet en revanche de rep�rer ses innombrables hypoth�ses.
Nos compatriotes ont en outre la ressource d'interroger ceux qui arrivent du front et qui apportent les plus beaux espoirs, ou d'�couter les r�fugi�s des villages d�vast�s qui indiquent avec des exag�rations compr�hensibles les marches et les contremarches, les incursions et les refoulements.
Ces renseignements, r�duits ou d�velopp�s � l'exc�s font prendre patience � tout le monde.
Et la patience est bien la qualit� la plus utile � l'heure pr�sente.
Les chefs connaissent les forces qu'ils ont en mains, et savent ce qu'ils veulent. Ils n'ont pas � se laisser influencer par l'opinion publique. Ils font marcher ou replier les troupes suivant les besoins de la tactique qui nous d�livrera � jamais des Allemands.
Mais on entrevoit, � travers le laconisme myst�rieux des communiqu�s, une pens�e extr�mement forte, compl�tement ma�tresse d'elle-m�me. Elle domine la campagne, et ne s'�meut pas des plaintes excusables. Elle met le salut de la France au-dessus de toutes les douleurs locales ou r�gionales, et nous impose des sacrifices cruels dont la n�cessit� appara�tra plus tard clairement.
Certes il e�t �t� infiniment plus agr�able d'entrer en Allemagne comme au d�but de la campagne nous sommes entr�s en Alsace et en Lorraine. Mais la guerre n'est pas un jeu o� l'on gagne � tout coup. Si quelqu'un l'a cru chez nous, c'est que l'on croit trop ais�ment ce que l'on d�sire. Depuis lors il a bien fallu r�fl�chir, et comprendre.
Plus la guerre devient dure, et plus sont augment�es les raisons de garder confiance.
Voil� d�j� plus d'un mois que nous nous battons. L'ennemi a appuy� de tout son effort, et n'a obtenu aucun avantage appr�ciable. Il a perdu tant d'hommes qu'il �vite soigneusement le si�ge des places fortes. Il sent qu'il n'est pas le plus solide. Ses troupes sont divis�es.
Son ravitaillement en munitions devient de plus en plus difficile.
Nous et nos alli�s n'avons donn� que partiellement. Nos troupes sont intactes. On n'a presque pas touch� � nos r�serves. Demain, aujourd'hui nous pouvons mettre en ligne des arm�es qui ne demandent qu'� marcher. Nos amis de Belgique et d'Angleterre sont pr�ts. Les Russes marchent � grands pas dans la Prusse orientale et en Galicie.
Nous durons enfin, nous durons infiniment plus certes que ne l'auraient jamais pens� les Alemands.
Quelle crainte pourrions-nous donc avoir en des circonstances pareilles ?
Les villages de la fronti�re lorraine ont �t� les premiers � souffrir. Les villes du Nord de la France ont �t� -�prouv�es. Mais personne n'avait jamais esp�r� que nous sortirions sans dommages de la guerre la plus formidable qui ait boulevers� l'Europe.
Que l'on compare notre situation et celle de la Prusse, et l'on verra tout de suite qui a sujet d'�tre effray�.
De la pers�v�rance ent�t�e, de la patience, de la patience, et nous serons bient�t d�livr�s de l'horreur allemande.
Nous ne travaillons pas pour nous seulement, nous travaillons aussi, surtout pour nos enfants.
REN� MERCIER.

COMMENT FUT DESCENDU
le �� Zeppelin � de Badonviller

Du �� Petit Journal � :
Depuis le d�but de la guerre, chaque jour nous apporte de glorieux faits d'armes accomplis par nos vaillants soldats. Voici un nouvel exploit � ajouter aux autres si nombreux. C'est la capture du �� Zeppelin � de Badonviller, descendu par un d�tachement de territoriaux, command�s par le sergent Fricandet. Le lieutenant-colonel commandant le r�giment signale en ces termes cette belle action :
- Le lieutenant-colonel commandant le r�giment, est heureux de porter � la connaissance de celui-ci le compte rendu du sergent Fricandet, de la 12e compagnie, chef d'un d�tachement accompagnant un train de ravitaillement � la fronti�re de l'Est.
�� Le samedi 22 ao�t, une patrouille envoy�e aux abords de la gare de Badonviller me signalait, vers 3 ou 4 heures, qu'un a�rostat devait survoler la gare.
�� Les nuages ne permettaient pas de l'apercevoir : � 4 h. 30 environ, cet appareil se d�gagea du brouillard et il fut alors permis de se rendre compte qu'il s'agissait d'un dirigeable allemand, type Zeppelin.
Ce dirigeable, apr�s avoir survol� le village de Badonviller, vint se placer, � 4 heures 40, entre la gare o� stationnait le d�tachement et un chemin distant d'environ 500 m�tres, occup� par des sections de munitions.
�� Il �tait � ce moment � une hauteur de 600 � 800 m�tres ; un feu nourri de 63 fusils fut ouvert ; les passagers de leur c�t� lanc�rent plusieurs bombes. L'une d'elles tomba, � 300 m�tres du d�tachement, sur une maison pr�c�demment incendi�e par les Allemands ; il n'y eut aucun d�g�t.
�� Il est permis de croire que l'appareil a �t� atteint dans un de ses organes par les balles de nos fusils ; nous avons, en effet, constat� tr�s nettement, apr�s notre tir, que le moteur de l'appareil fonctionnait irr�guli�rement et nous v�mes le dirigeable descendre en s'�loignant lentement. Il dut atterrir � quelques kilom�tres de Badonviller. Vers 7 heures, un automobiliste de la place est venu � la gare nous informer de la part de l'�tat-major de la capture du �� Zeppelin � et des officiers qui le montaient. � Et le lieutenant-colonel termine en f�licitant le sergent Fricandet de son heureuse initiative, et les soldats du d�tachement d'avoir fait preuve de sang-froid, d'habilet� et de discipline en restant, sur l'ordre du chef de d�tachement, � leur poste, quoique tr�s d�sireux de courir sus � un ennemi, qu'ils voyaient facile � atteindre.

La Situation de nos Arm�es
EST BONNE

Paris, 7 septembre, 0 h. 50.
Communiqu� officiel, 23 h. 10.
1� A notre aile gauche, nos arm�es ont repris contact, dans de bonnes conditions, avec l'aile droite ennemie, sur les rives du Grand-Morin.
2� Sur notre centre et � droite, en Lorraine et dans les Vosges, on continue � se battre, et aucun changement n'est signal�.
3� A Paris, l'engagement qui se produisit, hier, entre les �l�ments de la d�fense avanc�e et les flancs-gardes de l'aile droite allemande, prit, aujourd'hui, plus d'ampleur.
Nous avons avanc� jusqu'� l'Ourcq, sans rencontrer une grande r�sistance.
La situation des arm�es alli�es parait bonne, dans l'ensemble.
4� Maubeuge continue � r�sister h�ro�quement.

OBS�QUES

Nancy, 7 septembre.
C'est dimanche, � une heure trois quarts, qu'ont eu lieu, � la chapelle de l'h�pital civil, les obs�ques de M. Robert Bordener et de la jeune Ang�le Roux, les deux victimes de la bombe lanc�e par un aviateur allemand Derri�re le char fun�bre, portant la d�pouille du malheureux Bordener, suivaient ses parents et de nombreux amis.
Derri�re celui de la fillette, marchaient en rangs ses nombreuses camarades d'�cole qui portaient des bouquets et que dirigeaient leurs ma�tresses d�vou�es. Puis venaient la m�re et les soeurs de l'innocente victime.
Dans le nombreux cort�ge, on remarquait M. Mirman, pr�fet ; Mme Mirman, M. Simon, maire ; Jambois, conseiller g�n�ral ; Krug, pr�sident de la commission des hospices ; le vicaire g�n�ral Barbier,, soeur Louise, sup�rieure de l'h�pital.
L'inhumation a eu lieu au cimeti�re du Sud. Devant les tombes, M. Simon, au nom de la population nanc�ienne, a dit un dernier adieu aux deux victimes dont le souvenir douloureux restera longtemps grave dans les coeurs.
M. Mirman a ensuite prononc� un patriotique discours dans lequel, au nom de la nation toute enti�re, il a apport� une protestation indign�e contre l'attentat qui a caus� la mort de deux victimes dans une ville ouverte.
En des phrases touchantes, il a montr� le beau r�le du soldat qui meurt en combattant pour la d�fense du pays, de l'a�ronaute qui, sur son fragile appareil, survole � peu de hauteur les ennemis pour d�truire les ouvrages d'art.
Puis, en d'�nergiques paroles, il fl�trit l'a�ronaute qui, haut dans les nuages, sans courir aucun risque, laisse tomber sur une ville ouverte un engin qui fait d'innocentes victimes.
�� Celui-l� n'accomplit pas un acte de guerre, il commet un assassinat. �
M. le pr�fet ayant encore t�moign� son indignation, a affirm� qu'une nation qui emploie de tels moyens ne saurait vaincre. Il est certain que la ville de Nancy n'oubliera jamais les victimes du l�che attentat et que toutes les fillettes se rappelleront toujours la mort de leur petite camarade.
Il a termin� en adressant des paroles de consolation aux deux familles si durement �prouv�es.
Il �tait trois heures quand les assistants, profond�ment �mus, quitt�rent la vaste n�cropole.

LENDEMAIN DE BOMBE

Le lancement de la bombe de vendredi dernier a fait l'objet d'un proc�s-verbal o� l'administration consigne, � propos de la vespasienne endommag�e par l'explosion, sur la place de la Cath�drale.
�� Que le pr�sent proc�s-verbal est dress� contre inconnu pour jets de corps durs ayant d�t�rior� un monument public. �
Se non e vero...

POUR CEUX QUI ONT MANQU� LE TRAIN

Nancy, 7 septembre.
Des imb�ciles dont tout le courage est fait d'avoir manqu� un train, des semeurs de panique glorieusement oblig�s � un h�ro�sme inconsolable parce qu'ils n'ont pu obtenir un laissez-passer, ont insinu� d'abord que l' �� Est r�publicain � n'allait pas para�tre, affirm� ensuite qu'il avait failli ne pas para�tre.
Le bruit a �t� facilement accueilli par certaines cr�dulit�s promptes � s'�mouvoir.
L' �� Est � continue sans se troubler.
Il cesserait de para�tre :
1� Si Nancy �tait jamais occup� par les Allemands ;
2� Si le papier ou l'encre venait � manquer.
Aucun de ces �v�nements n'entre dans nos pr�visions.
LA DIRECTION.

LA GRANDE BATAILLE

T�L�GRAMME OFFICIEL
Du Nord aux Vosges

Paris, 8 septembre, 0 h. 50 matin.
1� A notre aile gauche; les arm�es alli�es ont progress� sans que l'ennemi s'y soit �nergiquement oppos�.
2� Sur le centre, dans la r�gion de Verdun, on signale des alternatives d'avance et de recul. Situation inchang�e.
3� A droite, dans les Vosges, nous enregistrons quelques succ�s partiels.
4� Aux environs de Paris, les �l�ments de la d�fense avanc�e ont livr�, dans le voisinage de l'Ourcq, des combats dont l'issue fut favorable aux troupes fran�aises.

UN COUP DE SAC

Nancy, 8 septembre.
Quelque chose a transform� consid�rablement la situation. Sinon un fait nouveau, du moins une d�claration pr�cise.
Les gouvernements anglais, fran�ais et russe ont clairement expos� que la conclusion de la paix serait faite en accord unanime entre les puissances de la Triple-Entente.
Cela signifie que l'accord est aussi intime pour la guerre qu'il le sera pour la paix.
Certes on n'avait pas � craindre que la Russie renon��t brusquement � ses victoires, ni que l'Angleterre abandonn�t une partie dans laquelle est en jeu tout son avenir.
Mais il est bon que les nations combattantes, en cette p�riode d'action, affirment leur union compl�te, leur volont� de vaincre, et songent d�s maintenant aux conditions de paix qu'il conviendra d'imposer � l'Allemagne d�finitivement abattue.
La situation ainsi envisag�e est pleine d'espoirs, quels que soient les sacrifices consentis dans l'int�r�t du salut commun et pour le triomphe final.
Contre une union pareille, alors que l'Italie commence d�j� � s'impatienter, des exigences hautaines de l'Autriche, que peuvent faire les Allemands ? Rien. Ils sont perdus.
Ils auront encore des sursauts terribles. Ils ne sauraient �chapper � un sort qu'ils ont de leurs mains sanglantes rendu in�vitable.
Les troupes allemandes ont p�n�tr� en France. Elles en sortiront accabl�es par notre artillerie, pouss�es par nos ba�onnettes. Et � notre tour nous entrerons en Allemagne comme y sont entr�s les Russes.
La route est longue � la v�rit�. Allons, encore un coup de sac, il faut marcher..
REN� MERCIER.

A L'ORDRE DU JOUR

M. le pr�fet a re�u du Quartier g�n�ral l'ordre suivant :
Ordre g�n�ral n� 71
Le g�n�ral commandant la 2e arm�e cite � l'ordre de l'arm�e mesdames Rigarel, Collet, R�my, Maillard, Rickler et Gartener, religieuses de l'Ordre de Saint-Charles de Nancy, qui ont depuis le 24 ao�t, sous un feu incessant et meurtrier, donn� dans leur �tablissement de Gerb�viller asile � environ 1.000 bless�s en leur assurant la subsistance et les soins les plus d�vou�s alors que la population civile avait compl�tement abandonn� le village. Ce personnel a en outre accueilli chaque jour de tr�s nombreux soldats de passage auxquels il a servi tous les aliments n�cessaires.
Le g�n�ral commandant la 2e arm�e :
DE CASTELNAU.
Par ordre : le g�n�ral chef d'�tat-major :
ANTHOINE

LA GRANDE BATAILLE
nous est favorable

T�L�GRAMMES OFFICIELS
De Bordeaux, 17 h. 40, le 8 septembre.

Les Allemands se replient sur la Marne perdant des prisonniers des caissons et des mitrailleuses.
Les arm�es alli�es, y compris les �l�ments de la d�fense avanc�e de Paris, sont en progression continue depuis les rives de l'Ourq jusque dans la r�gion de Montmirail.
Les Allemands se replient dans la direction de la Marne, entre Meaux et S�zanne.
Les troupes franco-anglaises ont fait de nombreux prisonniers, dont un bataillon d'infanterie et une compagnie de mitrailleuses. Elles ont pris aussi de nombreux caissons.

Ils perdent aussi du terrain au centre
De violents combats se sont livr�s entre La F�re-Champenoise, Vitry-le-Fran�ois et la pointe sud de l'Argonne.
Nous n'avons �t� nulle part refoul�s, et l'ennemi a perdu du terrain aux abords de Vitry-le-Fran�ois, o� un mouvement de repli de sa part a �t� nettement constat�.

Ils sont �galement repouss�s en Lorraine
Une division allemande a attaqu� sur l'axe Ch�teau-Salins-Nancy, mais elle a �t� repouss�e au nord de la for�t de Champenoux.
D'autre part, plus � l'est, nos troupes ont repris la cr�te Saint-Mandray et le col des Journaux.
Mandray est une petite commune des Vosges au sud-est de Saint-Di� et au nord de Fraize. La c�te de Mandray a 738 m�tres d'altitude.
Halle des Journaux est un �cart de Mandray � l'est du bois de Mandray.

EN ALSACE
Pas de modification � la situation en Alsace.

De Bordeaux, 0 h. 50, le 9 septembre.
A L'AILE GAUCHE
Les Allemands ayant franchi, dans leur mouvement de retraite le Petit-Morin, se sont livr�s, en vue de prot�ger leurs communications, � de violentes et infructueuses attaques contre celles de nos forces qui occupent la rive droite de l'Ourq.
Nos alli�s les Anglais poursuivent leur offensive dans la direction de la Marne.
Sur les plateaux du Nord de S�zanne. nos troupes progressent, bien que p�niblement.

A NOTRE CENTRE
Violents combats avec alternatives d'avance et de recul partiels.

A NOTRE DROITE
Situation bonne en avant de Nancy et dans les Vosges.

LE D�PART DES AUTOS INUTILES

Nancy, 9 septembre.
Le Pr�fet de Meurthe-et-Moselle, inform� que quelques personnes, aux nerfs vraiment trop sensibles, se sont �mues hier en constatant ou en apprenant qu'un certain nombre d'automobiles quittaient Nancy, tient � pr�munir une fois de plus la population contre les fausses interpr�tations des faits les plus simples auxquelles se livrent avec complaisance les esprits timor�s.
Le fait est ici d'une admirable simplicit� : il a �t� constat� que, en d�pit de tous les ordres, les autos �taient encore beaucoup trop nombreuses ; que ces autos ne servant � rien ou � la simple distraction des promeneurs, g�naient la circulation des voitures r�ellement utiles, affect�es � un service d'int�r�t g�n�ral ; pour mettre un terme � cette situation, l'autorit� comp�tente a dit � ces autos : �� Je ne veux plus vous voir. Allez o� vous voudrez, allez au diable, mais ne restez pas ici. � Et les autos sont parties.
Avouez qu'il n'est pas n�cessaire d'�tre un h�ros pour ne pas d�couvrir l� un sujet d'inqui�tude. (Communiqu�.)

ETEIGNEZ VOS LUMI�RES

Nancy, 9 septembre.
Le Commissaire central rappelle que les prescriptions de l'arr�t� pr�fectoral du 1er septembre 1914 sur l'extinction des lumi�res dans les habitations sont tr�s mal observ�es.
Il croit devoir informer le public qu'� la premi�re infraction des poursuites s�v�res seront exerc�es et qu'� la seconde les contrevenants seront arr�t�s et d�f�r�s � l'autorit� militaire sous pr�vention d'espionnage.
Le Commissaire central compte sur les sentiments patriotiques et le bon esprit de la population, nanc�ienne pour obtenir la stricte observation des prescriptions de l'arr�t� de M. le Pr�fet.
LE COMMISSAIRE CENTRAL.

A GENTILLY
Une Visite aux R�fugi�s
LE BUDGET DE LA COLONIE
NOTES ET INTERVIEWS

Nancy, 10 septembre.
C'est bien une colonie. Nul mot ne convient mieux. On dirait vraiment qu'� Gentilly, dans les vastes salles o� le soleil verse la lumi�re � pleines fen�tres, un naufrage r�unit p�le-m�le les passagers d'un navire �chou�, brutalement bris� sur la c�te par les fureurs de la temp�te.
Il y a l� 657 malheureux. Peu d'hommes ; 124 seulement. Des vieillards, des infirmes, des jeunes gens aussi, marcaires expuls�s des fermes de la fronti�re, gars qu'on s'�tonne de retrouver si robustes et qui, mal � l'aise dans leur oisivet� trompent leur ennui avec une manille.
L'�tablissement a cong�di� les derniers �l�ves de nos �coles le 26 juillet. Finies les vacances. Adieu les parties de plaisir sous les ombrages o� la jeunesse nanc�ienne s'�battait si joyeusement.
Qui donc e�t os� pr�voir l'affectation actuelle de Gentilly ? Pas ses fondateurs � coup s�r. M. Antoine pensait exclusivement aux petits Nanc�iens priv�s des vacances en plein air ; mais les atrocit�s de la guerre ont donn�, h�las ! � son oeuvre une autre destination. Quand les habitants de Nomeny furent expuls�s de leur foyer, les portes de Gentilly s'ouvrirent toutes grandes, le 24 ao�t, devant les r�fugi�s, les �� rescap�s �.
Leur nombre s'est accru sans cesse. Il a fallu improviser l'organisation des premiers secours. Une commission municipale s'est mise � la t�che. Elle a r�ussi. Comme on ne pouvait assurer son traitement � l'ancien personnel, cuisini�res et blanchisseuses ont �t� cong�di�es, mais le directeur de l'�tablissement, M. Jalle, en homme d'initiative et d'exp�rience, s'est entour� de z�les, de d�vouements qui ont fait compl�tement face aux besoins.
Nous avons trouv�, ce matin, M. Jalle dans le coup de feu qui pr�c�de le repas de midi, les manches retrouss�es jusqu'aux coudes, en tablier de toile bleue, surveillant les pr�parations du d�jeuner :
-- Excusez-moi de vous recevoir dans une tenue aussi n�glig�e, dit-il en plaisantant. C'est d'ailleurs ainsi que je me suis pr�sent� hier � M. le pr�fet, accompagn� de l'�v�que et du maire de Nancy...

M. Jalle est plus fier, certainement, de ses talents de cuisinier que de son titre de directeur. Il expose son budget avec un brin d'orgueil :
- Voici le menu des deux repas quotidiens. A midi, bouillon, viande (un excellent morceau de foie) et un plat de l�gumes, pommes de terre, lentilles, haricots verts. Parfois du macaroni. Toujours du bouillon. Le soir, je fais des foies en rago�ts, avec des pois. Chaque ration est de 600 grammes.
- Et les enfants ?
- Le lait abonde maintenant. Il a manqu� pendant trois jours. Situation p�nible. M. P�rot, le fermier de Jarville, est venu � notre aide : il a mis � notre disposition deux vaches superbes qui paissent dans notre pr� Elles fournissent une quantit� suffisante de lait. Trente-cinq litres. Nous ne sommes pas embarrass�s pour traire, car tous nos pensionnaires sont de la campagne. Les personnes malades et les enfants au-dessous de deux ans ont seuls droit � cette alimentation. Pour rem�dier � quelques sympt�mes plut�t b�nins de chol�rine, l'eau min�rale de Vals et l'eau de riz ont remplac� le lait.
De sa poche, M. Jalle extrait un petit carnet :
- Devinez combien je d�pense par jour ?.. Peu de chose, allez ! Avant hier, j'ai nourri 557 personnes avec 165 francs... Merveilleux, n'est-ce pas ? Seulement, pour obtenir ce r�sultat, je m'astreins souvent � faire le march� moi-m�me. En bonne m�nag�re, je guette les occasions, je les saisis au vol. J'ach�te aux mara�chers, d'un seul coup, 700 ou 800 kilos de haricots, leur voiture enti�re, quoi ! On me fait les prix de gros. Et puis nous payons comptant. Bref, je me d�brouille du mieux possible. �
Nous nous rappelons qu'avec le budget de la colonie scolaire, malgr� un personnel r�tribu� d'environ vingt femmes, M. Jalle joignait ais�ment les deux bouts : il nourrissait les ma�tres et leurs �l�ves moyennant vingt centimes par jour. De telles qualit�s d'administration m�ritent bien quelques f�licitations :
- Pour le couchage, ajoute M. Jalle, tout le monde s'�tend sur des paillasses On m'a envoy� hier 200 couvertures et des oreillers ; mais les personnes valides s'accommodent de la paillasse seulement. Les hommes sont log�s dans une partie du pavillon ; l'autre partie est occup�e par les enfants et par les m�res de famille. Suivez-moi. On visitera ensemble le campement. �

Ah ! la tristesse morne de ce spectacle Les d�sastres de la guerre ont amen� � Gentilly, comme des �paves, les d�bris d'une lamentable humanit�.
Toute une partie de notre pays est repr�sent�e dans ce lot de mis�res et de deuils.
Nous apprenons bient�t qu'environ trois cents personnes, chass�es par l'invasion, vont le jour m�me grossir ce contingent Il faudra se serrer, rapprocher les paillasses, ajouter des couvertes pour ces nouveaux h�tes :
- J'aurai tout ce qu'il faut ici pour les recevoir, constate M. Jalle. Tout, sauf le pain. On devrait bien joindre � l'annonce de leur arriv�e, quelques miches de pain frais. Baste ! Cela s'arrangera Je me tirerai d'affaire. Et puis mes pensionnaires sont faciles � contenter. �
Pauvres gens ! Ils acceptent leur destin.
Quelque chose en eux s'est bris� au choc de la catastrophe. Toutes leurs forces se sont �puis�es. Presque incapables de souffrir encore, ayant gravi leur calvaire, ils se r�signent, accroupis, l'oeil fixe, baign�s d'une atmosph�re de m�lancolie qui r�chauffe leur �me, qui verse l'illusion de la paix � ces d�tresses sur lesquelles s'est abattue la tourmente.
Les femmes du m�me village ont rapproch� leurs bancs comme pour les bavardages du couarail. La plupart endorment un enfant au creux de leurs genoux lentement balanc�s ; d'autres pressent contre leur sein nu une t�te blonde dont les paupi�res sont closes ; d'autres exercent l'agilit� de leurs doigts aux travaux de couture ou de tricot, reprisent un jupon, plient du linge, tout en causant � voix basse.
Des fillettes poussent les voiturettes o� reposent les marmots qui rient aux anges, agitent leurs petits bras, jouent avec un hochet ou leur biberon ; des gosses portent une cuiller�e de sable � la bouche de leur poup�e �� qui r�clame du g�teau � ; ceux-ci se roulent sur les paillasses ; ceux-l� dessinent un �� bonhomme � ou une �� maison � en traits d'une incoh�rente na�vet�. Et tout cela emplit l'immense pr�au d'un vacarme de nursery.

Nous rencontrons M. Colson, l'honorable maire de Champenoux ; l'instituteur, M. Blaise l'accompagne. Ils ont quitt� leur commune depuis vendredi.
M. Colson a emport� les registres de l'�tat civil. Il a dress� la liste des familles auxquelles sont distribu�s les secours pr�vus par la loi du 4 ao�t : - Il est juste, en somme, d�clare-t-il, qu'un pr�l�vement soit fait sur ces secours par la municipalit� de Nancy qui vient si g�n�reusement � l'aide de nos infortunes. Certains foyers, en effet, touchent une allocation totale de 100 francs et m�me davantage. Champenoux compte huit familles hospitalis�es � Gentilly. Nous t�cherons de payer pour elles. �
La charit� lorraine videra demain dans les souscriptions une obole que Nancy ne marchande jamais � ceux qui sollicitent son coeur et sa bourse. On donnera des v�tement, du linge, de la literie, de l'argent ; on donnera pour les vieillards, pour les m�res, pour les b�b�s ; on donnera encore et toujours pour r�aliser le sauvetage de ces �tres sans d�fense ; mais nous approuverons la sagesse des administrateurs qui suivront l'exemple de M. Colson.
Pendant notre conversation, les pr�paratifs du d�jeuner animent la �� chambre des hommes � vite transform�e en r�fectoire.
Une app�tissante odeur s'�chappe des cuisines. Mme Faverot, dont le fils fut tu� devant Arracourt d�s les premiers jours de la guerre, surveille quatre marmites dont les dimensions raviraient Gargantua.
Dans un ordre parfait, avec une discipline que font sans peine respecter les d�l�gu�s de la commission municipale, cinq cents convives s'attablent devant les assiettes propres, nettes et claires.
Nous prenons cong� de M. Jalle, rendu cette fois � ses fonctions de directeur, heureux plus qu'on ne saurait le dire du spectacle offert par un banquet qui fait oublier, dans un bruit de vaisselle remu�e, la canonnade dont l'obstination gronde au loin.
ACHILLE LIEGEOIS.

Nancy bombard�
Plus de 40 obus tombent sur notre ville. - La moiti� seulement �clatent.
D�g�ts et victimes

Nancy, 10 septembre.
Il fallait s'y attendre. A la faveur d'une noire nuit d'orage, les Allemands ont pu amener quelques pi�ces - tr�s probablement deux - assez pr�s de Nancy pour envoyer quelques boulets sur notre ville.
Il �tait environ 11 heures 20 quand le premier obus, apr�s le sifflement bien caract�ristique, a �clat� sur nous.
La plupart des gens dormaient et beaucoup, dans la stupeur d'un subit �veil, ont cru simplement que la foudre venait de tomber non loin d'eux. A ce moment d'ailleurs l'orage battait son plein et une pluie diluvienne tombait au milieu des �clairs et des roulements de tonnerre.
Mais voici un nouveau sifflement et un second �clatement. Plus de doute, il s'agissait bien d'un bombardement.
On fit alors ce que la prudence commande en pareille occurrence. On abandonna rapidement son lit et les habitant, des �tages sup�rieurs descendirent aux rez-de-chauss�e et surtout dans les caves.

Deux par deux
Une fois en s�ret�, on laissa tranquillement passer la tourmente, en essayant de rep�rer les endroits sur lesquels la mitraille s'abattait.
Il y avait g�n�ralement deux coups tr�s rapproch�s, on pourrait dire deux coups jumeaux. Mais si le premier �clatait avec un vacarme assourdissant, le second �tait beaucoup plus sourd, et l'on pouvait se demander m�me si le dernier avait produit son effet.
De temps en temps l'�clatement �tait suivi du bruit cr�pitant d'une toiture bris�e.
On peut �valuer � une cinquantaine le nombre des obus qui se sont abattus sur notre ville, entre 11 heures et minuit 45.
Dans l'intervalle, on avait pu entendre, � partir de minuit, la r�ponse tr�s nette de notre artillerie. Puis tout s'�tait tu, en m�me temps que cessait �galement l'orage.
Ce fut bient�t de toutes parts une ru�e des habitants dans les rues. Insoucieux du danger, nos concitoyens �taient avides de se rendre compte des d�g�ts.

Incendie
Des lueurs d'incendie guidaient les curiosit�s. Le feu �tait, disait-on, dans une fabrique de brosses de la rue Sainte-Anne. On voyait aussi des flammes dans les parages du March�, vers la rue de la Hache, et rue Saint-Dizier.
Nos braves pompiers �taient d'ailleurs depuis longtemps sur les lieux et tous les sinistres ont pu �tre, gr�ce � leur activit�, rapidement conjur�s.

Les D�g�ts et les Victimes
L'�glise Saint-S�bastien a �t� pour sa part honor�e de deux boulets. L'un d'eux a trou� l'horloge en plein centre. Un autre a frapp� le c�t� gauche de l'�difice, se bornant � enlever quelques pl�tras. Aux alentours, des fen�tres et des marquises en verre ont eu leurs fen�tres bris�es. Il en a �t� de m�me de la vespasienne qui se trouve � l'angle de la place, en face de la rue Saint-Thi�baut.
Le tir allemand semble s'�tre concentr� sur un espace assez restreint, allant de la rue Jeannot et de la rue Sainte-Anne, � la rue Clodion, en passant par la rue de la Fa�encerie d'un c�t�, et ne d�passant pas de l'autre c�t�, la rue de la Hache.
Rue Jeannot, 11, une bombe a enfonc� la toiture et est all�e ressortir par une fen�tre du second �tage. Une autre a d�moli un pan de mur de l'�cole de filles, dirig�e par Mlle Belli�ni. Les locataires de l'immeuble, au nombre de 24, �taient heureusement descendus dans les caves.
Rue Sainte-Anne, deux boulets sont �galement tomb�s. L'un, comme on l'a vu, a mis le feu � la fabrique de brosses, l'autre a enfonc� un mur. Il y aurait eu, malheureusement, l� des victimes. Une femme aurait �t� tu�e, ainsi que le b�b� qu'elle portait sur les bras Un autre enfant suivait, mais il n'a pas eu de mal.
Au num�ro 22 de la rue Saint-Nicolas, la charcuterie Louis a beaucoup souffert. Une dizaine de personnes, s'�taient r�fugi�es dans les caves. Soudain, un nouvel obus �clate, d�fonce le trottoir et brise une conduite d'eau. Un torrent s'�chappe aussit�t de la blessure et, par un soupirail, inonde la cave, que tous les r�fugi�s doivent �vacuer au plus vite, sous peine d'�tre noy�s.
Deux bombes aussi, rue de la Fayencerie, � l'angle de la rue Saint-Nicolas. L'une a �br�ch� la corniche: L'autre n'a pas �clat�. Elle est rest�e dans le grenier.
Une corniche est aussi entam�e au num�ro 9 de la rue Saint-Nicolas.
Dans la rue de la Hache, une bombe a allum� un incendie, chez M. Fribourg, banquier. Le feu a �t� �teint d�finitivement vers trois heures et demie. On ne croit pas qu'il y ait l� des victimes.
La rue Saint-Dizier n'a pas �t� plus �pargn�e que la rue Saint-Nicolas, sa voisine.
Une bombe a �ventr� une fen�tre du premier �tage de la maison Henrion, tuant Mme Terlin, une octog�naire, et sa bonne. Une seconde a fait de gros d�g�ts � la pharmacie Camet ; une troisi�me a sem�, parmi les pl�tras, les marchandises de la mercerie Beffeyte.
Deux personnes auraient �t� tu�es, ou gri�vement bless�es, au num�ro 57 de la rue Clodion. On parle d'une femme qui a le ventre ouvert, et d'une jeune fille qui a les jambes broy�es, mais on n'a pas encore de renseignements tr�s pr�cis � ce sujet.

Les autorit�s
M. Mirman, pr�fet, M. Simon, maire de Nancy, M. Devit, adjoint, et M. Prouv�, conseiller municipal, ont rendu visite aux bless�s et port� le r�confort de leurs paroles et leurs condol�ances aux familles �prouv�es :Un cordon d'agents a �t� �tabli, � hauteur du March�, rue Saint-Dizier, pour emp�cher une foule de plus en plus nombreuse de contrarier le travail des pompiers et des sauveteurs, et aussi de marcher sur les fils �lectriques rompus.

La belle insouciance
Beaucoup de gens, avides de souvenirs, cherchaient un peu partout, notamment devant Saint-S�bastien, quelques d�bris d'obus.
Il �tait curieux, et surtout consolant, de constater la belle insouciance du public nanc�ien, qui, le premier �moi pass�, courait de toutes parts aux nouvelles. Si les Allemands ont cru nous terroriser, ils se sont compl�tement tromp�s. Nous ne sommes pas, ici, de la race des trembleurs.
D'o� provenaient les boulets, et comment les artilleurs allemands avaient-ils pu amener leurs pi�ces � un endroit propice � ce bombardement. On assure que leurs pi�ces �taient post�es entre Seichamp et Saulxures, et que c'est gr�ce � un armistice obtenu pour enterrer leurs morts que, violant la parole donn�e, ils avaient pu pr�parer dans l'obscurit� de la nuit, leur bel exploit de barbares.
Mais leurs artilleurs doivent � pr�sent savoir le prix de leur tra�trise. Nos pi�ces, en effet, ont eu rapidement raison des leurs, et on nous assure que notre infanterie a chass� tous ces criminels la ba�onnette dans les reins.

LA BATAILLE
Succ�s franco-anglais sur la Marne. - Les Allemands reculent de 60 kilom�tres.
Bien de chang� sur l'Ornain et en Argonne. - Devant Nancy

Paris, 11 septembre, 1 heure.
Communiqu� officiel du 10 septembre, 23 h. 10 :
L'Aile gauche
1� Sur l'aile gauche, les troupes franco-anglaises ont franchi la Marne entre La Fert�-sous-Jouarre - Charly et Ch�teau-Thierry. poursuivant l'ennemi en retraite.
Au cours de cette progression, l'arm�e anglais� a fait de nombreux prisonniers et a pris des mitrailleuses.
Depuis quatre jours que dure la bataille, les arm�es alli�es, sur cette partie du th��tre des op�rations, ont gagn� plus de 60 kilom�tres.
Entre Ch�teau-Thierry et Vitry-le-Fran�ois, la garde prussienne a �t� rejet�e au nord des marais de Saint-Gond.
L'action, continue, avec une grande violence, dans la r�gion comprise entre le camp de Mailly et Vitry-le-Fran�ois.

Au Centre et � l'Aile droite
2� Au centre et � l'aile droite, la situation est stationnaire sur l'Ornain et sur l'Argonne, o� les deux adversaires main, tiennent leurs positions.

Du c�t� de Nancy
3� Du c�t� de Nancy, l'ennemi a progress� l�g�rement sur la route de Ch�teau-Salins.
Par contre, nous avons gagn� du terrain dans la for�t de Champenoux.
Les pertes sont consid�rables des deux c�t�s.
L'�tat moral et sanitaire des troupes fran�aises reste excellent.

Maubeuge tiendrait encore
4� Aucune confirmation n'est parvenue de la chute de Maubeuge, annonc�e par les journaux allemands.

LES BOMBES

Nancy, 11 septembre.
Aujourd'hui, les obus qui n'avaient pas fait explosion au cours du bombardement de l'autre nuit ont �t� transport�s dans un terrain des environs de Nancy o� ils ont �t� d�truits par les artilleurs, en pr�sence de M. le maire de Nancy et de M. Faivre, commissaire central.

OBS�QUES

Aujourd'hui, � dix heures et demie du matin, ont �t� c�l�br�es les obs�ques de MMmes Henriette Wagner, m�re et fille, 91, rue Charles III, les premi�res victimes du bombardement de l'autre nuit.
La c�r�monie religieuse eut lieu au temple protestant.
Une assistance nombreuse et �mue accompagnait les deux chars fun�bres qui disparaissaient sous une profusion de fleurs et de couronnes, dont une offerte par la ville de Nancy.
La municipalit� �tait repr�sent�e par MM. Peltiar, adjoint, et Bussi�res, conseiller municipal.
La double inhumation a eu lieu au cimeti�re du Sud.

LA VICTOIRE
annonc�e par M. le Pr�fet

Nous recevons de la pr�fecture cette note qui confirme bien la victoire :
Je suis heureux de pouvoir apprendre fi la population de Meurthe-et-Moselle que la grande bataille que depuis cinq jours les arm�es fran�aises livrent contre l'ennemi s'ach�ve en une magnifique victoire.
Fran�ais, prenez patience quelques heures en attendant que la communication officielle et pr�cise de cette victoire nous vienne de ceux qui ont autorit� pour vous la faire et pr�parez vos coeurs � une grande joie.
L. MIRMAN,
Pr�fet de Meurthe-et-Moselle.

GRANDE VICTOIRE
Battus sur la Marne et sur l'Ourcq, les Allemands se replient sur l'Aisne et l'Oise. - L'ennemi recule sur presque tous les points, apr�s avoir subi des pertes consid�rables.

COMMUNIQU� OFFICIEL

Paris, 11 septembre, 16 h. 5.
La bataille est engag�e depuis le 6 septembre, sur le front Paris-Verdun.

Au Nord de la Marne et sur l'Ourcq
D�s le d�but, l'aile droite allemande, sous le commandement du g�n�ral von Kluck, et qui avait atteint, le 6 septembre, le nord de Provins, se repliait devant notre menace d'enveloppement.
Elle parvint � s'�chapper et elle se jeta contre notre aile enveloppant le nord de la Marne et l'ouest de l'Ourcq.
Mais les forces franco-anglaises lui inflig�rent des pertes consid�rables et r�sist�rent le temps n�cessaire � la progression de notre offensive.
Par ailleurs, l'ennemi est actuellement en retraite vers l'Aisne et Oise. Il a recul� de soixante � soixante-quinze kilom�tres depuis quatre jours.

De Montmirail � S�zanne et � Vitry
Les forces franco-anglaises op�rant au sud de la Marne ont poursuivi l'offensive, engageant de violents combats dans la r�gion La Fert�-Gaucher, Esternay-Montmirail.
La gauche des arm�es de von Kluck et de von Bulow se replie devant nous.
Des combats particuli�rement acharn�s se sont livr�s entre les plateaux situ�s au nord de S�zanne et Vitry-le-Fran�ois contre notre gauche par l'arm�e de Bulow, l'arm�e saxonne et une partie de l'arm�e du prince de Wurtemberg.
Les Allemands ont �chou� dans leurs tentatives violentes et r�p�t�es de rompre notre centre.
Victorieux sur le plateau de S�zanne, nous p�mes passer � l'offensive.
L'ennemi rompit le combat la nuit derni�re, entre les marais de Saint-Gond et la r�gion de Sommesous, se repliant vers l'ouest, dans les environs imm�diats de Vitry-le-Fran�ois.

Dans la Meuse
Sur l'Ornain, comme dans l'Argonne et la Meuse, o� op�rent les arm�es du prince de Wurtemberg et du kronprinz, le combat dure encore, avec des alternatives d'avance et de recul qui ne modifient pas la situation d'ensemble.

La droite et le centre allemands en retraite
Ainsi, la premi�re phase de la bataille sur la Marne se dessine en faveur des alli�s, puisque la droite et le centre allemands sont actuellement en retraite.

Dans les Vosges et devant Nancy
La situation de notre droite n'est pas chang�e dans les Vosges et devant Nancy,
- que quelques pi�ces � longue port�e essay�rent de bombarder.

L'Ensemble
La situation g�n�rale s'est donc compl�tement transform�e, depuis quelques jours, tant au point de vue strat�gique que tactique.
Non seulement nous avons arr�t� la marche des Allemands, que ceux-ci croyaient victorieuse, mais l'ennemi recule devant nous, sur presque tous les points.

LE BUTIN
fait par les Anglais

Paris, 11 septembre, 11 h. 40.
LONDRES, 10 septembre. - Le bureau de la Presse communique le rapport suivant du g�n�ral French : La bataille a continu� hier.
L'ennemi a �t� repouss� sur toute la ligne.
Notre 1er corps d'arm�e a enterr� 200 cadavres ennemis, a pris douze canons Maxim et fait de nombreux prisonniers.
Notre 2e corps a fait 350 prisonniers.
Il a pris une batterie.
Les pertes allemandes sont importantes.
Les troupes allemandes sont, para�t-il, �puis�es.
Les troupes anglaises ont travers� la Marne dans la direction du nord.

NOTRE SUCC�S S'ACCENTUE
Encore un drapeau enlev�

Paris, 12 septembre, 0 h. 48.
(Communiqu� officiel du 11 septembre, 23 heures.)
1� A l'aile gauche, notre succ�s s'accentue.
Nos progr�s ont continu� au nord de la Marne et dans la direction Soissons-Compi�gne.
Les Allemands ont abandonn� de nombreuses munitions, du mat�riel, des bless�s et des prisonniers.
Nous avons pris un nouveau drapeau. L'arm�e britannique a pris 11 canons, un important mat�riel et a fait 1.200 � 1.500 prisonniers.
2� Au centre l'ennemi a c�d� sur tout le front entre S�zanne et Revigny.
Dans l'Argonne, les Allemands n'ont pas recul� encore.
Malgr� les efforts fournis par les troupes fran�aises au cours de ces cinq journ�es de bataille, elles trouvent encore l'�nergie de poursuivre l'ennemi.
3� A l'aile droite, en Lorraine et en Vosges, rien de nouveau.

LES PERTES ALLEMANDES
sont �normes

Paris, 12 septembre, 2 heures.
(Officiel.)
Seize fois ils lanc�rent des ponts sur la Marne qui seize fois furent d�molis
MEAUX. - Les forces anglo-fran�aises qui refoul�rent les Allemands sur les bords de la Marne leur inflig�rent des pertes �normes en hommes et en mat�riel.
Autour de Vareddes notamment (Vareddes est dans la boucle de la Marne, entre Triport et Changis, non loin du confluent de l'Oucq, en Seine-et-Marne), autour de Vareddes donc, les pertes de l'ennemi furent cinq fois sup�rieures � celles des Fran�ais.
Les Allemands firent des efforts inou�s pour franchir la Marne.
Les Fran�ais ayant d�truit tous les ponts, les Allemands tent�rent d'�tablir trois ponts de bateaux.
Seize fois, ces ponts, presque achev�s, furent r�duits en miettes par l'artillerie fran�aise.

Nos morts dorment sous un linceul tricolore
Le service sanitaire a fonctionn� admirablement.
Tous les bless�s ont �t� �vacu�s et hospitalis�s.
Nos morts sont enterr�s.
Il ne reste plus, dans les immenses plaines o� la bataille a eu lieu avant+hier, que, de petits monticules, tombes de soldats, surmont�s de croix, recouverts de fleurs et de drapeaux tricolores.
Les habitants des villages voisins, partis � la derni�re minute, sont revenus et vaquent � leurs occupations habituelles avec une admirable tranquillit�.

GRIFFES COUP�ES DENTS LIM�ES

Nancy, 12 septembre.
Les impatients doivent �tre, � l'heure actuelle, satisfaits. Ils ont la grande bataille qu'ils demandaient avec une �nergie doubl�e par leur ignorance des faits de la guerre.
Pour ceux qui ont acquis � grands efforts cette vertu magnifique, la patience, ils ont davantage le droit de se r�jouir. Ils ont le commencement d'une belle victoire. Ils ont surtout la certitude que, quoi qu'il arrive, le sang-froid de nos g�n�raux, leur calme, la clart� de leurs vues sont � l'�preuve de tout �v�nement. Avec cette assurance ils ont la certitude du triomphe d�finitif.
Est-ce parce que cette id�e s'est peu � peu fait jour dans le cerveau du kaiser que les Etats-Unis ont, � ce qu'on assure, parl� de la paix ? Ce n'est pas impossible.
Au d�but de la guerre on disait assez commun�ment que Guillaume II offrait � la France la restitution de l'Alsace et de la Lorraine si notre pays consentait � le laisser seul en face de la Russie.
Cela paraissait une plaisanterie cruelle, surtout quand on voyait l'arm�e allemande envahir Bruxelles et d�passer notre fronti�re du Nord.
Mais aujourd'hui ? Aujourd'hui cette m�me arm�e allemande est encore chez nous � la v�rit�. Seulement elle y est un peu comme un soldat entour� par de prisonniers arm�s.
Au centre on la refoule. A l'Ouest on l'attaque. Au Nord-Ouest les Belges attendent � Anvers l'occasion, qu'ils ne laisseront pas �chapper, de bousculer sa retraite fatale. En Lorraine elle ne peut pas passer. Enfin l�-bas les Russes foulent le sol de la Prusse orientale et chassent devant eux les Allemands affol�s.
La source du ravitaillement commence � tarir. Les mers sont ferm�es � tout espoir de secours.
De plus, les atrocit�s commises pendant l'invasion ont soulev� contre l'Allemagne l'indignation de tous les peuples civilis�s.
Le grand empire militaire est vaincu par avance, sans que l'esprit humain puisse concevoir d'autre solution � ce tragique probl�me pos� devant l'univers.
Le kaiser, si mystique soit-il, n'est pas sans comprendre qu'il est perdu.
Il n'est donc pas improbable qu'il ait essay� de s�parer la France de ses alli�s par l'offre d'une satisfaction imm�diate.
Cette proposition serait d'ailleurs tout � fait dans la direction amorale de l'esprit allemand.
Le gouvernement prussien avait bien propos� � la Belgique neutre de favoriser les op�rations militaires de ses arm�es. On sait comment r�pondirent les Belges.
Il avait bien propos� � l'Angleterre amie de ne pas bouger pendant qu'il envahirait la Belgique. On sait comment r�pondirent les Anglais.
Il serait bien capable de proposer � la France d'abandonner la lutte et ses alli�s moyennant compensation d�shonorante. Si cela �tait exact, on sait comment r�pondrait la France.
Et au fait n'a-t-elle pas r�pondu soit en pr�vision des offres de paix, soit parce que ces offres ont �t� r�ellement faites ? La d�claration de la Triple-Entente est-elle seulement �ventuelle, ou bien est-elle une r�plique vigoureuse ?
�� Les trois gouvernements de Grande-Bretagne, France et Russie, conviennent que lorsqu'il y aura lieu de discuter les termes de la paix, aucune des puissances alli�es ne pourra poser des conditions de paix sans accord pr�alable avec chacun des alli�s. �
Voil� ce que nous avons dit.
Les imaginations peuvent � ce sujet se donner libre cours. Elles sont sur un terrain moins dangereux que celui de la tactique.
Mais de tous les Fran�ais pas un, serait-il le pacifiste le plus affol� et le plus impressionnable, et le plus tendre, n'accepterait d'examiner des propositions si �trangement cyniques.
Nous sommes trois et quatre peuples qui combattons pour la lib�ration de l'Europe. Ensemble nous vaincrons, ensemble nous dicterons la paix, quand l'Allemagne �cras�e sous le poids des armes et de la r�probation, ses griffes coup�es et ses dents lim�es, ne pourra plus enfin d�chirer et d�vorer Inhumanit�.
REN� MERCIER.

Retraite g�n�rale
DES ALLEMANDS

A l'Aile droite, � l'Aile gauche, au Centre et en Lorraine, les Allemands ont entam� un mouvement de retraite g�n�rale

AUTOUR DE NANCY
La victoire g�n�rale des arm�es alli�es, que j'ai eu l'immense joie de pouvoir annoncer ce matin � la population de Meurthe-et-Moselle, a produit son effet �� autour de Nancy � avant m�me que la nouvelle officielle ait �t� port�e � notre connaissance par le gouvernement.
Je puis donner aux Lorrains qui sont rest�s � Nancy, marquant ainsi leur confiance in�branlable dans les destin�es imm�diates de la Patrie, l'assurance que l'ennemie est en retraite sur tout notre front.
Vive Nancy !
Vive la France !
L. MIRMAN, Pr�fet de Meurthe-et-Moselle.

Bordeaux, 12 septembre, 18 h. (officiel).
A NOTRE AILE GAUCHE
Les Allemands ont entam� un mouvement de retraite g�n�ral, entre l'Oise et la Marne.
Hier, leur front �tait jalonn� par Soissons, Braines, Fismes et la montagne de Reims.
Leur cavalerie semble �puis�e.
Les forces anglo-fran�aises, qui les ont poursuivies, n'ont rencontr� devant elles, dans la journ�e du 11, qu'une faible r�sistance.

AU CENTRE ET A NOTRE AILE DROITE
Les Allemands ont �vacu� Vitry-le-Fram�ois, o� ils s'�taient fortifi�s, et le cours de la Saulx.
Attaqu�s � Sermaize et � Revigny, ils ont abandonn� un nombreux mat�riel.
Les forces allemandes occupant l'Argonne ont commenc� aussi � c�der.
Elles battent en retraite vers le Nord, par la for�t de Belnoue.

EN LORRAINE
Nous avons l�g�rement progress�.
Nous occupons la lisi�re Est de la for�t de Champenoux, Rehainviller et Gerb�viller. Les Allemands ont �vacu� Saint-Di�.

VERS LA GU�RISON

Nancy, 12 septembre.
Des femmes au coeur tendre se massent volontiers sur le passage des bless�s, et s'apitoient un peu bruyamment sur le sort de ces malheureux.
Certes on ne peut bl�mer ces sentiments. Pourtant il serait bon de les mod�rer.
Voici pourquoi : Les bless�s que l'on voit passer, �tendus sur des civi�res, sont des bless�s que l'on �vacue vers le Centre, l'Ouest ou le Midi, en des villes o� ils recevront, loin de la ligne de feu, les soins n�cessaires.
Ils ont �t� pans�s aux postes o� ils sont tomb�s. Ils ont �t� conduits � Nancy o� on a renouvel� les pansements, o� on les a laiss� reposer quelques jours, de fa�on � les mettre en �tat de supporter le transport en chemin de fer.
Ceux que les m�decins estiment imm�diatement transportables, on les place sur des civi�res, et on les dirige vers la gare.
Ils laissent la place � ceux que l'ennemi atteindra dans les combats futurs. Ils partent. Ils vont vers la gu�rison.
Ils ne sont pas � plaindre. On doit au contraire les f�liciter de leur hardiesse, leur souhaiter un prompt r�tablissement, et se louer de ce que, � l'abri de tous les p�rils, sous un ciel cl�ment, ils vont, leur devoir accompli, reprendre des forces.
Il ne faut pas dire, avec des larmes, sur leur passage :
- Ah! les pauvres gens !
Mais bien :
- Ah ! les braves petits gars !
Ils ont vers� leur sang pour la patrie.
Bravo ! On les emm�ne vers la gu�rison. Ils nous reviendront bient�t solides et joyeux.
Voil� ce que je voudrais entendre au passage des bless�s. C'est ce qui est vrai, c'est ce qui est juste, c'est ce qui r�conforte.
Allons, femmes lorraines, illuminez ces d�parts de vos sourires, et vous qui avez tous les courages, ayez encore celui-l� de crier aux bless�s :
- Bravo les petits gars ! Allez vers la gu�rison. Et revenez-nous bien vite.
REN� MERCIER.

(� suivre)

Mentions l�gales

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