Des podiums militants aux vitrines discrètes, la mode recule dans son activisme LGBTQ+ : redoutant polémiques et boycotts. Loin de son audace passée, luxe et prêt-à-porter optent pour la discrétion.
Dans cette chronique du Fil pop culture de France Culture, Yvane Jacob interroge l’évolution du rapport entre mode et militantisme LGBTQ+. En ce mois de juin 2025, les vitrines arc-en-ciel se font rares, là où les maisons de couture multipliaient autrefois les collections "Pride". Selon l'étude "Pride Pulse Insights" de l’organisation Gravity Research, 39% des entreprises envisagent de réduire leur participation aux événements LGBTQ+ cette année. Pourquoi ce désengagement après des décennies où la mode incarnait l’avant-garde, osant provoquer et défendre des causes ? Entre peur des polémiques amplifiées par les réseaux sociaux et calculs économiques, l’industrie semble s’orienter vers plus de prudence. Ce recul interroge : la mode, jadis moteur de contestation, devient-elle aujourd’hui conservatrice ?
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Quand la mode osait la provocation
La mode n’a pas toujours été frileuse. Dans les années 1980, elle était un terrain de rébellion. Jean-Paul Gaultier envoyait des hommes en jupe sur les podiums, Thierry Mugler faisait défiler des artistes queer, Versace et Moschino soutenaient ouvertement les associations de lutte contre le sida. Selon Yvane Jacob : "La mode osait dire ce que la société jugeait tabou". Plus récemment, au moment du mouvement Black Lives Matter, les attentes des consommateurs semblaient limpides : les gens valorisaient les marques qui épousaient leurs valeurs. En 2021, selon Ipsos, 60 % des Français disaient privilégier une marque engagée. La politisation de la mode connaissait alors un nouvel élan. Mais cet élan s’accompagne aujourd’hui d’un 'backlash'.
À écouter
De l’activisme à la polémique permanente
Aujourd’hui, chaque prise de position déclenche immédiatement des polémiques, amplifiées par les réseaux sociaux. L’exemple de Bud Light aux États-Unis en témoigne : son partenariat avec une influenceuse transsexuelle a entraîné un boycott massif, forçant la marque à reculer. Les chercheurs Caroline Ardelet et Benjamin Simmenauer évoquent des "injonctions contradictoires" : les consommateurs réclament des engagements clairs, mais dénoncent en même temps l’opportunisme commercial. Trop timide, une marque est accusée de lâcheté ; trop voyante, elle est soupçonnée de manipulation. Résultat : les grandes maisons adoptent des stratégies discrètes, se contentant de messages feutrés en ligne ou de dons sans communication. (...)
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