
Épisode 1/5 : Une ménagerie maritime
Edward Prendick réchappe de peu à un naufrage dans le Pacifique. Le navire qui le recueille transporte une étrange cargaison de bêtes sauvages. Sur l’île sans nom où on le débarque, Prendick devient l’hôte involontaire d’un certain Moreau.26 mai
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28 min
Épisode 2/5 : Dans la forêt
Avec son adjoint Montgomery, le docteur Moreau, adepte de la vivisection, se livre à de cruelles expériences sur un puma. Les hurlements du fauve poussent Prendick à s’éloigner vers la jungle. Là, il tombe nez à nez avec des créatures mi-animales mi-humaines.27 mai
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28 min
Épisode 3/5 : Moreau s'explique
Horrifié par ce qu’il a vu dans le laboratoire de Moreau, Prendick se réfugie dans la jungle. Il y rencontre un Homme-Singe qui le mène aux huttes, où vivent les créatures façonnées par Moreau. Elles exhortent Prendick à réciter avec elles une litanie de lois.28 mai
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28 min
Épisode 4/5 : Le goût du sang
Les tentatives de Moreau pour façonner des êtres rationnels à partir de bêtes sauvages ont échoué. Cédant à leurs instincts, ses créatures régressent vers la bestialité. Apprenant que l’une d’elles s’est acharnée sur un lapin, Moreau décide de faire un exemple.29 mai
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28 min
Épisode 5/5 : La régression du Peuple Animal
Après la mort de Moreau, tué par le puma échappé du laboratoire, Prendick et Montgomery se retrouvent aux prises avec les créatures de l’île. Elles ne sont pas les seules à régresser : Montgomery, qui a perdu son maître en la personne de Moreau, devient de plus en plus encombrant pour Prendick.30 mai
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28 min
À propos de la série
Tout comme le colonisateur essaie d’obtenir une nouvelle créature – le "sauvage" civilisé –, le Dr Moreau tente de créer l’animal humanisé.
À la fin du dix-neuvième siècle, dans le Pacifique sud, Edward Prendick est l’unique rescapé d’un naufrage. Le navire qui le recueille transporte – étrange cargaison – une ménagerie d’animaux sauvages. Requinqué par un ex-étudiant en médecine nommé Montgomery, Prendick échoue sur une île sans nom, en compagnie de son sauveur et des bêtes. Il y fait la connaissance du docteur Moreau, un scientifique dont les expériences de vivisection sur des animaux ont choqué l’Angleterre et l’ont conduit à l’exil. Loin du monde civilisé, Moreau poursuit ses expériences, obtenant des résultats que Prendick découvre avec horreur…
"L’étude de la Nature finit par rendre l’homme aussi impitoyable que la Nature." (extrait de L’Île du docteur Moreau de H. G. Wells)
L’Île du docteur Moreau dans et au-delà de son temps
Paru en 1896, L’Île du docteur Moreau est la deuxième des « scientific romances » de H. G. Wells, écrite après La Machine à explorer le temps et avant L’Homme invisible. À l’époque de Wells, on ne parle pas encore de science-fiction (le terme apparaît aux États-Unis une trentaine d’années plus tard). Mais ce que Wells appelle ses scientific romances relève bien de la science-fiction, genre dont il est un des grands précurseurs. En janvier 1895, le jeune Herbert George Wells, diplômé en zoologie, publiait dans la Saturday Review un article intitulé « Les limites de la plasticité individuelle ». On y lisait notamment : « Si l’on accepte les justifications de la vivisection, nous pouvons imaginer comme possible dans le futur des chirurgiens, armés de la chirurgie antiseptique et d’une connaissance sans cesse plus parfaite des lois de la croissance, modelant les êtres vivants pour leur donner les formes les plus extraordinaires ; il sera même possible de ressusciter les monstres de la mythologie. » Un an plus tard, L’Île du docteur Moreau fait de cette hypothèse un roman. Non content d’inaugurer avec ce livre une des veines les plus fécondes de la science-fiction, celle du savant tout-puissant qui se livre à des manipulations génétiques, Wells, dans des scènes saisissantes, y parodie l’instinct religieux en suggérant qu’il n’est qu’une forme de conditionnement. L’audace du propos vaudra à son roman de ne pas être prépublié en feuilleton, par crainte de choquer les lecteurs de l’Angleterre victorienne. Dans une préface à la réédition de ses scientific romances, Wells décrira lui-même L’Île du docteur Moreau comme « un exercice de blasphème juvénile ». Reste que, plus d’un siècle après sa parution, le péché de jeunesse de Wells est devenu un incontournable. Admiré, assimilé voire phagocyté par tout ce que la science-fiction compte de grandes plumes, adapté trois fois au cinéma de façon plus ou moins heureuse, ce livre appartient aujourd’hui, comme le prédisait Borges, à « la mémoire générale de notre espèce ». Peut-être aussi, peut-être beaucoup, parce que les risques de l’expérimentation scientifique imaginés par Wells ne sont plus une fable mais « Une Possibilité » – c’était le sous-titre du roman en 1896. Comme le remarque l’éditeur Gérard Klein, « ce ne sont pas tant les auteurs de Science-Fiction qui ont été des visionnaires. Ce sont les hommes de science (et les appareils d'état qui les financent) qui ont su rendre opératoires les désirs qu’avaient pointés et que désignent encore les auteurs de Science-Fiction » (préface à L’autre île du Dr Moreau de Brian Aldiss, Livre de Poche 1996). L’Île du docteur Moreau, grande œuvre de science-fiction ? Non : roman réaliste.
Stéphane Michaka

Réalisation : Mélanie Péclat
Traduit de l’anglais et Adapté par Stéphane Michaka
Conseillère littéraire : Emmanuelle Chevrière
Avec : Jeremy Lewin (Prendick), Daniel Kenigsberg (Docteur Moreau), Bruno Paviot (Montgomery), Ivan Cori (Maling), Lula Paris (Eleanor Prendick), Johanna Nizard (la Femme-Puma), Emilie Chertier (le Buveur au ruisseau), Makita Samba (le Réciteur des Lois), Lisa Blum (la Femme-sanglier 1), France Jolly (la Femme-sanglier 2), Rose Noël (la Femme-sanglier 3), Yannick Landrein (l’Homme-Singe), Joaquim Fossi (la Hyène-Porc), Tiphaine Rabaud-Fournier (le Petit-Paresseux), **Maria-Christina Mastrangeli (**une Veilleuse), Lucas Bonnifait (le Satyre), Laura Tinard (la Femme-loup 1), Christine Culerier (la Femme-loup 2), Ariane Zantain (la Femme-loup 3), Anouk Tricheur (l’Ourse-Renarde), Vincent Odetto (L’Homme-Léopard), Régis Vallée (l’Homme-Chien), Simon Rodrigues (le Cheval-Rhinocéros), Zoon Besse (le capitaine Davis), Jeremias Nussbaum (Helmar), Antoine Croset (le Marin Bègue), Céline Liger (l’Éditorialiste), Juliette Launay (la Dame de salon 1), Léone Metayer (la Dame de salon 2), Marion Lambert (la Dame de salon 3)
Et les voix de Leslie Bourdin, Adil Mekki, Emmanuelle Bouaziz, Caroline Mounier, Leilani Lemmet, Damien Paisant, Eugénie Bernachon, Suzanne Raimbault
Musique originale : Corentin Nit Kerdraon
Interprétation : Corentin Nit Kerdraon et Stéphane Bellity
Bruitage : Bertrand Amiel, Aurélien Bianco
Prise de son, montage et mixage : Pierre Henry et Timothée Hubert
Assistante à la réalisation : Claire Chaineaux
Note d'intention de l'adaptateur
L’Île du docteur Moreau est une œuvre qui agit puissamment sur notre psyché. Le malaise spécifique qu’elle procure repose en grande partie sur sa dimension sonore : le hors-champ d’une sauvagerie qui se révèle, par glissements, bien plus humaine qu’animale. Journal d’un naufragé, le récit de Prendick est l’antithèse de celui de Robinson Crusoé dans le roman de Defoe. Au fil des jours, Prendick voit son humanité se défaire, et l’idée de civilisation disparaître dans une jungle étouffante. L’île de Moreau est un précipité concret – en sons, en images, en symboles – de la théorie darwinienne de l’évolution, passée au crible de l’imagination de Wells. Un précipité aussi de la cruauté humaine face à son propre « être-animal ». J’ai pris la liberté, pour cette adaptation radiophonique – la première en français depuis la parution du roman –, de donner plus de voix aux Créatures mi-animales mi-humaines de Moreau. Elles deviennent ici conteuses, récitantes, à part égale avec le protagoniste principal. Pour les faire entendre, la réalisatrice Mélanie Péclat a mené, avec ses comédiennes et comédiens, un travail de troupe qui permet à nos oreilles de passer du laboratoire de Moreau aux huttes des Créatures, réinventées ici comme des « conteurs-veilleurs ». Bref, comme des humains qui aspirent à comprendre le monde qu’ils habitent.
Stéphane Michaka

Regards sur H. G. Wells et sur L’Île du docteur Moreau
"Dans la vaste et diverse bibliothèque [que H. G. Wells] nous a laissée, rien ne me séduit plus que l’histoire de quelques miracles atroces, comme The Time Machine, The Island of Dr. Moreau, The Plattner Story, The First Men in the Moon. Ce sont les premiers livres que j’ai lus ; ce seront peut-être les derniers que je lirai… Je pense qu’ils s’incorporeront, comme la fable de Thésée ou celle d’Assuérus, à la mémoire générale de notre espèce et qu’ils fructifieront dans son sein, quand aura péri la gloire de celui qui les écrivit, et la langue dans laquelle ils furent écrits. » (Jorge Luis Borges, « Le premier Wells" in Autres inquisitions, Gallimard 1957, 1952 pour le texte original en espagnol)
" L'Île du docteur Moreau peut se lire comme une histoire du colonialisme. Tout comme le colonisateur civilise les races [qu’il considère comme] inférieures et plus animales à coups de fouet, le Dr Moreau civilise les animaux par la torture. Tout comme le colonisateur essaie d’obtenir une nouvelle créature – le sauvage civilisé –, le Dr Moreau tente de créer l’animal humanisé. Dans les deux cas, le moyen est la terreur. Tout comme Kurz le personnage d’Au cœur des ténèbres, novella de Joseph Conrad parue en 1899, le Dr Moreau enseigne à ses créatures à l’adorer comme un dieu." (Sven Lindqvist, Exterminez toutes ces brutes ! Un voyage à la source des génocides, Les Arènes 2007, 1992 pour le texte original en suédois)
" C’est d’abord un puma qui vient jeter le trouble dans l’ordre des espèces, le félin étant doté d’une voix lui permettant d’articuler toute la souffrance de l’animal soumis aux caprices du docteur Moreau. La voix, voilà bien ce qui introduit le doute chez le narrateur, incapable de décider si c'est l’homme qui est mélangé à l’animal ou le contraire. [Lorsque le narrateur-naufragé] regagne enfin la civilisation, il ne peut s’empêcher de penser que les humains qu’il côtoie retrouveront à leur tour leur forme primitive. Il est donc lui aussi contaminé par l’inquiétante étrangeté, infecté par le queer, dit sans cesse le texte anglais. " (Frédéric Regard, préface à Romans de H. G. Wells, Litera / Gallmeister 2024)
Herbert George Wells est né à Bromley dans le Kent en 1866. Issu d’un milieu modeste, il échappe à un destin tout tracé en se passionnant pour la lecture et l’apprentissage de la science. Sa rencontre avec T. H. Huxley, disciple de Darwin, sera décisive. Après avoir enseigné la biologie, le jeune Wells se lance dans l’écriture. En quelques romans, il pose les bases de la science-fiction moderne : du voyage dans le temps (La Machine à explorer le temps, 1895) à l'invasion extraterrestre (La Guerre des mondes, 1898) en passant par les dérives de l’expérimentation scientifique (L’Île du docteur Moreau, 1896, et L’Homme invisible, 1897). Sa notoriété ne cessera de croître et lui vaudra de rencontrer aussi bien Staline que Franklin D. Roosevelt. Jusqu’à sa mort en 1946, il s’attache à développer, dans de nombreux essais de prospective, le même constat : l’avenir de l’humanité est "une course entre l'éducation et la catastrophe " . (Esquisse de l'Histoire universelle / The Outline of History, 1920)
Romancier et auteur dramatique, Stéphane Michaka a étudié la littérature et le théâtre à Cambridge (Royaume-Uni) avant de partir enseigner le français en Afrique du Sud. Il a signé pour France Culture les textes de plusieurs concerts-fictions mis en musique par l’Orchestre National de France, dont Alice & merveilles (coédité en livre-disque par Radio France et Didier Jeunesse), Vingt mille lieues sous les mers et Moby-Dick (coédités en livre-disque par Radio France et Gallimard Jeunesse). Son dernier roman, De larmes et d’écume, vient de paraître chez Pocket.
Provenant de l'émission
Un rendez-vous destiné au grand public. Ces fictions auront pour mission de nous émouvoir, nous divertir, nous intriguer. Dramatiques radiophoniques, lectures, scénarios, adaptations, pages arrachées, toutes les formes radiophoniques et toutes les époques sont conviées pour conter une histoire.
