Durant l’âge du fer, entre le 8ᵉ et le 1ᵉʳ siècle avant notre ère, les populations gauloises se construisent des habitations par milliers. Des constructions en terre ou en bois à l'influence de l'architecture romaine, l'archéologie dessine un portrait renouvelé de la maison gauloise.
- Mélanie Marcel, archéologue, responsable d’opération adjointe chez Études et valorisations archéologiques (Éveha)
- Pierre Péfau, docteur en archéologie, chargé de recherche CNRS à l’Institut de Recherche sur l’architecture antique
Au moment d’évoquer l’habitat des Gaulois et des Gauloises, nous sommes tributaires de notre imaginaire. Ce qui nous vient en tête est "un village peuplé d'irréductibles Gaulois [qui] résiste encore et toujours à l'envahisseur." Les albums des aventures d'Astérix nous montrent des habitations, couvertes de chaumes, avec de la fumée qui sort de la cheminée. À quoi ressemble vraiment la maison gauloise ?
Bois, chaume, brique et enduit
Dès le 1ᵉʳ siècle avant notre ère, des auteurs latins parlent des habitations gauloises et en formulent une vision misérabiliste. Dans son livre De architectura, écrit vers 30-20 avant notre ère, l’auteur romain Vitruve assimile l’habitat gaulois à des constructions barbares. Les fouilles archéologiques permettent de déconstruire ce mythe tenace de la hutte gauloise. Jusqu'au 1ᵉʳ siècle avant notre ère, avant la conquête romaine, les habitations gauloises sont généralement construites en bois de chêne selon une architecture sophistiquée. "Le sol, en terre le plus souvent, est parfois sur des niveaux de préparation. Ce n'est pas quelque chose de rustique, contrairement à une idée reçue. Des chapes de cailloux ou de tessons d'amphore réutilisés permettent de faire une isolation du sol intérieur", décrit Pierre Péfau, docteur en archéologie, chargé de recherche CNRS à l’Institut de Recherche sur l’architecture antique. "Il ne faut pas imaginer quelque chose de primitif. Il y a des enduits sur les murs, donc des couleurs à l'intérieur, et des poteaux sculptés."
Sur le littoral méditerranéen, les constructions sont fabriquées en brique de terre crue. Importée du monde grec et ibère, cette brique se développe grâce aux échanges commerciaux au fur et à mesure des siècles. Les maisons sont construites généralement pour des activités domestiques. Certaines habitations ont aussi pour fonction l’artisanat.
À écouter
Pas de sanglier à la table gauloise ?
Les vestiges archéologiques des maisons gauloises sont assez mal conservés. Les archéologues se tournent alors vers l'anthropologie sociale et l'ethnographie pour rechercher éléments de réponses, sans tomber dans l'écueil du comparatisme. "On va voir dans d'autres sociétés comment est mise en œuvre, aujourd'hui, [la] technique [de la terre crue], combien de temps, il faut pour construire une maison, combien de personnes et d'énergie cela demande. Cela donne des éléments pour mieux comprendre les sociétés du passé", explique l'archéologue Mélanie Marcel.
La connaissance de l’intérieur des maisons est souvent difficile pour les archéologues. L’habitat gaulois est composé d’une pièce centrale qui sert à de multiples activités, en particulier la cuisine ou le rassemblement de personnes. Les autres pièces de la maison sont dédiées au stockage des aliments. L’approvisionnement en eau se fait via des puits creusés à côté de l’habitat. Un foyer chauffe et éclaire la maison gauloise. Dans les habitations rurales, la famille coexiste avec les animaux, qui sont des sources de chaleur. Une partie de la maison est en effet dédiée à l’étable. À la table gauloise trônent les viandes telles que le bœuf, le porc, le mouton ainsi que des céréales comme le blé et l’orge. Les sangliers sont consommés surtout par une élite gauloise qui pratique la chasse de la faune.
Le début de l’occupation romaine
Avec la conquête romaine de la Gaule, à partir de 58 avant notre ère, le schéma architectural de la maison gauloise évolue considérablement. Le modèle de la domus romaine se développe dans de nombreuses maisons, en particulier parmi l’élite politique et économique. De nombreuses maisons sont construites avec la technique de la maçonnerie en pierre. Sur le littoral méditerranéen, des maisons à cinq pièces organisées autour d’une cour centrale apparaissent. Malgré les transformations de l’architecture gauloise durant la période romaine, de nombreuses populations de la Gaule césarienne continuent d’habiter dans des habitations en bois et en terre. À l’encontre de l’imaginaire contemporain et du mythe d’une civilisation romaine qui aurait fait progresser la Gaule, les fouilles archéologiques récentes montrent que la construction en terre et en bois se perpétue longtemps après l’arrivée des Romains.
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Pour en savoir plus
Mélanie Marcel est archéologue, responsable d’opération adjointe chez Études et valorisations archéologiques (Éveha), spécialiste des vestiges en terre crue. Elle est associée au laboratoire Archéologie des Sociétés Méditerranéennes à Montpellier.
Elle est l'autrice d'une thèse soutenue en 2022 et intitulée : "La maison en Gaule méditerranéenne (VIIᵉ-IIᵉ siècle avant notre ère) : perspectives anthropologiques d’un objet social", sous la direction d’Éric Gailledrat à l’université Paul-Valéry Montpellier 3.
Pierre Péfau est docteur en archéologie, chargé de recherche CNRS à l’Institut de Recherche sur l’architecture antique.
Il est l'auteur d'une thèse soutenue en 2021 et intitulée : "Construire dans les agglomérations gauloises : l’architecture des bâtiments du Second âge du Fer en Gaule interne, approche technique et socio-économique", sous la direction de Pierre-Yves Milcent à l’université Toulouse-Jean Jaurès.
Références sonores de l’émission
- L’archéologue Albert Grenier dans l'émission "Heure de culture française", RTF, 5 janvier 1956
- Lecture d’un extrait de De architectura de Vitruve, livre II, 1ᵉʳ siècle avant notre ère,lu par Anna Holveck
- Lecture d’un extrait de la Géographie de Strabon, livre IV, 4, lu par Thomas Beau
- Mathieu Soudait, médiateur de la Villa romaine de Montmaurin, Midi Atlantique, 12 janvier 2016
- Chanson "Les Gaulois" interprétée par Annie Cordy
- Extrait du film Astérix : Le Domaine des dieux de Louis Clichy et Alexandre Astier, d'après l’œuvre de René Goscinny et Albert Uderzo, 2014
- Le cuisinier Yves Audiard donne la recette médiévale de l'apéritif au dessert : l'apéritif "Hippocrate" dans l'émission "Caméra gourmande", Centre Est, 18 juin 1988
Générique : "Gendèr" par Makoto San, 2020
L'équipe
- Animateur et historien, producteur de l'émission "Le Cours de l'histoire" sur France Culture
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- Solène RoyCollaboration


