Illustration pour le documentaire « Le monde après le spécisme », crayon papier, encre de Chine et aquarelle sur papier par Anaïs Ysebaert - © Anaïs Ysebaert
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Nous avons des animaux de compagnie, mais nous avons perdu la compagnie des animaux. Nous ne voyons plus que ceux que nous tenons au bout d’une laisse, ou bien dans les zoos, les cages et les enclos. Comment fonder une société égalitaire avec les autres animaux ?

Ce dernier épisode s’ouvre sur un chant : est-ce le hurlement d’un loup ou l’aboiement d’un chien ? Ni l’un, ni l’autre. Ou plutôt : l’un et l’autre. Il s’agit du son hybride d’un animal hybride : 40 % chien - 60 % loup . Un animal issu d’une sélection génétique acharnée pour que nous puissions tenir en laisse, un morceau de sauvage. Mais une fois installés en appartement, la nature de ces animaux est revenue et s’est retournée contre leurs maitres. Décrétés inadaptés, ingérables, indressables, ces dits -chiens loups - auraient été euthanasiés s’ils n’avaient pas été recueillis dans le refuge de Marjorie, où ils passeront néanmoins leur vie derrière les grilles d’un enclos.
 
Notre expérience des animaux ne se résume plus qu’à ceux que nous installés dans nos salons, nos prés clôturés, derrière les murs que nous leur imposons. Nous ne voyons plus que ceux que nous avons achetés, dressés et enfermés. 
Pourtant, les animaux sauvages nous manquent. Ils vivent la nuit, nous fuient le jour.
Ils surgissent, parfois, nous traversent, puis s’évanouissent devant les phares de nos voitures.

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Nous avons des animaux de compagnie mais nous avons perdu la compagnie des animaux. 
Éperdument, nous cherchons alors leur contact dans les documentaires animaliers, dans les zoos, les safaris, à la corrida ou à la chasse…

« Si nous prenons un peu de recul, et que nous nous demandons pourquoi nous avons fait tant de mal aux animaux ? Une partie de la réponse, c’est que nous avons eu un comportement très utilitariste avec eux, nous les avons considérés comme des ressources naturelles à notre service. Mais ce n’est pas la seule raison, c’est aussi parce que nous sommes profondément curieux des animaux, nous voulons très souvent les voir, les toucher, les connaitre, les découvrir. Je crois que réfléchir à une société post spéciste impliquerait que les humains renoncent à leur désir insatiable de voir les animaux et de les avoir toujours à leur disposition. Nous devons accepter que parfois ils veulent se retirer de nous. » (Will Kimlycka )

Ce dernier épisode imagine – aux côtés de celles et ceux qui ont arraché des avancées pour les animaux – une société zooinclusive, un monde sans laboratoire, sans cirque, sans élevage, et dans lequel renards, pigeons, perruches, rats, sangliers, ne seraient plus des nuisibles mais nos cohabitant.es. Un monde dans lequel nous verrions réapparaître les animaux sauvages qui n’auraient plus à nous craindre.

Car, loin de prôner un séparatisme avec les animaux en souhaitant mettre fin à l’élevage (ce qui leur est souvent opposé), les antispécistes réfléchissent à une société interespèces égalitaire, qui remplacerait l’exploitation par le soin et la justice.

« Quand on dit qu'on veut abolir l'élevage on nous dit souvent deux choses : soit les animaux vont tous disparaître et on ne va plus avoir de relation avec les animaux, soit au contraire ils vont proliférer et on sera débordés. Mais la plupart des antispécistes ont plutôt envie de penser une société où on peut vivre avec les autres animaux. On ne va pas abandonner avant même d’avoir essayé une société où l’on vivrait de façon réellement égalitaire avec les autres animaux, une société où on créerait les conditions pour prendre soin mutuellement les unes des autres. » (Victor Duran Le-Peuch)

Alors sans les cages,les chaînes, les grillages, les clôtures, les barrières, les barreaux, les barbelés les filets, les laisses, les mors, les harnais, les brides et les muselières… Que deviendraient ces animaux avec nous et nous avec eux ? Comment fonder une nouvelle communauté avec les autres animaux ?

« Quand on vient en automne dans cette réserve biologique intégrale des hauts plateaux du Vercors, on entend les cerfs bramer en plein jour, ce qui est quelque chose d'assez exceptionnel. Habituellement, tu les entends seulement à la tombée de la nuit. Ça signifie qu’ils ont bien assimilé le fait que dans cet endroit-là, ils sont tranquilles, ils ne sont plus chassés et donc ils peuvent se permettre de constituer leur harem et d'attirer les femelles en pleine journée, alors que dans d'autres endroits ils se cachent, ils attendent la nuit et l'absence de fusil. » (Béatrice Cochet)

Avec :

  • Marjorie, ancienne employée dans un zoo, fondatrice d’un sanctuaire pour les animaux dits « de rente » et « de cirque »
  • Will Kimlycka, professeur de philosophie politique au Canada, co-auteur avec Sue Donaldson de “Zoopolis : Une théorie politique des droits des animaux” (Hermann)
  • Béatrice Kremmer-Cochet et Gilbert Cochet, naturalistes, auteur.ices de « L’Europe réensauvagée. Vers un nouveau monde » (Actes Sud)
  • Caroline Dubois, fondatrice du refuge GroinGroin dans la Sarthe
  • Myriam Bahaffou, philosophe et autrice de « Des paillettes sur le compost » (Le Passager clandestin) , « Eropolitique », (Le passager clandestin). Elle a préfacé « L’écoféminisme en défense des animaux » (Cambourakis). Elle termine sa thèse : « Race, espèce et déshumanisation. Une proposition antispéciste intersectionnelle »
  • Victor Duran Le-Peuch , créateur du podcast « Comme un poisson dans l’eau » et auteur de « En finir avec les idées fausses sur l’antispécisme » (Editions de l’atelier)
  • Emilie Dardenne, maîtresse de conférences en études animales à Rennes II, autrice de « Considérer les animaux. Une approche zooinclusive » et « Introduction aux études animales » (PUF)
  • Amandine Sanvisens, cofondatrice de l’association PAZ
  • Virginia Markus, fondatrice d’un sanctuaire qui sauve les animaux dits « de rente » et « de laboratoire » et fondatrice de l’association Coexister qui accompagne la reconversion des éleveurs

Bibliographie

  • Myriam Bahaffou (coordination), L’écoféminisme en défense des animaux, Cambourakis
  • Myriam Bahaffou, Des paillettes sur le compost, Le passager clandestin
  • Myriam Bahaffou, Eropolitique, Ecoféminismes, Désir et révolution, Le passager clandestin
  • Jean-Christophe Bailly, Le versant animal, Bayard
  • Jean-Christophe Bailly, Le Parti pris des animaux, Christian Bourgois
  • Joseph Andras, Ainsi nous leur faisons la guerre, Actes Sud
  • Will Kimlycka et Sue Donaldson, Zoopolis , Une théorie politique des droits des animaux, Hermann
  • Virginia Markus, Ce que murmurent les animaux, Bayard Editions
  • Béatrice Kremmer Cochet et Gilbert Cochet, L’Europe réensauvagée. Vers un nouveau monde, Actes Sud
  • Victor Duran Le-Peuch , En finir avec les idées fausses sur l’antispécisme, Editions de l’atelier

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