Charif Majdalani ©AFP - © Joel Saget
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L’écrivain libanais revient au roman avec "Le Nom des rois", dans lequel il fait le récit d’une double perte ; celle du royaume de l’enfance et celle du Liban ancien. Paru en cette rentrée littéraire, il apparaît dans la première liste du Prix Goncourt.

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Toute son œuvre est empreinte de la même question : comment l’Histoire infléchit-elle les vies humaines ? Dans d’amples fresques aux noms rêveurs, Le Dernier Seigneur de Marsad, Caravansérail, L’Empereur à Pied, Dernière Oasis, l’auteur met en scène des sociétés au cœur de crises existentielles. Tous les sujets qu’il décrit, familles, groupes, ou individus voient leur univers basculer, pris dans la trame plus large d’une histoire qui s’impose parfois avec brutalité.

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Né au début des années 60 à Beyrouth, Charif Majdalani a lui-même connu un effondrement historique ; celui qui vit le Liban prospère du milieu du siècle s’enfoncer dans une guerre civile. Dans Le Nom des rois, Charif Majdalani remonte le fil du temps, pour raconter depuis sa propre perspective ce que fût cette époque dans les yeux d’un jeune garçon perdu dans le monde des livres et de son imagination.

La nostalgie des paradis perdus

Le Nom des rois, premier roman autobiographique de l’auteur libanais Charif Majdalani, revient sur une période charnière du Liban ; celle de la fin Trente Glorieuses et du début de la guerre civile. Le livre lui-même s’articule en deux parties, au centre desquelles l’année 1975 joue le rôle d’une bascule. Charif Majdalani raconte avoir écrit la première partie “dans la jubilation, la joie de raconter quelque chose sur mon enfance”, et peut-être avec une certaine nostalgie pour son insouciance de jadis. Par l’écriture, il retrouve “le sentiment d'être dans une forme de sécurité extrême avec ses parents autour de soi, avec des livres, avec des bandes dessinées, le journal de Tintin, le journal de Spirou... c'était un monde qui me paraissait complètement protégé.

Pourtant Charif Majdalani ne sait que trop bien ce que cette nostalgie recouvre. A l’échelle du Liban, la nostalgie généralisée des Trente Glorieuses lui paraît “un problème qu'il faut déconstruire. Tout le monde est nostalgique. On a toujours besoin d'une époque de nostalgie qui est le paradis perdu, parce qu’il est perdu.” A l’époque déjà, le paradis était créé par la volonté de vivre, qui entrainait une forme de déni : “ C'était évident que rien n'allait dans ce pays. Tout partait travers, mais on faisait la fête, mais on dansait, mais on était heureux, mais on créait, mais on construisait. Le volcan grondait, on se disait mais non mais ce n'est pas grave, il gronde, il gronde, ce n'est pas grave, mais il a explosé.” Une manière de vivre malgré tout qui perdure encore aujourd’hui : “La guerre est terminée, on a recommencé à danser, à construire, à fêter. C’est systématique. La volonté de vivre est très forte, et elle entraîne le déni.

Raconter autrement pour déconstruire les récits

Dès lors, raconter ce que fût la guerre civile, dont il ne percevait que les échos, participe selon lui de la fonction sociale et politique de l’écrivain. “Je crois que les romanciers ont le rôle de déconstruire les récits nationaux d'abord et ensuite les récits sur lesquels les sociétés s'assoient avec beaucoup de confort pour s'aperçoivent qu'en définitive ce n'est peut-être pas si confortable que ça parce que ça aboutit toujours à des désastres. [...] L’historien voit les changements d’en haut, le romancier, lui, voit les choses de près. Il est davantage capable de comprendre finalement les raisons profondes pour lesquelles les choses ont changé. En racontant autrement que les historiens, le romancier met de l'ordre dans le chaos des choses et du monde.

Plus d'informations

  • Charif Majdalani a fait paraître Le nom des rois, le 20 août 2025 aux éditions Stock. Il fait partie des quinze titres pré-sélectionnés pour le prix Goncourt 2025.

Les extraits sonores diffusés

  • Un extrait du Nom des rois lu par Charif Majdalani
  • Marguerite Yourcenar sur la différence entre l’historien et le romancier sur France Culture en 1971
  • "Sirène de toile, un poème de Salah Stétié lu par Jacques Bonnaffé sur France Culture en 2018
  • La chanson de fin : "Ya Ana Ya Ana" de Fairouz

À écouter

Rencontre - Salah Stétie (1ère diffusion : 28/05/1978)

Les Nuits de France Culture

55 min

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