Les acteurs Mark Hamill, Carrie Fischer et Harrison Ford en 1977 sur le tournage de "Star Wars IV - Un nouvel espoir" réalisé par George Lucas ©Getty - Sunset Boulevard / Contributeur
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A sa sortie en 1977, "Star Wars" illumine les écrans et le "space opera" révolutionne le cinéma. Biblique, épique ; plus qu’un film, George Lucas a créé avec Star Wars un mythe moderne.

Avec

Œuvre syncrétique, Star Wars, c’est à ce jour trois trilogies : la première, lancée par le père de la saga, George Lucas, qui réalisera le premier épisode - celui de 1977, Un nouvel espoir - et restera scénariste et producteur des deux suivants : L'Empire contre-attaque en 1980 et Le retour du Jedi en 1983.

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La deuxième trilogie, aussi appelée "La Prélogie" - parce qu’elle revient aux prémices de l’histoire - sortira entre 1999 et 2005 et la troisième trilogie, dite "Postlogie" - remonte à 2015 jusqu’en 2019. Avant cela, George Lucas avait réalisé THX 1138 en 1971 et American Graffiti en 1973 et aujourd'hui, à 78 ans, le scénariste, réalisateur et producteur George Lucas peut se targuer d’avoir créé deux des plus grosses franchises du cinéma hollywoodien : Star Wars et Indiana Jones.

Voilà pourquoi en choisissant de revenir aux sources du septième Art, pour cette collection de dix films qui ont changé le monde, nous avons choisi de revenir sur cette saga vue et souvent revue par trois générations de spectateurs - et ce n’est certainement pas fini ! Pourquoi Star Wars a-t-il changé l’histoire du cinéma ? Comment a-t-il modifié notre regard sur l’espace et les grands mythes dont elle s’inspire ?

Le blockbuster assumé

"Avec Star Wars, on sort du Nouvel Hollywood, qui est finissant. On sort définitivement de cette tentative de cinéma hollywoodien de faire du cinéma d’auteur. Star Wars reprend l’idée du blockbuster initiée avec Les Dents de la mer de Spielberg, il reprend aussi l’idée des suites numérotées initiée par Coppola avec Le Parrain. Mais cette fois-ci il ne va pas faire un film pour un public spécifiquement adulte, mais pour un public familial - voire enfantin - qui peut en tout cas être vu par tout le monde. Il y a un nouveau positionnement du cinéma hollywoodien, qui avait perdu de vue cette possibilité dans les années précédentes, et qu’il va reconquérir à partir de Star Wars - le reconquérir car dans les années 50 il y avait des films de cape et d’épée, des péplum, des western. Avec la crise des années 60 à Hollywood ce genre de film en série populaires, familiaux, avait été abandonnée. C’est le grand retour du cinéma de divertissement pour un très grand public et avec un studio derrière." Laurent Aknin

L'acteur Harrison Ford sur le tournage de "Star Wars IV - Un nouvel espoir" (1977), réalisé par George Lucas
L'acteur Harrison Ford sur le tournage de "Star Wars IV - Un nouvel espoir" (1977), réalisé par George Lucas
© Getty - Sunset Boulevard / Contributeur

Un genre spécifique : le "space opera"

Ces films sont souvent classés dans le genre de science-fiction, mais ils appartiennent plutôt à une niche très particulière que est le "space opera". Selon Catherine Dufour, cette catégorie peut être classée comme un sous-genre de la science-fiction, ou comme de la fantasy : ce qui est au devant de la scène n’est pas un substrat scientifique, c’est le dépaysement, l’exotisme, le "bigger than life". Il y a également un rapport tout particulier aux avancées technologiques :

"Ce n'était pas évident de faire des robots, des intelligences artificielles qui ne soient pas hostiles. On sortait entre autres de “hal”, l’ordinateur de 2001 : L’Odyssée de l’espace ... Avec Star Wars, les robots sont charmants ! R2D2 parle tout le temps dans un langage mignon que tous les personnages comprennent sauf nous, les spectateurs, et ça permet de placer les personnages sur un autre plan d’une façon aussi subtile que de les faire se promener dans un désert lambda mais où il y a deux soleils ; ces décalages sont très fins." Catherine Dufour

Star Wars, miroir des États-Unis

Mais Star Wars c'est aussi, et surtout, selon Thomas Snégaroff, un miroir de son époque :

"George Lucas nous fait croire que c’est de la science-fiction alors que c’est un film sur l’histoire des Etats-Unis. Star Wars est une grande saga parce que ce sont des films qui nous regardent, ça nous concerne ; avec ce film j’étais avec Thomas Paine, j'étais au XVIIIème siècle, avec les pères fondateurs des Etats-Unis. La République, l’Empire, c’est de l’histoire américaine. Il y a l'idée d’une République parfaite pensée par les "pères fondateurs" qui se serait perdue dans un hubris impérialiste. Au moment de l’écriture du Ve épisode, en 78-79, quand George Lucas et les scénaristes écrivaient la suite, ils ont demandé à George Lucas de qui devait être inspiré Palpatine. Les scénaristes avaient des propositions - d'Hitler à Staline - et Lucas a répondu non, il faut penser à Richard Nixon. Il y avait donc d'emblée un double piège : tout d'abord de penser que ça se passe dans une autre galaxie, il y a très longtemps, alors que c’est très humain ; ensuite, de dire que c’est une métaphore de Staline, des fascismes, alors que ça raconte l’histoire des Etats-Unis, d’une Nation-République qui par son hubris est tentée par l'impérialisme. À partir du moment où on se pense comme une nation exceptionnelle avec une vocation à diffuser ses valeurs à l’universel, il y a la tentation de l’Empire en permanence. Quand il y a cette tentation il y a le risque de se perdre, et c’est ce que raconte Star Wars : une République qui se perd, dont il faut retrouver le "père fondateur". La première trilogie, c’est clairement la guerre du Vietnam, la deuxième c’est l’Irak. Les deux trilogies marquent des moments où l'Amérique se perd dans des guerres impérialistes."

Pour en parler :

  • Laurent Aknin , historien du cinéma, spécialiste de Star Wars, auteur notamment de Star Wars, Une saga, un mythe (Vendémiaire, 2015)
  • Catherine Dufour , romancière, auteure de science-fiction
  • Thomas Snégaroff , historien spécialiste des Etats-Unis, auteur de Star Wars, le côté obscur de l'Amérique

Pour aller plus loin :

Star Wars, Une saga, un mythe* de Laurent Aknin (Vendémiaire, 2015)

  • Mythes et idéologie du cinéma américain de Laurent Aknin (Vendémiaire, réédité en 2014)
  • Star Wars, le côté sombre de l'Amérique de Thomas Snégaroff (Armand Colin, 2018)
  • Les films Star Wars sont disponibles en VOD.

Références sonores :

  • Interview de George Lucas avec Leonard Maltin en 1995 à l'occasion de la sortie en DVD de la trilogie Star Wars, disponible en ligne
  • Entretien sur le plateau de Spécial cinéma de la RTS à l'occasion de la sortie d' Un nouvel espoir en 1977, disponible en ligne
  • Le masque et la plume, diffusé sur France Inter le 21/10/1977
  • Interview d'Harrison Ford disponible en ligne
  • Reportage sur France 2 autour de la Guerre des étoiles, disponible sur le site de l'INA , 1977

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