Lors de la rentrée scolaire 2025 à Lyon ©AFP - JEFF PACHOUD
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Un collectif de professeurs et de parents d'élèves se mobilise autour de plusieurs familles sans abri et sans perspective de trouver un toit. Lucie et Lina sont deux sœurs qui, depuis plusieurs mois, dorment ensemble avec leur mère et le reste de leur fratrie, dans une salle de classe.

Lucie est en classe de seconde. Quand elle avait dix ans, elle a émigré d'Angola avec sa famille. "Ça s'est fait assez vite, je crois. Au début, je ne croyais pas que j'allais vivre en France, je croyais que c'était pour des vacances. C'est au fil du temps que j'ai réalisé que j'allais vivre ici et plus là-bas."

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La famille de Lucie s'installe dans un premier temps à Dijon. Sans abri, ils tentent de passer les nuits dans les hébergements proposés par le 115, le numéro d'urgence sociale. "Il y avait plusieurs familles avec nous. On était tous dans une chambre, moi, ma mère, mon père, mon frère et ma sœur. Ils nous donnaient le petit-déjeuner et le dîner."

Pendant la journée, Lucie et sa famille se retrouvent dans la rue. "Les personnes qui passaient la nuit avec nous à nous surveiller devaient rentrer chez eux. Du coup, toute la journée, on devait trouver un endroit où rester pendant que le 115 était fermé. Il y avait des associations où on allait manger l'après-midi. Il y avait le secours populaire et plusieurs églises où on allait manger."

La famille de Lucie trouve ensuite un foyer, à Digoin. "J'ai commencé à aller à l'école, dans une classe du Pe2A (Pôle Éducatif Accompagnement des Adolescents) avec d'autres enfants qui arrivent d'autres pays, pour apprendre à parler le français. Pour apprendre le français, j'écoutais beaucoup de musique, Soprano, Vitaa, Silmane, du Aya Nakamura, Gims, Nono la Grinta, L2B. Je regardais des dessins animés, comme Tintin. Je crois que c'est un peu grâce à ce dessin animé que j'ai appris à parler le français."

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Lina est la petite sœur de Lucie. Elle a cinq ans quand elles arrivent en France. Une nuit, il y a deux ans, elle se souvient que des policiers se présentent à la famille. "Ma mère nous a dit qu'on devait partir, qu'on allait devoir retourner en Angola. J'ai vu un monsieur passer derrière elle, qui est rentré dans la chambre de mon père et de mon petit frère. Sur son bras, il y avait une étiquette avec autour écrit 'police'."

La famille de Lina et Lucie fait alors l'objet d'une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF). Lucie raconte. "J'entends ma mère crier, mon père crier. Je vois deux grands policiers, plus grands que ma mère, presque sur elle, puis mon père menotté dans le couloir devant la porte. Je leur demandais de ne pas leur faire du mal, j'étais en pleurs. Ils nous ont enfermés dans la chambre avec mes trois frères et sœurs, et deux policiers."

Lucie et Lina font leur valise. La famille est escortée jusqu'à un centre de détention en attendant un vol direction l'Angola. Finalement, on leur annonce qu'il n'aura pas lieu."Ils nous ont abandonnés à l'aéroport à Paris. La seule chose qu'ils nous ont dit, c'est de ne plus retourner où on était. Mes parents ont dû trouver vite une solution pour savoir ce qu'ils allaient faire dans les prochains jours à venir."

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Les lieux d'accueil du 115 sont surchargés. Alors, la famille décide de se rendre à Lyon. Ils dorment d'abord dans un arrêt de bus, puis vont de logements précaires en logements précaires. Un jour, leur mère demande de l'aide à l'école où sont scolarisés ses enfants. "C'est une grande école avec une grande cour. L'endroit où on dort c'est dans une salle de classe dans des lits gonflables. Je dors à côté de ma sœur, Lina. Il y a un autre matelas à côté où il y a mon petit frère, puis il y a ma mère, puis il y a mon autre sœur."

L'hébergement à l'école reste un logement très précaire. Lina témoigne. "On ne peut plus trop rester à l'école parce qu'il y a des classes maintenant et qu'on peut faire du bruit ou que ça peut déranger. Du coup, on est obligés de rester dehors. On doit sortir d'ici avant 8 h 30. On doit toujours se réveiller tôt, 6 h 50, 6 h 30. On est fatigués."

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Merci à Lucie, Lina, leur maman et leurs petits frères et sœurs, ainsi qu’aux institutrices qui accompagnent cette famille. Merci à Juliette Murtin, Raphaël Vulliez et Antoine Bourreau du collectif Jamais sans toit et à Samira Dadache de la FCPE de Grenoble.

Pour les vacances de la Toussaint, Lina, Lucie et leur famille vont à nouveau se retrouver sans solution de logement.

  • Reportage : Émilie Chaudet
  • Réalisation : Emmanuel Geoffroy

Musique de fin : "Broken", Patrick Watson - Album : Wave, 2017.

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