Affiche du film "M le maudit" ©Getty - LMPC
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Alors qu’une petite fille est assassinée, toute la ville décide de retrouver le meurtrier. Les dénonciations affluent et désignent le coupable de la lettre M. Du lynchage au verdict, comment Fritz Lang a-t-il révélé notre besoin de trouver des coupables ?

Avec
  • Marc Renneville, historien, directeur de recherche au CNRS, directeur du Criminocorpus Lab

C'est l'histoire d'un tueur d'enfants qui sème la terreur. Enquête et émotions, sang-froid et rumeur, surveillance et tribunal populaire, tout est bon pour le retrouver. Et pour le juger au plus vite.
Mais à quoi ça ressemble un meurtrier ? Et comment le juger quand on veut se venger ? 
Cette histoire, c'est l'histoire de M le maudit (1931), le film de Fritz Lang qui nous met face à notre propre culpabilité… Mais oui, qui est le coupable dans cette histoire ; le meurtrier qui tue sans raison ou celui qui est fasciné par ce meurtrier qui tue sans raison ?

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Les inspirations de Fritz Lang

“Fritz Lang a été soupçonné d’avoir tué sa première femme qui l’avait surpris avec sa maîtresse et future femme, Thea von Harbou, qui l’assistera dans l’écriture des scénarios. Il sait ce que c’est de se sentir coupable, car même s’il a été mis hors de cause, il était présent à la mort de sa femme qui s’est au mieux suicidée devant ses yeux, au pire tuée sous les mains de Lang. À travers M le Maudit, il cherche également à faire un grand film et, en regardant les faits divers de l’époque, décide de créer un personnage tueur d’enfants.” Marc Renneville

Pourquoi avoir choisi Peter Lorre ?

“Ce n’est pas par hasard que Fritz Lang a choisi Peter Lorre pour jouer M le Maudit. Il a un air poupon, banal et s’oppose à l’archétype du criminel à l’air brutal que l’on retrouve par exemple chez Nosferatu (1922) de Friedrich Wilhelm Murnau. Peter Lorre n’avait jamais joué de rôle de criminel avant M le Maudit, Fritz Lang veut montrer que le crime fait partie intégrante de la société et qu’il ne peut être limité à la figure d’une personne laide qui porterait intrinsèquement le mal. Car si on est laid, on est inquiétant et donc on est dangereux.” Marc Renneville

"M le Maudit" et la peine de mort : pourquoi tuer les criminels ?

“À partir des années 1960, Fritz Lang commence à établir un lien entre M le Maudit et la légitimité de la peine de mort. Faut-il tuer quelqu’un qui ne peut pas contrôler ses actes ? On peut être du côté de la morale et s’opposer à l’idée de tuer quelqu’un qui lui-même a tué pour éviter la logique : oeil pour œil, dent pour dent. La psychanalyse soutient parfois cette théorie en précisant que le meurtre peut être mu par une pulsion autodestructrice. Si l’on tue quelqu’un qui tue pour être tué, on lui fait un cadeau et la dimension dissuasive de la peine de mort s’estompe. Tout ce qui reste alors à l’argumentaire pour la peine de mort est de tuer un récidiviste pour que lui seul ne récidive pas.” Marc Renneville

Sons diffusés :

  • Extraits du film de Fritz Lang, M le Maudit, 1931
  • Archive de Fritz Lang lors d'un entretien avec Jean-Luc Godard, 1967
  • Musique d'Edouard Grieg, Peer Gynt suite n°1 op 46, Dans l'antre du roi de la montagne, 1874
  • Extrait du film de René Aliot, Moi, Pierre Rivière, 1976
  • Archive de Fritz Lang dans l'émission Cinéma Vérité, France Culture, 23/05/1964
  • Extrait du film de Bertrand Tavernier, Le juge et l’assassin, 1976
  • Chanson de Véronique Sanson, Le maudit (mais la douleur efface ta faute)

Bibliographie :

À réécouter

Au début des années 30, Fritz Lang tourne "M le Maudit"

Les Nuits de France Culture

32 min

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