Toma Changeur, co-gérant de la boutique Balades Sonores, dans le quartier de Montmartre ©Radio France - Louis-Valentin Lopez
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Des disquaires présentent ce mercredi une toute nouvelle association : l'Association des Disquaires Indépendants Neufs (Adin).Une initiative accompagnée par le ministère de la Culture, pour défendre un secteur "passionné mais fragilisé". Reportage.

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Notre reportage commence en Bourgogne. Nous sommes accueillis par la trompette de Miles Davis et le grand sourire de la gérante, Camilla Patruno. Depuis sept ans, cette dernière tient avec passion sa boutique à Tonnerre, commune rurale du département de l'Yonne, et son sourire s'affaisse un peu quand on lui demande comment vont les affaires : "Ça va très très mal. De mon côté, cela fait environ neuf mois que les ventes baissent". Les causes sont nombreuses : "Il y a eu la guerre en Ukraine, les augmentations du coût des matières premières, puis du prix des transport, des marchandises, l'inflation au niveau national... Et bien évidemment, je ne vous apprends rien, la concurrence des plateformes numériques". Il faut ajouter à cela la concurrence des grandes surfaces : "Certes, l'offre est complètement différente. Mais il y a deux points de ventes de disques à 350 et 500 mètres de moi, dans les centres commerciaux".

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Heureusement, comme beaucoup de ses confrères et consœurs, Camilla n'est pas que disquaire : "C'est le mélange de salon de thé, papeterie, livres et disques qui fait que le lieu tient la route depuis sept ans. Je m'accroche ! Mes clients habituels ne me lâchent pas, parce que nous sommes des pôles de vie socioculturels ancrés dans le local. Nous garantissons une biodiversité culturelle exceptionnelle parce que nous ne sommes pas comme les algorithmes : nous sommes capables de vous faire découvrir des choses, de vous faire sortir de votre zone de confort. Ou alors nous vous connaissons si bien que nous savons ce qui va vous plaire, ou ce qui pourrait vous plaire."

Parmi les clients fidèles, beaucoup de Parisiens qui ont une maison secondaire ici, mais pas que. Véronique, elle, habite une commune voisine : "J'ai déjà acheté des disques ici, un disque des Beatles et peut-être un de Michael Jackson si je me souviens bien". Et elle choisit de privilégier le commerce de proximité aux grandes enseigne : "On n'y trouve pas la même offre, donc c'est ici qu'il faut venir. Si je devais aller quelque part, j'irais peut-être à la Fnac, mais pour ça il faut se rendre à Dijon ou à Paris, ce n'est pas très pratique."

"Le panier moyen ne cesse de se réduire depuis 5 ans"

À Paris, justement, les disquaires ne vont pas beaucoup mieux. Illustration chez Balades Sonores, un disquaire emblématique du quartier de Montmartre. "Le panier moyen ne cesse de se réduire depuis cinq ans", observe Toma Changeur, le gérant : "Les gens font beaucoup plus attention car le coût de la vie ne cesse d'augmenter, c'est de plus en plus dur à Paris. Donc quand on vient chez Balades Sonores, et qu'on avait pour habitude d'acheter trois disques il y a cinq ans, aujourd'hui on ne va peut-être n'en acheter plus qu'un." À Paris, les disquaires sont confrontés aux mêmes problématiques que celles évoquées par Camilla : hausse du coût des matières premières, augmentation des coûts de stockage, de transport, de douane... Ce qui conduit inévitablement à une hausse des prix : "Quand un disque coûtait 20-25 euros en moyenne il y a 10 ans, et qu'aujourd'hui une nouveauté peut être à 29, 35, 39 euros, on ne va acheter qu'un disque à 39 euros, alors qu'à l'époque on aurait pu en acheter deux à 25."

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Et c'est d'autant plus frustrant que les amateurs de vinyles sont de plus en plus nombreux à arpenter les allées de la boutique, souligne Toma Changeur : "Je suis tellement convaincu que le retour du vinyle est plus qu'un effet de mode, et je suis intimement convaincu que le maintien du support physique est un vrai besoin. Notre clientèle est si éclectique, si diversifiée, avec des profils de plus en plus jeunes." Des profils comme Marie, amatrice de pop, de rock et parfois d'électro, en train de fouiller dans un bac : "J'ai commencé à collectionner des vinyles il y a 2-3 ans, maintenant j'ai une bonne collection. L'objet compte beaucoup pour moi. Je préfère soutenir un petit commerce comme ici, chez Balades Sonores, plutôt que d'acheter à la Fnac ou chez Cultura."

"Nous unir pour faire porter notre voix"

C'est donc pour soutenir le secteur qu'une association, l'Association des Disquaires Indépendants Neufs (Adin), est créée aujourd'hui. "Cette association est née suite à la disparition du Gredin, qui était le syndicat des disquaires indépendants. Nous n'avions plus d'association ou de syndicat pour nous représenter", explique Franck Pompidor, le président de l'Adin : "C'est un métier de niche, très concurrencé, malheureusement précaire pour beaucoup d'entre nous. Nous allons essayer de nous unir pour faire porter notre voix auprès des institutions, de la profession, des distributeurs, des labels, du grand public ou encore des médias".

Il va maintenant falloir contacter les disquaires pour les convaincre d'adhérer à l'association. Pas une mince affaire, selon Franck Pompidor : "Je pense que ça va être un peu compliqué, car les disquaires n'ont jamais été fédérés, ou très peu. Ils travaillent tous beaucoup, et seuls. Il n'y a pas de culture de fédération, donc c'est un vrai challenge". L'association espère mutualiser les savoir-faire des disquaires, et également observer, documenter leur réalité économique. Il y aurait aujourd'hui environ 300 disquaires indépendants en France, soit près de dix fois moins qu'au début des années 80.

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