8 f�vrier 1876
On a trouv� ces jours derniers, dit le Journal de Lun�ville, le
corps d'un nomm� Dup�ris, de Jolivel, pendu dans une for�t aux
environs de Xousse. On ignore les causes qui ont port� ce
malheureux � mettre fin � ses jours.
17 f�vrier 1876
Le surveillant Lallement, d'Avricourt, a trouv� sur le quai un
porte-monnaie contenant 58 fr., qui a �t� restitu� au
propri�taire.
22 f�vrier 1876
Le sieur Schenherr, gar�on de salle au buffet d'Avricourt, a
remis au chef de gare un porte-monnaie contenant 30 fr. 50 c.,
qu'il avait trouv� sur une table apr�s le d�part d'un train.
16 mars 1876
Il y a huit jours, � Bl�mont, les eaux ont envahi une partie de
la ville et ont caus� des d�g�ts dans un certain nombre de
maisons. Aux forges de Mme Batelot, le pont principal a �t�
enlev�, quoique laissant � l'eau un passage de 35 m�tres
environ.
Dans cette usine, le travail est enti�rement interrompu depuis
six semaines.
3 mai 1876
Cour d'assises de Meurthe=et-Moselle.
Audience du 2 mai.
Le 10 novembre dernier, entre 8 et 9 heures du soir, un incendie
se d�clarait dans l� maison du sieur Jeanjean, � Autrepierre et
la consuma. Jeanjean vint habiter chez son gendre Gossner, dont
la maison touche � celle de l'accus� Louis, son autre gendre.
Le 17 d�cembre, la femme Louis, en entrant chez son p�re, trouva
le vieillard �tendu sur le sol.
Il avait au cr�ne une fractur� caus�e par un coup violent qui
lui avait �t� port� avec un instrument contondant, l'opinion
publique d�signa Prosper Louis, comme Fauteur de l'incendie et
du meurtre.
L'accus� est violent;, cupide et sournois ; il se plaignait
souvent de ce que son beau-p�re voul�t avantager les enfants du
premier lit.
Le 10 novembre, toute la famille s'�tait rendue � la noce d'un
de ses parents ; il avait refus� d'y assister ; toute la journ�e
il s'�tait cach�. Quand le tocsin retentit toute la commune
accourut sur le th��tre du sinistre. Son absence fut remarqu�e.
C'est seulement une heure apr�s qu'il apparut et il montra alors
une indiff�rence significative. Pourtant il avait d� �tre
r�veill� par les cloches comme tout le monde et �tre mis en �moi
par le bruit insolite de la rue. Il ne prit aucune part au
sauvetage. On a d�couvert cach�es chez lui deux m�ches d'�toffe
et sa femme a confi� � une amie que depuis il avait des
cauchemars pendant lesquels il r�vait d'incendie.
Le soir du crime, un habitant de la commune avait vu un
individu, dont le signalement est identique � celui de Louis, se
glissant dans une ruelle qui conduit � la maison Jeanjean.
Jeanjean consid�rait son gendre Louis comme l'auteur de cet act�
criminel et il avait con�u la r�solution de lui dire ��ses
v�rit�s � � cet �gard.
Le 17 d�cembre, au matin, les �poux Gossner, laiss�rent leur
p�re � la maison et vinrent � Bl�mont.
Mais les causes de la mort du vieillard sont autres.
Louis causa avec Jeanjean, sur le pas de la porte, vers 7 h. 1/2
du matin, entra chez lui puis quitta la commune.; il pr�tend
s'�tre rendu directement � Bl�mont ; mais on l'a vu prendre une
autre direction.
Jeanjean a �t� tu� imm�diatement apr�s son premier repas, et
vers huit heures, un sieur Bernard a entendu des cris rauques
partir de sa maison.
Louis alla a Bl�mont vers 10 h. 1/2, porta de l'argent chez M.
Vanier, notaire, d�jeuna chez un fils de Jeanjean auquel il
offr�t, contre son habitude, des consommations.
Un habitant d'Autrepierre arrive au chef-lieu de canton, annonce
que Jeanjean a �t� tu�. Louis n'�prouve aucune �motion, il
s'entretien tranquillement pendant 20 minutes avec l'�picier
Desfr�res.
En revenant � Autrepierre, il demande aux passants ce qu'il y a
de nouveau : il feint d'ignorer la mort violente de son
beau-p�re, et n� se rend au domicile de celui-ci que tr�s tard
dans la journ�e.
On d�couvrit qu'un des sabots qu'il portait dans la matin�e du
17, �tait tach� de sang. Le jour de son arrestation, il demanda
� se retirer un instant dans l'�curie : le gendarm�, qui le
suivit, l'entendit remuer des pi�ces de 5 fr. Cette monnaie fat
saisie, elle portait des traces de feu.
Jeanjean n'avait pas d'ennemis dans la commune : seul Louis
pouvait d�sirer sa mort et en profiter.
Un sieur Thi�baut eut un jour une discussion avec l'accus� dans
une for�t. Celui-ci fit sembiant de se retirer, puis il vint
frapper traitreusrment son adversaire. La blessure entraina une
incapacit� de travail de plusieurs mois.
En 1865, Il a voulu �trangler son oncle.
L'accus� a plus de quarante ans ; il a le cr�ne pointu, le
visage effil�, l'oeil petit, il ne porte point de barbe, il a
une mauvaise r�putation. Il r�pond d'un air patelin aux question
du pr�sident. Sous son apparence bestiale il cache beaucoup de
ruse. Il nie tous les faits qui lui sont reproch�s.
Quarante t�moins sont appel�s ; l'affaire durera deux jours.
4 mai 1876
Cour d'assise� de Meurthe-et-Moselle.
Audience du 3 mai.
Affaire Louis, meurtre, incendie et vol.
L'accus� est n� � Gondrexon : il habite Autrepierre depuis
longtemps.
Interrogatoire.
M. le pr�sident Beno�t. - Vous vous �tes jet� un jour sur un
sieur Didelot, dont vous aviez cach� les outils ; vous lui avez
dit: ��Que vais-je faire de toi, je veux t'�craser. � R. :- Non,
Monsieur.
D.-Vous avez frapp� violemment le sieur Thi�baut dans un bois,
il est rest� plusieurs mois sans pouvoir travailler : depuis il
est comme h�b�t�. Il s'est tu longtemps par peur de vous. R. -
Demandez � Bernard, c'est faux.
D. - Pourquoi Thi�baut vous accuse-t-il?
R, - Pour une injustice du. maire.
D. - Vous �tes mari�... R. -Oui, le 15 novembre 1870, avec Marie
Jeanjean.
D. - D'apr�s vous, Jeanjean pr�f�rait ses enfants du second lit.
R. - Je n'ai jamais dit cela.
D. - Jeanjean recevait de chacun de ses enfants une rente et il
avait abandonn� moyennant 25 fr. de rente viag�re l'indemnit� de
l'incendie. Or, vous avez dit que votre beau-p�re avait gard� de
l'argent � votre d�triment.
R. - Pardon.
D. Vous refusez d'aller � la noce � Barbas.
R. - Je n'�tais pas content de mes parents. Ma femme voulait
d'ailleurs y aller et il faisait mauvais temps.
D. - Ces diff�rents motifs sont contradictoires. On dit que vous
refusiez dans un mauvais dessein. R. -- Comment pouvait-on dire
�a ?
D. - On pensait que vous vouliez prendre l'argent que Jeanjean
tenait cach�. R. - Je ne savais pas qu'il en avait.
D.-Vous ne saviez pas qu'il l'avait cach� dans un trou de
chemin�e. � quelle heure vous �tes-vous couch� le 10. R. - Vers
7 heures du soir.
D. - Vous n'avez pas: �t� r�veill� par la cloche ? R. - Non.
D. - Quelque temps avant l'incendie, on a vu, se glissant dans
la ruelle qui m�ne � la maison Jeanjean, un homme qui avait
toute votre apparence. R. - C'est impossible.
D, - A 8 h. 1/2, la flamme sort avec violence de la maison. Tout
le monde accourt; seul vous �tes absent. R. - On ne m'a pas
appel�. Deux tas de femmes m'ont dit qu'on ne savaient pas ou
�tait le feu.
D. - Vous �tes arriv� paisiblement et n�avez pas pris part au
sauvetage. R. - J'y suis rest� jusque minuit ; l�s �tincelles
tombait comme la neige, sur le fourrage.
D. - Vous aviez des cauchemars o� vous voyiez des incendies. R.
- Jamais.
R. - Vous �tiez mal avec Jeanjean. R. - Erreur, j'allais souvent
chez lui.
D. - Nous saviez que le 17, Gossner et sa femme allaient �
Bl�mont. R. - Non.
D. - Gossner est parti vers sept heures. Qu'avez-vous fait ce
matin l�. R. -- Ma femme avait la migraine-; j'ai donn� � manger
aux porcs ; vers 7 h. 1/2, j'ai aper�u mon beau-p�re sur sa
porte, il m'a pri� de changer les pi�ces noircies;
D. - Pourtant l'avant-veille il avait dit : Si je vois Louis,
entre quatre yeux, jr lui dirai ses v�rit�s; - D. Etes-vous
entr� chez lui ? - R. Non.
D. Il vous a remis les pi�ces d'argent. - R. Oui, il les a
tir�es de sa bourse.
D. Comment Jeanjean ne chargeait-il pas de la commission sa
fille avec laquelle il vivait ? --; R. Nous �tions bien ensemble
: il m'avait encore donn� une voiture de fumier en cachette.
D. La dame Gossner et son mari �taient all�s pr�cis�ment �
Bl�mont ce jour-l�, d'autre part votre femme �tait malade. -- R.
Oh bien l�, elle �tait malade de temps en temps.
D. Pourquoi ne lui rendez-vous pas de l'argent tout de suite, au
lieu d'aller � Bl�mont. -
R. Je n'en voulais rien dire � ma femme..
D. Vous d�clarez l'avoir vu � 7 h. 1/2. Qu'avez-vous fait
ensuite. -- R. J'ai donn� � manger � la vache, je me suis
habill� ; j'ai pris un. pot de miel pour le porter � Bl�mont; �
huit heures, au coup de l'�cole, j'ai r�mis l'horloge;
D. Mais vous, ne prenez pas le chemin- de Bl�mont du tout, vous
partez par celui de Verdenal. - R. J'allais r�clamer � un
individu un franc cinquante qu'il me devait depuis deux ans,
mais je me suis ravis� en pensant que j'arriverais tard �
Bl�mont et je suis revenu sur mon chemin.
D. C'�tait pour vous d�rober aux .regards pour qu'on ne v�t pas
que vous sortiez � cette heure de votre maison. Bref, vous
arrivez � 9 heur�s 1/2. Que faites-vous ? - R. J'ai fait un tour
de march� et j'ai �t� chez le notaire o� j'ai rencontre Gossner
et sa femme ; j'y suis rest� une demi-heure.
D. Vous n'avez chang� nulle part les 35 fr. Vous aviez l'air
soucieux. Vous d�nez avec votre beau-fr�re et vous lui offrez
apr�s le repas une bonne bouteille. II �tait �tonn�. On vous
annonce la mort de Jeanjean.
Joseph Jeanjean est effray�; vous ne manifestez aucun
�tonnement. Vous demandez qui a trouv� le cadavre. On vous
r�pond que c'est votre femme. Vous vous �criez : ��Oh ! la
bougre de b�te. � Vous ne retournez pas imm�diatement �
Autrepierre. Vous questionnez les passants et leurs r�ponses
concernant la mort de Jeanjean vous laissent froid. Le facteur
dit : ��On l'a assassin�,� vous n'avez pas l'air �mu. Rentr� �
Autrepierre, que faites-vous ? R. - Je vais donner une poign�e �
la vache.
D. Au lieu d'aller chez votre beau-p�re devant l� maison duquel
vous passez, c'est seulement 2 heures 1/2 apr�s que vous y
allez.
- R. Oui.
D. Vous n'assistiez pas � l� visite des m�decins le 10. -- R.
Non.
D. Lhuillier, un t�moin,est venu vers onze heures et demie, chez
les Gossner pour chercher de la broderie. Les rideaux de la
fen�tre �taient tir�s contrairement � l'habitude. Votre femme
l'a conduit dans la maison de son p�re et, ayant p�n�tr� dans la
chambre elle referma brusquement la porte en disant : �Je vous
donnerai la broderie plus tard,� Elle avait vu le cadavre de son
p�re. Plus tard elle est entr�e chez Boulanger en lui disant : ��
Venez vite, mon p�re est pendu, mais il ne faut pas le dire. �
Les voisins accoururent. - L'accus� d�clare qu'on n'a vu
personne entrer dans la maison et tout le monde accuse Louis et
quand Gossner a dit ; ��Je trouverai bien le criminel, la dame
Louis s'est �cri�e : �N'accusez pas le mien. �
D. Enfin vous reconnaissez n'avoir quitt� Autrepierre qu'� 8 h.
1/2. - R. Mais je suis bien innocent de tout.
On montre au Jury le sabot tach� de sang.
Louis pr�tend que la tache vient d'une goutte de suie.
T�moins.
Le maire d'Autrepierre. - Louis a une mauvaise r�putation. Il
est redout�; Sa probit� est contestable. On n'avait pas
confiance en lui, il �tait hypocrite, avare. Jeanjean m'a dit :
��On ne m'�tera pas de la t�te que c'est ce grand chien-l�
(Louis), qui a fait le coup.
L'accus�. - Le maire m'en veut.
Le pr�sident. - Mais- l'opinion publique vous accuse aussi.
L'accus�. - Quand le p�tre va aux champs tous les moutons le
suivent.
Le t�moin. - Toute la commune �tait sur le th��tre de
l'incendie. Les gens des villages voisins sont arriv�s avant
Louis lui-m�me : tout le monde en �tait �tonn�. Il a �t�
soup�onn� imm�diatement.
Dr Mayeur. - J'ai constat� chez Thi�baut une plaie longitudinale
s'adaptant � un instrument contondant appel� hoyau. Le coup
avait �t� appliqu� fortement. Il y avait une diffusion sanguine.
Thi�baut �tait en �tat de coma. Sa blessure ne semblait pas
grave. Quelques jours apr�s, le malade avait eu des congestions
sanguines. Toutefois il avait repris connaissance.
Dr Virlet. - J'ai �t� appel� le 18 d�cembre pour constater
l'�tat du cadavre de Jeanjean. Les v�tements �taient tach�s de
sang. Il n'y a pas eu strangulation. � la t�te nous avons
constat� des plaies ext�rieures et une fracture du cr�ne-;
derri�re l'oreille un amas de sang. Il a fallu une �norme
violence pour d�terminer cette fracture. La mort a d� �tre
foudroyante.
La mort n'est pas accidentelle. La digestion normale peut durer
quatre heures ; il a pu �tre tu� dans ce d�lai, .ses aliments
n'�taient pas dig�r�s. Jeanjean fumait d'habitude apr�s son
repas ; sa pipe n'avait pas �t� allum�e, elle �tait charg�e. II
y a lieu de croire que la mort est survenue peu de temps apr�s
le premier repas.
Le Dr Spire, m�decin � Bl�mont. - Il y a deux fractures qui ne
laissent aucun doute sur la cause de la mort : il n'y a pas eu
de suicide et pas d accident. Sur l'autre point, l'�poque de la
mort, rien n'est certain ; mais je pr�sume qu'elle est survenue
peu de temps apr�s le repas.
Le garde champ�tre Martin .r�pond qu'il n'a rien � dire, .
M. le pr�sident. - Et l'oncle Louis ? R. Il m a dit que son
neveu avait voulu l'�trangler.
D. Louis �tait-il estim� ou craint dans la commune ? - R. Il
n'est ni estim� ni craint, il est int�ress� ; je dis ma fa�on de
penser.
D. Il faut vous l'arracher du gosier comme avec un forceps ;
allez vous asseoir.
Rose Moitrier, brodeuse, Confirm� la d�claration de l'oncle
Louis.
L'accus�. -- Elle m'en veut.
Vincent, 62 ans, tisserand. - D�position analogue.
Didelot, 71 ans. - Louis m'avait cach� mes outils, je les ai
retrouv�s, il m'a jet� dessus ; il voulait m'�craser.
D. Il dit le contraire ?
Le t�moin. - Ah ! ah ! ah ! ah i (Rires).
Louis. - Ce n'est pas vrai.
Didelot.- Vous �tes un menteur.
Louis; - Je respecte la vieillesse (mouvement.)
Thi�bault, 76 ans. Un matin au bois, Louis s'est jet� sur moi,
m'a bourr� la figure avec son hoyau, s'est cach� et est revenu
sur moi, il m'a frapp� derri�re la t�te, Je suis rest� mort
jusque une heure du matin. Je n'ai rien dit � ma femme parce que
je craignais qu'il me rempoigne. J'ai �t� trois semaines sans
parler.
Louis. - Jamais je ne lui ai rien fait.
Le t�moin. - C est bon, tu te le rappelles .bien. !
La dame Thi�baut raconte l'agression dont son mari a �t�
victime.
La dame Houillon confirme la pr�c�dente d�position en ce qui
concerne la maladie de Thi�baut.
Boulanger, cordonnier. - L'accus� m'a vol� des betteraves. Il a
menac� son oncle. Il a une mauvaise r�putation; - Louis fait des
objections.
Le pr�sident, -- Encore un t�moin qui vous en veut sans doute,
Louis : parfaitement Monsieur. (Rires ; l'accus� rit.)
La dame Gossner, fille de la victime. (Le t�moin est v�tu de
deuil.) Quand on a vu que Louis n'allait pas � la noce on a
pens� qu'il voulait voler mon p�re.- Sur mes conseils, mon p�re
a cach� son argent. Il m'a dit : ��tu peux me croire, ma ch�re
enfant, il n'y a que Louis pour avoir mis le feu chez moi. �
C'est un feu mis. La veille de sa mort et quelques jours
auparavant il le r�p�tait.
Chez le notaire, il �tait tout dr�le, il ne nous a pas parl� de
mon p�re.
D. Quand vous �tes rentr�e chez vous et que votre mari a dit : ��
Je trouverai l'assassin, � la femme Louis, votre soeur, s'est
�cri�e : ��ne soup�onnez pas mon mari. �
Le t�moin. - Ou� Monsieur.
Une fille de l'accus�. Mon p�re serrait son argent dans un
placard dont il portait la clef � son pantalon.
Un jur� demande � quelle heure Jeanjean avait d�jeun�.
Le t�moin. - Ce jour-l� � 7 heur�s.
D. - Tiriez-vous les rideaux de la chambre habituellement. - D.
Non. Et ce jour-l� ils n'�taient pas tir�s; - quand on est
rentr� dans cette chambre ils �taient tir�s.
Gossner. Depuis quelques jours avant le 17 d�cembre, Louis ne
disait plus bonsoir au p�re Jeanjean.
D. - Jeanjean avait-il de l'argent chez lui ?
Le t�moin. - Environ 500 fr.
D. -Or on n'a retrouv� que 200 fr.
R. - Oui : il nous a sembl� singulier qu'on ait trouve cette
somme sur lui.
D. Qu'a dit v�tre beau-fr�re en rentrant le 17 ? R.- Rien.
Le t�moin ajoute: Louis a dit � certaines femmes, qu'apr�s notre
d�part, il �tait venu chez mon beau-p�re.
Jos�phine Jeanjean, belle-soeur de l'accus�. - Il y avait-entre
mon p�re et Louis des sentiments d'animosit�. Louis a dit dans
l'apr�s midi du 17 : ��Le pauvre homme, j'ai �t� encore avec lui
ce matin. �
Le cordonnier de Barbas, fils de la victime, avait mis son p�re
en garde contre Louis et lui avait conseill� de bien fermer ses
portes le jour o� il devait venir � Barbas.
Joseph Martin et Alfred Martin ont vu un homme se glisser dans
la ruelle ayant l'incendie.
Le maire de la commune dit que l'on a trouv� sur le lit un sac
que Jeanjean ne tirait jamais de son placard.
Contal, un voisin dont la maison a �t� incendi�e, les fr�res
Didier attestent des faits consign�s dans l'acte d'accusation.
Boulanger. - J'ai vu le matin Louis s'en aller du c�t� de
Montigny, il allait vite. Quand on est entr� dans la maison la
chaise de Jeanjean avait disparu. On l'a retrouv�e dans une
chambre voisine.
Me Contal prie la cour de faire prendre au t�moin la position
qu'occupait le cadavre. Sur une observation de M. le pr�sident,
il n'insiste pas : il est acquis au d�bat que Jeanjean avait la
t�te du c�t� du fourneau et les pieds du c�t� de l'armoire.
Bernard. - J'ai entendu, un peu avant huit heures, un grand cri
d'angoisse partir de la maison Jeanjean. Le t�moin, qui a
employ� Louis, n'a jamais eu � se plaindre de lui : il �tait bon
ouvrier et sa conduite �tait r�guli�re.
Lhuillier, fabricant de broderies � Bl�mont. - J'arrive chez la
dame Louis pour chercher l'ouvrage qui �tait chez Gossner :
Elle entra dans la chambre, moi j'�tais dans la cuisine. Elle a
cri� : ��Mon Dieu ! papa. � Elle �tait toute troubl�e; elle m'a
dit qu'on me donnerait mon ouvrage un autre jour. J'avais frapp�
� la fen�tre de Jeanjean � 11 h. 1/2, on ne m'avait pas r�pondu;
les rideaux �taient tir�s.
Le jeune Dedenon.- Je suis venu � Bl�mont annoncer la mort de
Jeanjean, j'ai ajout� que la dame Louis avait trouv� le cadavre.
Louis s'est �cri� : ��Oh ! la bougre de b�te ! �
L'accus�. - Pardon, j'ai dit : ��Oh ! la pauvre femme. �
Le t�moin. - Cette nouvelle ne lui a rien fait du tout; Joseph
Jeanjean, le fils, au contraire, �tait boulevers�.
Joseph Jeanjean. - Louis m'a pay�, apr�s le d�ner, une bouteille
de vin � 12 sous; il ne l'a pas trouv� assez bon, il en a fait
venir une autre.
D. Louis vous a t-il parl� de votre p�re ? - Le t�moin. - Non,
monsieur, on n'a parl� que de la d�charge des contributions.
Apr�s que Dedenon nous eut annonc� la mort de mon p�re - j'�tais
alors sur la porte avec Louis - celui-ci est parti sans mot
dire.
L'�picier Desfr�res - Louis est venu dans l'apr�s-midi chercher
des pastilles chez moi; il m'a parl� de son beau p�re en disant
qu'il aurait 300 fr. apr�s sa mort; mais je croyais bien,
d'apr�s sa conversation, que le vieillard vivait encore. Il
sortait alors de chez son beau-fr�re. Il est rest� chez nous un
quart d'heure. (L'accus� connaissait alors la mort de Jeanjean).
Le facteur Colin. - J'ai rencontr� Louis sur la route d'Autrepierre
�. Bl�mont vers 3 heures apr�s-midi; je lui ai dit : ��Eh bien,
le p�re Jeanjean a �t� bient�t mort; on parle d'un assassinat. �
Louis n'a pas r�pondu, il a continu� son petit train sans
�prouver aucune impression.
La dame Boxberger, 68 ans. - Je revenais d'Autrepierre, mon pays
natal. Il m'a demand� ce qui se passait dans cette commune. J'ai
r�pondu: ��Ton beau-p�re est mort. � ��Ah! Il est mort, � a-t-il
fait.
L'accus�. - C'est mensonge.
Le t�moin, violemment. - ��T'en as menti, au respect de tout le
monde. � Cette dame ajoute : ��Il avait l'air soucieux. �
La dame Rolin d�clare que Louis lui a dit : qu'il �tait venu
chez le p�re Jeanjean le matin. Cette d�position concorde avec
celle de la dame Vigneron.
La dame Marchal, 63 ans. - J'ai vu l'accus� le soir du 17 dans
la maison Jeanjean, il m'a dit : �ce pauvre cher homme. �
L'accus� : ��C'est mensonge, on lui a fait sa le�on.
M. Vanier, notaire, donne des renseignements sur les affaires de
la famille.
Le brigadier de gendarmerie de Bl�mont. - J'ai saisi les pi�ces
d'argent que Louis voulait cacher au moment de son arrestation.
Je les ai bien reconnues tout de suite comme �tant celles de
Jeanjean.
Je les avais d�j� vues. Louis m'a dit : ��Mon beau-p�re me les a
donn�es ce matin pour les changer. �
Il a tir� une bourse de son armoire. Combien y a-t-il dans cette
bourse, lui dis-je ? 40 francs. Or, il y avait 16 fr. de plus.
Elle contenait encore une pi�ce de 5 francs noircie.
A deux heures, M. l'avocat g�n�ral Honnor� a la parole.
5 mai 1876
Dans une r�cente et fort douloureuse circonstance, une personne
qui �crit au Journal d'Alsace, demanda � la police de
Strasbourg, ainsi qu'� l'administration des chemins de fer,
quelles �taient les formalit�s � remplir et de quels papiers
elle devait se munir pour effectuer un transport du corps de
personnes mortes en Alsace et devant �tre inhum�es en France.
Ces renseignements lui furent donn�s avec beaucoup
d'empressement. Elle se munit donc de toutes les pi�ces
indiqu�es. Grande fut sa surprise quand, arriv�e � Avricourt,
elle apprit de la bouche de M. le commissaire de la gare qu'il
fallait encore remplir une autre formalit�, la plus importante
de toutes, consistant � obtenir de M. le pr�fet de Nancy
l'autorisation de faire franchir an corps les fronti�res de
France. Il est inutile d'insister sur tout ce qu'un pareil
arr�t, dans des circonstances aussi douloureuses, a de p�nible
pour ceux � qui il est impos�.
Cour d'assises de Meurthe-et-Moselle.
Audience du 3 mai.
Affair� Louis. - (Suite).
M. l'avocat g�n�ral Honnor�. - L'accus� est violent, cupide il
n'a �t� prot�g� que par la terreur qu'il inspirait. Il est
l�che, il frappe des vieillards et�il frappe habituellement,
notez-le, par derri�re. Il maltraite sa soeur, elle est oblig�e,
par peur d'un ��mauvais coup � de quitter son propre domicile.
Il est en outre incendiaire et meurtrier. L'information l'�
d�montr�. On ne l'a pas vu mettre le feu, on ne l'a pas vu tuer
ce malheureux vieillard, mais ne faut-il condamner que quand on
voit le criminel le fer ou la torch� en main ?
Ici l'ensemble des faits nous apporte des preuves tellement
irr�futables que l'on ne peut un instant songer � innocenter cet
homme, La main qui a tu�, celle qui a incendi�, �tait pouss�e
par un mobile d'int�r�t. Jeanjean avait une verte et heureuse
vieillesse ; il �tait bon, aim� de tous, il achevait sa vie dans
la paix ; il n‛avait qu'un ennemi au monde, son gendre, et seul
celui-ci avait int�r�t � ce que le vieillard mour�t, � ce que sa
maison br�l�t.
Une noce dans un village est une f�te; on invite Louis au
mariage de son fr�re, � Barbas ; il s'abstient malgr� l�s
instances, et sans raison valable : il voulait voler l'argent
qu'il convoitait et faire dispara�tre les traces de son crime !
La flamme d�vore la maison de Jeanjean; seul pendant cinq quarts
d'heure, il n'entend pas la cloche d'alarme ; seul il marche
tranquillement pendant que les �trangers courent sur le lieu du
sinistre. Il tourne le dos � l'incendie et un brave homme d'Autrepierre,
frapp� de cette attitude, vous a dit : ��J'ai pens� qu'il y
aurait une enqu�te l�-dessus. � Quel homme de la m�me taille,
dans la commune d'Autrepierre, pouvait se glisser, � la faveur
de la nuit, dans la ruelle qui m�ne � la maison de Jeanjean ?
Et n'avez-vous pas son propre aveu. Dans ses nuits agit�es, il
voit l'horrible tableau des ruines qu'il a faites, se pr�senter
� ses yeux et il erre dans sa chambre pour �chapper � ce
cauchemar affreux. Il s'accuse lui-m�me et tout le village le
d�signe comme l'auteur de cet acte criminel.
Il a mis le feu � la maison et le vieillard en �tait s�r ; aussi
quand il dit la veille du meurtre : j'irai demain matin chez mon
beau-p�re, pour le d�gr�vement des contributions ; la victime
s'�criait: �Qu'il vienne, je lui dirai ses v�rit�s.�
Le lendemain matin, � 7 heures, le vieillard est plein de vie,
de force et de ga�t�, � huit heures son cadavre rouie sur le sol
de la chambre.
Louis aura beau se disculper : il �tait vers huit heures du
matin dans la maison de Jeanjean, au moment o� .celui-ci �tait
l�chement tu�. Sa pipe que Jeanjean allait fumer apr�s son repas
selon son habitude reste charg�e et d'ailleurs � midi, le
cadavre de cet homme, qui a �t� frapp� en pleine force est d�j�
rigide. La victime a sonn� l'heure exacte de sa mort par le cri
qu'a entendu Bernard.
Que signifie ce voyage � Bl�mont entrepris subitement � 8 h. 12
? L'accus� se sauve, tournant � droite, vers Verdenal, puis
pass� la c�te, il rebrousse .vers Bl�mont. Quelle raison d'aller
� Verdenal, avec un panier charg�, par la neige, pour 1 fr. 50
d� depuis trois ans ?
Pourquoi n'y avez-vous pas �t� � Verdenal ? Vous alliez enterrer
au bois l'argent et la blouse de celui que., vous veniez de
tuer. Et c'est vous, l'avare connu, qui, offrez des
consommations !
Les autres sont boulevers�s � la terrible nouvelle: vous restez
froid. Par exemple quand on vous a dit que votre femme a trouv�
le cadavre, vous vous �criez : ��La bougre de b�te �, n'est- ce
pas un aveu ?
II reste � Bl�mont, MM. les jur�s, pour faire des commissions.
Pr�texte futile : il ach�te pour deux sous de pastilles chez
l'�picier, sur la route; ensuite, il feint d'ignorer la
catastrophe ; il regagne Autrepierre d'un pas tranquille, le pas
de l'incendie !
De son allure b�ate, il rentre � Autrepierre et c'est � 7 heures
seulement qu'il vient chez la victime et il. dit hypocritement :
��le pauvre homme, ce matin j'�tais l� avec lui pr�s du
fourneau. �,
L'opinion publique tr�s anim�e, rappelez-le vous, Me Contal, qui
semblez m'interrompre par- vos gestes, n'�l�ve pas une seule
voix � sa d�charge, l'opinion se tourne vers la justice et le
d�signe, El alors, Messieurs, pour vous enlever tout motif de
mis�ricorde, la fortune veut qu'on saisisse entre ses mains des
pi�ces de 5 francs noircies ; a� moment o� il allait cacher ces
t�moins muets, palpables, de l'incendie du vol et du meurtre.
J'ai laiss�, messieurs, les faits oiseux et mesquins. Pour
fortifier votre conviction d�j� �tablie j'ajouterai : il n'a pas
trouv� un t�moin qui lui fit l'aum�ne banale d'une
recommandation � d�charge.
Avec lui sont entr�s dans une maison paisible le d�shonneur et
la d�solation ; si encore il avait c�d� � un entra�nement, mais
cinq semaines apr�s un crime d'incendie il commet un forfait
�pouvantable, presque un parricide et frappe au coeur sa propre
femme en la jetant dans le deuil de son p�re et de son honneur.
Et son attitude n‛a chang� ni au milieu de cette s�rie
abominables de crimes, ni au jour de l'audience. Eh bien ! MM,
les jur�s; j'en appelle � votre raison, � votre conscience, vous
donnerez satisfaction � la commune enti�re, � la soci�t�, en
refusant � cet homme toutes circonstances att�nuantes.
Me Contal. Messieurs, cet homme n'est pas un incendiaire, n'est
pas un assassin ; je sollicite un verdict d'acquittement. Nous,
n'avons pas voulu de t�moins � d�charge. Ces t�moins � charge me
suffisent. Louis, on vous l'a dit, �tait un ouvrier infatigable.
Il �tait int�ress�, il ne passait pas sa vie au caf�, comme cela
arrive souvent dans les campagnes. Il n'a pas maltrait� sa soeur,
il s'est oppos� � son mariage, dans son int�r�t. On a parl�
longuement de l'incident Thi�baut. Cet homme s'est fait une
blessure � la jambe, il peut parfaitement s'�tre fait, en
tombant, une blessure � la t�te (rumeurs). De m�me pour Didelot,
Louis l'a pouss� un peu brutalement sur ses outils afin de les
lui faire reconna�tre.
Au sujet de l'oncle, l� d�position du t�moin me touche peu par
ce qu'elle vient du perruquier. C'est le perruquier qui a mont�
toute cette histoire absurde. Si l'oncle Louis avait failli �tre
�trangl�, il l'aurait dit � l� bonne soeur de l'hospice en qui
j'ai confiasce.
Voyons les points de l'accusation :
L'opinion publique! Elle est favorable � mon client, au moment
de l'incendie. Je ne m'arr�te pas aux cancans de village ; je
m'adresse aux gendarmes ; ce sont des gens qui examinent les
choses � fond, les gendarmes. Or, dans leur premier
proc�s-verbal, ils consid�raient la cause de l'incendie comme
accidentelle.
M. Cr�pin, agent d'assurances, dit de m�me.
La famille qui n'aimait pas Louis � excit� l'imagination du
vieillard; l'opinion de celui-ci ne m'�meut pas, car le
lendemain de l'incendie, il croyait � un accident;
Louis a refus� d'aller � la noce d'un parent avec lequel il est
mal et on l'accusera pour cela d'incendie ! Cette argumentation
n'a aucun fondement.
Louis avait battu dans la grange ce jour-l�; il �tait dans son
premier sommeil et le vent portait le son dans une direction
oppos�e.
Quand j'habitais aux environs de Saint-S�bastien, souvent je
n'entendais pas le son des cloches, � cause du vent.
On reproche � mon client de n'avoir rien sauv�, mais, il �tait
arriv� cinq quarts d'heure apr�s le commencement de l'incendie !
les secours �taient inutiles,; il va aider Rolin � prot�ger son
grenier contre les �tincelles.
Etait-ce le r�mords qui bourrelait Louis pendant les nuits
suivantes ? Non ; beaucoup de personnes, dont l'esprit est
frapp� par un incendie, en r�vent ensuite;
Chaque jour on voit des hommes de plus ou moins grande taille
passer dans une rue ou une ruelle en revenant de la veill�e ; il
n'y a rien � arguer de la d�position vague des fils Martin qui
n'ont rien vu.
Voil� les arguments de l'accusation ; un ch�teau de cartes qu'un
souffle suffit � renverser.
Louis n'avait pas int�r�t � br�ler la maison de sa femme ; car
il fallait pour que celle-ci en touch�t sa part, le consentement
du p�re.
Rien ne prouv� que le -feu ait �t� mis. Nous n'avons pas allum�
de feu, dit Gossner ; mais on ne me fera pas croire qu'ils
n'aient pas allum� de chandelle au moment de se faire beaux pour
se pr�senter � la noce sous les traits les plus flatteurs : Le
feu s'est communiqu� au mobilier ; je suis presque certain qu'il
a couv� jusqu'au soir.
Louis part le jour o� meurt Jeanjean, il va du c�t� de Verdenal,
il avait un motif. Il rebrousse, c'est qu'il a chang� d'id�e,
voil� tout. Il va � Bl�mont, il l'avait promis.
On trouve singulier le mot ��bougre de b�te �, mais il faut
tenir compte de la fa�on dont parlent les gens de la campagne.
Comme � Nancy on dit : ��Mon bon ami,� l�-bas on dira : �Bougre
de b�le. �
Louis ach�te des tablettes parce qu'il en a besoin; il souffre
constamment de la poitrine et de l'estomac.
L�s d�positions de la femme Boxberger sont contradictoires. Le
facteur dit qu'il n'a pas vu sa physionomie : ce n'est pas de
telles d�positions qu'on peut arguer contre nous, ni m�me d�j�
d�position de Bernard � qui ��il semble qu'un cri soit sorti
comme de la maison Jeanjean. �
En rentrant � Autrepierre, mon client gagne d'abord sa maison;
la chose n'a pas lieu d‛�tonner, puisque sa femme est malade. Il
n'a, d'autre part, rien avou� sur une entrevue qu'il aurait, eue
avec Jeanjean, sinon qu'il lui a caus� sur le pas de la porte.
Vous dites, que Jeanjean est mort de mort violente. Je pense,
moi, qu'il a pu se tuer en tombant sur le fourneau apr�s avoir
voulu prendre quelque chose s�r l'armoire! Quant � l'heure de sa
mort, les m�decins n'affirment rien ; ils n'appr�cient pas sur
la dur�e de la digestion. Du moment o� la m�decine l�gale g�n�
M/ l'avocat g�n�ral, elle est pour moi. La digestion s'est
op�r�e plut�t de 7 h. � 10 heures que de 10 � 11, voil� tout ce
que l'on vous dit !
Les t�moins ont parl� d'une mani�re g�n�rale et n'ont apport�
aucun fait ayant motiv� une discussion entr� l'accus� et la
victime. Parce que vous ne pr�cisez rien, vous venez dire ��Ce
doit �tre Louis qui est coupable. � Il n'est d'ailleurs pas
n�cessaire que le coupable soit du pays; souvent nous voyons des
crimes semblables commis par des passants.
Quant aux pi�ces de 5 francs, rien ne prouve que Jeanjean ne les
ait pas remises � Louis le matin, et que celui-ci ne les ait pas
�t� chercher, au moment de son arrestation, pour les remettre au
gendarme;
On a partout cherch� une preuve mat�rielle du crime; on n'a rien
trouv� et ce n'est pas sur des hypoth�ses qu'on doit �chafauder
une accusation. Le doute plane sur cette affaire et je l'invoque
pour r�clamer un verdict n�gatif.
M. le pr�sident r�sume les d�bats. A 8 heures moins le quart, le
jury rentre avec un verdict affirmatif sur la premi�re question,
coups et blessures, donn�s � Thi�baut, n�gatif sur la deuxi�me,
incendie, affirmatif sur les deux autees, meurtre et vol.
Louis est condamn� �ux travaux forc�s � perp�tuit�. Il quitte
sans �motion apparente la salle des audiences. La foule est
consid�rable; toutefois, cette affaire avait attir� moins de
curieux que l'affaire Greveis.
14 mai 1876
La division de la commune d'Avricourt en deux parties, l'une
rest�e fran�aise, l'autre devenue allemande, donne lieu dans
certains services publics � des confusions. D'apr�s le Journal
de Lun�ville, l'administration songe � y mettre un terme en
donnant � notre station-fronti�re de chemin de fer le nom de
Igney-Avricourt.
30 juin 1876
On lit dans le Courrier de Meurthe-Et-Moselle :
Le journal l'Esp�rance rapporte, � la date du 26 juin, la mort
tragique d'un honorable industriel de Bl�mont, M. Lucien L�mant.
La vie de m. L�mant m�rite d'�tre signal�e autrement que par la
funeste action qui y a mis fin.
Directeur d'une importante maison de filature et de tissage
qu'il avait re�ue des mains de son p�re, il sut, par son labeur,
son intelligence et son activit�, l'�lever � un haut degr� de
prosp�rit�, malgr� les crises, p�riodiques que le pays a eu �
traverser. Dou� d'un esprit curieux et p�n�trant, d'une m�moire
heureuse et d'une rare aptitude pour le travail, M. L�mant avait
�tudi� et approfondi toutes, les questions d'�conomie politique
qui se rattachent � l'industrie cotonni�re. Il avait, sur ce
sujet, des opinions arr�t�es, mais raisonn�es, et il sut les
d�fendre avec autant de chaleur que de mod�ration. Comme il
avait une grande facilit� d'�locution, il prit une part
importante � la Campagne entreprise pour la d�fense de
l'industrie nationale.
Son nom fut bient�t connu dans toute la r�gion industrielle de
l'Est. Les filateurs des Vosges appelaient M. L�mant � leurs
r�unions, aimaient � l'entendre, et lui �taient reconnaissants
d'aller � Paris d�fendre leurs int�r�ts. Il y a quelques jours �
peine il assistait, comme d�l�gu� de l'Est, � une r�union des
grands industriels de France.
Dans sa ville natale et dans l'arrondissement de Lun�ville, o�
il comptait de nombreux amis, M. L�mant �tait entour� de la
consid�ration universelle. Faut-il ajouter que, mari et p�re, il
aimait sa femme, ch�rissait sa fille, et que cet amour lui �tait
rendu.
Malheureusement, il �tait atteint depuis quelques ann�es d'une
maladie qui le faisait cruellement souffrir. C'est dans un de
ces acc�s qu'aigri par la douleur et perdant la raison, il se
frappa mortellement.
Presque tous ses concitoyens, des amis accourus de toutes parts,
les ouvriers et les employ�s de l'usine de Val-et-Ch�tillon
l'ont accompagn� � sa derni�re demeure, unissant leurs regrets �
ceux d'une famille �plor�e.
12 juillet 1876
On nous �crit de Bl�mont :
Voici le r�sultat d'un concours de tir � la carabine qui a eu
lieu le 9 juillet au jardin et sous la direction de M. Albert
Doll� :
1er prix, un revolver avec m�daille dor�e, M. Louviot. - 2e,
deux beaux couverts ruolz argent� avec m�daille d'argent, M.
Fensch. - 3r, six cuillers � caf� ruolz argent� avec m�daille de
bronze, M. Marin. - 4e, trois beaux volumes et un grand portrait
du pr�sident de la R�publique, M. Jacques. - 5e, vingt portraits
des principaux g�n�raux de France, M. Delabar.- 6e, une
surprise, consistant en une belle carte de France, M. Debrie.
Apr�s la distribution des prix et m�dailles, la majorit� des
tireurs a d�cid� de prendre part au concours g�n�ral qui aura
lieu le 15 ao�t prochain entre tous les souscripteurs de la
Soci�t� nationale de Tir des communes de France.
L'initiative da Bl�mont engagera sans doute � l'�tablissement
d'une �cole de tir dans chacune de nos communes fronti�res ; ce
serait une oeuvre patriotique au plus haut point.
Faisons donc comme les Suisses, nos voisins, qui, depuis l'�ge
de 12 ans, sont � peu pr�s s�rs de leur coup de fusil.
Agr�ez, etc.
Un annex�.
25 ao�t 1876
On lit dans l'Eclaireur :
La louable tentative de M. Albert Doll�, pour instituer �
Bl�mont un tir national, a d�j� produit les plus heureux
r�sultats. La f�te qu'�l avait organis�e dimanche dernier, dans
son jardin, avait attir� une foule de monde dont l�empressement
� se rendre au concours de tir, prouve qu'on appr�cie l'utilit�
et la n�cessit� en France, surtout dans les d�partements
fronti�res, de ces sortes d'institutions.
L'ouverture du tir a eu lieu � 8 heures du matin ; pr�s de cent
tireurs ont pris part � la lutte. La distribution des prix et
m�dailles a eu lieu le soir, devant une foule tellement grande,
que le jardin de M. Doll� �tait insuffisant pour la. contenir.
Ceyte distribution �tait pr�sid�e par M. Maillot, en
remplacement de M. Miller, emp�ch� par une indisposition,
assist� du docteur Spire et de M. Marin, conseillers municipaux,
de MM. J. de la Blaye, E. Protche, Miller, directeur de l'usine
� gaz, et Eug. Louviot commissaire du tir.
Voici les noms des laur�ats qui ont �t� vivement applaudis:
1er Prix d'honneur, M. Ren� Florentin. - 2e Prix d'honneur, M.
Alfred Godchot.
1 Prix, M. Didier. - 2e Prix, M.Gangloff - 3e Prix,M. Miller,
directeur de l'usine � gaz. - 4e Prix, M. Cl�ment Thomas. - .5e
Prix, M. Melnotte, �tudiant en m�decine. 6e Prix, M. Armand
Spire. - 7e Prix, M. Boisseau. - 8e Prix, M. Albert Doll�. - 9e
Prix, M. Victor Cloud. - 10e Prix, M. Spire, docteur, conseiller
municipal. - 11e Prix, M. Armand Cuny.
Le soir, � 10 heures, un magnifique feu d'artifice a termin�
cette f�te, � laquelle la population de Bl�mont et des environs
a d'autant mieux pris go�t, que depuis bien des ann�es on
n'avait rien vu de semblable dans cette ville.
La fanfare de trompes, dirig�e par M. Protche, s'est fait
entendre pour la premi�re fois et a �t� vivement applaudie. ;
D'apr�s les renseiguements qui nous ont �t� adress�s de Bl�mont,
chacun des assistants a emport� de cette journ�e un bon
souvenir, ce qui prouve une fois de plus, qu'avec une forte
volont�, inspir�e par le patriotisme et second�e par une
population intelligente, on peut facilement faire prendre le
go�t des tirs communaux � notre brave jeunesse de Lorraine. Ce
qui le d�montre, c'est qu'� l'exemple de Bl�mont, on va fonder
un tir � Cirey et un autre � Valbon Moutiers. Dom�vre va,
dit-on, suivre le mouvement, et M. Albert Dolle nous prie de
faire savoir qu'il tient � la disposition de tous ceux qui
seraient dispos�s � organiser des tirs, tous les renseignements
dont ils pourraient avoir besoin : nous le f�licitons de ce bon
vouloir en faveur d'une grande cause.
1er septembre 1876
Pendant l'avant-derni�re nuit, on a coup� 281 pieds de houblon
dans une propri�t� appartenant � la veuve P..., de Bl�mont. Le
coupable est inconnu.
Un incendie a �clat� chez le sieur Cuny, ma�on � Barbas. Il
�tait absent ainsi que sa femme et ses deux gar�ons. Il ne
restait � la maison qu'un enfant de deux ans.
Le garde champ�tre ayant vu le feu, qui a pris dans un hallier,
a sauv� l'enfant qui se trouvait dans une chambre voisine et
appel� au secours.
Les d�g�ts sont �valu�s � 1,000 fr.; la maison �tait assur�e
pour 8,000.
5 septembre 1876
Un alsacien qui avait habit� Deutsch-Avricourt, il y a six mois,
s'�tait r�fugi� sur le territoire fran�ais � Avricourt, pour ne
pas tomber sous le coup de la loi allemande. La semaine derni�re
il envoya deux de ses amis chercher sa malle et quelques effets
qu‛il avait laiss�s l�-bas. Mais la malle avait �t� fractur�e et
d�valis�e, et une somme de 500 fr. avait �t� vol�e.
20 septembre 1876
On nous �crit de Bl�mont, 18 septembre 1876 :
Je vous adresse ci-dessous le r�sultat du scrutin d'hier pour
l'�lection de quatre conseillers municipaux de Bl�mont.
Electeurs inscrits, 526, non compris les militaires r�servistes.
Volants, 252. - Premier tour. Ont obtenu : Vanier, notaire,
r�publicain, 196 voix, �lu; Isay, manufacturier, id., 120;
Reinstadler, id., 75; Laurent Prosper, id., 58; Colin Eug�ne,
41; Pernet, 38; Protche, 35; Delarue, 33, ballottage.
Au deuxi�me tour, 155 votants. Isay, 107 voix, �lu; Laurent
Prosper, 95, �lu; Reinstadler, 95, �lu; Colin Eug�ne, 21;
Pernet, 15; Protche, 15; Delarue, 11.
C'est un succ�s pour le parti r�publicain qui sera repr�sent� au
conseil municipal de notre ville par une forte majorit�.
Le bruit se r�pand en ville que les quatre conseillers
monarchistes, voyant la d�faite de leur parti, auraient donn�
leurs d�missions.
10 octobre 1876
Un domestique d'Og�viller nomm� F..., qui s'adonnait � la
boisson, s'est suicid� apr�s avoir maltrait� sa soeur dans la
journ�e de dimanche. Le lendemain, � 6 heures 1/2, un
cultivateur, en menant du fumier dans son champ l'a aper�u pendu
� un arbre au bout du village.
8 novembre 1876
On nous �crit de Bl�mont, le 6 novembre 1876 :
Bl�mont poss�de enfin un conseil municipal complet et homog�ne.
Depuis pr�s d'un an notre ville n'avait ni maire ni adjoint.
Deux courageux citoyens se sont d�vou�s pour ces fonctions.
L'honorable M. Brice, conseiller g�n�ral, a accept� la place de
maire et M Barth�l�my, instituteur en cong�, tiendra la place
d'adjoint. Ils seront tr�s-intelligemment aid�s par les membres
du conseil municipal dont le nombre, apr�s plusieurs d�missions
et �lections successives a pu �tre compl�t� hier.
Nous comptons sur leur d�vouement �clair�. Blamont aval besoin
d'une administration jeune, lib�rale et active.
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