Béatrice Dalle présente "La Nef des fous", un recueil de poèmes de 1494 écrit par Sébastien Brandt. Un écho au tableau éponyme du peintre néerlandais Jérôme Bosch, peint à la même époque. Les deux œuvres reflètent des crises médiévales profondes, psychologiques et religieuses.
- Béatrice Dalle, actrice
Béatrice Dalle est très sensible aux représentations de la folie dans l'histoire et dans l'art. Elle rencontre l'œuvre de Sébastien Brandt grâce au tableau de Jérôme Bosch, aussi nommé La Nef des fous. Les deux œuvres témoignent d’un grand désarroi face à une époque en pleine mutation, inspirant ainsi le poète Pier Paolo Pasolini quelques siècles plus tard. Ils emploient respectivement la métaphore d’un bateau allant vers son naufrage. Sébastien Brandt interroge l'acceptation de la folie dans la société médiévale et regarde toutes les classes sociales. Le fou, à cette époque, est surtout celui dont les comportements ne suivent pas ceux de la communauté. L’auteur interroge alors le bien, le mal et la notion de pêché.
Un poème lu par Hélène Lausseur.
"J’aime infiniment Sébastien Brandt parce qu’il ne cherche pas à plaire"
L’œuvre de Sébastien Brandt (1458 - 1521) est satirique et moralisatrice. La nef des fous connait un grand succès l’année de sa publication et retentit en Europe dans plusieurs traductions. Le recueil est composé de 112 chapitres incluant des poèmes en vers courts. Si l'auteur emploie l’humour, il conserve une rigueur propre à la forme littéraire médiévale. Le tableau de Jérôme Bosch présente dix personnes regroupées dans une barque, la nef. Ils chantent, mordent, jouent, et incarnent des pêchés capitaux : la folie semble avoir gagné toute la barque.
"Les vieux fous" de Sébastien Brandt
Ma folie n’admet pas mon âge.
Je suis très vieux, mais très peu sage,
Un méchant enfant de cent ans.
Je fais miroiter mes grelots, à l’innocent,
Donne des leçons aux jeunes enfants
Et prépare ainsi mon propre testament
Que je regretterai sans doute, après ma mort.
Je donne des conseils et cite des exemples,
enseigne des folies que dans ma jeunesse j’ai commises. Pourvu que ma perversité fasse encore effet,
voilà tout ce que je désire.
Je me vante d’avoir trompé tout le monde,
et troublé plus d’une eau limpide.
M’exerce dans le mal encore à tout moment,
mais regrette de ne plus le réaliser comme avant.
Or, ce que moi je ne peux plus commettre,
mon fils Heinz le fera à ma place,
A lui est confié ce que j’ai omis,
car il est de la même race que moi,
et cela lui donne superbe allure.
Celui-là sera un jour un homme ! s'il vit.
“C’est son fils” devra-t-on dire de lui.
Sans répit il rendra hommage au fourbe
et il voguera dans la Nef des Fous !
Depuis ma tombe je verrai avec joie,
d'être si parfaitement remplacé.
Voilà ce à quoi aspire la vieillesse.
La sagesse n’est plus sa visée.
Les juges de Suzanne nous ont bien prouvé
jusqu'où peut aller la folie des vieux.
Un vieux fou ne ménage pas son âme.
Heureux celui qui ne prend pas exemple sur lui.
Dans La Nef des fous, aux Éditions La nuée bleue
Première publication en 1494
Depuis septembre 2025, la collection de podcasts L’Instant poésie est adaptée dans un livre 300 pages, publié aux Éditions Seghers, dans lequel sont reproduits les textes introductifs des passeurs, les poèmes qu’ils ont sélectionnés ainsi que les différentes illustrations qui accompagnent chaque épisode.
À écouter
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