Avant d'être un opéra populaire, "Carmen" est une nouvelle de Prosper Mérimée, qui se déroule à 400 kilomètres au sud de Madrid, au pays de l’architecture arabo-andalouse, au pays des toréadors, et jadis des cigarières, ces femmes qui roulaient les cigares…
L’amour est un oiseau rebelle, une musique de Georges Bizet, qui n’a pas été bien accueillie. De son vivant, le compositeur n’a pas eu la reconnaissance qu’il a de manière posthume avec son opéra. Il joue pour la première fois Carmen en mars 1875, à l’Opéra comique, le 3 mars, le public boude la pièce, et il meurt trois mois plus tard, pile poil, le 3 juin… Pas forcément un lien de cause à effet, mais on peut se poser la question.
Et avant d’être cet opéra populaire, Carmen est une nouvelle de Prosper Mérimée. Il l’écrit à peu près trente ans avant l’opéra. Il s’inspire d’ailleurs d’un fait divers de l’époque. Carmen, une gitane cigarière, se bat dans la manufacture où elle travaille. Don José le brigadier vient l’arrêter, mais il tombe amoureux d'elle, bien que déjà engagé avec Micaela… Don José non seulement la libère, mais en plus déserte pour se retrouver au côté de Carmen. Qui finit par lui préférer un autre homme, un toréador. Les histoires d’amour finissant mal... Et au moment où son toréador est acclamé dans l’arène, Carmen meurt sous les coups de poignards de Don José.
Que reste-t-il de Carmen dans la Séville d’aujourd’hui ?
Beaucoup ! Une statue déjà, elle représente la bohémienne sur les bords du fleuve Guadalquivir qui traverse la ville. Statufiée, Carmen devient immortelle. La statue n’est pas très loin des arènes, qui, elles aussi, sont toujours là. On raconte même que, au pied de la muraille de l’arène, il y a toujours une tache sombre au sol, où Carmen aurait été poignardée.
Il reste aussi la manufacture de tabac, l’un des plus grands bâtiments baroques d’Espagne. Aujourd’hui c’est le siège de l’université de Séville, mais du temps de Mérimée, c'était toujours une manufacture. Mérimée connait bien l’Espagne, il s’y est rendu plusieurs fois. Et selon une légende, certains voyageurs à cette époque, dont des Français, auraient obtenu des passes-droit pour entrer dans la manufacture, observer les ouvrières. Qu’on imagine déshabillées à cause de la chaleur…
Le cliché de la gitane
50 degrés à Séville l’été. Je ne vais pas vous faire un dessin, mais il y a du licencieux, et de l’érotisme dans ces cigares que les femmes roulent parfois sur leurs cuisses, dans cette manufacture où il fait très chaud. Avec Carmen, on est dans le cliché dans le gitane sensuelle.
Mais ce n’est pas que ça… La nouvelle, comme l’opéra, raconte aussi l’impossibilité pour une femme d’être libre, de choisir d’aimer qui elle a envie d’aimer… ou de ne plus aimer. C’est aussi un texte sur la condition ouvrière et la condition de la femme. Et aussi un texte sur l’amour, qui est donc un oiseau rebelle.
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