En France, en 2024, les élus locaux ont subi 2 501 atteintes. Les maires et les conseillers municipaux représentent 82% des victimes recensées. Face au risque, certains élus s'équipent désormais de boutons d'appel d'urgence.
Il balaye sans cesse du regard la place sur laquelle nous nous sommes donnés rendez vous, face à l'hôtel de ville de Dugny, commune de 11 000 habitants en Seine-Saint-Denis, où Faouzy Guellil est élu d'opposition. "Depuis quelque temps, on recevait un certain nombre de menaces, de courriers anonymes. J'avais déjà dit à mes collègues, à mes proches collaborateurs que je sentais qu'il allait m'arriver quelque chose."

On est le 28 février, il est environ 18 h 30 quand l'élu socialiste rentre chez lui. Il sort de sa voiture et aperçoit deux hommes cagoulés au bout de sa rue. "Je me retourne et c'est là que je vois ces deux individus qui accélèrent et qui viennent à fond sur moi. Et c'est là qu'ils me tombent dessus. Ils m'assènent des coups et me tabassent devant chez moi, de manière très violente. J'arrive à rentrer à la maison et je les vois qui s'arrêtent à côté de mon véhicule. Ils l'ont aspergé d'essence et ils ont brûlé mon véhicule."
L'élu dépose plainte. Deux hommes sont retrouvés. Le premier est condamné et placé en détention, le second relâché, faute de preuves. Une enquête est toujours en cours. "Mes agresseurs sont toujours en liberté et je ne cache pas que quand je rentre à la maison, je fais le tour, je regarde à droite, à gauche. Je ne suis pas à l'abri qu'il y ait une récidive."
Un bouton d'appel d'urgence
Pour l'aider, la préfecture lui propose alors un nouveau dispositif en cours d'expérimentation. Un petit bouton d'appel d'urgence que Faouzy Guellil accepte. "Maintenant, je l'ai toujours dans ma poche. C'est un tout petit bouton, ça paye pas de mine. Si demain vous vous sentez une agression et vous appuyez deux fois sur le bouton ça envoie un signal grâce à une application qui s'appelle Mon Chérif, avec une géolocalisation".

Un coup de pouce qui ne rassure pas entièrement l'élu : "C'est un début, mais je pense qu'il faut qu'on aille beaucoup plus loin. On approche des élections municipales 2026 et la tension va monter. C'est juste un bouton où je dois appuyer mais si la personne me tire dessus c'est fini pour moi. J'ai pas le temps d'appuyer." Ce dispositif ne règle pas non plus l'inquiétude de ses proches. Ses enfants restent traumatisés de cet évènement. Mais pourtant, l'élu reste déterminé à poursuivre son engagement.
Ce qui est arrivé à Faouzy Guellil, cela a en tout cas été un déclencheur pour d'autres élus autour de lui, à commencer par le maire de Stains, Azzédine Taïb."Il y a eu un avant et un après. Et là je peux vous dire, je suis très très peur. Je me dis ce sera qui le prochain?", se souvient le maire qui a donc décidé de s'équiper lui aussi d'un bouton. Il le garde toujours dans sa poche, mais n'aurais jamais pensé en arriver là. Moi qui milite pour une société plus fraternelle, pour une société autonome, jamais j'aurais imaginé me promener avec ça."

Elu en 2014, l'élu communiste a vu cette violence grandir. Des lettres d'insultes, de menaces. Avant, il n'en recevait jamais. Mais malgré tout, il se dit encore plus déterminé à poursuivre son action. "Je ne laisserai rien passer. Chaque courrier, même anonyme, chaque parole violente, je ne laisse rien passer : je dépose plainte."
Il ajoute : "Je suis inquiet parce que quand j'échange avec les maires, je vois l'évolution. De plus en plus des maires ont déjà baissé les bras en disant j'arrête tout, c'est pas possible. On est face à une société qui est malade, on est face à une République qui va mal parce que quand on s'attaque à un maire, un élu, on s'attaque à la République."
Un climat de tension exacerbé
Après plusieurs mois d'expérimentation, les boutons d'appel d'urgence sont en train d'être généralisés sur tout le territoire pour que chaque département en dispose de vingt d'ici la fin de l'année, d'après les prévisions du CALAE, le Centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus.
Pour sa directrice Hélène Debiève, interrogée dans cet épisode, "le chiffre de 2501 faits de violence est en baisse de 9,5% par rapport aux années précédentes de 9,5 % , sachant qu'on reste quand même dans un volume qui est important, préoccupant et qui traduit concrètement entre 30 et 40 dépôt de plainte par semaine."
D'après elle, "ce phénomène n'est pas nouveau en tant que tel parce que des incivilités, des difficultés entre le maire et ses administrés, ça a toujours un peu existé. En revanche, ce qui est plus nouveau, c'est le chemin de la violence qui est emprunté de façon plus directe, presque plus systématique. Cela traduit un climat de tension et de banalisation de la violence dans l'ensemble de la société."
Pour répondre à ce sentiment d'insécurité, l'Etat a mis en place des dispositifs. Il y a ces boutons d'appels d'urgence, mais aussi un Pack sécurité "une forme de boîte à outils" à destination des édiles. Enfin, sur le plan législatif, la loi du 21 mars 2024 pour la protection des élus a permis d'après la directrice du CALAE "d'augmenter le type de réponse judiciaire lorsqu'on s'attaque à un élu, au même titre que si on s'attaquait à un représentant de la force publique."
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